Époque hellénistique

époque de la Grèce antique et de la Méditerannée
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L'époque hellénistique est une période chronologique de l'histoire antique, une phase de l'histoire de la Grèce antique mais également de celles des autres civilisations qui sont alors dominées par des dynasties d'origine gréco-macédonienne (Égypte, Phénicie, Mésopotamie, Perse, etc.). Elle s'étend de la fin de l'époque classique, soit la mort d'Alexandre le Grand en 323 av. J.-C., à la défaite de Cléopâtre VII à la bataille d'Actium en 31 av. J.-C. et son suicide l'année suivante, qui marque l'achèvement de mise en place de la domination romaine sur le monde grec.

Époque hellénistique
Les royaumes hellénistiques en
Dates
Début
Fin
Époques
Précédente
Suivante
Gaulois blessé de Délos, thème apparu dans la sculpture hellénistique à la suite de la victoire d’Attale Ier de Pergame sur les Gaulois v. , musée national archéologique d'Athènes.

L'éclat de grandes villes, telles Alexandrie, Antioche ou Pergame, l'importance des échanges économiques et culturels, la diffusion de la langue grecque témoignent d'un grand dynamisme et modifient profondément le visage de l'Orient antique, y compris ultérieurement sous l'Empire romain qui est fortement hellénisé dans sa moitié orientale.

Le terme « hellénistique » est employé pour la première fois par l’historien allemand Johann Gustav Droysen dans son ouvrage Geschichte des Hellenismus (1836). L’époque hellénistique a été définie par les historiens du XIXe siècle à partir d’un critère linguistique et culturel, à savoir l’accroissement spectaculaire des régions où l’on parle le grec (ἑλληνίζειν / hellênízein) et donc du phénomène d’expansion de l’hellénisme. Ce phénomène d’hellénisation des populations et de rencontre entre les anciennes civilisations orientales, égyptienne, grecque et latine, se déroule jusqu'au IIe siècle av. J.-C. en Asie du Sud-Ouest, mais jusqu'au VIIe siècle en Asie Mineure et en Égypte. Les limites chronologiques de la période hellénistique sont donc conventionnelles et politiques. Les travaux archéologiques et historiques récents ont conduit à porter un regard nouveau sur cette période, et en particulier sur deux de ses aspects caractéristiques : l’existence et le poids des grands royaumes dirigés par des dynasties d’origine grecque ou macédonienne (Lagides, Séleucides, Antigonides, Attalides) et le rôle déterminant des cités grecques dont l’importance, contrairement à une idée longtemps répandue, est loin de décliner.

Contours et définitions

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Chronologie

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Le début de la période hellénistique est souvent placé à la mort d'Alexandre le Grand en 323 av. J.-C.[1],[2], ou du moins durant la période de ses conquêtes, entre 334 et 323 av. J.-C., qui placent sous sa domination l'empire perse achéménide[3]. C'est une rupture majeure dans l'histoire grecque et plus largement antique, un tournant géopolitique incontestable, aussi dans le domaine culturel puisqu'il étend considérablement l'aire géographique grecque et entraîne sa « globalisation »[4],[5]. Ces conquêtes définissent aussi l'espace géographique concerné par les études sur la période, qui va de la Libye et de l'Adriatique à l'ouest jusqu'aux contreforts de l'Himalaya à l'est[6].

La fin de l'époque hellénistique est généralement située en 31 av. J.-C., lorsqu'Octave bat Marc-Antoine et Cléopâtre VII à Actium, ou bien l'année suivante, en 30 av. J.-C., à la mort de Cléopâtre, qui marque la fin de la dernière grande dynastie hellénistique, qui tombe aux mains des Romains[1],[7],[8]. La transition entre période hellénistique et romaine se fait en fait de manière progressive selon les lieux, puisque la conquête romaine débute dans les années 220, la Macédoine tombe dès 146 av. J.-C. et devient dès lors romaine[9],[10]. En raison des changements induits par ces conquêtes, notamment dans la vie civique, Louis Robert a proposé de distinguer une « haute période hellénistique », le IIIe siècle av. J.-C. et une « basse période hellénistique », du début du IIe siècle av. J.-C. jusqu'en 31/30, quand la domination romaine se met en place[11].

Mais la pratique s'est répandue de poursuivre l'étude du monde hellénistique plus loin dans le temps, sous le Haut Empire romain (du moins jusqu'à la mort d'Hadrien en 138 de notre ère), en raison de fortes continuités sociales, économiques, religieuses et culturelles (le « long âge hellénistique » d'Angelos Chaniotis)[12],[13].

« Hellénisme » et époque « hellénistique »

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La notion d'époque « hellénistique » trouve son origine dans le concept d'« hellénisme » (Hellenismus) forgé par l'historien allemand Johann Gustav Droysen (1808-1884), d'abord en 1833 dans un ouvrage consacré à Alexandre le Grand, puis dans une Histoire de l'Hellénisme (Geschichte des Hellenismus, 1836-1843) inachevée[14]. Cette notion est dérivée du terme antique hellenistai, qui sert à désigner les disciples de Jésus qui parlent grec. Droysen le reprend pour désigner une ère durant laquelle Occident et Orient s'entremêlent et fusionnent, sous la domination culturelle grecque, qui donne une nouvelle culture accouchant finalement du christianisme, quintessence de cette synthèse gréco-orientale « hellénistique »[15]. Ces analyses sont marquées par le contexte d'expansion coloniale du XIXe siècle, le rôle « civilisateur » des Grecs en « Orient » étant lu sous le prisme de celui que les Européens, en particulier Britanniques, entendaient alors jouer au Proche et au Moyen-Orient[16]. La notion d'hellénisme et l'adjectif hellénistique ont fini par s'imposer dans les études antiques, pour désigner une période historique mais aussi sa civilisation ainsi que certains de ses aspects (art/sculpture hellénistique, religion hellénistique, poésie hellénistique, etc.), mais pas tous (il est plus difficile de parler d'économie hellénistique ou de famille hellénistique)[17].

La période hellénistique se caractérise par plusieurs aspects spécifiques. C'est une période d'élargissement considérable du monde grec, qui place de nombreux pays et peuples non grecs sous la domination de dynasties d'origine macédonienne fondées par les généraux d'Alexandre[18]. L'analyse des relations entre les conquérants « gréco-macédoniens » et les populations des territoires qu'ils ont conquis reste centrale, notamment l'idée d'une « hellénisation » des populations non-grecques, qui adoptent la culture des vainqueurs ou du moins des éléments de celle-ci. La notion de « fusion » de cultures promue par Droysen, et plus largement l'idée d'une suprématie culturelle grecque, des rapports dominants/dominés, ou encore l'opposition Occident/Orient ont été influentes et peuvent le rester. Mais les cadres d'analyses évoluant, en particulier depuis la décolonisation, elles ont été fortement nuancées voire remplacées pour d'autres approches et concepts (acculturation, colonisation, hybridation, accommodation, aussi déculturation/contre-acculturation voire apartheid, etc.). Les études récentes prennent plus en considération la dimension multiculturelle de la période et le fait que les peuples non-grecs ne « subissent » pas seulement le phénomène, avec des possibilités de négociation, d'accommodation et des transferts culturels qui varient selon les configurations et peuvent aussi impliquer l'adoption d'éléments culturels non-grecs par des Grecs[19],[20],[9],[21]. Un autre trait caractéristique de la période, dans le domaine politique, est la domination des monarchies d'origine gréco-macédonienne (mais en partie héritières de l'empire achéménide), par opposition aux cités-États (poleis) qui dominaient la vie politique grecque auparavant. Mais l'idée d'un déclin de la cité a été nuancé, puisque cette institution connaît une expansion dans les territoires conquis et se trouve au cœur de la culture hellénistique et de la vie des Grecs[22],[23].

Les études sur la période hellénistique sont principalement réalisées par des spécialistes d'histoire grecque, qui ont donc tendance à consacrer leurs travaux aux seules populations grecques, ou alors à n'étudier les autres que lorsqu'ils sont concernés par les entreprises politiques, militaires et culturelles grecques. Les travaux des spécialistes des autres civilisations que la grecque qui sont concernées par l'aire hellénistique (égyptologie, assyriologie, iranologie, etc.) relèguent souvent cette période au second plan (quand ils ne l'ignorent pas), ou bien l'abordent sous l'angle des survivances et de la vitalité des traditions qui leur étaient propres (notamment la religion et les savoirs égyptiens et mésopotamiens). Les études ont tendance à de plus en plus intégrer les autres populations qui se trouvent dans les royaumes hellénistiques, et donc à croiser les apports de ces différentes spécialités, afin de dresser une image plus équilibrée de la période[20],[24],[25].

Sources

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Traditionnellement, les sources littéraires sont la base pour reconstituer l'histoire de l'époque hellénistique. Il s'agit de textes d'auteurs antiques qui ont été recopiés depuis l'Antiquité, et étaient donc connus des premiers historiens qui ont construit l'idée d'une ère hellénistique. La plus importante œuvre historique de la période sont les Histoires de Polybe (280-126 av. J.-C.), qui relate la mise en place de la domination romaine depuis 220 av. J.-C. C'est un témoin direct des événements qu'il décrit. Les autres sources historiques sur la période sont rédigées bien après les faits qu'elles décrivent, mais leurs auteurs ont pu avoir accès à des sources bien informées qui ont depuis disparu. L’Anabase d'Arrien (85-146 ap. J.-C.) est essentielle pour reconstituer les conquêtes d'Alexandre. Une autre source majeure en grec est la Bibliothèque Historique de Diodore de Sicile (Ier siècle av. J.-C.), connues par fragments mais incontournable pour l'époque d'Alexandre et des Diadoques. Les Vies parallèles de Plutarque (46-126) proposent des biographies de plusieurs figures majeures de la période, grecques et romaines. Les écrits de Flavius Josèphe (37-v. 100 ap. J.-C.) sont également importants. En latin, Tite-Live (v. 60 av. J.-C.-17 ap. J.-C.) fournit des informations sur les relations gréco-romaines, compensant la perte de certains passages de Polybe[26],[27],[28].

L'autre grand type de source écrite sont les inscriptions étudiées par l'épigraphie : il s'agit de textes antiques de longueur très variable mis au jour lors de fouilles accomplies depuis l'époque moderne, et surtout à l'époque contemporaine. Elles se présentent sous divers supports : des tablettes de bois ou d'argile, de la pierre, du métal, des tessons de céramique (ostraka). En alphabet grec, cette catégorie comprend notamment des lois sacrées de sanctuaires et d'autres textes religieux, des épigrammes funéraires, des décrets civiques ou royaux, des lettres royales, des traités de paix, des ventes de terres. En égyptien hiéroglyphique ou en démotique, il s'agit aussi de décrets, parfois bilingues avec une version en grec, ou trilingue comme la Pierre de Rosette, l'inscription la plus célèbre de la période. En babylonien cunéiforme, des milliers de tablettes cunéiformes proviennent de quelques sites, avant tout Babylone et Uruk, et documentent les activités du milieu des temples : textes rituels, littéraires, astronomiques-astrologiques (dont des éphémérides donnant des informations sur divers événements), des chroniques historiques, également des textes économiques et juridiques. D'autres inscriptions de la période sont en alphabets araméen, en phénicien, en nabatéen[29],[30],[31],[32].

La papyrologie est l'autre discipline étudiant des textes antiques découverts lors de fouilles, retrouvés sur des papyrus préservés en Égypte grâce au climat aride de ce pays. Ils sont écrits en grec ou en démotique et sont essentiellement des documents de la pratique concernant des activités administratives et économiques (en particulier l'archive de Zénon de Caunos provenant du Fayoum et datée des années 261-229), mais aussi quelques textes littéraires (notamment les seuls écrits connus de Ménandre) et savants, ainsi que des textes normatifs royaux. Ce type de source concerne quasi-exclusivement l’Égypte lagide[33],[34],[35],[36].

La numismatique étudie les monnaies, qui sont une source abondante et diverse, fournissant une multitude d'informations sur les entités politiques hellénistiques. Dans certaines régions comme la Bactriane et l'Indus, il s'agit des seules sources documentant les règnes de souverains[37],[38],[39].

Les vestiges archéologiques sont également une source de premier ordre, les fouilles mettant régulièrement au jour des bâtiments et objets de l'époque hellénistique (y compris des textes). Reflets de la dilatation de l'espace grec, les sites hellénistiques sont répartis sur un vaste espace : les sites majeurs de Grèce sont concernés (Athènes, Delphes, Délos, Samothrace, Pella, Philippes, etc.), ainsi que ceux d'Asie Mineure (Pergame, Priène, Héraclée du Latmos), du Proche-Orient (Doura-Europos, Séleucie-Zeugma, Jebel Khalid, Iraq al-Amir, aussi Pétra), de Babylonie (Séleucie du Tigre, Uruk), d'Iran (Suse) et jusqu'en Afghanistan (Aï Khanoum) ; en revanche la principale métropole de la période, Alexandrie d’Égypte, n'a pu faire l'objet de fouilles importantes en raison de l'occupation moderne[40],[39]. La céramique constitue un type de source particulièrement instructif sur le quotidien et les échanges, en particulier les amphores[41],[42],[43].

La production artistique occupe également une place significative, car l'époque hellénistique a vu l'essor de la demande avec le développement des royaumes et cités grecs, ainsi que l'intérêt romain pour l'art grec. L'art hellénistique est d'ailleurs avant tout documenté par des trouvailles réalisées en Italie, qui sont des copies d’œuvres grecques majeures (statues, mosaïques de Pompéi et d'Herculanum) ou bien des originaux emportés en butin lors des conquêtes[44].

Évolution politique du monde hellénistique

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Les conquêtes d’Alexandre le Grand (334-323 av. J.-C.)

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Le monde hellénistique à la mort d’Alexandre le Grand.

Roi de Macédoine à 20 ans, maître de la Grèce deux ans plus tard, Alexandre le Grand entreprend durant son règne (336-) la conquête la plus spectaculaire et la plus rapide de l’Antiquité. Un royaume, de taille moyenne, associé à quelques cités grecques vient à bout du plus grand empire de l’époque, l’Empire perse. Darius III est vaincu à l'issue d'une campagne de quatre années (334-330) et de trois batailles, celles du Granique, d’Issos et de Gaugamèles[45]. Les trois années suivantes, jusqu'en 327, sont consacrées à la lente et difficile conquête des satrapies de l’Asie centrale, puis jusqu'en 325 à assurer la domination macédonienne sur le nord-ouest de l’Inde. C’est là qu'Alexandre, sous la pression de ses troupes épuisées, doit renoncer à poursuivre son épopée et retourner vers ce qui est devenu le cœur de son empire, la Babylonie[46].

Afin d’assurer sur le long terme son pouvoir, il tente d’associer la classe dirigeante de l’ancien empire achéménide à l’ossature administrative de son royaume[47]. Il essaie ainsi de créer une monarchie assumant à la fois l’héritage macédonien et grec d’une part mais aussi l’héritage perse et, d’une façon plus générale, asiatique. La mort brutale du roi, probablement de maladie, à l’âge de 33 ans met fin à cette tentative originale mais vivement contestée par l’entourage macédonien du souverain[48].

Au cours de sa conquête, Alexandre parsème l’Asie de garnisons et de colonies militaires ; il fonde de multiples cités sur le modèle grec.

Les Diadoques et la formation des royaumes (323-281 av. J.-C.)

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Alexandre le Grand ne laisse pas de réels successeurs capables de régner, et surtout de s'imposer à ses principaux officiers, les Diadoques, qui se déchirent pendant 40 ans. Les guerres auxquelles se livrent Perdiccas, Ptolémée, Antigone, Séleucos, Cassandre et Lysimaque jusqu'en , font ainsi disparaître toute la parentèle d’Alexandre et éclater l’empire. Antigone, premier des Diadoques à prendre le titre royal, a l'ambition de reconstituer l'empire à son profit ; mais il est vaincu par une coalition de ses rivaux à la bataille d'Ipsos en [49].

La Grèce, la Macédoine, l’Asie Mineure sont profondément bouleversées par les campagnes militaires incessantes des Diadoques, cependant que la partie orientale de l’empire est rapidement perdue par eux du fait de l'émergence du royaume gréco-bactrien et de l'Empire Maurya en Inde. Peu importe à ces généraux la partie de l’empire qu'ils gouvernent, l’essentiel est de régner. Ainsi Démétrios Poliorcète dirige d'abord avec son père Antigone le Borgne l’essentiel de l’Asie puis, après la défaite et la mort de ce dernier, s'empare en 294 de la Macédoine, la perd six ans plus tard avant de finir sa vie en captivité[50]. De même, Ptolémée Kéraunos, chassé d’Égypte en 284 par son père Ptolémée Ier, se réfugie auprès de son beau-frère Lysimaque en Thrace, prend le contrôle de son royaume, puis de la Macédoine après avoir assassiné Séleucos. Le Moyen-Orient est ainsi totalement dominé par les ambitions de ces généraux, qui disposent de troupes essentiellement constituées de mercenaires grecs et macédoniens ; Antigone Ier est le premier d'entre eux à prendre le titre de roi (basileus), en 306, les autres Diadoques faisant de même peu de temps après.

On peut considérer Ptolémée Ier, l’un des compagnons d’enfance d’Alexandre, comme étant le souverain le plus lucide. Il s'empare rapidement de l’Égypte et s'attache à y créer un État durable, renonçant ainsi à récréer l'empire à son profit. Cela fait sans doute de lui l’un des fossoyeurs de l’idée impériale voulue par Alexandre, mais aussi l’un des fondateurs du monde hellénistique. D'après Arrien, Seleucos était celui qui fut "le plus grand roi", avec "l'esprit royal", et "le plus vaste territoire" (la majeure partie des conquêtes d'Alexandre). Pausanias le considère comme "juste et attentif envers les dieux".

