Monument (cyclisme)

5 principales classiques du cyclisme sur route
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Monument du cyclisme est un qualificatif attribué à cinq courses cyclistes classiques généralement considérées comme les épreuves d’une journée les plus anciennes, les plus difficiles et les plus prestigieuses du cyclisme sur route[1],[2].

Les cinq monuments sont Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie.

Historique

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Albert Baker d’Isy, « Paris-Roubaix, « monument » du cyclisme », Ce soir,‎ (lire en ligne).

L’expression « monument du cyclisme » est assez tôt employée à propos de courses comme le Tour de France[3], Bordeaux-Paris[4] ou Paris-Brest-Paris[5], ou même de coureurs[6] ou de leur dos[7]. Ainsi, dès 1904, Henri Desgrange écrivait ceci dans L’Auto : « Le “Tour de France” est terminé et sa seconde édition aura, je le crains bien, été aussi la dernière. […] Et, pourtant, il nous avait semblé et il nous semble encore que nous avions édifié avec cette grande épreuve le monument le plus durable et le plus imposant du sport cycliste. »[8]

Albert Baker d’Isy (1906-1968), journaliste sportif français, spécialisé dans le cyclisme, titre en 1949 un article de presse du quotidien Ce Soir : Paris-Roubaix, « monument » du cyclisme.

Le terme Monument du cyclisme est repris dès 1950 quand un autre journaliste, Jacques Goddet (1905-2000), célèbre la victoire de Fausto Coppi dans Paris-Roubaix par ces mots : « Monument du cyclisme international, Paris-Roubaix écrasait les coureurs de sa légende comme de ses difficultés diaboliques. Semblant ignorer le charivari des pavés, le « prodigissime » l’a écrasé[9]. »

Le terme « monument » finit, à la fin du XXe siècle[10], par ne plus désigner que les cinq classiques les plus prestigieuses, à savoir Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie[11]. Ces cinq courses sont les seules du calendrier de l’UCI World Tour à être répertoriées en catégorie 3, les catégories 1 (Tour de France) et 2 (Tour d’Italie et Tour d’Espagne) désignant les trois Grands Tours et les catégories 4 à 6 reprenant les autres courses d’un jour ou par étapes de niveau mondial.

Liste des courses

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Les cinq monuments du cyclisme sont les suivants :

  •   Milan-San Remo - La première grande classique de l’année, son surnom italien est La Primavera (le printemps) ou La Classicissima (superclassique), car elle a lieu à la fin du mois de mars, sous le soleil. Première course en 1907, elle est considérée comme une classique de sprinteur. Cette course est particulièrement longue (environ 300 km) principalement plate mais ponctuée de plusieurs capi (courtes côtes) en fin de course le long de la Mer Ligurienne, ce qui favorise les puncheurs ou les sprinteurs qui ont pu suivre les meilleurs.
  •   Tour des Flandres - Le Ronde van Vlaanderen en néerlandais, la première des classiques pavées, est disputé chaque premier dimanche d’avril. Il a eu lieu pour la première fois en 1913, ce qui en fait le plus jeune des cinq monuments. Connu pour ses courtes montées pavées et abruptes (bergs) des Ardennes flamandes, le parcours oblige les meilleurs coureurs à se battre pour l’espace à l’avant. Le parcours change légèrement chaque année : depuis 2022, la course commence alternativement à Anvers ou à Bruges et depuis 2012 se termine à Audenarde.
  •   Paris-Roubaix - La Reine des Classiques ou l’Enfer du Nord est courue traditionnellement une semaine après le Tour des Flandres et est la dernière des flandriennes. Elle a été organisée pour la première fois en 1896. Ses endroits stratégiques sont les nombreux longs tronçons de pavé qui en font la course d’un jour la plus désagréable. Elle est considérée par beaucoup comme l’événement cycliste le plus héroïque d’une journée de l’année. La course au tracé plat se termine sur l’emblématique vélodrome de Roubaix. À la fin de la course, les coureurs sont généralement couverts de terre et / ou de boue dans ce qui est considéré comme l’un des tests d’endurance mentale et physique les plus durs de tout le cyclisme.
  •   Liège-Bastogne-Liège - Tenue fin avril, la Doyenne, la plus ancienne des classiques, est la dernière des classiques ardennaises et généralement la dernière des courses de printemps. Elle a été organisée pour la première fois en 1892 en tant qu’événement amateur ; une édition professionnelle suivit en 1894. C’est une course longue et ardue qui se distingue par ses nombreuses côtes dans l’Ardenne belge, privilégiant les grimpeurs et même les spécialistes des grands tours.
  •   Tour de Lombardie - Il Lombardia en italien, la Classique des feuilles mortes, c’est la seule à prendre place à la fin de la saison (fin septembre-début octobre). Initialement organisée sous le nom de Milan-Milan en 1905, elle prend le nom Giro di Lombardia en 1907. L’épreuve se distingue par son parcours vallonné et varié autour du lac de Côme. Il est souvent remporté par des grimpeurs avec une bonne pointe de vitesse.

