Théâtre de la Concorde

lieu culturel et artistique à Paris, en France
(Redirigé depuis Espace Pierre Cardin)

Le théâtre de la Concorde, ancien café des Ambassadeurs, théâtre des Ambassadeurs puis espace Pierre-Cardin, est un lieu artistique situé dans les jardins des Champs-Élysées, au 1, avenue Gabriel, dans le 8e arrondissement de Paris.

Théâtre de la Concorde
Description de cette image, également commentée ci-après
La façade du bâtiment, côté avenue Gabriel en 2013.
Type Salles de spectacles, salle de cinéma, lieu d’exposition, restaurant
Lieu Paris
Coordonnées 48° 52′ 03″ nord, 2° 19′ 07″ est
Architecte Ange-Jacques Gabriel (café, 1772)
Jacques Hittorff (pavillon, 1840)
Georges Wybo (théâtre, 1930)
Inauguration 1930
Nb. de salles 5
Capacité 673 (grande salle)
150 (studio)
Anciens noms Café des Ambassadeurs (1772-1840)
Café-concert des Ambassadeurs (1840-1926)
Restaurant-théâtre des Ambassadeurs (1926-1929)
Théâtre des Ambassadeurs (1930-1970)
Espace Pierre-Cardin (1970-2023)
Tutelle Ville de Paris
Direction Elsa Boublil (depuis 2024)
Site web theatredelaconcorde.paris

Carte

Propriété de la ville de Paris, il a ouvert en mars 2024 sous la direction d’Elsa Boublil et propose des ateliers, des débats et des tables rondes gratuits autour de sujets d’actualité de la vie démocratique. La programmation des spectacles (théâtre, danse, musique etc.) s’articule autour de mois thématiques : « les femmes », « la mémoire », « le corps », etc.[1]. Le complexe est composé d'une grande salle (673 places), d'un studio polyvalent (150 places), d'un cinéma, d’un studio podcast, d'une salle d’exposition et d'un restaurant[1].

Histoire

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Le café des Ambassadeurs (1772-1929)

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La construction du café des Ambassadeurs est autorisée en 1772 par l'abbé Terray, contrôleur général des finances, sur un terre-plein des Champs-Élysées en bordure de la place de la Concorde (alors place Louis XV). Il doit son nom aux hôtels particuliers voisins édifiés par l'architecte Ange-Jacques Gabriel et qui étaient censés servir de logements à des ambassadeurs étrangers[2]. En 1792, à la chute de la monarchie, le terrain devient propriété de la Ville de Paris, puis revient à la Restauration dans le domaine royal, avant que Charles X ne le cède définitivement à la ville en 1828[3]. Son exploitation fait l'objet d'un bail, pratique qui a perduré jusqu'à nos jours.

C'est sous la direction de la veuve Ronzet, vers 1830, que les premiers chanteurs ambulants sont autorisés à se produire devant l'établissement de plein air, ouvert pour cette raison uniquement durant l'été[4]. Le public prenant goût à ce genre de divertissement, l'établissement se transforme en café-concert en 1840, l'un de premiers du genre, à l'occasion de l'installation de l'éclairage au gaz des Champs-Élysées. Les artistes se produisent dans un kiosque en guise de scène[5], remplacé en 1843 par un pavillon de style néo-grec imaginé par l'architecte Jacques Hittorff, responsable de l'aménagement de l'avenue[6].

En 1847, trois auteurs et compositeurs de musique, Ernest Bourget[7], Paul Henrion et Victor Parizot, refusent de payer leurs consommations car leur musique y est jouée sans qu'ils reçoivent de droits d'auteur. Soutenus par l’éditeur Jules Colombier, ils intentent et gagnent des procès contre le cafetier. Forts de cette reconnaissance, ils décident de fonder une société pour représenter les créateurs et collecter leurs droits, donnant naissance à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) le 28 février 1851[8].