La périodes des trois royaumes hellénistiques (281-220 av. J.-C.)

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Au début du IIIe siècle av. J.-C. un équilibre précaire s'installe entre trois grandes dynasties issues des Diadoques. La Macédoine est gouvernée par les descendants d’Antigone le Borgne, les Antigonides, l’Égypte par les Lagides (ou Ptolémées), et l’empire le plus vaste mais le moins homogène (une partie de l'Asie Mineure, Syrie, Mésopotamie, Perside) par les Séleucides. Aux côtés de ces trois monarchies principales, existent des royaumes plus petits, tel celui des Attalides autour de Pergame qui émerge autour de 270, ou encore ceux du Pont et de Bithynie.

Il existe également des confédérations de cités qui s'opposent, parfois avec succès, aux entreprises des royaumes hellénistiques. Les deux plus importantes sont sans doute la ligue achéenne et la ligue étolienne, qui jouent un rôle notable jusqu'à la conquête romaine. De même, certaines cités parviennent à préserver totalement leur indépendance et à entretenir des relations d’égal à égal avec les royaumes ; la cité de Rhodes en est probablement le meilleur exemple.

La règle diplomatique qui domine est la suivante : le plus proche voisin est naturellement un ennemi[51]. Le IIIe siècle av. J.-C. est ainsi marqué par les rivalités entre les Séleucides et les Lagides pendant les six guerres de Syrie avec pour enjeu principal la possession de la Cœlé-Syrie. Celle-ci passe finalement sous le contrôle des Séleucides à la fin du IIIe siècle av. J.-C. De même les rivalités sont fortes entre Séleucides et Attalides en Asie Mineure, tout comme entre Rhodes, le royaume de Pergame et les Antigonides pour le contrôle des Détroits.

La Macédoine dispute de la même façon le contrôle des cités grecques aux ligues achéennes et étoliennes. Celles-ci représentent les principales forces politiques et militaires de la Grèce continentale du IIIe siècle av. J.-C., dans la mesure où la puissance militaire d'Athènes s'effondre définitivement après la guerre de Chrémonidès (268-262), la cité passant sous un contrôle antigonide direct jusqu'en 229. Les deux ligues s'allient contre la Macédoine à la fin du IIIe siècle av. J.-C. pendant la guerre démétriaque (239-235) et remportent quelques succès. Mais la ligue achéenne se rapproche de la Macédoine (vers 229) face à la menace que représentent les réformes du roi de Sparte, Cléomène III. Le roi de Macédoine, Antigone III Dôsôn, reconstitue une lointaine héritière de la Ligue de Corinthe, appelée l'« alliance hellénique », dont il est l'hègémôn, et par sa victoire contre Sparte à Sellasia en 222, réaffirme la domination macédonienne sur une large partie de la Grèce continentale[52]. Cette domination est renforcée par la victoire de son successeur, Philippe V contre la ligue étolienne lors de la guerre des alliés entre 220 et 217.

Intervention romaine et fin des royaumes hellénistiques

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Carte de la Grèce et du monde égéen vers

À la fin du IIIe siècle av. J.-C., la Grande-Grèce, soit l’Italie du Sud et la Sicile, tombe sous la domination romaine après un siècle d’affrontement, que ce soit avec Pyrrhus Ier ou dans le cadre des guerres puniques. Mais il faut attendre le début du IIe siècle av. J.-C. pour que les Romains interviennent réellement en Grèce et en Orient. Dans un premier temps, elle dompte militairement les Antigonides et surtout Antiochos III, la dernière grande figure politique des souverains hellénistiques avant Mithridate et Cléopâtre VII. Puis, dans un lent et complexe processus de grignotage qui s'étale sur près de deux siècles, avec la complicité de cités et du royaume de Pergame, elle s'assure la domination complète de la Méditerranée orientale. En effet, Rome préfère dans un premier temps ne pas annexer de territoires (première moitié du IIe siècle av. J.-C.). Toutefois, avec la conquête définitive de la Macédoine (après la défaite du roi Persée à Pydna en 168) et de la Grèce (saccage de Corinthe) en 148/146, transformées en provinces romaines, le processus impérialiste est enclenché[53]. En 133 le royaume de Pergame devient romain ; il forme la province d'Asie en 128-26. En 102, la Cilicie passe sous le contrôle de Rome puis c'est le tour de la Cyrénaïque en 96.

Parallèlement, l’influence politique des Séleucides s'effondre brutalement en Asie orientale, en Perside puis en Mésopotamie après le règne d’Antiochos III (223-187). Alors que ce dernier possède encore les moyens de diriger une expédition jusqu'aux limites de l’Inde, son fils Antiochos IV (175 à 163) est incapable de vaincre l’insurrection des Maccabées en Palestine. L’irruption des Parthes à partir du milieu du IIIe siècle av. J.-C. accélère cette décomposition politique. Aux débuts du Ier siècle av. J.-C. les souverains séleucides ne gouvernent ainsi plus que la Syrie. Celle-ci est conquise par Tigrane II d'Arménie qui constitue un empire de courte durée allant de la mer Caspienne à la mer Méditerranée, à son tour annexé par Pompée en 64-63 av. J.-C.

Cependant, cette pénétration romaine dans l’Orient hellénistique ne va pas sans résistance. Il faut trois guerres aux Romains pour abattre le roi du Pont, Mithridate VI, qui est vaincu en 66 av. J.-C. Pompée réorganise alors l’Orient sous l’ordre romain.

Dans la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C., le monde hellénistique n'est plus qu'un arc de provinces romaines bordées de petits royaumes vassaux. À la fin de la République romaine, il devient le champ d’affrontement des ambitions des grands généraux (bataille de Pharsale, bataille de Philippes, Bataille d'Actium), jusqu’à la victoire finale d’Octave. Le dernier acte de cette conquête est la lutte qui oppose Octave à Marc Antoine, allié de la dernière souveraine lagide d’Égypte, Cléopâtre VII, qui s'achève par la défaite puis le suicide de cette dernière en

Structures et pratiques politiques

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La royauté hellénistique

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Séleucos Ier, fondateur de la dynastie des Séleucides, époque romaine impériale, musée du Louvre.

La monarchie hellénistique est personnelle. Cela signifie qu'est souverain celui qui par son mérite individuel, ses actions, le plus souvent militaires, sa conduite peut aspirer au titre de basileus (« roi »). Par conséquent la victoire militaire est le plus souvent l’acte qui légitime l’accession au trône et qui permet de régner sur une province ou un État. Les Séleucides utilisent la prise de Babylone par Séleucos Ier en 312 pour légitimer leur présence en Mésopotamie, ou sa victoire de 281 sur Lysimaque pour justifier leurs revendications sur la région des détroits et sur la Thrace. Les rois de Bithynie tirent également profit de la pseudo-victoire en 277 de leur ancêtre Nicomède Ier (qui en réalité cède des territoires et s'allie avec eux) sur les Galates pour affirmer leurs prétentions territoriales[54].

Cette monarchie personnelle ne possède pas de règles de succession précises, d’où les querelles incessantes et les assassinats nombreux lorsqu'il y a plusieurs héritiers, ni de lois fondamentales, ni de textes réglementant les pouvoirs du souverain. Tout procède du roi et en particulier les lois. Ce caractère absolu et personnel est à la fois la force et la faiblesse de ces monarchies hellénistiques en fonction du caractère et de la personnalité du souverain. Il est par conséquent nécessaire, en dehors de la Macédoine où la monarchie est une institution ancienne, de créer des idéologies justifiant la domination de dynasties d’origine macédonienne et de culture grecque sur des populations totalement étrangères à cette civilisation. Les Lagides deviennent ainsi pharaons aux yeux des Égyptiens et ont l’adresse de s'allier le clergé autochtone par de larges dons aux temples.

Mais ces souverains gouvernent aussi des populations d’origine grecque et macédonienne auprès desquelles ils doivent montrer l’image d’un roi justicier, assurant la paix et qui se comporte en bienfaiteur. C’est la notion d’évergétisme, qui fait du monarque hellénistique le bienfaiteur de ses sujets. La conséquence de ce fait, déjà initié par Alexandre le Grand, est la divinisation de leur vivant d’un grand nombre de souverains ainsi que les honneurs cultuels qui leur sont rendus par leurs sujets[55], ou par des cités autonomes ou indépendantes à qui ils ont rendu service. Cela permet de renforcer la cohésion du royaume autour de la dynastie.

La fragilité du pouvoir des souverains hellénistiques oblige ceux-ci à une incessante activité. Il est d’abord nécessaire de vaincre militairement ses adversaires et cette période est constituée d’une suite de conflits entre souverains ou contre des adversaires extérieurs : Parthes, Romains, etc. C’est ainsi que ces souverains sont contraints de voyager énormément afin d’installer des garnisons, de construire des cités pour quadriller leurs États. Antiochos III est sans conteste celui qui se déplace le plus à travers la Syrie, l’Égypte, la Mésopotamie, la Perside, les frontières de l’Inde, l’Anatolie, la Grèce, avant de mourir près de Suse en Afin d’entretenir ces armées et de financer la construction de ces cités, il est indispensable aux souverains de bâtir des administrations solides et avant tout fiscales[56]. Les royaumes hellénistiques sont ainsi tout d’abord de gigantesques structures d’exploitation fiscale et se posent donc en héritiers directs de l’empire achéménide. Ainsi Ptolémée II en 269-268 enlève-t-il la perception de l'apomoira (un impôt ecclésiastique (entre 1/10e et 1/6e des récoltes versé aux temples) au clergé au profit de l'administration royale[57]. Certes l'apomoira bénéficie toujours au clergé mais il arrive, dans les successeurs de Ptolémée II, que confrontés à des difficultés financières, ceux-ci détournent le produit de l'impôt.

Ce travail du roi, épuisant, auxquelles s'ajoutent les incessantes doléances et récriminations, le roi étant aussi un roi justicier, font dire à Séleucos Ier : « Si les gens savaient quelle corvée ce peut être d’écrire seulement et de lire tant de lettres, on ne voudrait pas ramasser un diadème même s'il traînait par terre »[58].

 
Pièce à l'effigie de Démétrios Ier, fondateur d’un des royaumes grecs de Bactriane.

Autour de ces souverains gravite une cour où le rôle des favoris du monarque devient rapidement prépondérant. En règle générale ce sont des Grecs ou des Macédoniens qui souvent portent le titre d’Amis du roi (philoi). Le désir d’Alexandre le Grand d’associer les élites asiatiques au pouvoir est abandonné et cette domination politique gréco-macédonienne par bien des aspects s'apparente à une domination coloniale. Pour s'attacher des collaborateurs efficaces et fidèles le roi doit les enrichir par des dons, des domaines pris sur le domaine royal. Cela n’empêche pas certains favoris d’avoir une fidélité douteuse et parfois, surtout dans le cas d’une minorité royale, d’exercer réellement le pouvoir tel Hermias, dont Antiochos III a toutes les peines à se défaire[59], ou Sosibios en Égypte à qui Polybe fait une réputation sinistre[60].

Ces rois disposent donc d’un pouvoir absolu mais sont soumis à de multiples contraintes, s'attacher leur entourage, vaincre leurs ennemis, prouver leur nature royale par leurs comportements, légitimer leur fonction par une divinisation de leur personne. À l’époque classique, le modèle de la monarchie, rejeté par les philosophes grecs, est asiatique ; à l’époque hellénistique, il est grec.

Les cités grecques

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De la comparaison avec la période classique de la Grèce antique, il est fréquent de conclure au déclin de la cité (polis) lors de la période hellénistique. Il est sans doute plus prudent de rester nuancé. Ainsi Sparte, Athènes et Thèbes sont des cas assez isolés de cités impérialistes à l'époque classique, mais l’immense majorité des cités grecques aux Ve – IVe siècle av. J.-C. doit composer avec elles et se soumettre à leur autorité ou à celle des rois achéménides. Cette situation est identique à l’époque hellénistique, si ce n’est que le pouvoir des cités impérialistes n’existe plus, comme à Athènes, ou est définitivement brisé comme à Sparte en , date à laquelle Cléomène III est défait à la bataille de Sellasia par les Macédoniens et la Ligue achéenne. Un certain nombre de cités s'organisent en puissantes fédérations, surtout en Grèce, comme la Ligue achéenne ou la Ligue étolienne. D’autres réussissent brillamment à conserver un temps leur indépendance, telles Rhodes ou Héraclée du Pont sur la mer Noire. Nombreuses sont les cités qui jouent des conflits entre les souverains pour préserver, même provisoirement, une indépendance à laquelle elles sont farouchement attachées.

En réalité, le nombre de cités a plus que probablement considérablement augmenté durant cette période. Les monarques hellénistiques fondent plusieurs dizaines de villes dans leurs royaumes, à commencer par leurs capitales : Alexandrie, Antioche, Séleucie de Piérie ou encore Pergame. Les Séleucides fondent des cités sur le plateau iranien (Apamée, Laodicée), en Mésopotamie (Néapolis, Séleucie du Tigre) ainsi que la tétrapole en Syrie ; les Lagides fondent des cités à Chypre (Néa-Paphos, Arsinoé) et en Asie Mineure, mais en nombre bien moindre que les Séleucides. Il s'agit soit d’une cité grecque refondée par un monarque, ainsi Sicyone déplacée et refondée par Démétrios Poliorcète en Démétrias, soit d’une cité indigène transformée en cité grecque. Damas devient Arsinoéia et Kelainai devient en Apamée de Phrygie. En réalité, peu de cités sont réellement fondées ex nihilo, mais la plupart prennent la place d’un établissement indigène antérieur ou s'installent à proximité.

Pour l’essentiel, ces fondations remontent aux débuts de l’époque hellénistique entre la conquête d’Alexandre et le milieu du IIIe siècle av. J.-C., les plus grands bâtisseurs étant les Séleucides. L’objectif premier n’est pas l’hellénisation, qui est plutôt une conséquence du phénomène d’extension urbaine, mais bien un objectif militaire et stratégique : installer une garnison afin de contrôler un territoire, une route commerciale. En Grèce s'y ajoute la volonté de rassembler de petites cités afin de constituer une entité plus solide. Enfin, il y a clairement une volonté politique des souverains hellénistiques dans la fondation de leurs capitales, afin de marquer avec force leur enracinement dans les contrées qu'ils dirigent. Bien que n’étant pas prépondérantes, les visées économiques ne sont pas toujours absentes lors de la construction de ces cités. Leur fondation permet de lotir les soldats, ou des colons pauvres, et ainsi d’exploiter une région au profit d’un monarque qui en percevra des taxes élevées.

Certaines cités sont de taille importante dès leur origine (Antioche, Alexandrie, Pergame, Séleucie du Tigre ou même Aï Khanoum en Asie centrale) ; mais beaucoup ne sont à l’origine que de simples forts militaires et ne se transforment en véritables villes qu'au IIe siècle av. J.-C., comme c'est le cas pour Doura Europos et Zeugma-Séleucie sur l’Euphrate. Quelques fondations sont d’ailleurs des échecs et les cités sont abandonnées, telle Apamée de l’Euphrate.

Dans ces cités, le modèle civique connaît une vitalité toujours aussi affirmée. Les rois ne fondent pas que de simples villes mais bien des poleis sur le modèle grec classique. Ce modèle va s'étendre sur les communautés qui s'hellénisent, ainsi en Asie Centrale et en Phénicie. La vie civique, connue par une documentation plus importante que pour la période antérieure, est riche. Il semble que le régime oligarchique soit en perte de vitesse et que la démocratie, selon les critères de l’époque, devienne la norme la plus répandue dans le monde hellénistique. Un consensus global se met en place, parfois rompu par quelques guerres civiles fréquentes dans des communautés fragiles et instables, afin que les notables conduisent la politique de la cité, mais sous le contrôle souverain du reste des citoyens. L’attachement à sa cité, à sa patrie, est toujours aussi fort et les exemples sont nombreux de citoyens prenant les armes pour défendre leur indépendance menacée.

Relations entre souverains et cités

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Dédicace à Ptolémée VI Philométor, milieu du IIe siècle av. J.-C., musée du Louvre.

Les relations entre les rois hellénistiques et les cités qu'ils dominent, ou cherchent à dominer, sont complexes. Dans l’absolu, les cités grecques refusent de se soumettre à l’autorité sans partage des souverains. Mais la réalité est plus fluctuante et dépend du rapport de force qui s'installe. En règle générale, un souverain qui s'empare d’une cité est en droit de la supprimer, mais le plus souvent un accord est trouvé et la cité devient ainsi une alliée (contrainte). En fait, on distingue une gamme infinie de nuances entre les cités sujettes, sur lesquelles le contrôle royal est étroit (présence de troupes royales, de fonctionnaires royaux, paiement d’un tribut, etc.) et qui peuvent être parfois cédées comme simple part du domaine royal, et les cités subordonnées qui sont nominalement libres et conservent une large autonomie. Ce cas est fréquent pour les cités du monde égéen, souvent fondées bien avant la création des royaumes hellénistiques.

