Rébellions huguenotes

rébellions en Royaume de France
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Les rébellions huguenotes, également appelées les Guerres de M. de Rohan, du nom du duc Henri II de Rohan, sont une succession de soulèvements populaires des populations protestantes de France contre la répression organisée par le roi Louis XIII. Ces rébellions huguenotes s'étalent de 1621 à 1629.

Henri II de Rohan
Rétablissement des Catholiques dans le Béarn en 1620
Benjamin de Rohan duc de Frontenay, baron de Soubise

Contexte politique modifier

 
Territoires contrôlés par les protestants lors des guerres de Religion (1562-1598) sur les frontières en 1685.
  • huguenots (calvinistes/réformés)
  • zone contestée
  • catholiques
  • luthériens (Alsace et Moselle)

L'assassinat du roi Henri IV met un terme à la paix civile et la tolérance qui règne dans le Royaume de France entre catholiques et protestants depuis la fin des guerres de Religion en 1598.

Le duc Henri II de Rohan devient plus ou moins malgré lui le chef de la résistance protestante. Écarté de la cour par la régente, Marie de Médicis, il devient peu à peu l'un des chefs du parti protestant qui est contraint de se regrouper. Il conseille la reine pour combattre la révolte de Henri II de Bourbon, prince de Condé, lequel veut empêcher le mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche.

Face aux intrigues de la régence de Marie de Médicis, beaucoup plus favorable que son époux au parti dévot, puis surtout face à la volonté de Louis XIII d'abattre le parti protestant, le duc de Rohan est en permanence déchiré entre la fidélité à la cause protestante et le service au roi de France.

Première rébellion (1620-1622) modifier

 
Campagnes de Louis XIII dans le Midi (1621-1622)

En 1617, le roi Louis XIII évince sa mère Marie de Médicis et exerce personnellement le pouvoir royal. L'une de ses premières décisions est de rendre le libre exercice du culte catholique à tout le Béarn passé à la Réforme protestante sous Jeanne d'Albret. Cette décision prévue par l'édit de Nantes mais non appliquée par Henri IV puis la régente Marie de Médicis déclenche un mouvement de résistance au nom de la « cause réformée », et en juin 1620, Louis XIII, lassé par les atermoiements du parlement, décide de marcher sur le Béarn afin d'imposer l'exécution de son édit de 1617. L'émotion des Réformés est immense.

Les huguenots se réunissent à La Rochelle le . Lors de cette assemblée générale huguenote à La Rochelle, la décision a été prise de résister par la force à la menace royale et d'établir un « État dans l'État ». La République protestante fut partagée en 8 cercles ayant chacun son conseil provincial, ses finances, son armée et son chef militaire, sous la direction du duc de Rohan. Quelques provinces refusèrent leur concours et il y eut d'importantes défections parmi les grands seigneurs. La Trémoille ne voulut pas soulever l'Angoumois, Lesdiguières maintint le Dauphiné hors du conflit tout comme Guise avec la Provence et Gaspard de Coligny qui se cantonne à Aigues-Mortes. Mais la rébellion trouve des partisans exaltés comme à Montauban, Bergerac, Nîmes, Uzès et La Rochelle la Genêve française[1]. Les Protestants reprennent donc la lutte aux côtés de leurs coreligionnaires, affaiblis et uniquement dans tout le Sud-Ouest, défendant Montauban contre Louis XIII.

En 1621, le roi de France prend la place protestante de Saumur ainsi que la cité de Saint-Jean-d'Angély puis soumet la Guyenne, prend Clairac[2] en août, dont il épargne la population mais dont il fait détruire les remparts, puis met le siège devant Montauban. Après 3 mois de siège, ayant perdu près de la moitié de son armée, il lève le siège.

 
Les fortifications de Montauban au moment du siège

En 1622, en dépit des troupes royales commandées par le duc d'Epernon, Saint-Luc et La Rochefoucault, Benjamin de Rohan baron de Soubise avait soulevé le pays nantais, fortifié l'île d'Oléron, pris Saujon, la tour de Mornac, Royan, Blaye, le Médoc, le château de Chaume et occupé les Sables-d'Olonne. Les protestants ayant causé en bas-Poitou une telle épouvante, le roi Louis XIII quitte Paris le , avec sa Maison et ses Gardes, composés des Cent-Suisses, les cent Gentilshommes à bec de corbin[3], les Gardes de la porte, gardes de la manche[4], de la prévôté de l'hôtel[5], 4 compagnies à cheval de Gardes du corps, 1 française et 3 écossaises de 336 gardes chacune, et descend la Loire d'Orléans à Nantes où il débarque le . Ayant appris que Benjamin de Rohan avait pris position au nord des Sables-d'Olonne, dans l'île de Riez, avec 7 000 hommes, 700 chevaux et 7 canons, il réunit, le , son armée royale à Legé, au sud de Nantes et décide de marcher contre les forces huguenotes qu'il extermine le 16 avril.