Palmarès

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Statistiques

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Records de victoires par course

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Course Première édition Recordman Nombre de victoires Date
  Milan-San Remo 1907   Eddy Merckx 7 Mi-mars
  Tour des Flandres 1913   Achiel Buysse
  Eric Leman
  Fiorenzo Magni
  Johan Museeuw
  Tom Boonen
  Fabian Cancellara
  Mathieu van der Poel
3 Début avril
  Paris-Roubaix 1896   Roger De Vlaeminck
  Tom Boonen
4 Début avril
  Liège-Bastogne-Liège 1892   Eddy Merckx 5 Fin avril
  Tour de Lombardie 1905   Fausto Coppi 5 Début octobre

Vainqueurs d’au moins trois « Monuments »

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Eddy Merckx en 1974.

Seuls trois coureurs — tous Belges — ont remporté les cinq Monuments au cours de leur carrière : Roger De Vlaeminck, Rik Van Looy et Eddy Merckx.

Six coureurs en ont épinglé quatre différents à leur palmarès. Sean Kelly a remporté toutes les classiques à l’exception du Tour des Flandres, où il a échoué trois fois à la seconde place (1984, 1986 et 1987). Hennie Kuiper n’a lui jamais remporté Liège-Bastogne-Liège, alors qu’il a terminé deuxième en 1980. Alfred De Bruyne en a remporté quatre et terminé deuxième du Tour de Lombardie en 1955, tandis que Philippe Gilbert n’a pas gagné Milan-San Remo, mais compte deux places de troisième. Louison Bobet et Germain Derijcke sont les deux autres coureurs ayant remporté quatre de ces cinq compétitions.

Eddy Merckx détient le record de victoires de trois Monuments sur une même année, exploit qu’il a réalisé quatre fois en 1969, 1971, 1972 et 1975.

Merckx (en 1969 et 1971), Kelly (en 1984 et 1986) et Tadej Pogačar (2025) sont les seuls coureurs à être montés sur le podium de quatre des cinq Monuments lors d’une saison. Entre le Tour de Lombardie 2023 et Liège-Bastogne-Liège 2025, Pogačar monte sur tous les podiums des monuments auxquels il participe (8/10) dont un record de 6 podiums consécutifs.

Ci-dessous, les coureurs vainqueurs d’au moins trois classiques « Monuments », classés par nombre de victoires, puis par ordre chronologique.

En gras, figurent les coureurs en activité.
Coureurs Victoires Monuments Total Monuments
différents
Première Dernière   M-SR   TdF   P-R   L-B-L   TdL
  Eddy Merckx 1966 1976 7 2 3 5 2 19 5
  Roger De Vlaeminck 1970 1979 3 1 4 1 2 11 5
  Costante Girardengo 1918 1928 6 3 9 2
  Fausto Coppi 1946 1954 3 1 5 9 3
  Sean Kelly 1983 1992 2 2 2 3 9 4
  Tadej Pogačar 2021 2025 2 3 4 9 3
  Rik Van Looy 1958 1965 1 2 3 1 1 8 5
  Mathieu van der Poel 2020 2025 2 3 3 8 3
  Gino Bartali 1939 1950 4 3 7 2
  Tom Boonen 2005 2012 3 4 7 2
  Fabian Cancellara 2006 2014 1 3 3 7 3
  Henri Pélissier 1911 1921 1 2 3 6 3
  Alfredo Binda 1925 1931 2 4 6 2
  Alfred De Bruyne 1956 1959 1 1 1 3 6 4
  Francesco Moser 1975 1984 1 3 2 6 3
  Moreno Argentin 1985 1991 1 4 1 6 3
  Johan Museeuw 1993 2002 3 3 6 2
  Gaetano Belloni 1915 1928 2 3 5 2
  Rik Van Steenbergen 1944 1954 1 2 2 5 3
  Bernard Hinault 1977 1984 1 2 2 5 3
  Michele Bartoli 1996 2003 1 2 2 5 3
  Paolo Bettini 2000 2006 1 2 2 5 3
  Philippe Gilbert 2009 2019 1 1 1 2 5 4
  Gaston Rebry 1931 1935 1 3 4 2
  Alfons Schepers 1929 1935 1 3 4 2
  Louison Bobet 1951 1956 1 1 1 1 4 4
  Germain Derycke 1953 1958 1 1 1 1 4 4
  Felice Gimondi 1966 1974 1 1 2 4 3
  Walter Godefroot 1967 1978 2 1 1 4 3
  Jan Raas 1977 1983 1 2 1 4 3
  Hennie Kuiper 1981 1985 1 1 1 1 4 4
  Erik Zabel 1997 2001 4 4 1
  Alejandro Valverde 2006 2017 4 4 1
  Léon Houa 1892 1894 3 3 1
  Octave Lapize 1909 1911 3 3 1
  René Vermandel 1921 1924 1 2 3 2
  Giovanni Brunero 1922 1924 1 2 3 2
  Romain Gijssels 1931 1932 2 1 3 2
  Achiel Buysse 1940 1943 3 3 1
  Fiorenzo Magni 1949 1951 3 3 1
  Émile Daems 1960 1963 1 1 1 3 3
  Jo de Roo 1962 1965 1 2 3 2
  Tom Simpson 1961 1965 1 1 1 3 3
  Eric Leman 1970 1973 3 3 1
  Andreï Tchmil 1994 2000 1 1 1 3 3
  Andrea Tafi 1996 2002 1 1 1 3 3
  Peter Van Petegem 1999 2003 2 1 3 2
  Damiano Cunego 2004 2008 3 3 1
  Óscar Freire 2004 2010 3 3 1
  Vincenzo Nibali 2015 2018 1 2 3 2