Les rapports entre ces deux entités politiques sont dominés par un modèle politique que l’on nomme l’échange évergétique : bienfaits contre honneurs. S'inspirant du modèle habituel de relations entre les cités et les citoyens bienfaiteurs, il devient la norme pour les relations entre cités et monarques. Le roi est ainsi présenté comme un souverain puissant, bienveillant envers la cité (par ses dons ou par ses exemptions d’impôts), protecteur (contre une éventuelle attaque extérieure) et garant de la prospérité. En échange, la cité proclame son dévouement (ce qui est un moyen pour le roi d’asseoir sa légitimité), lui assure les honneurs par l’érection de statues ou, le cas échéant, les honneurs cultuels. L’évergétisme est ainsi le principal cadre idéologique des rapports politiques entre souverains et cités. Il est même fréquent que l’évergétisme se manifeste envers des cités n’appartenant pas à la zone d’influence des souverains. C’est ainsi que Rhodes est soutenue par l’ensemble des monarques hellénistiques après le terrible séisme de Les Attalides financent de nombreux monuments d’Athènes[61] dont la fameuse stoa d'Attale, reconstruite au XXe siècle par l’École américaine d'études classiques à Athènes.

Dans l’ensemble, les cités ont rarement été les acteurs de premier plan de la période mais elles maintiennent dans le monde hellénistique — ce qui est un facteur supplémentaire d’unité — leurs identités, leurs traditions et leurs modes de fonctionnement face aux souverains. Cette relative unité s'explique par les interactions et les échanges internes à l’espace hellénistique.

Expansion grecque et hellénisation

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L'élargissement de l'horizon grec

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Les Grecs des époques archaïques et classiques n'étaient pas ignorants du monde extérieur, comme le prouvent les implantations « coloniales » et commerciales archaïques autour de la Méditerranée et de la mer Noire, les mercenaires grecs vendant leurs services à des non-grecs, ou encore les écrits d'Hérodote. Mais les conquêtes d'Alexandre et la constitution des royaumes hellénistiques ouvrent une nouvelle ère d'expansion et de découverte du monde, en particulier vers l'est.

La période hellénistique correspond à un accroissement des échanges humains et commerciaux sur une échelle sans doute inégalée dans cette partie du monde, compensant au moins en partie sa division politique. Cela concerne d’abord les soldats qui se déplacent sur des milliers de kilomètres. Cette époque correspond aussi à un fort développement du mercenariat. Ainsi les habitants de Sagalassos, en Pisidie, fournissent pendant longtemps des mercenaires réputés, surtout aux Lagides. Les artistes aussi se déplacent sur de longues distances, tout comme les philosophes. Les échanges entre cités, déjà réguliers lors de l'époque classique, sont plus nombreux. Les enfants des familles de notables sont fréquemment envoyés dans de grandes cités (Athènes, Delphes, etc.) pour y poursuivre un enseignement réputé en rhétorique, laquelle est indispensable pour entamer une carrière politique ou diplomatique. Ainsi, le personnage de Moschiôn, citoyen de Priène, représente sa cité aux concours organisés dans les villes situées à proximité puis devient ambassadeur auprès des Séleucides, puis en Égypte et enfin à Rome. Il semble être allé jusqu'à Pétra en Arabie. Ces mobilités concernent aussi les médecins, les artistes ou parfois des magistrats. En effet, certaines cités préfèrent confier leurs procès à des citoyens d’autres cités, jugés plus impartiaux et moins soumis aux pressions. Cette habitude a sans doute pu permettre un rapprochement des pratiques juridiques entre les cités. Quels que soient les motifs de la présence d'un Grec dans une cité autre que la sienne, en cas de succès la ville d'accueil honore par un décret cette présence. Ces décrets sont aussi transmis à la cité d’origine par une ambassade, ce qui resserre encore plus les liens. Souvent ces relations diplomatiques sont renforcées par une parenté mythique. Chaque cité prétendant descendre d’un héros mythologique il est relativement facile, du fait de la complexité de la mythologie grecque et de l’extrême diversité des légendes et des traditions, de trouver des ancêtres communs. Ainsi, quand la modeste cité de Kyténion (en Doride) envoie une ambassade à la principale cité de Lycie, Xanthe, elle prend soin de démontrer une parenté commune (Apollon serait né à Xanthos et se trouve être l’ancêtre mythique des Kyténiens)[62].

 
Base en pierre d'Aï Khanoum comportant l'épigramme de Cléarque. Musée national d'Afghanistan.

D'autres voyageurs assurent le dialogue entre les différentes cultures de l'époque. Cléarque de Soles, originaire de Chypre, disciple d'Aristote, prête un intérêt marqué pour les sagesse orientales des Mages et des Indiens. Or une personne du même nom a laissé une inscription à Aï Khanoum en Afghanistan, une copie d'une épigramme comportant une maxime delphique. L. Robert a proposé qu'il s'agisse du même homme, qui aurait profité de l'opportunité offerte par les conquêtes d'Alexandre pour se rendre directement auprès de l'objet de ses études[63],[64]. Mégasthène, ambassadeur de Séleucos Ier auprès du roi Chandragupta des Maurya entre 302 et 298, a rédigé une description de l'Inde (Indica) qui constitue une source de connaissances essentielle sur ce pays à cette période[65].

L'hellénisme et son adoption

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L'expansion grecque de l'époque hellénistique, marquée par la constitution de royaumes dirigés par des Gréco-macédoniens et la fondation de cités grecques, le tout dans un contexte culturel non-grec, se traduit par un développement de l'influence culturelle grecque sur les régions dominées. C'est un phénomène qui se résume généralement par un mot : hellénisation[66]. D'abord interprétée par Droysen comme une « fusion » des cultures, longtemps considérée comme coulant de source en raison de la supposée supériorité culturelle grecque (et, par extension, occidentale), les visions actuelles sont bien plus nuancées[67],[68]. L'hellénisme peut être vu comme la culture « mondiale » de l'époque, la culture de référence sur un espace allant du Maroc à l'Afghanistan, adoptée suivant des degrés et modalités divers par les populations se trouvant sur cet espace, jusqu'aux Romains[69]. L'« hellénisation » constituerait alors une forme antique de « globalisation » culturelle, comprenant des références et une esthétique communes, adoptées par des nombreuses populations sans forcément renier leurs origines et qu'ils se considèrent comme Grecs[70]. Le monde hellénistique est plus envisagé dans sa dimension multi-culturelle et ses mixités. Les spécificités régionales et locales non-grecques se sont souvent maintenues et n'ont pas forcément perdu de leur vitalité malgré la domination politique et culturelle grecque et les motivations des différents acteurs du phénomène sont envisagées sous des jours plus complexes, parfois en refusant le terme d'« hellénisation » qui manquerait de nuances. Les modalités et les subtilités des ces phénomènes peuvent être abordées sous l'angle de concepts tels que l'acculturation ou l'hybridation, les métissages, la créolisation, la négociation, ou encore celui de transfert culturel, et plus récemment le « middle ground »[71],[21].

Cela pose aussi la question de savoir qu'est-ce qu'« être grec » à cette période. Isocrate a donné à la fin de la période classique une définition de l'hellénité qui se veut ouverte : « [On emploie] le nom de Grec non plus comme celui de la race mais comme celui de la culture, et on appelle Grecs plutôt les gens qui participent à notre éducation que ceux qui ont la même origine de nous. » C'est donc plus une affaire de culture (la paideia), de vivre « à la grecque », que de généalogie et de naissance[72].

Maurice Sartre résume ainsi les caractéristiques de l'hellénité à cette période et sa variabilité :

« Par culture grecque, il faut entendre au premier rang la langue, car on ne peut se prétendre Grec sans parler le grec. Mais, à partir de là, les individus adoptent une part plus ou moins grande de ce qui constitue l'identité grecque : parfois (rarement) les dieux, les modes alimentaires (vin et huile d'olive), le vêtement, la nudité sportive, les noms propres, le goût pour les loisirs grecs (théâtre, concours), les modes de pensée, les institutions politiques, etc. Dans ces conditions, l'hellénisation des populations varie à l'infini, en fonction des choix des individus et des communautés. Car un barbare n'est pas considéré comme Grec à titre individuel : pour les Grecs, on devient Grec parce que l'on est citoyen d'une communauté reconnue comme grecque[73]. »

Le processus d'hellénisation est donc fondamentalement culturel, plus que politique et juridique (à la différence de la « romanisation »). Il ne s'agit pas d'une volonté politique, les rois hellénistiques ne cherchant pas à imposer la culture grecque à leurs sujets, même s'ils l'ont favorisée et ont fortement contribué à en faire la culture de référence de leur temps[74]. En particulier, la création de cités grecques joue un rôle important dans l'expansion de l'hellénisme, puisqu'elles en sont le cadre de vie par excellence. Dans les pays où la composante non-grecque est majoritaire elles jouent le rôle d'avant-poste de l'hellénisation et même de « vitrine » de la culture grecque[75].

Les spécialistes s'appuient souvent sur le fait qu'une personne ait un nom en grec et s'exprime en grec dans un contexte public (connu par des inscriptions) pour dire qu'elle est grecque. Mais le processus d'hellénisation a brouillé les situations dans bien des cas puisqu'en plusieurs endroits des personnes non grecques ont pris des noms grecs (et dans certains cas un second nom grec en plus de leur nom indigène), appris le grec et commandité des inscriptions en grec (parfois bilingues) et des objets d'art de style grec. À tout le moins ces éléments permettent de déterminer l'identité culturelle affichée des personnes, à défaut de pouvoir déterminer leur véritable profil culturel[76],[77].

L'hellénisation est un processus qui concerne avant tout les élites sociales, et peut être pour elles motivé par l'attractivité de la culture grecque comme par la volonté de se mettre du côté des vainqueurs, mais elle ne suppose pas l'abandon des éléments culturels indigènes[78]. Les cultures locales soumises à l'influence grecque ne sont pas passives, loin de là, disposent souvent de leur propre vitalité, ce qui explique que l'hellénisation prenne des aspects bien différents selon les régions. Les récepteurs sélectionnent les éléments de la culture grecque qu'ils adoptent et les remodèlent souvent, en fonction de leurs propres finalités. Au surplus, les transferts culturels se font dans les deux sens, potentiellement suivant une logique de compréhension et d'accommodation mutuelles. Les mentalités grecques sont déjà habituées depuis les époques antérieures à intégrer des éléments venus des autres cultures et des personnes d'origine gréco-macédonienne peuvent adopter des éléments de la culture de leur pays d'implantation. Il résulte de tout cela que l'opposition entre « Grec » et « Indigène » qui sert souvent de grille de lecture pour la période masque la diversité et la complexité des situations, même au niveau local, bien qu'elle soit toujours employée par commodité[79]. Rien n'oblige à être exclusivement grec : on peut être grec et babylonien, grec et phénicien, etc.[78]

Du reste, dans certains cas l'hellénisme semble susciter des résistances, sous différentes formes (contre-acculturation, révoltes), dont les illustrations seraient des résistances non violentes dans les milieux sacerdotaux égyptiens et la révolte des Maccabées de Judée[80]. D'autres études ont souligné les limites de l'analyse de ces phénomènes par le prisme de logiques tranchées (telles que le choix entre l'assimilation ou la résistance), qui insisterait trop sur l'idée d'un rapport dominant/dominé, et que l'hellénisme ne semble pas avoir suscité de rejet marqué[81].

Il est donc difficile de généraliser sur la réalité et la profondeur de l'« hellénisation » et des échanges culturels. Les situations sont variées selon les royaumes, les provinces et même selon les individus. Très souvent, de fortes poches hellénisées (surtout des villes) côtoient des zones où le phénomène reste superficiel. La grande diversité dans les sources disponibles, et leur hétérogénéité, oblige à beaucoup de prudence lorsqu'on parle d'hellénisation. Il n'en demeure pas moins que la culture dominante est la culture grecque et que cet aspect va durer bien au-delà de la conquête romaine.

Aspects économiques

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Structures économiques

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Octodrachme d'or à l'effigie d'Arsinoé II Philadelphe, sœur et épouse de Ptolémée II.

Du point de vue économique, les territoires dominés par les royaumes hellénistiques sont très hétérogènes, conduisant à une grande diversité de situations. Dans le domaine agricole, les Grecs ont mis la main sur deux des régions les plus productives du monde antique, la vallée du Nil et la Basse Mésopotamie, et du point de vue de l'élevage sur de vastes zones de pâtures situées dans les steppes et les régions hautes de l'Asie occidentale. Les rois disposent de grands domaines agricoles, qu'ils peuvent faire exploiter directement par leurs esclaves et dépendants, céder ou bien concéder à des tenanciers, disposant d'une parcelle de terre (kléros) en échange d'un service militaire (clérouquie), ou encore attribuer en don (dôrea) les revenus d'une terre à des serviteurs de la couronne. Les élites et les temples disposent également de domaines importants, dont le développement est une des caractéristiques de la période. Les propriétés royales comprennent aussi des mines, des carrières et des forêts[82].

L'aspect économique du pouvoir concerne également le prélèvement des richesses des individus et cités, par le biais de taxes, servant à financer l'armée, la cour, l'administration, également les dons faits à des serviteurs, et aux cités dans le cadre de l'évergétisme[82]. Les rois incitent également au développement des productions, notamment par l'extension des domaines agricoles et l'introduction de nouvelles cultures, illustré en particulier par le développement du Fayoum dans l’Égypte lagide, documenté par une abondante documentation sur papyrus provenant des archives de Zénon de Caunos[83].

Monnaie et finances

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La conquête de l'empire perse par Alexandre s'accompagne de l'accaparement de ses importants trésors, qui sont en bonne partie convertis en monnaies, ce qui crée un gonflement de la masse monétaire rapide et considérable. Cela explique pourquoi le monnayage d'Alexandre continue à circuler pendant plusieurs décennies. Les premiers rois hellénistiques s'appuient aussi sur les trésors des pays conquis et disposent ainsi de métaux précieux et d'une monnaie en abondance. Leurs moyens financiers sont donc sans commune mesure avec ceux des États grecs de l'époque classique[84].

La période hellénistique se distingue par une forte extension de l’utilisation de la monnaie, essentiellement de la monnaie d’argent pour les échanges importants[85] et de bronze pour les achats quotidiens de faible valeur à l'échelle locale[86]. La plupart des Diadoques, en effet, reprennent la monnaie d’argent mise en place par Alexandre (une monnaie d’argent reprenant le poids des monnaies athéniennes) et en font l’étalon monétaire du monde hellénistique. Ainsi, chaque souverain frappe sa monnaie mais elles possèdent toutes un poids identique et circulent assez aisément d’un territoire à l’autre sans qu'il y ait la contrainte d’un change. Cette ouverture facilite les échanges économiques entre les États. Cependant, cet indéniable développement de l'étalon attique et le processus d'unification monétaire qu'il permet doit être relativisé. Ainsi, la puissante cité commerciale qu'est Rhodes conserve son propre étalon (étalon « chiote »)[85]. Les Lagides et les Attalides au IIe siècle av. J.-C. exigent pour leur part sur leur territoire l’usage exclusif de leur monnaie. Le change leur permet de faire d’importants bénéfices car leur monnaie est échangée à égalité (une pièce d’argent contre une pièce d’argent) alors qu'elle est d’un poids inférieur à l’étalon international de l’époque[87].

Seuls les royaumes, les ligues et les cités les plus riches (Rhodes, Athènes, Thasos) frappent régulièrement, les autres le font de façon plus épisodique. Les motivations de ces frappes sont avant tout le financement de guerres et de constructions importantes. Pour les transactions courantes, les petites pièces en argent et en bronze, généralement issues de frappes locales avec des étalons très variés, sont les plus employées. Il semble y avoir une diffusion de l'usage de la monnaie durant la période, surtout autour de la zone méditerranéenne, puisqu'en Mésopotamie et en Iran on privilégie traditionnellement des moyens de transaction pesés et non comptés[88].

Les activités bancaires se développent dans la continuité de la période précédente : les papyrus d’Égypte attestent l'existence de systèmes de paiement élaborés, à savoir le giro, une forme de virement bancaire, et la lettre de change, et ce royaume avait vu le développement d'un réseau de banques complexes, publiques et privées[89].

Échanges et économies urbaines

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Les échanges à longue distance concernent l'approvisionnement du monde égéen en céréales égyptiennes, le commerce du bétail et des esclaves provenant de la mer Noire, et les produits de luxe comme les épices et pierres précieuses venues du monde indien. Les principaux centres commerciaux développés durant la période sont Alexandrie, Rhodes, puis Pétra. Les villes sont d'une manière générale d'importants centres de consommation, et de production de biens de luxe. La tendance est probablement à la croissance des échanges à longue distance, comme l'illustre le fait qu'on connaît plus d'épaves de bateaux de cette période que des précédentes, également le développement des institutions bancaires et financières, et celui des installations portuaires (dont les phares)[82]. L'élargissement du monde grec et l'urbanisation ont manifestement joué un rôle moteur dans cet essor des échanges, mais il concerne avant tout certaines régions, surtout les grandes villes, et laisse de côté d'autres espaces plus isolés. La majorité de la population, paysanne, se repose comme durant la période précédente surtout sur l'autoconsommation complétée par des échanges au niveau local[90].

Les centres principaux du commerce hellénistique se modifient considérablement tout au long de la période[91]. Alexandrie est ainsi un énorme entrepôt pour les productions et l’artisanat égyptien, mais aussi la porte d’entrée pour les autres états du marché égyptien. Elle sert ainsi d’interface entre l’Égypte et le monde méditerranéen. Jusqu'en , Rhodes est le principal port du commerce égéen et un important centre de redistribution du blé. Totalement indépendante politiquement, Rhodes n’hésite pas à défendre par les armes la liberté de commerce et de circulation maritime. Elle lutte ainsi contre la piraterie et, en , déclenche même un conflit avec Byzance[92].