Sous le Second Empire, les Ambassadeurs constituent l'une des principales attractions des Champs-Élysées, devenus lieu de divertissement à la mode depuis l'ouverture par Jacques Offenbach de ses Bouffes-Parisiens. Pierre Ducarre en prend la direction en 1874. Tout comme son concurrent direct et voisin l'Alcazar d'été, il engage de nombreuses vedettes de l'époque comme Thérésa, Paulus et Yvette Guilbert, orientant sa programmation vers la revue de music-hall[4]. C'est à la demande de cette dernière qu'il fait couvrir en 1893 le jardin pour permettre les représentations par temps de pluie[4]. Le Café-Concert des Ambassadeurs (1885), un pastel de Degas, donne une idée de l'ambiance qui y régnait à cette époque. Son neveu, Pinard, en association avec Chauveau et Eugène Cornuché, fondateur de Maxim's, lui succède en 1902 et entreprend des rénovations, laissant les rênes à ses associés en 1912[4].

Après une interruption due au déclenchement la Première Guerre mondiale, l'établissement est dirigé par le chansonnier Eugène Héros, puis par Raphaël Beretta et Léon Volterra, propriétaires du Casino de Paris, auxquels succèdent après la guerre Oscar Dufrenne et Henri Varna, eux-mêmes à la tête du Concert Mayol.

En 1925, Edmond Sayag, directeur du Casino-Kursaal d'Ostende, acquiert le bail pour y présenter des spectacles de music-hall « à l'américaine »[4], le jazz étant devenu le genre musical à la mode depuis la fin de la guerre. Tout en conservant la façade d'Hittorff et la scène, il transforme la salle en créant une piste de danse et un balcon pour compenser la perte des places au parterre. L'inauguration a lieu le sous l'appellation de restaurant-théâtre des Ambassadeurs[4] avec Black Birds (en)[9], une revue de Lew Leslie (en) venue de New York et capitalisant sur le succès de la Revue nègre présentée l'année précédente au théâtre des Champs-Élysées. Florence Mills en est l'interprète principale[10].

Les Ambassadeurs deviennent dès lors l'un des rendez-vous nocturnes les plus célèbres du monde pour les riches et les célébrités, ainsi qu'un modèle pour toutes les futures opérations de théâtres-restaurants qui devaient s'épanouir dans les années 1930. Parmi les plus grandes vedettes françaises qui assistent au spectacle, on peut citer Maurice Chevalier, Sacha Guitry, Yvonne Vallée, les Dolly Sisters, Raquel Meller et même Joséphine Baker[1]. Cole Porter y crée La Revue des ambassadeurs le . Malgré cela, les coûts de fonctionnement ne permettent pas de dégager des profits suffisants. Alors que la saison estivale 1929 s'achève, Sayag annonce que les Ambassadeurs seront démolis pour faire place à un établissement entièrement repensé.

Le théâtre des Ambassadeurs (1930-1969)

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En juin 1930, le nouvel édifice dû à l'architecte Georges Wybo est inauguré sous le nom de théâtre des Ambassadeurs. Une salle de 900 places, toujours accessible par la place de la Concorde, jouxte un restaurant-théâtre. Exploité par les établissements Ciro's, celui-ci est dévolu aux dîners-spectacles et son entrée se situe désormais avenue Gabriel. Le projet initial de scène tournante permettant aux artistes de se produire tour à tour dans les deux lieux est par Commission de surveillance des théâtres pour des raisons de sécurité[4].

Souhaitant orienter la programmation de la grande salle vers le répertoire français, Sayag en confie successivement la direction artistique à Camille Wynn, Victor Sylvestre et Marie Bell. Parallèlement, les Conférences des Ambassadeurs données par des personnalités du monde politique, diplomatique ou des affaires, sont organisées à l'initiative notamment d'André David, Jules Cambon, François de Menthon, Pierre-Henri Teitgen et Marie-Claude Vaillant-Couturier. La municipalité ayant rompu le bail en 1935, Sayag est remplacé par Albert Willemetz et Louis Meucci, avant que le dramaturge Henri Bernstein, également directeur du théâtre du Gymnase ne soit nommé en 1938[4]. Le , le conseil municipal de Paris a recours à la procédure d’urgence pour interdire la représentation des Parents terribles de Jean Cocteau, créée le 14 novembre précédent. Encouragé par le succès public et fort du soutien du ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts Jean Zay, Cocteau a proposé aux élèves de plus de seize ans des écoles de la Ville de Paris deux représentations gratuites mais le sujet sulfureux de la pièce lui vaut l'accusation, relayée par la presse d’extrême droite, d'incitation d'adolescents à la débauche et lui donnent dix jours pour quitter le théâtre.