Palmarès par nation

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Nombre de victoires par nation

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Après Liège-Bastogne-Liège 2025

# Pays Victoires Monuments Monuments
différents
  M-SR   TdF   P-R   L-B-L   TdL
1.   Belgique 222 23 69 57 61 12 5
2.   Italie 157 51 11 14 12 69 5
3.   France 62 14 3 28 5 12 5
4.   Pays-Bas 36 5 13 10 4 4 5
5.   Suisse 21 2 4 4 6 5 5
6.   Allemagne 13 7 2 2 2 . 4
7.   Espagne 11 5 . . 4 2 3
7.   Irlande 11 2 . 2 3 4 4
9.   Slovénie 11 1 2 . 4 4 4
10.   Australie 5 2 . 2 1 . 3
10.   Danemark 5 . 2 . 2 1 3
10.   Luxembourg 5 . . 1 3 1 3
13.   Royaume-Uni 4 2 1 . . 1 3
14.   Kazakhstan 3 . . . 3 . 1
15.   Norvège 2 1 1 . . . 2
15.   Russie 2 . . . 1 1 2
15.   Slovaquie 2 . 1 1 . . 2
18.   Colombie 1 . . . . 1 1
18.   États-Unis 1 . . . 1 . 1
18.   Lituanie 1 . . . . 1 1
18.   Moldavie 1 . . 1 . . 1
18.   Pologne 1 1 . . . . 1
18.   Suède 1 . . 1 . . 1

Pays ayant remporté les cinq monuments cyclistes

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Cinq pays ont réussi à remporter les cinq monuments cyclistes, avec par ordre chronologique :

Pays ayant réalisé le Grand Chelem

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La Belgique est le seul pays à avoir remporté les 5 monuments cyclistes la même année. Elle a réussi cette performance à trois reprises : 1969, 1972 et 1976. Fait remarquable, les cinq vainqueurs belges de 1976 étaient tous différents.

Vainqueurs de 5 nationalités différentes la même année

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À huit reprises, les vainqueurs des cinq monuments cyclistes étaient de cinq nationalités différentes : en 1964, 1979, 1985, 1993, 2014, 2016, 2018 et 2019, réflétant l’internationalisation croissante du cyclisme.

Entre le Tour des Flandres 2015 et le Tour des Flandres 2017, les monuments cyclistes ont même connu onze vainqueurs consécutifs de nationalités différentes.

Autres courses prestigieuses

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Outre les cinq Monuments, le cyclisme sur route compte aussi annuellement quatre autres courses importantes, anciennes et prestigieuses que sont les trois Grands Tours qui se courent sur trois semaines (Tour d’Italie, Tour de France et Tour d’Espagne) ainsi que la course en ligne des Championnats du monde de cyclisme sur route. Ces neuf courses sont les plus importantes du cyclisme sur route.

Eddy Merckx est le seul coureur à avoir remporté ces neuf courses pour un total de 33 victoires. Fausto Coppi (17 victoires sur 6 courses différentes) et Bernard Hinault (16 victoires sur 7 courses différentes) complètent ce podium.