C’est pour punir Rhodes de sa neutralité dans son conflit contre la Macédoine que Rome fait de Délos un port franc. Délos devient ainsi le principal centre de redistribution du commerce égéen et le principal marché aux esclaves de la région jusqu'à sa destruction par Mithridate en La Grèce continentale, après une brève renaissance dans les années qui suivent la conquête d’Alexandre, connaît une grave crise économique à l’exception du monde égéen. Les divers royaumes hellénistiques fabriquent eux-mêmes leurs produits nécessaires. La Grèce conserve d’importants besoins en céréales, dont les prix ne cessent de grimper après une baisse au début du IIIe siècle, et n’exporte guère que du vin et de l’huile, dont les prix restent stables, et des produits de luxe qui assurent le maintien de l’artisanat en particulier à Athènes et Corinthe. Il s'ensuit une paupérisation croissante de la population (les salaires diminuent en Grèce tout au long de la période) accentuée par l’essor de l’esclavage du fait des guerres incessantes. Pour beaucoup d’hommes libres, il est difficile de trouver du travail. La seule solution est alors le mercenariat[93].

Les mondes hellénistiques

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Royaumes et cités du nord

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Royaume de Macédoine

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Le royaume de Macédoine et la Grèce égéenne sous Philippe V, vers 200 av. J.-C.
 
Atrium avec mosaïque à décor géométrique dans une grande demeure de Pella.

Au début de la période, le royaume de Macédoine d'où est originaire Alexandre le Grand est dominé par plusieurs prétendants, avant que la dynastie des Antigonides (descendants d'Antigone le Borgne qui en pratique n'a jamais régné sur la Macédoine) ne s'y imposent sous Démétrios Poliorcète et surtout son fils Antigone II Gonatas (277-239). C'est une entité territoriale relativement cohérente, un ancien État fédéral qui a connu une centralisation, organisé autour de la Macédoine où se trouvent ses capitales Aigai/Vergina, Pella et Philippes, ainsi que le grand sanctuaire de Dion, situé au pied du mont Olympe. Le roi et ses proches dominent l'organisation politique, mais ils doivent composer avec une assemblée des Macédoniens qui a des compétences judiciaires, et des cités qui ont une certaine autonomie tout en se voyant dicter leur politique générale par le roi et ses agents. Une armée nationale bien encadrée et recevant une formation poussée assure la puissance du royaume. Vis-à-vis des deux autres grandes puissances hellénistiques, les Séleucides et les Lagides, les relations sont peu conflictuelles. Les rois macédoniens ont à composer avec diverses entités politiques en Grèce continentale sur lesquels ils exercent une hégémonie qui est souvent mise à mal. Ces relations génèrent des conflits à répétitions : contre une coalition menée par les cités d'Athènes et de Sparte, contre ses voisins directs, l'Épire, les ligues d'Étolie et d'Achaïe, et les Illyriens. Ces conflits, plus aigus à partir du règne de Philippe V (221-179) qui a une politique extérieure plus ambitieuse que ses prédécesseurs, attirent finalement les Romains en Grèce continentale, qui soumettent la Macédoine après plusieurs « guerres macédoniennes » et la réduisent en provinces en 167[94],[95].

Épire et Illyrie

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L’Épire et les régions voisines dans l'Antiquité.
 
Le théâtre de Dodone, dans le principal sanctuaire des Épirotes.

Plus à l'ouest, l'Épire est un autre royaume de structure fédérale et à base ethnique, dirigé par des rois (dynastie des Eacides) à l'autorité limitée par les institutions fédérales. Il connaît une période faste dans le domaine militaire au début de l'ère hellénistique, sous la direction du roi Pyrrhus (297-272), qui agrandit le territoire épirote et contrôle même un temps la Macédoine. Le principal sanctuaire de la région, situé à Dodone et dédié à Zeus, est embelli. Il entreprend des expéditions en Italie et en Sicile, où il est sollicité par des cités grecques et des peuples italiques pour faire face aux Romains, puis aux Carthaginois. Il est finalement vaincu par les Romains, puis par Antigone Gonatas, et trouve la mort à Argos en 272. Son fils Alexandre II cherche à poursuivre sur la voie tracée par son père, mais les Macédoniens puis les Étoliens lui infligent des défaites. La monarchie épirote est renversée en 232 et après cela les entités qui composent la fédération sont moins soudées que par le passé. Cela n'empêche pas la région de connaître un certain développement initié par quelques cités (Apollonia, Épidamne), qui se manifeste aussi sur sa frange nord, le territoire dominé par les Illyriens, peuple non-grec mais de plus en plus hellénisé. Dans la seconde moitié du IIIe siècle av. J.-C., les rois illyriens se font plus menaçants pour leurs voisins, notamment dans l'Adriatique, ce qui suscite l'intervention des Romains en 229. Rome étend son autorité sur la région à partir de cette date. L'Illyrie est soumise dans les années qui suivent, puis l’Épire est entraînée dans les guerres macédoniennes et dévastée par les légions romaines en 167, qui détruisent 70 établissements et réduisent en esclavage 150 000 personnes[96].

Nord de l’Égée et mer Noire

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Carte des principales cités grecques autour du Pont Euxin (mer Noire).

Des cités grecques sont implantées depuis l'époque archaïque sur les rives nord de la mer Égée, en Thrace, et sur les rives non anatoliennes de la mer Noire (le Pont-Euxin des Grecs). Elles ont prospéré durant l'époque classique, notamment grâce à leurs riches terroirs agricoles. Il s'agit de zones de contacts avec les Thraces et les Scythes, qui peuvent aussi bien être pacifiques que conflictuels.

Dans la partie balkanique de cet ensemble, la Macédoine avait étendu son influence sous Philippe II et Alexandre, avant que les guerres des Diadoques ne rabattent les cartes. Cette période est aussi marquée par la constitution de cités qui contribuent à l'hellénisation de ces régions. On ne sait pas si les populations locales sont réduites au statut de dépendant des cités, ou bien si elles restent libres, la documentation manquant. Lysimaque s'y impose au début, puis les Lagides deviennent un temps les maîtres de la Thrace dans la seconde moitié du IIIe siècle av. J.-C., et la région devient ensuite un protectorat de la Macédoine. Elle est annexée par Rome en même temps que cette dernière, à partir de 168, les cités côtières restant indépendantes jusqu'en 129. Les Romains se retrouvent vite confrontés aux Thraces, qui menacent leurs nouvelles possessions à plusieurs reprises et interviennent même dans leurs guerres civiles[97],[98].

Au nord de la mer Noire, les implantations les plus importantes sont Olbia du Pont, qui s'est constituée un vaste territoire avec des colonies dans la région de l'embouchure du Boug et du Dniepr, et les cités du Bosphore cimmérien, autour du détroit de Kertch, dominées par la dynastie des Spartocides (royaume du Bosphore, capitale Panticapée). Ils connaissent une période très prospère au IVe siècle av. J.-C., grâce à leur blé et aussi au poisson, peaux et esclaves exportés jusqu'à Athènes, et leurs exports de produits de luxe vers le monde scythe. Un art gréco-scythe se développe, et des textes antiques parlent d'une population mixte, les mixellenes, « à moitié grecs », dans l'arrière-pays d'Olbia. Le IIIe siècle av. J.-C. voit cette conjoncture se retourner, surtout après 250, une des causes étant la pression accrue exercée par les tribus scythes (elles-mêmes attaquées par des Galates), auxquels des tributs sont versés sans pour autant faire baisser l'insécurité. En conséquence les cités se fortifient, mais doivent aussi abandonner des établissements, voient leur production agricole diminuer au point de devoir importer du blé. Ce contexte semble aussi favoriser la concentration des richesses et du pouvoir entre les mains de quelques-uns. Mithridate VI du Pont intervient à la fin du IIe siècle av. J.-C. pour appuyer les Grecs face aux Scythes et devient roi du Bosphore cimmérien. Il finit sa vie à Panticapée après avoir fui les Romains. Les Gètes deviennent ensuite la nouvelle menace et Rome la puissance tutélaire[99],[100],[101],[102].

Grèce égéenne

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Localisation des principales régions et cités de la Grèce antique.

La Grèce égéenne est par excellence la région des cités, établies dans le sud de la Grèce continentale, les îles égéennes et la frange littorale occidentale de l'Asie mineure. Ces entités politiques sont certes subordonnées aux grands royaumes contre lesquels elles ne peuvent durablement s'opposer, mais elles n'en préservent pas moins une certaine marge d'autonomie, une vie civique dynamique et des velléités d'indépendance qui s'expriment à plusieurs reprises. Certaines s'organisent en fédérations et acquièrent ainsi une puissance qui leur fait jouer un rôle militaire important.

Tendances générales

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Les cités de Grèce ont été mises au pas par la Macédoine sous le règne de Philippe II, leur défaite la plus significative étant celle de Chéronée (338), qui marque la fin de la prépondérance politique et militaire des grandes cités de l'époque classique (Athènes, Sparte, Thèbes), qui voient leur liberté et leur autonomie leur échapper, si on excepte Rhodes qui parvient à tenir tête aux grandes puissances grâce à sa flotte. Des tentatives de remise en cause de cette situation ont lieu au début de l'époque hellénistique, lors de la guerre lamiaque (323-322) et de la guerre chrémonidéenne (268-261), regroupant des coalitions de cités (avec l'appui des Lagides lors de la seconde) contre la domination macédonienne, sans succès. La lutte contre l'invasion celte de 279-277 oblige aussi les cités et fédérations à s'allier face à cette menace, et offrent à Antigone Gonatas l'occasion de monter sur le trône macédonien et de se poser en sauveur des Grecs. Néanmoins la montée en puissance des ligues achéenne et étolienne permet de dégager de nombreuses cités de la domination macédonienne, mais le roi de Macédoine Antigone Doson intervient de manière décisive pour aider les fédérations et cités à battre Cléomène de Sparte en 222, redevenant hégémon. La guerre sociale qui se déroule de 220 à 217 et oppose les Étoliens à une coalition conduite par Philippe V de Macédoine confirme le rôle prépondérant de ce dernier sans rétablir sa domination sur cette partie du monde grec qui reste divisée entre fédérations et cités autonome. C'est le dernier conflit avant l'irruption romaine dans les affaires grecques[103].

La constitution de royaumes grecs en Asie et en Égypte a diverses conséquences sur ce qui devient la « vieille Grèce ». Des richesses affluent à la suite des conquêtes, notamment avec le retour de soldats avec leur part de butin. Des individus partent s'installer dans les nouvelles régions dominées par des Grecs, ou alors y voyagent pour développer des contacts avec les Grecs qui y sont implantés. Les cités sollicitent régulièrement l'appui des dynastes hellénistiques, notamment les Lagides d’Égypte puis les Attalides de Pergame. Les plus prestigieuses disposent d'une sorte de « soft power » qui fait que les puissances de l'époque cherchent à capter leur prestige : les concours panhelléniques, notamment ceux d'Olympie, l'oracle de Delphes, et Athènes bénéficient ainsi de leurs attentions[104].

La mise en place de la domination romaine sur la Grèce se fait lors des guerres macédoniennes qui lui permettent de devenir la principale puissance du monde égéen. Les élites romaines sont souvent attirées par la culture grecque et le prestige de certaines des cités et des grands sanctuaires grecs, comme l'illustre en 196 Titus Quinctius Flamininus qui, après avoir mis fin à l'hégémonie macédonienne pour lui substituer celle de Rome, reprend à son compte le vieux slogan de la liberté des cités grecques, la proclamant au moment de la grande fête et des concours panhelléniques d'Isthmia. Après la provincialisation de la Macédoine en 167, les Romains sont directement au contact des cités et fédérations de Grèce. La guerre d'Achaïe qui a lieu en 146 est déclenchée lorsque Sparte rompt avec la ligue achéenne avec l'appui romain. La coalition qui se forme autour des Achéens est rapidement vaincue, la répression romaine culminant avec la destruction de Corinthe. Les régions vaincues sont annexées, les ligues dissoutes, les cités restées se voient imposer des régimes oligarchiques contrôlés par Rome, certaines régions sont soumises à des prélèvements plus forts[105]. Le ressentiment accumulé contre les Romains incite de nombreuses cités à se rallier à Mithridate VI du Pont en 88, ce qui entraîne de nouvelles dévastations, comme celle de Délos ou en Béotie, le pillage d'Athènes et la mise à contribution d'autres cités. Les cités rebelles sont privées de leur liberté[106]. L'impact de Rome sur la « vieille Grèce » est discuté. Il est souvent estimé qu'elle rentre dans une phase de déclin démographique, un « manque d'hommes » (oliganthropie), à la suite des conflits et des destructions et déportations, ce qui semble confirmé par les observations archéologiques en plusieurs endroits (Béotie, Épire et Ouest), surtout dans les campagnes, mais d'autres cités et régions sont au contraire dynamiques (Achaïe, Athènes, Messénie, Thessalie). Corinthe, détruite en 146, est refondée en 44, peuplée de vétérans de César, et devient dès lors une cité très dynamique. La cité portuaire de Patras est une autre cité prenant en importance sous domination romaine[107],[108],[109].

En fin de compte, le « déclin des cités » qui a par le passé été une grille de lecture de cette période est à relativiser. Certes les cités du monde égéen sont pour la plupart dans la dépendance directe ou indirecte d'un grand royaume — la plupart des cités de l'époque classique ayant déjà été dans la dépendance d'une cité plus puissante —, ou alors ont concédé leur autorité à une ligue, avant de passer progressivement sous domination romaine[110]. Mais une vie civique dynamique existe encore, reposant sur des institutions démocratiques, les cités ont encore à leur disposition des forces armées, de riches citoyens financent les activités de leur cité et en retirent un prestige. Les coalitions plus ou moins permanentes, notamment les ligues/fédérations, offrent des moyens d'agir, et de nouvelles puissances émergent (Rhodes, Étolie, Achaïe) alors que les plus anciennes ont plus ou moins décliné (Athènes, Sparte, Thèbes, Corinthe). Diverses crises sociales traversent néanmoins ces cités, générant parfois des guerres civiles qui offrent l'opportunité à des puissances extérieures d'essayer d'étendre leur emprise[111].

Athènes

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Stoa d'Attale, construite à l'époque hellénistique, sur le côté est de l’agora d'Athènes.

Parmi les puissances majeures de l'époque antérieure, Athènes a perdu son autonomie au début de la période, étant placée sous l'autorité macédonienne en dehors de certains intermèdes. Parmi les personnalités importantes du début de la période se trouvent Démétrios de Phalère, qui dirige la cité pour le compte des Macédoniens de 317 à 308, et Callias de Sphettos qui la libère de cette emprise en 287 avec l'appui lagide. La vie civique est donc étroitement surveillée si ce n'est contrôlée par les rois, qui se font aussi évergète en apportant un concours financier à la cité pour des rituels religieux et des constructions (par exemple la stoa d'Attale de Pergame). Athènes préserve une force armée au moins pour protéger son territoire, avec notamment une flotte. La cité se rallie à Rome après 229. Sa fidélité durant les guerres macédoniennes lui permet d'obtenir la domination sur Délos en 167. Cette période voit comme ailleurs la montée en puissance des familles les plus riches de la cité. La perte de puissance militaire de la ville est compensé par son prestige culturel, reposant sur son glorieux passé, ses monuments, ses fêtes religieuses, ses écoles de philosophie (Académie platonicienne, Lycée aristotélicien, Jardin épicurien, Portique stoïcien), ses représentations théâtrales et ses écoles d'arts. Elle se revendique comme le lieu majeur de l'hellénisme. Elle connaît néanmoins un déclin après 88, quand elle trahit Rome pour se rallier à Mithridate VI du Pont. En représailles, elle est pillée par les troupes de Scylla et Délos lui est enlevée[112].

Son ancienne rivale, Sparte, préserve son indépendance mais elle est affaiblie par son déclin militaire et ses difficultés internes, notamment démographiques. Plusieurs de ses rois tentent de lui redonner une place au premier plan. Aréos (309-365) abolit la double monarchie pour prendre le pouvoir seul, sur le modèle de la monarchie hellénistique. Il repousse Pyrrhus d'Épire et participe à la guerre chrémonidéenne (268-261) aux côtés d'Athènes et des Lagides. Agis IV (244-241) entreprend d'importantes réformes, notamment pour augmenter le nombre de citoyens, mais il est renversé. Cléomène III (235-222) reprend son programme en octroyant la citoyenneté aux populations traditionnellement dominées (Périèques et Hilotes) et en réformant l'appareil militaire. Mais l'alliance des autres puissances grecques entraînent sa défaite en 222. Les Achéens, dominant désormais le Péloponnèse, sont les principaux obstacles à Sparte. Par la suite la cité bascule dans la tyrannie, sous Machanidas et Nabis. Après l'échec de ce dernier, les Achéens intègrent Sparte dans leur ligue et abolissent ses institutions ancestrales, notamment la royauté, pour les remplacer par des institutions civiques normales. Elle reprend certes son autonomie par la suite mais perd son influence politique[113].

Les fédérations : Béotie, Étolie, Achaïe

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Hémidrachme de la ligue achéenne à l'effigie de Zeus.