Bernstein dirige la salle jusqu'à son exil en aux États-Unis. Quelques mois plus tôt, dans sa pièce Elvire, il avait dévoilé au public parisien l'existence des camps de concentration à travers le personnage d'une réfugiée autrichienne (rôle créé par Elvire Popesco), avant que les représentations ne soient interrompues par la bataille de France.

De 1940 à 1944, le théâtre est dirigé par la comédienne Alice Cocéa, qui se verra reprocher, à la Libération, son attitude sous l'Occupation.

Déchu de sa nationalité en 1941 par le gouvernement de Vichy car Juif, Henri Bernstein retrouve son poste à son retour en 1946[11] jusqu'à sa mort en 1953, où le poste revient à son administratrice, Gilberte Refoulé. Le théâtre est ensuite dirigé de 1962 à 1970 par le producteur Marcel Karsenty[12].

L'espace Pierre-Cardin (1970-2023)

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L'entrée de l'espace Pierre-Cardin en 2013.

En 1970, la mairie de Paris accorde sur proposition de Marcel Karsenty la concession du théâtre au couturier Pierre Cardin (1922-2020), déjà détenteur du bail du restaurant[13]. Le lieu est rebaptisé espace Pierre-Cardin (également appelé « espace Cardin »)[1].

À partir de 2006 et jusqu'en 2015, le lieu est dirigé par Nicolas Laugero Lasserre. Pendant cette période, l'espace est entièrement rénové.

En 2010, 50 théâtres privés parisiens réunis au sein de l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) et du Syndicat national des directeurs et tourneurs du théâtre privé (SNDTP), dont fait partie l'espace Cardin, décident d'unir leur force sous une enseigne commune : les Théâtres parisiens associés[14].

En 2016 à 2023, la ville de Paris met le lieu à disposition du théâtre de la Ville pendant la rénovation de ce dernier, place du Châtelet[15],[16],[1].

Le théâtre de la Concorde (depuis 2024)

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En 2024, la maire de Paris Anne Hidalgo décide de rebaptiser le lieu « théâtre de la Concorde » et, avec une nouvelle équipe, de dédier le lieu à l’art et la démocratie[1],[17]. Il est composé d'une salle à l'italienne à trois niveaux, la salle Joséphine-Baker, d'une petite salle, le studio Pierre-Cardin, d'une salle de cinéma, d'une salle de podcast, d'une salle d’exposition, d'une scène extérieure et d'un restaurant.

Jauge
  • théâtre : 673 places
  • salle de restaurant : 460 m²
  • salle polyvalente : 400 m²
  • salle de conférence avec écran : 75 places
  • Rotonde : 150 m²

Répertoire

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Café-concert des Ambassadeurs

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Eugénie Fougère aux Ambassadeurs, affiche d'Alfred Choubrac (avant 1902).
  • 1875 : Persivani et Vandevelde, Les Martinettes, Mlle Bécat
  • 1876 : Le Charmeur d'oiseaux, L'Avaleur de sabres, Les Frères Léopold, M. Gabel, duo Geneviève de Brabant, des deux hommes d'armes
  • 1877 : La Fête des mitrons par Bienfait et Les Mogolis, paroles Félix Baumaine et Charles Blondelet, musique d'Édouard Deransart, Stewart et H. Dare, Les Mogolis,
  • 1878 : Tableau de la troupe du Café-concert des Ambassadeurs, Ohé ! Coco par Mme Élise Faure : Vous n'auriez pas vu Co-Co ?
  • 1880 : Miss Jenny Mills, chanteuse et danseuse anglaise, les Frères Léo
  • 1881 : Johnsonlee équilibriste
  • Hector et Fave
  • Plessis dit le Caméléon incomparable
  • La Revue en fêtes, revue en 1 acte et 4 tableaux de Jules Roques et Hugues Delorme