Après s’être posé la question de savoir si l’Amstel Gold Race était un monument du cyclisme[12],[13], depuis le début des années 2020 les suiveurs du cyclisme débattent au sujet des Strade Bianche. Nombre d’entre eux considèrent qu’il manque à cette course une dimension historique. En effet, elle n’existe que depuis 2008 et semble grandement bénéficier de la mode gravel et de l’enthousiasme pour « les courses antiques »[14]. Par ailleurs, la course serait trop courte pour être qualifiée de monument. À l’inverse, les Strade Bianche possède un cadre esthétique apprécié des suiveurs qui la mette en valeur. De plus, son arrivée particulière à Sienne ainsi que les chemins blancs présents sur le parcours permettent de distinguer cette course des autres classiques du calendrier cycliste. Elle dispose de ses propres spécificités reconnaissables. Enfin, de nombreux suiveurs considèrent que les récentes éditions de cette course, attirant et sacrant de plus en plus de coureurs prestigieux (Julian Alaphilippe, Wout van Aert, Tadej Pogačar, Mathieu van der Poel ou encore Tom Pidcock), et développant des scenarii de plus en plus complexes et intenses, font de cette course un véritable monument[15].

Voir aussi

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Notes et références

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  1. « Pourquoi les appelle-t-on des Monuments ? », sur L'Équipe, (consulté le ).
  2. « Un Monument dans le cyclisme, c’est quoi ? », sur besidesport.com, (consulté le ).
  3. « Dans deux mois et quelques jours, le Tour de France quittera Paris. Ce n’est pas “toute” la saison, comme certains confrères ont tendance à le croire. Mais c’est l’épreuve capitale du mois de juillet, le “monument” du cyclisme international. » (« Préparez-vous et dormez bien, vous courrez le Tour de France », Paris-Soir, .)
  4. « Bordeaux-Paris est un “monument” du cyclisme défendu âprement envers et contre tous. » (« Un “Bordeaux-Paris” rénové. L’utilisation des “Derny” changera-t-elle la face des choses dans le derby de la route ? », Les Sports du Nord, .)
  5. « De dix ans en dix ans, elle nous est revenue jusqu’en 1931 comme un monument du sport, un vestige du passé... » (Albert Baker d’Isy, « À 49 ans, Benoît Faure, la souris, prend le départ de Paris-Brest-Paris, à la tête de 51 coureurs », Ce soir,‎ (lire en ligne).)
  6. « Ce monument du cyclisme italien a disparu vendredi après-midi à Ponte a Ema près de Florence, la petite ville qu’il a toujours habité, victime d’une défaillance cardiaque. » (« Cyclisme. Le champion italien est mort vendredi à 86 ans. Gino Bartali, une légende de la route disparaît. », Libération, .)
  7. « Le dos de Faber, c’est un monument, comme une porte d’écluse, quelque chose derrière quoi l’on peut attendre, impavide, les tempêtes et les aquilons ; c’est en même temps un coupe-vent, un pare-soleil, un mur derrière lequel se passe toute une partie de la course. » (Henri Desgrange, « Le XIIe Tour de France. Après la première. À l’étape », L’Auto,‎ (lire en ligne).)
  8. « Le Tour de France 1904. La 6e étape », L’Auto, .
  9. « Pourquoi les appelle-t-on des Monuments ? », sur lequipe.fr, .
  10. « Jalabert est, bien évidemment, le grandissime favori de Liège-Bastogne-Liège, l’un des cinq monuments du cyclisme des classiques avec Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix et le Tour de Lombardie. » (Laurent Jalabert avec Jean-Luc Gatellier et Philippe Pailhoriès, On m’appelle Jaja, Solar, .)
  11. « Classiques, mode d’emploi », sur rtbf.be, .
  12. « Malgré sa jeunesse, elle fait partie de ces monuments du vélo. » (Florian Egly, « La pression monte », Le Figaro,‎ (lire en ligne).)
  13. « [J]e me suis souvent posé cette question, en particulier lors de ma dernière victoire à l’Amstel Gold Race en 2017 : pourquoi ne pourrait-elle pas, elle aussi, être intégrée à la catégorie des monuments ? Parce qu’elle est plus jeune, du fait qu’elle a été créée en 1966 ? » (Philippe Gilbert, « Philippe Gilbert: «L’Amstel mériterait le titre de monument» », Le Soir,‎ (lire en ligne).)
  14. « Pourquoi les Strade Bianche n’est pas un Monument, contrairement à Milan – San Remo ? », sur Velo 101 (consulté le )
  15. Thibaud Chambre, « Strade Bianche doit-elle être un Monument ? Préface et pronostics », sur Ladbrokes.be News, (consulté le )

Bibliographie

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