Le bas-Poitou était désormais vidé de tous les huguenots, mais ceux-ci restaient toutefois en rébellion de La Rochelle à Aigues-Mortes et dans le Midi.

Le Roi ne voulant rentrer à Paris qu'après avoir pacifié son royaume, il résolut d'entreprendre le voyage. Il garda le commandement de sa petite armée et fit 294 lieues, qui le mèneront de Nantes à Montpellier.

Après 2 jours de repos, l'armée royale se dirige, le 19 avril, vers Niort, par Aizenay, La Roche-sur-Yon, Sainte-Hermine et Fontenay-le-Comte où il arrive le 23 avril.

Il en part le 27 pour assiéger Royan qui fermait à ses vaisseaux l'entrée de la Gironde. Il fait étape à Chizé, Saint-Jean-d'Angély, Saintes où il reste deux jours, Saujon et arrive à Royan qui est investie le 4 mai et prise le 11.

 
Siège de Royan (1622)

Avant de passer de Saintonge, en Guyenne, le Roi voulut arrêter les incursions des Rochelais, au moins sur la terre ferme.

Il confia le blocus de La Rochelle à son cousin Louis, comte de Soissons, qu'il fit général de l'armée d'Aunis lui adjoignant le maréchal de Vitry pour lieutenant général et du Bourg-l'Espinasse, Vignolles[6] et la Ferté-Senneterre pour maréchaux de camp. Les troupes comprenaient 600 chevau-légers et carabins sous le commandement du marquis de Nesle et 8 000 fantassins dont le régiment de Champagne commandé par Pierre de La Mothe-Arnaud dit Arnaud du Fort.

Louis XIII continue, de son côté, sa marche en direction du Languedoc, où Montmorency luttait à grand peine contre Henri de Rohan malgré la prise du château de Faugères. Ayant ramené ses troupes à Frontignan et Villeneuve-lès-Maguelone, Montmorency constitua avec le comte de Châtillon un corps d'armée qui leur permit de prendre le 7 avril Cournonsec. Alors que l'armée royale languedocienne était réduite à 600 cavaliers, y compris la Maison du Roi, les régiments des Gardes-françaises, des Gardes-suisses, Picardie, Navarre et Piémont avec 7 canons ou couleuvrines, les troupes protestantes avaient pris, en février et mars, plusieurs places fortes catholiques comme les châteaux de Montlaur, de Beaulieu, de Castries, de Sommières.

L'armée du roi part donc de Royan le 16 mai et couche à Mortagne. Le 17, elle couche à Mirambeau, séjourne les 18 et 19 à Montlieu, arrive à Saint-Aulaye le 20, à Guitres le 21, à Saint-Émilion le 22, Castillon le 23 et Sainte-Foy-la-Grande le 25 mai que Jacques Nompar de Caumont, duc de La Force, voulut défendre.

Continuant sa chevauchée, Louis XIII arrive le 28 mai à Monségur, le 29 à Marmande, passe devant Tonneins que le duc d'Elbeuf et le maréchal de Thémines avaient pris le 4 mai précédent et ruiné ras-terre. Le la troupe royale est à Aiguillon et le 1er juin à Agen puis elle remonte la Garonne par Valence-d'Agen jusqu'à Moissac.

S'approchant de Montauban, qu'il n'avait pas réussi à prendre l'année précédente, Louis XIII envoie le marquis de Valençay avec la gendarmerie de la Garde et les chevau-légers de Condé en reconnaissance jusqu'au glacis de la cité huguenote. Le 7 juin il fait passer l'Aveyron, près de Piquecos, à son armée qui bivouaque, en bataille, devant Villemade (à 2 lieues de Montauban), espérant que les habitants viendraient lui offrir sa revanche, mais ils restèrent prudemment derrière leurs murs.