Théâtre des Ambassadeurs

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Espace Cardin

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Divers

Conférences

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Expositions

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Notes et références

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  1. a b c d e et f « Bienvenue au théâtre de la Concorde, nouveau lieu démocratique et culturel pour tous », sur paris.fr (consulté le ).
  2. De là également le nom du bar de l'hôtel de Crillon, Les Ambassadeurs.
  3. « Bail du théâtre des Ambassadeurs », Bulletin municipal officiel de la ville de Paris, 12 janvier 1939, p. 257-258, lire en ligne sur Gallica.
  4. a b c d e f g et h Marine Costille, Spectacles au music-hall op. cit..
  5. « Ambassadeurs », sur lehall.com (version du sur Internet Archive).
  6. On lui doit notamment les fontaines de la Concorde, les bassins du Petit et Grand Palais, le Cirque d'Été et la Rotonde des panoramas.
  7. Jacques-Marie Vaslin, « Ernest Bourget, défenseur du droit d'auteur », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  8. « Histoire de la SACEM », sur musee.sacem.fr.
  9. Smiling Joe, extrait de Blackbirds Revue of 1926 - Columbia 4185 sur YouTube.
  10. Pierre Maudru, « Aux nouveaux Ambassadeurs, Black Birds (« Les oiseaux noirs ») », Comoedia,‎ , p. 2 (lire en ligne, consulté le ).
  11. « María Montez, Henry Bernstein, J.-P. Aumont et Paul Gilson sont arrivés de New-York », France-Soir,‎ , p. 3 (lire en ligne) :

    « « Le même avion ramenait à Paris le célèbre auteur dramatique Henry Bernstein. […] Henry Bernstein reprend, à la rentrée, la direction du théâtre des Ambassadeurs avec une reprise de sa pièce, Le Secret. » »

  12. « Ordre du jour sur une communication de M. le Préfet de la Seine relative à la situation du théâtre des Ambassadeurs », Bulletin municipal officiel de la ville de Paris, 28 décembre 1962, p. 723, lire en ligne sur Gallica.
  13. « Substitution de titulaire dans le droit de bail du théâtre des Ambassadeurs », Bulletin municipal officiel de la ville de Paris, 26 janvier 1970, p. 1327, à lire en ligne sur Gallica.
  14. « L'espace Cardin », sur Théâtres parisiens associés (archivé sur Internet Archive).
  15. Anne-Charlotte Dancourt, « Le théâtre de la Ville va investir l’espace Pierre-Cardin », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  16. Ariane Bavelier, « À Paris, le théâtre de la Ville rouvrira-t-il un jour ? », Le Figaro, cahier « Le Figaro et vous »,‎ 6-7 novembre 2021, p. 29 (lire en ligne  ).
  17. Candice Doussot, « Paris : voici le théâtre de la Concorde, l’« université populaire de la démocratie » promise par Anne Hidalgo », leparisien.fr,‎ (lire en ligne  , consulté le ).
  18. Jack Roffey sur data.bnf.fr
  19. Gordon Harbord sur data.bnf.fr
  20. Dictionnaire Bénézit, vol.6, Gründ, 1999.
  21. Sylvana Lorenz, L'Ingénue galeriste (1993), éd. Z'éditions, 2001 (ISBN 2-87720-291-7), p. 116
  22. « Dans la famille Sarkozy, le peintre », leparisien.fr, 10 février 2010.

Sources

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  • Jardins des Champs-Élysées sur le site Mon village : le faubourg du Roule et ses environs (consulté le
  • Marine Costille, Spectacles au music-hall : Le cas de quatre salles parisiennes (1917-1940) [Mémoire de master sous la direction de Pascale Goetschel, Histoire, 2016], Université Panthéon-Sorbonne, UFR Histoire, HAL dumas-01417493 (en ligne)  

Annexes

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Bibliographie

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  • Geneviève Latour, Florence Claval (études réunies par), « Espace Cardin, anciennement théâtre des Ambassadeurs », dans Les Théâtres de Paris, Paris, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris et Association de la régie théâtrale, (ISBN 2-905118-34-2), p. 171-173

Articles connexes

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Liens externes

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