Les fédérations ou ligues (koinon) ne sont pas une innovation de la période hellénistique, mais elles prennent une place plus importante dans la vie politique. Il s'agit d'organisations regroupant plusieurs cités, afin notamment de regrouper leurs forces militaires sous un commandement unifié. La plus importante de l'époque classique, la confédération béotienne, joue un rôle effacé depuis la destruction de Thèbes par Alexandre en 335. Elle reprend du dynamisme au début du IIe siècle av. J.-C., avant d'être dissoute par Rome en 172/1. La ligue étolienne, dans l'ouest de la Grèce centrale, est centrée sur le sanctuaire fédéral d'Apollon de Thermos, prend en importance durant la guerre lamiaque (323-322) et dans la lutte contre les Galates en 279-278. Elle reste importante jusqu'à sa déroute face à Rome en 189. L'Étolie se range aux côtés de Marc-Antoine et de Cléopâtre face à Octave, et subit une répression avec la déportation d'une partie de sa population et la constitution de nouvelles cités tenues par le pouvoir romain. La ligue achéenne (du nom de l'Achaïe, région du nord du Péloponnèse) gagne en importance au milieu du IIIe siècle av. J.-C. lorsqu'elle est rejointe par Aratos de Sicyone, qui devient son stratège et parvient à libérer le Péloponnèse de l'emprise macédonienne. Il doit néanmoins se rallier à son ennemi face à la menace spartiate en 224-222. Au début du IIe siècle av. J.-C. le stratège Philopoimen de Mégalopolis s'allie à Rome et étend l'autorité de la ligue sur tout le Péloponnèse, Sparte incluse. Mais il ne soutient pas les Romains lors de la troisième guerre de Macédoine, ce qui lui fait perdre les faveurs romaines ; il est forcé d'envoyer des otages à Rome, dont l'historien Polybe. La guerre d'Achaïe de 146 s'achève par sa défaite et sa dissolution. Elle est rétablie par les Romains au début du Ier siècle av. J.-C.[114].

Parmi les cités, seule Rhodes parvient à conserver son indépendance et une certaine puissance militaire, illustrée par sa résistance à Démétrios Poliorcète en 303, qu'elle célèbre en érigeant vers 300 son fameux colosse, une des merveilles du monde antique. Elle est issue de la fusion des cités de l'île de Rhodes, dotée d'institutions démocratiques et réputée pour la qualité de son gouvernement. À son apogée, elle domine plusieurs îles voisines ainsi qu'une portion de l'Asie Mineure, la Pérée, ainsi qu'une partie de la Carie et de la Lycie et la ligue des Nésiotes dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C.. Sa puissance militaire repose sur sa flotte, qui lui permet notamment d'être un fer de lance de la lutte contre les pirates (elle intervient en Crète). Elle bénéficie de son alliance avec Rome, mais son choix de ne pas l'appuyer lors de la dernière guerre macédonienne en 168-167 entraînent des représailles qui lui font perdre son influence. Rhodes reste néanmoins très prospère, grâce au commerce maritime, animé par ses armateurs et marchands, qui en font un centre majeur du commerce méditerranéen. Sa capitale bénéficie d'une grande renommée, illustrée par son colosse (certes effondré dès 228), ses écoles de philosophie et de sculpture, plus largement sa vie culturelle et ses érudits (Apollonios de Rhodes, Posidonios) qui en font un des centres hellénistiques les plus dynamiques dans ce domaine avec Athènes et Alexandrie[115],[116].

Délos est une autre cité insulaire prenant une grande importance, sans pour autant développer de force militaire. Située sur une île de petite taille et très peu peuplée, elle comprend le principal sanctuaire des Cyclades, dédié à Apollon, qui sert généralement de lieu de réunion de la ligue des Nésiotes (voir plus bas) et dispose de richesses considérables gérées par les élites de l'île. Elle a pris son indépendance d'Athènes en 314 et sa puissance financière lui permet de devenir un port important au moins au niveau régional, où résident des marchands locaux et étrangers, les taxes générées consolidant sa richesse. En 167 l'île est concédée à Athènes par les Romains et transformée en port franc, ses habitants étant chassés de l'île (ils se réfugient chez les Achéens) et remplacés par des Athéniens. Délos devient alors un port et un entrepôt commercial de premier plan, où les marchands d'Italie et d'autres pays viennent faire des affaires. Certains s'y installent, s'organisent en associations, implantent les cultes de leur pays d'origine, ce qui donne un aspect cosmopolite à la société de Délos. L'île prospère notamment grâce au commerce des denrées alimentaires, et aussi des esclaves. Dévastée par les armées de Mithridate en 88, puis par des pirates alliés de ce dernier en 69, elle perd en importance alors que d'autres ports prennent sa place[117].

Reste du monde insulaire

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La ligue des Nésiotes (« Insulaires ») est créée à la fin du IVe siècle av. J.-C. par Antigone le Borgne pour unifier ses alliés de la mer Égée. Elle est centrée sur le grand sanctuaire de Délos (et parfois le temple de Téos). Au siècle suivant elle passe sous le contrôle des Lagides, puis par la suite sous celle de Rhodes[118].

La Crète est quant à elle divisée entre cités entretenant souvent des relations conflictuelles (par exemple la guerre de Lyttos en 220), pratiquant la piraterie et fournissant de nombreux mercenaires aux armées hellénistiques. Elle connaît une première forme de ligue dans ses régions hautes, la ligue des montagnards (Oreion) à la fin du IVe siècle av. J.-C. Au siècle suivant se forme la ligue crétoise, reposant sur l'alliance entre Cnossos et Gortyne, les deux plus puissante cités (après qu'elles se soient débarrassé de Lyttos). Il s'agit essentiellement d'une instance de discussion sur des affaires de politique extérieure, sans armée commune, minée par les dissensions entre ses membres, même si elle parvient tant bien que mal à résoudre des conflits. Rome intervient de plus en plus dans les affaires crétoises pour résoudre les conflits et combattre la piraterie. Elle est brutalement conquise entre 69 et 67 et intégrée au système provincial dans une province de Crète-Cyrénaïque, qui a pour capitale Gortyne, que son statut d'alliée des Romains avait préservé, alors que sa rivale Cnossos devient une colonie romaine[119],[120].

Anatolie

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Tendances générales

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Localisation des principales cités et régions de l'Anatolie hellénistique.
 
L'Anatolie après la paix d'Apamée (188 av. J.-C.).

L'Anatolie (ou Asie mineure) est le principal terrain d'affrontement entre les Diadoques. Aucun royaume majeur ne s'y forme, mais la région est âprement disputée. C'est un ensemble de pays très fragmenté, comprenant d'anciennes cités grecques sur la côte orientale, des régions côtières plus ou moins hellénisées (Carie, Lycie, Cilicie), d'autres situés au nord et à l'intérieur qui préservent plus leurs traditions (Lydie, Phrygie, Paphlagonie, Bithynie, Cappadoce, etc.). Au début du IIIe siècle av. J.-C. la région est partagée entre un domaine lagide situé sur les côtes, et un domaine séleucide s'étendant à l'intérieur, au sud et à l'est de la péninsule. Mais la situation conflictuelle a été une opportunité pour plusieurs potentats locaux d'origine perse ou grecque qui ont constitué leurs royaumes (Bithynie, Pergame, Cappadoce), aussi pour les Galates qui ont attaqué plusieurs régions anatoliennes avant d'être cantonnés dans le centre de la péninsule, d'où ils causent régulièrement des troubles[121].

Cette période donne aussi lieu à de grands remaniements dans le paysage civique anatolien. De nouvelles cités sont fondées par les rois, tantôt ex-nihilo, ou refondées après déplacement depuis leur site initial (Éphèse), ou encore après regroupement de communautés rurales sur un nouveau site urbain (synœcisme), et plusieurs se voient donner un nom royal. Ce mouvement de poliadisation se diffuse vers l'intérieur des terres, où il contribue à l'hellénisation des contrées. Ces nouvelles cités sont moins autonomes vis-à-vis du pouvoir royal que les anciennes cités grecques de la côte. L'Anatolie intérieure comprend également des domaines de sanctuaires qui ont une grande importance dans certaines parties de l'intérieur (on a pu parler, sans doute excessivement, d’« États sacerdotaux », notamment pour le temple de Cybèle à Pessinonte). Avec le temps les dynasties royales anatoliennes prennent plus d'autonomie et se comportent à leur échelle comme les grands royaumes, faisant passer sous leur autorité des cités et sanctuaires[122].

Rome prend pied en Anatolie avec le legs d'Attale de Pergame qui aboutit à la constitution de la province d'Asie en 129, située dans la partie orientale de la péninsule. Les excès de la domination romaine, notamment fiscaux, sont en bonne partie la cause du ralliement de la région à Mithridate VI du Pont lorsqu'il entre en conflit avec Rome en 88. Cette période entraîne de nombreuses dévastations, d'abord par le massacre des Romains résidant dans la région, puis la répression de la révolte par les troupes romaines qui ravagent plusieurs régions telles que la Cappadoce et la Bithynie. La majeure partie de l'Asie mineure est exsangue[123],[124]. La domination romaine s'étend encore dans les années suivantes par la constitution de nouvelles provinces. Lorsque Pompée redessine la carte de l'Orient en 63, l'Anatolie dispose de trois provinces, l'Asie, la Bithynie (avec le Pont) et la Cilicie (avec la Pamphylie), alors que d'autres royaumes sont alliés/clients de Rome (Cappadoce, Paphlagonie, Galatie, Commagène, Arménie)[125].

Cités et fédérations : exemples

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Priène située en Ionie dans la vallée du Méandre est un exemple de cité grecque d'Asie mineure qui reste relativement autonome mais doit composer avec le nouvel ordre politique. La ville est refondée au milieu du IVe siècle av. J.-C. sur un nouveau site, qui est occupé jusqu'à la fin de l'époque hellénistique quand un incendie le ravage, après quoi elle est peu occupée. Elle est donc un cadre avantageux pour connaître une cité hellénistique. La ville nouvelle est située au pied d'une acropole, le mont Téloneia, et son plan est organisé autour de blocs rectangulaires de taille similaire. Elle comprend un temple dédié à Athéna et un théâtre. Les nombreuses inscriptions documentent sa vie politique. Elle bénéficie d'un financement d'Alexandre pour ériger son principal sanctuaire, avant d'être impliquée dans les rivalités entre les Diadoques, passant notamment un temps sous l'autorité séleucide. Elle subit une attaque des Galates repoussée avec difficulté. Dans l'ensemble la cité reste autonome face aux rois, et développe même une politique extérieure qui lui permet de recevoir un appui des rois de Cappadoce puis de Rome. Priène dispose d'institutions démocratiques caractéristiques de la période, de charges de prêtrises qui sont mises en vente comme cela se fait en Ionie, ses besoins courants sont financés par des contributions de ses plus riches citoyens, les liturgies. L'évergétisme des riches citoyens (et parfois de leurs femmes et filles) s'affirme dans la seconde moitié de la période hellénistique et à la fin de la période leurs familles accaparent les charges civiques majeures. Les futurs citoyens sont entraînés dans le cadre de l'éphébie, et la cité dispose d'une armée, sa garnison principale étant sur son acropole. Dans les campagnes alentours la population servile est constituée des Pedies, d'origine carienne, qui se rebellent de temps en temps[126].

Des organisations fédérales existent en Asie mineure, la mieux connue étant celle de Lycie. Elle est peut-être créée à l'instigation des Lagides à la fin du IIIe siècle av. J.-C., mais elle apparaît dans nos sources durant la période de domination rhodienne sur cette région (188-167), pour s'opposer à celle-ci. Après sa libération elle devient un État fédéral regroupent trente-trois cités, dont le représentant porte le titre de lykiarque. Elle gère leur politique extérieure, signant notamment un traité avec César en 46[127].

Pergame

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Le royaume de Pergame, dirigé par la dynastie des Attalides, est le royaume anatolien qui a rencontré le plus de succès et obtenu la plus grande renommée. Ses premiers rois profitent des affrontements entre Séleucides et Lagides pour gagner en autonomie, et la victoire d'Attale Ier (241-197) face aux Galates lui confère un grand prestige aux yeux des Grecs, lui fournissant l'occasion de se proclamer roi. Allié de Rome, son successeur Eumène II (197-158) reçoit une partie des possessions séleucides lors de la paix d'Apamée (188) et devient le roi grec le plus puissant dans la sphère égéenne-anatolienne, dominant les cités voisines. Le royaume était organisé sur le modèle de celui des Séleucides. La capitale Pergame connaît alors de grands travaux qui en font une des principales métropoles du monde hellénistique et une école d'art et d'architecture de premier plan. Son acropole comprend plusieurs sanctuaires, le Grand Autel au riche décor qui en fait un chef-d’œuvre de l'art hellénistique, un grand théâtre bâti sur les pentes abruptes du site, aussi une grande bibliothèque qui lui donne un rayonnement intellectuel. Le royaume de Pergame s'achève en 133 à la mort d'Attale III, qui le lègue à Rome. Signe du prestige de la ville, c'est dans son théâtre que Mithridate VI se fait couronner en 88[128],[129].

Les autres royaumes anatoliens

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Parmi les autres royaumes anatoliens, la Bithynie, située dans la zone stratégique du Bosphore, est au début de la période hellénistique aux mains d'une dynastie autonome. Son dirigeant Zipoitès survit à la période des Diadoques en dépit de pertes territoriales, et prend le titre royal. Malgré de nombreux troubles dynastiques, le royaume se maintient en changeant ses alliances. La Mysie est l'objet de ses convoitises, contrecarrées par l'expansion de Pergame, soutenue par Rome qui intervient de plus en plus dans les troubles successoraux bithyniens. Une fois le royaume de Pergame annexé par Rome, le Pont devient son principal rival, ce qui entraîne sa dévastation lors de la première guerre mithridatique. Son dernier roi lègue la Bithynie à Rome en 74, et elle devient une province romaine l'année suivante[130]. Le Pont était quant à lui devenu indépendant au début du IIIe siècle av. J.-C. sous la direction d'une dynastie de rois d'origine perse hellénisés, et étend également son influence sur les cités grecques et régions voisines, atteignant son apogée sous Mithridate VI, dernier rival de Rome en Anatolie[131]. À l'intérieur, la Cappadoce est une région montagneuse difficile d'accès, qui est au début de la période convoitée par Eumène de Cardia, un des compagnons d'Alexandre, mais qui reste entre les mains d'une dynastie d'origine iranienne, les descendants d'Ariarathe, qui prend le titre royal après avoir repoussé les Séleucides. Son histoire est mal connue et marquée par de nombreuses vicissitudes caractéristiques de la vie politique et militaire de l'Anatolie hellénistiques. Vers la fin du IIe siècle av. J.-C. Rome y installe une nouvelle dynastie, dont le premier roi est Ariobazane, pour faire face à Mithridate du Pont. Le royaume devient dès lors un client des Romains[130]. Plus à l'est les Orontides de Commagène sont également des Perses hellénisés, profitant de la fragilisation des Séleucides pour se rendre indépendants, dont la fidélité à Rome assure une longévité inhabituelle puisqu'ils survivent jusqu'en 72 de notre ère[132]. Cette dynastie hellénisée réalise une synthèse culturelle mêlant éléments grecs et iraniens, visible en particulier sur le site de Nemrut Dağı créant une identité mixte propre, servant le pouvoir royal[133].

 
L'Arménie sous Tigrane II.

Encore plus à l'est, au sud du Caucase, se développe le royaume d'Arménie, dont l'histoire reste obscure jusqu'au règne de Tigrane II (96-55 av. J.-C., qui profite de la période de disparition des Séleucides et de mise en place de la rivalité romano-parthe pour tenter de s'imposer. Il rencontre un temps des succès, constituant un royaume qui s'étend en Cappadoce, en Cilicie, en Atropatène, en Haute-Mésopotamie, et en Syrie jusqu'à Antioche. Son alliance à Mithridate VI du Pont lui attire l'hostilité des Romains, Pompée le réduisant au statut de vassal. Tigrane est un roi hellénisé qui entretient des artistes grecs à sa cour. Mais il dispose d'un nom iranien, prend le titre perse de « Roi des rois », et son administration écrit en araméen d'empire comme les Achéménides avant lui. La religion associe divinités mazdéennes et grecques. Le fils et successeur de Tigrane, Artavazde II, est déporté en Égypte et exécuté sur ordre de Marc-Antoine en 34, mais la dynastie semble avoir survécu quelque temps encore[134].

Aspects culturels

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L'Anatolie hellénistique est donc une mosaïque culturelle qui en a fait un domaine d'étude privilégié pour les questionnements liés à l'hellénisation. On y trouve des populations hellénophones, quelques iranophones, aussi des Thraces, et beaucoup d'autres parlant des langues indo-européennes et implantées dans la région bien avant la période (louvite, lycien, lydien, etc.), ainsi que des communautés juives s'implantent dans des cités. La documentation épigraphique est essentiellement grecque, ce qui crée donc un biais, et certaines régions très isolées et peu hellénisées (Cilicie trachée, Galatie, Lycaonie) sont très peu connues. Les cités et les fondations de cités sont des éléments essentiels de la diffusion de la culture grecque, dont l'influence se retrouve jusque dans des endroits reculés, et dans les royaumes qui ne sont pas dirigés par des dynasties d'origine grecque comme la Bithynie, le Pont ou la Cappadoce. Mais les traditions locales sont également tenaces, ce qui est surtout attesté par l'importance des divinités anatoliennes dont certaines conservent leur nom (Cybèle, Kakasbos, Ma), tandis que d'autres reçoivent un nom grec tout en préservant leur identité propre (Zeus de Labranda). Quant à l'influence iranienne, illustrée notamment par la présence de lieux de culte à Anahita, elle semble disparaître à l'ouest après la fin de la domination achéménide, mais se maintenir au moins partiellement plus à l'est[135].

Égypte

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Formation et organisation du royaume lagide

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Le royaume lagide aux IIIe – IIe siècle av. J.-C.
 
Buste de Ptolémée Ier, Musée du Louvre.

L'Égypte est conquise par Alexandre à la fin de l'année 332, et il repart dès le printemps suivant. Ptolémée Ier devient satrape d’Égypte après la mort du conquérant. Il devient ensuite roi, fondateur de la dynastie des Lagides (du nom de son père Lagos). Ses successeurs portent tous le même nom (on parle aussi de « dynastie des Ptolémées »). À la tête d'un pays prospère, cohérent et bien défendu, durant les guerres des Diadoques Ptolémée Ier utilise ses moyens pour s'étendre en Cyrénaïque, au Levant, en Asie mineure et à Chypre. Grâce à leur puissance maritime (reposant en grande partie sur la possession de Chypre et de la Phénicie), ses successeurs peuvent jouer un rôle dans la vie politique de l’Égée durant le IIIe siècle av. J.-C., dominant les Cyclades et plusieurs cités côtières en Asie mineure et jusqu'en Thrace[136].

Comme les autres monarchies hellénistiques c'est un royaume centralisé autour de la figure royale, avec ses proches. Les rois ont pour particularité de pratiquer l'inceste royal. L'histoire du royaume est émaillée de nombreuses rivalités, assassinats et conflits entre rois, reines, princes et princesses (qui sont souvent mari et femme). La puissance des Lagides repose avant tout sur la domination de la vallée du Nil, qui donne une cohérence territoriale à leur royaume que n'ont pas les autres grandes puissances hellénistiques. Les structures administratives égyptiennes traditionnelles, les nomes, sont reprises, la base étant constituée de villages et de villes, tandis que les sanctuaires égyptiens constituent un important pôle d'autorité avec lequel les rois doivent compter. Il n'y a guère que trois cités grecques, Alexandrie, Naucratis et Ptolémaïs, dont les institutions civiques ont sans doute peu de latitude en raison du contrôle royal. L'exercice du pouvoir est en effet très hiérarchisé et centralisé. Des garnisons, constituées en grande partie de mercenaires et de colons militaires (clérouques), assurent la sécurité et le contrôle du territoire. Le grec devient progressivement la langue de l'administration, qui est donc contrôlée par des personnes d'origine grecque ou des égyptiens hellénisés[137],[138],[139].

 
Papyrus des archives de Zénon de Caunos, v. 251 av. J.-C. Bibliothèque Laurentienne.

L'économie lagide bénéficie des riches terres agricoles de la vallée du Nil, qui en font un grenier à blé du monde méditerranéen, exportant notamment vers les cités égéennes et jusque dans le Bosphore cimmérien. Le Fayoum, vaste oasis située à l'ouest du Nil, est aménagée et devient une autre zone de culture importante, dont l'activité est documentée par les archives de Zénon de Caunos qui en font la région la mieux connue de l’Égypte lagide. Sa mise en valeur s'accompagne de la fondation de nouveaux villages qui comprennent des Grecs, mais aussi des Thraces, des Juifs, des Syriens, se mêlant à la population égyptienne déjà présente, qui en font une région de rencontre de différentes cultures[140]. Les domaines royaux fournissent des revenus considérables, qui sont complétés par la fiscalité, reposant sur une bureaucratie effectuant des travaux de recensement et de cadastrage, des banques royales et l'affermage de certains prélèvements. Alexandrie sert de point de collecte de ses différentes richesses, qui peuvent ensuite être redistribuées et commercialisées hors du royaume[137],[141].

Alexandrie

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Alexandrie bénéficie largement du développement de la monarchie lagide, qui y concentre une part substantielle des richesses qu'elle prélève sur le royaume afin d'assurer son train de vie et d'embellir la cité, qui devient un instrument du prestige royal. Un grand palais y est érigé, le culte royal y occupe une place centrale, avec la grande fête des Ptolémaia. Les fouilles apportent néanmoins peu d'informations sur l'organisation de la cité, en raison de l'occupation moderne, et sa physionomie est reconstituée par les textes : elle dispose d'un puissant rempart, de divers monuments politiques et religieux (dont le temple de Sérapis, Sérapéum), et du Phare d'Alexandrie, passé à la postérité comme une merveille du monde. C'est un pôle commercial de premier plan, disposant d'un port très actif, de marchés, de banques, et du seul atelier monétaire du royaume. C'est une ville cosmopolite, dominée par une élite grecque et hellénisée, ainsi que des Égyptiens et des étrangers, dont une importante communauté juive, atteignant peut-être le demi-million d'habitants. C'est enfin une capitale culturelle du monde hellénistique, attirant des artistes et des savants de renom. La Bibliothèque d'Alexandrie est un lieu d'études sans équivalent pour l'époque[142],[143].

Grecs et Égyptiens

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La pierre de Rosette, inscription trilingue grec-démotique-hiéroglyphes comprenant un décret de Ptolémée V. 196 av. J.-C. British Museum.
 
Ptolémée VIII en tenue de pharaon, entre les déesses Ouadjet et Nekhbet, symbolisant respectivement la Basse- et la Haute-Égypte. Temple d'Horus à Edfou.

Les rois lagides se présentent à leurs sujets égyptiens comme les successeurs des pharaons se faisant représenter à leur manière dans des temples, même si personne n'est dupe sur leur origine étrangère et le fait qu'ils se considèrent fondamentalement comme gréco-macédoniens. Leur royaume préserve une partie de l'héritage pharaonique, en particulier l'importance des temples, qui sont fondamentaux pour la continuité des traditions autochtones. Dans les premiers temps de la domination lagide les sanctuaires et leur élite cléricale sont largement livrés à eux-mêmes, constituant une administration parallèle à celle du pouvoir royal. Mais ce dernier va les intégrer progressivement. Ptolémée II décide dans les années 260 de regrouper les clergés égyptiens en un seul corps politique géré par des synodes qui prennent des décrets avalisées par le roi. Les Lagides veillent à ceux que les temples aient les moyens de bien fonctionner, tout en les contrôlant par le biais de ses agents. Dans la partie nord du royaume les sanctuaires semblent perdre en influence, alors que ceux du sud se maintiennent, appuyés par un pouvoir économique encore conséquent. Sous le règne de Ptolémée V (204-181) une révolte embrase la région de Thèbes, cherchant à y rétablir un pouvoir pharaonique, mais pas forcément une lutte ethnique/culturelle entre Égyptiens et Grecs puisqu'elle est condamnée par le synode sacerdotal égyptien. Après sa répression, l'administration royale consolide son emprise sur les temples de cette région, par le biais de garnisons et l'appui d'une nouvelle élite comprenant des Égyptiens fidèles au pouvoir lagide et plus hellénisés que les autres, l'écriture du grec progressant face au démotique (alors que la population est majoritairement non hellénophone). Les sanctuaires se voient cantonnés à leurs fonctions religieuses et les charges principales y sont monopolisées par les agents royaux[144].

 
Couronne surplombée de Sérapis. Musée d'Alexandrie.

L’Égypte lagide occupe une position centrale dans les questionnements sur la nature de la domination grecque, les relations Grecs/Indigènes et l'hellénisation. Les rapports entre les deux groupes sont difficiles à cerner, même la part de la population « grecque » dans l'ensemble est impossible à évaluer avec précision : les estimations varient entre 10 et 20 %, surtout dans le Delta autour d'Alexandrie et du Fayoum, peu nombreuse ailleurs en dehors des centres administratifs, notamment en Haute Égypte ; en sachant qu'il y a aussi autour de 3 % d'individus juifs, surtout à Alexandrie. Cette société a pu être qualifiée de coloniale comme de multiculturelle. Il y a eu des mariages mixtes (attestés par les papyrus du Fayoum), des transferts culturels au moins au niveau des populations humbles, et comme ailleurs au fil du temps les limites entre Grec et Égyptien ont dû perdre en pertinence. Dans le domaine des innovations religieuses, la plus notable est la création de Sérapis, dieu gréco-égyptien créé à partir de la figure d'Osiris-Apis mais avec une apparence et un culte marqué par les traditions grecques. Se remarque aussi un attrait de certains Grecs pour les coutumes funéraires égyptiennes. Les temples égyptiens restent des conservatoires de la culture locale mais leur élite est de plus en plus hellénisée. De leur côté les élites grecques semblent avoir porté peu d'intérêt aux traditions locales, jusqu'aux rois qui n'ont probablement jamais parlé la langue égyptienne, à la possible exception de Cléopâtre VII[145],[146].

Cyrénaïque

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La Cyrénaïque, région colonisée par les Grecs dès la fin du VIIe siècle av. J.-C. et devenue une contrée prospère grâce à ses richesses agricoles, connaît une période trouble marquée par des coups de force et tentatives d'autonomisation au début de l'époque hellénistique. Elle se relève sous la direction de Magas, beau-fils de Ptolémée, au début du IIIe siècle av. J.-C., puis retourne définitivement sous domination lagide par le mariage de la fille de ce dernier, Bérénice II, avec Ptolémée III. La principale cité de la région, Cyrène, redevient prospère, qui donne notamment naissance à Callimaque et Ératosthène, qui font carrière à Alexandrie. Les autres cités grecques de la région bénéficient également des générosités royales, étant refondées et renommées du nom de membres de la famille lagide : Euhespérides devient Berenice, Taucheira devient Arsinoé, Barca devient Ptolémaïs. Les relations entre cette région et l’Égypte sont marquées par des mouvements de personnes dans les deux sens, notamment des colons venus d’Égypte[147],[148],[149].

Le déclin du royaume lagide

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Après les années 220 la puissance lagide perd de son importance à l'extérieur : les Séleucides les chassent du Levant durant les dernières guerres syriennes, ainsi que d'Asie mineure, puis ils perdent progressivement toute influence dans le monde égéen dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C. En Égypte même, des révoltes secouent le royaume, notamment dans la région de Thèbes qui résiste plus à l'autorité lagide[150]. Des conflits au sein de la famille royale affaiblissent son autorité. Un cas extrême est la vie très mouvementée de Cléopâtre II (v. 185-102), qui épouse son frère Ptolémée VI (v. 186-145), lui donne quatre enfants, avant d'épouser à la mort de son premier mari-frère son autre frère Ptolémée VIII (v. 182-116) qui lui donne un autre fils, Ptolémée Memphites, puis fait assassiner son fils aîné (et héritier présomptif) Ptolémée VII tout en prenant pour seconde épouse sa fille Cléopâtre III (V. 160-101) ; après quelques années elle entre en conflit avec son frère, qui fait assassiner leur fils, et après plusieurs années de guerre ils se réconcilient[151].

Le royaume lagide s'affaiblit progressivement et devient un protectorat romain au début du IIe siècle av. J.-C. Ptolémée XII parvient à préserver l'intégrité du royaume en corrompant les dirigeants romains, mais perd Chypre et la Cyrénaïque. Sa fille Cléopatre VII tente de tirer parti des guerres civiles romaines mais ne parvient pas à sauver le royaume. Son suicide en 30 marque la fin de sa dynastie[152].

L'Orient hellénistique

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Royaume séleucide

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Le royaume séleucide à son extension maximale vers 281 av. J.-C.

Le Levant, une partie de l'Anatolie, la Mésopotamie et l'Iran sont le domaine des Séleucides, dynastie fondée par Séleucos Ier, qui est la plus marquée par l'héritage institutionnel et politique achéménide, repose en bonne partie sur les richesses de la Babylonie, aussi sur la Syrie du nord où se trouve le cœur du royaume. Les Séleucides emploient à leur tour une politique active de colonisation et de fondation de garnisons et de cités grecques. Les successeurs de Séleucos sont néanmoins rapidement confrontés au défi du maintien de l'intégrité d'un royaume extrêmement étendu et cerné de puissances rivales. Leur domination sur le Levant est menacée par les Lagides jusqu'à la fin du IIIe siècle av. J.-C. (les « guerres syriennes »). L'autonomie large acquise par certains gouverneurs éloignés du pouvoir central fragilisent encore plus l'édifice séleucide. Le royaume se morcelle sur ses extrémités dès la fin du IVe siècle av. J.-C. avec la perte de l'Indus au profit des rois indiens de l'empire Maurya, puis après le milieu du IIIe siècle av. J.-C. c'est la Bactriane et la Parthie qui sont perdues, ainsi que l'Asie mineure où la place est laissée à des dynasties locales[153].

Comme les autres grandes monarchies hellénistiques, le royaume séleucide repose sur la personne du roi, entouré de ses fidèles, un schéma qui reprend aussi le fonctionnement de la cour achéménide. L'élite est majoritairement d'origine gréco-macédonienne, souvent des cités d'Asie mineure. Sa richesse repose sur des domaines hérités de l'empire achéménide ou acquis par droit de conquête. Le royaume reprend des Achéménides la structuration en vastes provinces, les satrapies, confiées à un satrape/stratège qui est chargé de prélever des ressources, organiser les garnisons, surveiller les communautés locales. La présence de garnisons est essentielle pour assurer l'intégrité du royaume. Les circonscriptions locales sont de nature variée : cités grecques plus ou moins autonomes, districts agricoles et/ou militaires contrôlés par l'administration royale, communautés indigènes, et il faut aussi compter sur le rôle des sanctuaires. Les relations entre les rois et les pouvoirs locaux sont marquées par la négociation, l'autorité royale cherchant à masquer ses aspects les plus contraignants tout en tenant à être incontestée[154]. En particulier, la Syrie du nord est remodelée par le pouvoir séleucide qui entend en faire son centre, autour de la « Tétrapole », quatre cités fondées par Séleucos pour servir de centres de pouvoir (Séleucie de l'Euphrate, Apamée de l'Euphrate, Antioche, Laodicée de Syrie), et d'anciennes métropoles syriennes (Alep, Karkemish) qui font l'objet de refondations. Cette politique permet notamment de fixer la population gréco-macédonienne et récompenser les soldats en les dotant de terres. L'autre pôle du royaume, la Babylonie, fait l'objet de différentes fondations et refondations servant également à marquer l'emprise séleucide sur des territoires où l'élément gréco-macédonien reste minoritaire, la plus importante étant la création de Séleucie du Tigre qui est une autre résidence royale[155].

 
Monnaie à l'effigie d'Antiochos IV.
 
Le royaume séleucide vers 125.

Antiochos III (222-187) est constamment en campagne pour reprendre les territoires perdus et étendre le royaume dans toutes les directions. Malgré d'indéniables succès, il ne parvient pas à pérenniser ses acquis, et son règne s'achève peu après sa défaite face à Rome et la paix d'Apamée de 188 qui marque son renoncement à dominer l'Asie mineure[156]. Après la paix d'Apamée la décomposition du royaume séleucide s'accélère. Antiochos IV (175-164) ne parvient pas à inverser la tendance en raison de l'influence croissante de Rome à l'ouest, qui lui empêche de s'emparer de l’Égypte. Après sa mort des troubles dynastiques accélèrent l'affaiblissement du royaume. En Judée, la révolte des Maccabées se solde par la perte du Levant méridional dans les années 140-130. Sur la frontière orientale, les Parthes, enlèvent progressivement aux Séleucides les territoires iraniens, déjà marqués par de fortes tendances sécessionnistes, puis la Babylonie en 141 av. J.-C., initiant une série de conflits qui se concluent par la perte définitive de cette riche région au début du Ier siècle av. J.-C. Alors que les Séleucides ne règnent plus que sur la Syrie, Tigrane II d'Arménie parvient à faire passer cette région sous son contrôle. Les Romains le défont et rétablissent les Séleucides, mais il ne s'agit que d'un sursis de courte durée puisque le royaume se rétrécit peu à peu et finit annexé par Rome en 63 à la suite d'une décision de Pompée[157].

Chypre est au début de la période hellénistique une île divisée en plusieurs royaumes dirigés par des dynasties grecques/hellénisées et phéniciennes. Il s'agit en effet depuis l'âge du bronze d'une terre de contacts et de métissages entre Levant, Anatolie et monde égéen, avec aussi une composante autochtone (parlant l'étéochypriote). Nicocréon le roi de Salamine se met au service d'Alexandre et joue un rôle à l'époque des Diadoques, jusqu'à sa mort en 310. Chypre est ensuite disputée entre Ptolémée et Démétrios Poliorcète. Le premier s'impose définitivement en 294, et l'île devient dès lors une possession lagide. Elle occupe une place importante dans ce royaume en raison de sa situation stratégique. Il est courant que des princes héritiers soient placés à la tête de Chypre pour apprendre à gouverner, autrement elle est sous la direction d'un stratège qui a un pouvoir politique, militaire et religieux, dont le centre du pouvoir est à Néa Paphos. Durant les luttes dynastiques l'île sert à plusieurs reprises de refuge pour des prétendants contraints à l'exil[158],[159].

Chypre est aussi d'un grand intérêt stratégique pour les Lagides puisqu'elle dispose d'importantes mines de cuivre, sans doute placées sous un monopole royal, ainsi qu'une tradition dans la construction de bateaux et la navigation. La domination de l'île s'appuie sur une administration grecque qui s'efforce à effacer les divisions territoriales antérieures pour mettre en place un régime « colonial », qui s'accompagne aussi du développement d'institutions civiques démocratiques, avec leurs bâtiments caractéristiques de type grec, auxquelles une certaine marge d'autonomie interne est laissée. Le gouverneur local contrôle les bases navales et une flotte puissante, des mercenaires reçoivent des terres. L'introduction de divinités gréco-égyptiennes ainsi que du culte royal viennent apporter des changements au fonds religieux bigarré de l'île, qui mêle traditions levantines et grecques. Tout cela favorise l'hellénisation et l'uniformisation culturelle de Chypre, sans besoin d'une politique volontariste. L'alphabet phénicien et le syllabaire étéocypriote disparaissent, Chypre devenant manifestement une terre exclusivement de langue grecque, certes avec des variantes dialectales[160].

Phénicie

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La Phénicie est soumise par les troupes d'Alexandre le Grand en 333-332, Tyr étant la cité qui résiste le plus, ne se rendant qu'après un siège de sept mois qui implique la construction d'une jetée qui relie le continent où se trouvent les assaillants à l'île sur laquelle est érigée la ville. Elle se relève vite de cette défaite et redevient un cité marchande dynamique. La région est ensuite disputée entre Séleucides et Lagides lors des guerres de Syrie, en raison de son emplacement stratégique et de son importance dans les échanges commerciaux, notamment maritimes.

Il semble indéniable que les cités phéniciennes ont été très perméables à la culture hellénistique, mais l'ampleur de l'impact de celle-ci en Phénicie est assez difficile à déterminer. Les habitants de cette région, habitués à commercer et à s'implanter au loin, sont depuis très longtemps accoutumés à s'approprier et à repenser des éléments issus de cultures voisines (notamment l’Égypte). Leurs interactions avec les Grecs ont déjà plusieurs siècles derrière elles au moment de la conquête de la Phénicie par Alexandre, donc une connaissance de la culture grecque si ce n'est des emprunts à celle-ci existent déjà. Les sources sur le sujet sont lacunaires, en particulier la littérature phénicienne qui a totalement disparu et laisse la place à la seule littérature grecque, ce qui tend à conforter l'idée d'une hellénisation profonde de la région. On connaît comme ailleurs des exemples de personnes de l'élite des cités phéniciennes adoptant des noms grecs, parlant grec, allant au gymnase, certains participant même à des concours panhelléniques, ce qui contribue manifestement à leur prestige et leur succès dans un monde dominé par des Grecs qui les associent à la gestion du pouvoir. La langue grecque supplante progressivement le phénicien dans les villes (mais sans doute moins dans les campagnes). La religion illustre la complexité du processus et la créativité à l’œuvre, qui ne voit pas la culture phénicienne se faire submerger par la culture hellénistique mais plutôt des pratiques de négociation/accommodation/métissage : les cultes de quelques divinités grecques sont implantés en Phénicie, sans pour autant supplanter les divinités locales (pour cette période, le site d'Oum el-Amed montre un lieu de culte où l'influence grecque est limitée), les Grecs « interprètent » ces dernières en leur donnant le nom de la divinité grecque qu'ils estiment la plus similaire, des éléments de l'iconographie grecque peuvent être adoptés[161],[162],[163].

La Phénicie tombe sous la coupe des Romains en 64, lors de la création de la province de Syrie dans laquelle elle est intégrée, sans grande conséquence sur sa culture et sa prospérité.

Judée et Levant méridional

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Vue des vestiges du palais d'Iraq al-Amir.

La Judée est soumise par Alexandre en 332 en même temps que le reste du Levant méridional, alors qu'il se rend en Égypte. Lors des conflits entre les Diadoques, elle tombe sous la coupe de Ptolémée, qui prend Jérusalem en 312 et déporte une partie de sa population (100 000 personnes selon la Lettre d'Aristée, chiffre probablement excessif) en Égypte et intègre des Judéens dans son armée. Ce pays est dominé par deux grandes entités : le temple de Jérusalem avec son grand prêtre et la riche et puissante famille hellénisée des Tobiades, un temps associée aux Lagides et dont l'influence s'étend aussi en Transjordanie (un de leurs palais, mêlant influences grecques et perses, a été fouillé à Iraq al-Amir en Jordanie). Il est aussi marqué par ses relations plus ou moins houleuses avec le pays de Samarie au nord, très proche de lui culturellement, mais qui dispose au mont Gerizim d'un temple rival de celui de Jérusalem. La Palestine fait l'objet de nombreuses fondations de cités grecques, souvent dans des villes déjà existantes (Beït Shéan renommée Scythopolis)[164].

 
Carte du royaume hasmonéen.

La région est disputée entre les Lagides et les Séleucides durant le IIIe siècle av. J.-C., puis passe sous le contrôle des seconds en 198. En 175 Antiochos IV fait de Joshua, qui porte le nom grec de Jason, le nouveau grand prêtre, notamment en échange de la promesse de constituer une cité grecque à proximité de Jérusalem. Il entre ensuite en rivalité contre Ménélas, qui prend sa place de grand prêtre, ce qui provoque un conflit local qui motive l'intervention séleucide (par crainte d'une révolte dans un contexte de guerre contre l'Égypte) qui se solde par le sac et le pillage du grand temple, acte sacrilège aux yeux des Juifs. S'ensuit selon le Livre des Maccabées une répression et une politique de d'hellénisation forcée des Juifs (interdiction de la circoncision, suppression du sabbat et des fêtes traditionnelles juives, transformation du temple en lieu de culte pour Zeus). Cela provoque une révolte conduite par Judas Maccabée (révolte des Maccabées), issu d'une famille sacerdotale, puis ses fils, souvent présentée comme une réponse à une persécution religieuse et une politique d'acculturation forcée. Néanmoins il est peu probable qu'Antiochos (comme les autres rois hellénistiques) ait eu de telles intentions mais que les mesures prises s'inscrivent dans un processus de poliadisation classique, qui se heurte ici au fait qu'elles sont vues comme une menace pour l'identité locale avant tout en s'attaquant à sa religion. Ce n'est pas pour autant une révolte contre l'hellénisme, puisque les Maccabées ne sont pas fermés à cette culture. La révolte se prolonge pendant plusieurs décennies, l'affaiblissement des Séleucides offrant aux Maccabées l'occasion de triompher, de prendre le titre de grand prêtre, de rendre la Judée indépendante et fonder une nouvelle dynastie royale, les Hasmonéens[165],[166],[167]. La région de Samarie prend une direction opposée puisque le grand temple du mont Gerizim, détruit par les Lagides, semble bénéficier des faveurs des Séleucides qui s'en servent de relais local pour leur autorité. En tout cas il prospère sous leur règne et s'hellénise plus que celui de Jérusalem (son dieu est assimilé à Zeus), comme l'indiquent les nombreuses inscriptions en grec qui y ont été mises au jour[168].

Les Hasmonéens prennent de nombreux aspects des monarchies hellénistiques, avec une hellénisation (le roi Aristobule se surnomme « Philhellène »), jusqu'aux conflits familiaux pour le pouvoir, tout en conservant la charge de grand prêtre et suivant les traditions religieuses juives. Ils mènent une politique militaire expansionniste, qui s'accompagne de conversions forcées au Judaïsme, avec la conquête du pays des Ituréens, de la Galilée, et des villes de la côte. Du point de vue religieux, le Judaïsme de la période est marqué par une littérature de style apocalyptique (Livre d'Hénoch, Livre de Daniel) et l'émergence de groupes religieux divergents évoqués par Flavius Josèphe, les Pharisiens, les Esséniens et les Sadducéens. Les Manuscrits de la mer Morte (probablement copiés et réunis par des Esséniens) s'inscrivent dans ce contexte intellectuel[166],[167].

Les troubles dynastiques au sein de la famille hasmonéenne entraînent l'intervention de Pompée lorsqu'il soumet le Levant à l'autorité romaine en 66. Après un conflit sanglant, l'Hasmonéen Hyrcan II est laissé grand prêtre et dirigeant de la Judée placée sous protectorat romain, mais on lui joint l'Ituréen judaïsé Antipater, qui devient son rival pour le pouvoir. Le fils de ce dernier, Hérode, parvient à devenir roi[169].

Mésopotamie

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Les principales villes de la Babylonie hellénistique et parthe.

La Mésopotamie est conquise par Alexandre après sa victoire contre les Perses à Gaugamèles en 331 et rentre triomphalement dans Babylone, où il semble bien avoir été accueilli par les élites locales, liées au grand temple de la ville, dédié au dieu Bel-Marduk. Le conquérant meurt en 323 à Babylone, et la Babylonie échoit à Séleucos, qui ne parvient à contrôler la région que dans les années 311-309. Plutôt que de faire de Babylone une de ses capitales, il en fonde une plus au nord, à Séleucie du Tigre, près la confluence du Tigre et de la Diyala, qui lui offre un accès plus aisé au plateau iranien. C'est une ville de plan hippodamien typiquement grec, même si sa culture matérielle présente aussi des éléments babyloniens, la ville étant apparemment peuplée en partie avec des autochtones qui y ont été déplacés. Elle devient vite une métropole et le principal lieu du pouvoir séleucide en Babylonie, alors que Babylone et son élite religieuse connaissent une forme de marginalisation[170][171].

La Babylonie n'en reste pas moins une possession primordiale pour les Séleucides, car c'est une contrée agricole riche et très urbanisée. D'une manière générale les villes babyloniennes gardent leurs propres institutions, encadrées par leurs sanctuaires (chaque ville ayant un temple majeur, dédié à sa divinité tutélaire) et leur clergé organisé en conseils locaux, sous la supervision des agents royaux. Mais il ne semble pas exister de ségrégation entre Grecs et Babyloniens comme cela a pu être proposé. La population de la Babylonie, aux origines diverses en raison des nombreux déplacements de populations qui ont eu lieu dans cette région depuis plusieurs siècles, parle alors majoritairement l'araméen et l'écrit sur des matériaux périssables (papyrus, peaux). L'administration séleucide emploie plus le grec. Le milieu des temples continue quant à lui à utiliser l'antique écriture cunéiforme, notant la langue babylonienne, principalement pour des textes savants. En plus de recopier d'anciens textes, les prêtres en font des nouveaux, notamment des chroniques historiques, des textes rituels et des textes historico-littéraires. Le clergé de Babylone produit en particulier de nouveaux textes qui visent à concilier la théologie de la ville et de son dieu Marduk (identifié à Zeus par les Grecs) avec la nouvelle domination gréco-macédonienne. Des inscriptions royales sont rédigées à la manière antique de Babylone pour le compte des rois séleucides, quand ils restaurent des temples locaux, ce qui est notamment documenté par le cylindre d'Antiochos qui commémore des travaux dans le temple de Borsippa dédié à Nabû (identifié à Apollon). En plus de Babylone, la documentation cunéiforme provient du site d'Uruk, une des plus vénérables cités du sud de la région. Le sanctuaire local, dédié au dieu céleste Anu, connaît d'importants remaniements, dans la plus pure tradition babylonienne (avec la construction d'une ziggurat, édifice à degrés supportant un temple). Une partie de l'élite locale s'hellénise : dans la famille qui semble dominer la vie politico-religieuse d'Uruk et superviser la reconstruction du sanctuaire, les descendants d'Ahutu, se développe en particulier l'habitude d'ajouter au nom babylonien un nom grec, Anu-uballit recevant le nom de Nikarchos, qui lui aurait été donné par le roi Antiochos II, et son fils également nommé Anu-uballit porte celui de Kephalon, marié à une femme portant le seul nom grec Antiochis, ce qui pourrait être une union mixte au sein de l'élite. Mais au-delà des adoptions de noms grecs, sans doute motivés en bonne part par des visées politiques, et de tablettes gréco-babyloniennes transcrivant du babylonien en grec (et témoignant donc d'une pratique du grec par des Babyloniens), les sources cunéiformes semblent perméables à l'influence grecque et la culture matérielle témoigne peu d'influences grecques. Quelques érudits babyloniens s'hellénisent plus activement et écrivent en grec, à l'image de Bérose et de Séleucos de Séleucie, mais dans l'ensemble se groupe poursuit ses propres traditions, en particulier l'astronomie-astrologie dans laquelle les prêtres babyloniens exercent une grande influence, qui se retrouve chez les savants grecs. Les Séleucides fondent après 188 quelques cités dans des villes plus anciennes, en premier lieu Babylone (où est construit un complexe avec un théâtre et un gymnase ou une agora) et peut-être aussi Uruk. Cela semble entraîner un affaissement de l'influence des temples[172],[173].

La situation de la Djézireh et de l'ancienne Assyrie à cette époque est encore très mal connue, ces régions étant majoritairement rurales et peu peuplées. Le contrôle séleucide repose sur certaines villes devenues des cités grecques comme Nisibe, refondée sous le nom d'Antioche de Mygdonie[174].

La domination séleucide sur la Mésopotamie s'effrite progressivement après la mort d'Antiochos IV en 164, la région étant concernée par des révoltes qui secouent cet empire au milieu du IIe siècle av. J.-C. Cela profite au roi parthe Mithridate Ier qui envahit la région en 141. S'ensuit une période de luttes entre Séleucides et Parthes, qui plongent la région dans le chaos. Profitant de l'opportunité, un gouverneur séleucide du nom d'Hyspaosinès fait sécession dans le sud de la Babylonie, établissant sa capitale à Charax. Il fonde le royaume de Characène, mais échoue à dominer durablement Babylone (ses successeurs s'étendent dans la région du Golfe). Celle-ci subit également des assauts des Élyméens et de tribus arabes, et ce n'est qu'autour de 100 que la domination parthe se stabilise en Babylonie, les Séleucides ayant été évincés. La documentation cunéiforme se tarit à partir de cette période et disparaît au début de notre ère[175],[176].

Iran et golfe Persique

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L'Iran est un domaine largement inconnu pour les Grecs, ce qui motive Séleucos à missionner des subordonnés afin d'acquérir des connaissances sur ces territoires pour mieux les administrer. Le principe de la division en satrapies et des routes royales reliant leurs principaux points de peuplement est repris de l'empire achéménide. La mise en place du contrôle séleucide s'appuie sur la fondation de nouvelles cités (Laodicée en Médie/Nehavend, Antioche de Margiane près de Merv, Antioche de Perside près de Bouchehr, Aï Khanoum dont le nom antique est perdu), parfois des refondations à partir d'anciens centres du pouvoir achéménide (Suse, Ecbatane, Bactres) et un ensemble de forteresses avec des garnisons. L'implantation de colons commence dès la conquête d'Alexandre et se poursuit durant le IIIe siècle av. J.-C. voire dans la première partie du suivant. Ces territoires sont peu urbanisés, notamment parce qu'ils sont situés en région montagneuse ou désertique, surtout constitués de villages, avec une forte composante nomade par endroits. Certains de ces peuples, notamment les Mèdes, les Perses et les Élyméens, fournissent des combattants appréciés des rois séleucides, notamment des cavaliers, des archers et des frondeurs. Le contrôle de ces vastes territoires impose une délégation forte des pouvoirs. Un général des « Hautes Satrapies » (celles situées à l'est de l'Euphrate) est institué en 294 pour mieux contrôler ces territoires, et confié à des princes ou à des proches du roi, deux d'entre eux, Molon et Timarque, tentant de faire sécession. De fait les forces centrifuges sont rapidement à l’œuvre dans les territoires iraniens, en raison de l'éloignement, mais aussi parce que certaines régions montagnardes isolées sont difficiles à contrôler, dans de nombreuses parties du Zagros comme l'Élymaïde (sans doute une résurgence de l'ancienne civilisation élamite). Les rois séleucides sont donc contraints à de longues campagnes pour tenter de raffermir leur autorité sur les Hautes Satrapies[177],[178].

Le contrôle de ces territoires repose sur un réseau de garnisons militaires dotées en terres agricoles, et parfois transformées en cités si leur implantation est un succès. Elle sont dominées par une élite grecque (ou du moins des personnes de nom grec) et les cités sont dotées des institutions civiques caractéristiques de la période. L'hellénisation est surtout visible en Médie (autour d'Ecbatane) et en Susiane. Suse, ancienne capitale perse devenue une cité grecque sous le nom de Séleucie de l'Eulaios, a ainsi livré diverses inscriptions documentant une présence grecque notable et vie civique active, ainsi que la présence de représentants du pouvoir royal, d'une garnison et de domaines royaux. Mais la ville comprend aussi des gens de nom iranien voire babylonien, brouillant comme ailleurs les limites ethniques. Des divinités grecques sont introduites dans ces régions, notamment Héraclès qui connaît un succès notable. Les cultes iraniens continuent de rester actifs et certains reçoivent un soutien royal à l'image du sanctuaire d'Anahita d'Ecbatane[177],[179],[180],[181].

 
Monnaie de Bagadatès, premier roi des Frataraka, IIIe siècle av. J.-C.

En plus de la Bactriane (voir plus bas), les Séleucides perdent peu après le milieu du IIIe siècle av. J.-C. la satrapie de Parthie, située à l'est de la Caspienne, qui passe sous la domination d'un groupe nomade iranien, les Parnes/Aparnes, dirigés par Arsace le fondateur de la dynastie des Arsacides, qui prennent dès lors le nom de « Parthes »[178]. Avec l'affaiblissement du royaume séleucide après 188, l'Iran est de moins en moins bien contrôlé et marqué par diverses poches sécessionnistes. L'Élymaïde se rend indépendante sous les Kamnaskirides, la Perse sous les Frataraka, tandis que les Parthes progressent inexorablement depuis leur base située à l'est de la Caspienne. Les campagnes entreprises par les rois séleucides sont de moins en moins efficaces, notamment lors de leurs guerres parthiques qui ne sont marquées que par des succès sans lendemain. Après le suicide d'Antiochos VII en Médie en 129, les Parthes sont la puissance hégémonique de l'Iran[182].

Dans le golfe Persique, les traces d'une présence grecque à l'époque hellénistique ont longtemps été limitée, mais des découvertes ont permis de confirmer que cette région avait également été sous influence séleucide et compris des communautés grecques, sans doute attirées par les routes maritimes parcourant cet espace et permettant de rejoindre l'Inde. Les Grecs découvrent ces régions au début de la période lors de l'expédition de Néarque. Polybe évoque aussi un voyage d'Antiochos III dans la cité de Gerrha, sur la côte d'Arabie, où il reçoit un tribut, ainsi qu'à Tylos, l'actuelle île de Bahrain. Cette dernière a livré des inscriptions en grec, dont une, commémorant la construction d'un temple aux Dioscures, qui mentionne la présence d'un stratège servant le roi de Characène dans les années 120 et dont l'autorité s'étend sur d'autres îles du Golfe. Il est possible que cette île ait été dominée par les Séleucides avant de lui échapper comme d'autres régions périphériques. La présence du pouvoir séleucide est mieux attestée plus au nord, sur l'île de Failaka (dans l'actuel Koweït), que les Grecs appellent Ikaros, où une forteresse abritant une garnison grecque ainsi qu'un temple d'Artémis ont été fouillés[183],[184].

Bactriane et Indus

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Les sites urbains de Bactriane à l'époque hellénistique.

Lorsque Alexandre s'aventure en Asie centrale, il fonde plusieurs cités et laisse des garnisons qui y implantent un peuplement grec qui fait souche au milieu de populations essentiellement iranophones. Puis il soumet la vallée de l'Indus, qui est son point oriental maximal. Les Séleucides perdent cette dernière région face aux rois Maurya dès la fin du IVe siècle av. J.-C., mais ils gardent le contrôle de la Bactriane jusqu'au milieu du IIIe siècle av. J.-C., quand des généraux grecs, Diodote I puis son fils Diodote II, se proclament rois. Euthydème (v. 225-190) parvient à repousser la réplique séleucide et à conforter l'indépendance de la région. Son fils et successeur Démétrios (v. 190-180) étend le royaume vers le sud et le sud-est, vers l'Indus, mais leur dynastie est renversée par Eucratide (v. 170-145). Cette expansion militaire s'accompagne en effet d'une fragmentation politique, plusieurs généraux se proclamant rois, sans doute à la suite de succès au combat. Leur existence n'est généralement connue que par des émissions monétaires, les événements et leurs implantations territoriales nous échappent donc. On distingue en fonction de leur implantation des rois « gréco-bactriens »[185], dans l'actuel Afghanisan, et des rois « indo-grecs »[186] (ou Yawana-raja en sanskrit, langue dans laquelle on désignait les Grecs par le terme « Ionien », comme au Moyen-Orient) dans la vallée de l'Indus, autour de Taxila au Pendjab (l'antique Gandhara). L'un d'entre eux, Ménandre Ier (v. 165-135/0 av. J.-C.)[187], s'est taillé un territoire important, puisqu'il a conduit ses troupes jusqu'à Pataliputra (Patna) sur le Gange. Les derniers rois grecs de Bactriane disparaissent avant la fin du IIe siècle av. J.-C. face aux Parthes et aux Yuezhi/Kouchans, et ceux d'Inde au tout début de notre ère face aux Indo-scythes[188],[189].

La Bactriane est une région riche, disposant de vallées irriguées et traversée par des routes commerciales actives. Une partie de la population est constituée de nomades et semi-nomades parcourant les steppes[190]. La documentation sur la Bactriane grecque provient majoritairement du site archéologique d'Aï Khanoum (nom antique inconnu) situé dans le nord de l'Afghanistan près de l'Amou-Daria (l'ancien Oxus). Fondé autour de 300 av. J.-C., il a dû servir de siège à un gouverneur séleucide puis de lieu de résidence des rois gréco-bactriens puisqu'on y trouve un palais et un atelier monétaire. Il a livré quelques inscriptions en grec, des bâtiments caractéristiques de l'architecture des cités grecques hellénistiques, comme un théâtre et un gymnase, mais en revanche rien n'indique l'existence d'une vie politique civique. Les bâtiments palatiaux et sacrés ont un plan oriental (iranien et mésopotamien) mais leurs techniques de constructions et leur décor intègre de nombreux éléments grecs, témoignant de la rencontre de ces différentes cultures[191],[192]. Cet hellénisme du bout du monde hellénistique et ce mélange des traditions ressort aussi d'un autre site, Takht-I-Sangin, déjà employé à l'époque achéménide, mêlant traditions locales et grecques. C'est un lieu de culte du dieu de l'Oxus, très populaire dans cette région. Il y a sans doute une proportion importante d'hellénophones, le grec est manifestement la langue de l'élite et du pouvoir gréco-bactrien, qui frappe des monnaies dans un style grec, alors que les rois indo-grecs frappent des monnaies bilingues mêlant iconographie grecque et indienne[193],[194],[180].

Italie et Méditerranée Occidentale

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Plusieurs cités grecques sont implantées en Italie du Sud, en Sicile et sur les côtes de Gaule et de la péninsule ibérique. Elles sont à l'écart des tendances politiques hellénistiques, la géopolitique de la partie occidentale de la Méditerranée étant alors dominée par la confrontation entre Rome et Carthage.

La conquête romaine de la partie méridionale de la botte italienne (la « Grande Grèce ») est marquée par des confrontations contre les peuples italiques (Lucaniens, Bruttiens, Samnites, etc.) et les cités grecques sont prises dans ces affrontements sans grande capacité de réaction. La plus importante, Tarente, fait appel à des soutiens extérieurs, Sparte et l’Épire (notamment Pyrrhus en 280-275), sans succès. Elle est prise par les Romains en 272. Les dernières cités grecques d'Italie restées indépendantes passent sous domination romaine dans les années suivantes[195].

En Sicile, Syracuse, la principale cité grecque occidentale, domine la partie orientale de l'île, alors que la partie occidentale est sous l'autorité des Carthaginois. Agathocle (304-289) constitue un régime tyrannique puis une royauté. Il étend sont influence dans le sud de l'Italie et tente des expéditions sur le territoire même de Carthage, sans succès. Son successeur Hicétas subit une défaite contre ses derniers, puis Hiéron II (269-215) devient vassal de Rome lors de la première guerre punique, qui se déroule de 264 à 241. Ce conflit se déroule en grande partie en Sicile et s'accompagne de nombreuses destructions et de massacres. Rome finit par triompher et transforme la Sicile en province, exception faite de Syracuse[196]. La paix qui s'ensuit permet à Syracuse de prospérer sous le règne de Hiéron. Mais son fils et successeur Hiéronyme opère un changement d'alliance durant la deuxième guerre punique (218-201), délaissant Rome pour Carthage et son général Hannibal. Cela devait être fatal à l'indépendance de Syracuse, qui est prise en 212[197].

En Gaule et en Espagne, la principale cité est Massalia (Marseille), qui a fondé plusieurs colonies le long de la côte (Nikaia/Nice, Amphipolis/Antibes, Agathè/Agde, Emporion/Empúries, Rhode/Roses), constituant ainsi un réseau commercial important. Au contact des populations indigènes celtes/gauloises et ibères, elle diffuse la culture grecque dans les régions intérieures. Ces Grecs commercent avec les Carthaginois, mais Massalia et Emporion sont des alliées fidèles de Rome. Des provinces romaines sont constituées en Espagne en 197 et dans le sud de la Gaule en 120, mais Massalia reste autonome. Son refus de choisir entre César et Pompée lors des guerres civiles se soldent par la perte de la plupart de ses territoires, exceptée Nikaia[198].

Culture, arts et vie intellectuelle

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La période et la civilisation « hellénistique », par opposition aux époques archaïque et classique, ont longtemps été supposées comme le résultat d'une perte de vitalité et de dynamisme culturels. Cette vision pessimiste a été battue en brèche, la période hellénistique étant au contraire très créative dans de nombreux domaines[199].

Écritures et langues

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Cléopâtre VII représentée vêtue en pharaon sur une stèle portant une inscription en grec et dédiée par un Grec, adepte du culte d’Isis, , musée du Louvre.

La question des rapports entre les Gréco-Macédoniens d’un côté et peuples non grecs ne se pose pas en Grèce ou dans le royaume de Macédoine, alors dominé par les Antigonides. Mais en Asie, dans les territoires séleucides et en Égypte lagide, la grande masse des habitants est constituée de paysans indigènes. Ces paysans dans l’ensemble sont libres mais sous la coupe des administrations royales, en particulier fiscales. En cela, les royaumes hellénistiques ne diffèrent guère des empires qui les ont précédés dans le Proche-Orient ancien, sauf sur un point : les dynasties régnantes sont désormais allogènes par leur origine, leur mode de vie et surtout leur langue.

Ainsi les dirigeants grecs se refusent à apprendre les langues locales et imposent la langue grecque comme outil de communication dans les domaines fiscaux, administratifs, militaires et politiques. Cléopâtre VII, qui parle de nombreuses langues, est semble-t-il une exception chez les Lagides. Plus révélateur du processus d’hellénisation est l’usage précoce chez les élites égyptiennes, d’Anatolie et juives du grec : la koinè, la langue grecque commune. Ce phénomène avait d’ailleurs débuté dès le IVe siècle av. J.-C. en Anatolie avant même la conquête d’Alexandre le Grand. Dans les royaumes périphériques au monde hellénistique (Cappadoce, Pont, Commagène, Parthie), les souverains cherchent fréquemment à prouver leur philhellénisme et communiquent, au moins avec leurs sujets hellénisés, en grec. Certaines langues anatoliennes disparaissent, du moins dans les documents écrits. Ainsi le grec devient progressivement la langue de communication politique, administrative, diplomatique et culturelle, mais en concurrence avec l'araméen[200].

 
Représentation d'un Bouddha, exemple de l'art gréco-bouddhique du Gandhara, IIe-Ier siècle av. J.-C., musée Guimet.

Il arrive même à se maintenir pendant un certain temps là où la domination politique du monde hellénistique n’est plus qu'un souvenir. Ainsi en est-il du nord-ouest de l’Inde ou de l’Asie centrale. Sur le site d’Aï Khanoum sur l’Oxus (Amou Daria) en Bactriane, on a retrouvé les restes d’une trésorerie royale, d’archives rédigées en grec. Autre exemple révélateur à Alexandrie d’Arachosie où vit une population fortement cosmopolite et qui tombe à la fin du IVe siècle av. J.-C. sous la domination de la dynastie des Mauryas, premiers unificateurs de l’Inde. Le plus célèbre des souverains de cette dynastie, Açoka, fait graver ses édits dans l’ensemble de son empire. Plusieurs de ceux-ci sont retrouvés à Alexandrie d’Arachosie en araméen mais surtout en grec, dont l’un où l’empereur expose ses principes bouddhiques[201].

Si l’adaptation des édits d'Ashoka s'adresse aux Grecs qui vivent dans son royaume, d’autres textes traduits en grec sont destinés à des non-Grecs. Ainsi en est-il de la Torah, connue aussi sous le vocable de « Bible des Septante » car attribuée à 70 traducteurs, qui est traduite de l’hébreu en grec vers le IIIe siècle av. J.-C., initiative attribuée à Ptolémée II[202], qui souhaitait que les tribunaux possèdent un code en grec pour rendre la justice aux Juifs de ses États selon leur Loi. Le fait que la Torah soit lue en grec dans les synagogues est un excellent indice de la pénétration de cette langue chez les Juifs de la diaspora.

À l’époque classique, la langue grecque était divisée en de nombreux dialectes souvent constitutifs de l’identité d’une région (béotien, ionien, arcadien, etc.) mais lors de la période hellénistique, celle qui s'est imposée de la Méditerranée à l’Indus est la koinè issue de l’ionien-attique. Les anciens dialectes perdurent cependant en Grèce, y compris sur les documents officiels mais partout ailleurs s'impose la koinè. C’est dans cette langue que sont rédigées les œuvres des auteurs, d’origine grecque ou non, de la période hellénistique. Le grec dit « classique » est en fait une création de l’époque hellénistique fondée sur l’héritage athénien de l’époque classique.

Religion

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Concernant la religion, les institutions civiques jouent toujours un rôle moteur autour des cultes publics. Le développement d'un culte royal, l'apparition de divinités syncrétiques telles que Sarapis (amalgame d'Osiris et d'Apis vénéré par les Grecs d’Égypte puis ceux des régions voisines) et l'introduction de divinités orientales (Isis) ou leur assimilation aux divinités grecques renvoient aux caractéristiques principales de la période. Des divinités issues du fonds grecs voient aussi leur culte se développer, notamment Tyché, la Fortune. Les cultes à mystères et les associations religieuses connaissent également une grande vogue, ce qui est souvent tenu pour refléter une évolution vers des mentalités plus « individualistes », mais c'est loin d'être assuré[203],[204].

 
Pendentif en or avec représentation de Sarapis, Égypte, IIe siècle av. J.-C. Walters Art Museum.

La sculpture hellénistique repose en bonne partie sur la tradition classique finissante. Les sculpteurs sont employés par les royaumes et les cités, et peuvent exercer leurs talents dans une grande diversité de situations, comme l'illustrent les œuvres les plus connues de la période. La Victoire de Samothrace (v. 190 av. J.-C.) a un style baroque et témoigne d'une volonté de mise en scène dramatique. Le Faune Barberini (v. 230-200) témoigne du développement d'une statuaire plus fantaisiste, prisée par les élites dans un cadre privé. La Vénus de Milo (v. 100 av. J.-C.) est de style néoclassique, renvoyant aux modèles de Praxitèle[205]. Les arts de la peinture et de la mosaïque hellénistique connaissent aussi un important développement, surtout connu par des copies d'époque romaine, notamment à Pompéi et Herculanum[206] et par la céramique peinte hellénistique qui renouvelle son répertoire et parfois avec des couleurs très vives mais fragiles.

 
Mosaïque d'Alexandre, Pompéi. Copie d'une peinture hellénistique.
Musée archéologique national de Naples.

Architecture

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Le grand escalier de la cour du temple d'Apollon de Didymes.

L'architecture connaît également un développement important avec celui des cités grecques, qui se dotent de bâtiments caractéristiques de la culture hellénistique, et surtout des royaumes qui sont à l'origine des projets les plus ambitieux. S'il ne reste que des textes pour témoigner de la splendeur de l'Alexandrie hellénistique, en revanche le programme urbanistique et architectural de Pergame est bien connu, développé en prenant en compte le relief accidenté du site pour donner un aspect plus spectaculaire aux ensembles monumentaux[207]. Le grand temple à ciel ouvert de Didymes témoigne d'une capacité d'innovation à partir de modèles traditionnels, et le gigantisme se retrouve dans les théâtres de l'époque, le grand autel de Pergame et aussi dans les merveilles du monde disparues, le Phare d'Alexandrie et le Colosse de Rhodes[208].

Éducation

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Sur les bases de l'époque classique (surtout athéniennes), le système scolaire se développe dans les cités hellénistiques. La formation de base dispensée aux enfants et adolescents, paideia, combine exercices physiques, enseignements artistiques, mathématiques, astronomiques et littéraires, reposant sur les ouvrages les plus renommés, qui ont acquis un statut de classique et forment la base de la culture grecque de référence, elle aussi nommée paideia, vue comme indispensable pour qui prétend à l'hellénité. L'éducation supérieure est également développée pour les élites[209]. L'enseignement est désormais assumé en bonne partie par les institutions publiques, grâce à des financements mis en place par les évergètes, qui permettent un important développement du niveau élémentaire, pour les garçons, et aussi mais dans une bien moindre mesure pour les filles[210]. Selon les estimations hautes, 20 à 30 % de la population des cités hellénistiques aurait été alphabétisée[211].

Centres intellectuels

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Du point de vue de la géographie intellectuelle, le début de l'époque hellénistique est marquée par la constitution d'un pôle majeur à Alexandrie, à l'initiative de Ptolémée Ier, autour du temple des Muses (Mouséion), qui accueille des savants et une collection massive d'ouvrages, la fameuse « bibliothèque d'Alexandrie »[212]. Cela s'accompagne d'un important travail d'édition des textes, qui a notamment laissé les versions classiques de plusieurs ouvrages majeurs de la littérature grecque, au premier rang desquels figurent les épopées homériques[213].

Littérature

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La création littéraire de l'époque est marquée par l’œuvre poétique de Théocrite et Callimaque, établis à Alexandrie, qui excellent dans l'épigramme et l'idylle. Un élève du second, Apollonios de Rhodes, a laissé une œuvre épique de premier ordre, les Argonautiques. Le théâtre est dominé par la « nouvelle comédie » athénienne de Ménandre, un des auteurs les plus lus durant l'Antiquité. Les historiens hellénistiques sont en revanche considérés très peu connus, en dehors de Polybe (voir plus bas)[214],[215].

Philosophie

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La philosophie est marquée par le développement de plusieurs courants nouveaux, souvent partis d'Athènes qui garde la primauté dans ce domaine. L'époque n'est plus tant à la réflexion sur la vie dans la cité comme c'était le cas durant l'époque classique, puisque le monde est dominé politiquement par des rois au statut quasi-divin, que sur la conduite morale et la manière de mieux vivre, notamment la recherche de l'ataraxie, l'« absence de troubles ». Le cynisme (avec notamment Diogène de Sinope) refuse radicalement l'implication politique. Le scepticisme met plus l'emphase sur le savoir et la vertu, tout comme l'épicurisme, qui doit son nom à Épicure (341-270), enseignant dans le « Jardin », qui recherche le bonheur par la satisfaction des seuls désirs basiques. Il devient une des philosophies majeures du monde antique. Le stoïcisme, développé par Zénon de Kition (336-262), généralement considéré comme son opposé, qui professe la compréhension et l'acceptation du monde naturel sans laisser ses sentiments l'emporter, devait être amené à avoir une influence encore plus grande à l'époque romaine[216],[217].

Sciences et techniques

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Dans le domaine scientifique, l'astronomie grecque connaît son premier développement à la suite d'Aristarque de Samos et Hipparque de Nicée, Ératosthène de Cyrène est le premier à mesurer le méridien terrestre, et les Éléments d'Euclide sont amenés à devenir un ouvrage fondateur de la géométrie[218],[219].

Les ingénieurs ne sont pas en reste, la période hellénistique connaissant un développement important de la mécanique, mise en pratique pour la construction et l'art militaire, notamment la poliorcétique (l'art d'assiéger les villes). Archimède de Syracuse (287-212) est le principal inventeur de l'époque. Ces innovations devaient être reprises par les ingénieurs de l'empire romain[220].

Royaumes et dynasties appartenant à la civilisation hellénistique

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Notes et références

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  1. Vase funéraire : notice du Metropolitan Museum [1].

Références

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Bibliographie

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Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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Bases de données et dictionnaires

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