Le 10 juin les troupes royales arrivent devant Nègrepelisse, immédiatement investie. Après avoir pris la place, les habitants sont massacrés, la ville est pillée, saccagée puis brûlée.

Le 14 juin l'armée investit Saint-Antonin qui se rend le 21 juin. Les Saint-Antoninois évitèrent un massacre identique à celui de Négrepelisse en payant 100 000 livres comme rançon[1].

 
Le grand et juste châtiment des rebelles de Nègrepelisse Ouvrage de 1622, justifiant le massacre des habitants de Nègrepelisse
 
Les révoltes huguenotes dans le bastion protestant de Tarn-et-Garonne (1621-1628)

L'armée royale continue sa marche par Castelnau-de-Montmiral, Saint-Sulpice et contournant Toulouse, elle chemine par Belcastel, Saubens, Caraman, qui capitule au 1er coup de canon, puis Cuq-Toulza, prise par 6 compagnies, et cantonne à Saint-Félix-de-Caraman le . Le 3 juillet elle est à Castelnaudary où elle bivouaque une dizaine de jours, le roi étant malade.

Pendant ce temps le duc Henry de Montmorency, gouverneur du Languedoc, avait investi Montpellier dans l'espoir d'en ouvrir les portes au Roi. Mais Henri de Rohan y avait envoyé en renfort l'élite de ses montagnards et continuait à lever des troupes dans les Cévennes pour la secourir si l'armée royale venait à se joindre à celle de Montmorency.

Tel était le projet de Louis XIII, qui avait toutefois laissé Vendôme avec 8 000 fantassins et 600 cavaliers devant Montauban pour assurer sa retraite en cas d’insuccès. Ayant appris que les capitaines protestants levaient des troupes dans les 5 provinces confédérées, c'est-à-dire le haut et le bas Languedoc, les Cévennes, le Vivarais et le Dauphiné, le maréchal de Praslin, avec les régiments de Picardie et de Navarre et 9 canons, alla prendre, le 21 juillet, Bédarieux pour barrer la route à cette armée[7]. Pendant ce temps le Roi, avec sa Maison et ses Gardes, se montrait à Carcassonne, Lézignan et Narbonne avant de faire son entrée à Béziers le 18 juillet.

Le 2 août, le maréchal de Praslin met le siège devant Lunel pendant que Montmorency investit Marsillargues. Cette dernière place assiégée par 5 régiments, renforcés de Normandie, 6 canons et 1 couleuvrine, se rendit le même jour. Le siège de Lunel fut moins rapide ; malgré le renfort de 830 Cévenols, Lunel capitule le 7 août devant 3 000 fantassins, 300 cavaliers d'élite et 2 couleuvrines sous les ordres du prince de Condé. Après avoir laissé, dans la place, 6 compagnies sous le commandement du colonel de légion Jean de La Croix, baron de Castries, les troupes royales se réunissent le 12 août devant Sommières et lui donnent l'assaut le 17, Picardie avec Roger du Plessis-Liancourt, son mestre de camp, en tête. Le 22 août, assiégé par Louis XIII, Gaspard, duc de Châtillon, livre Aigues-Mortes sans combat, qui le remercie en lui donnant 50 000 livres tournois et le bâton de maréchal[8]. Dans le même temps le maréchal Lesdiguières, converti au catholicisme, répondit de la soumission du Dauphiné, dont il était gouverneur, et reçut en remerciement le collier du Saint-Esprit et l'épée de connétable de France.

Il ne restait plus pour pacifier la région qu'à prendre Montpellier qui fut assiégée à partir du 31 août par une armée royale, de moins de 10 000 hommes, « harassée et rompue par tant de marches de combats et de travaux ». Les combats et bombardements firent rage, Louis XIII reçut des renforts du duc de Vendôme et de Lesdiguières. Le 7 octobre, avec plus de 20 000 hommes, les troupes royales, pouvaient réduire la cité rebelle. Mais ayant jugé qu'assez de sang français avait été versé, Louis XIII charge le nouveau converti, Lesdiguières, de négocier la paix avec Henri de Rohan, qui vient, le 10 octobre, s'agenouiller devant Louis XIII et demander pardon d'avoir porté les armes contre lui.

Le 20 octobre, le roi fait son entrée à Montpellier, précédé par ses compagnies de carabins et de chevau-légers, entouré des grands seigneurs et de sa cour, et suivi de sa gendarmerie.

 
Siège de Montpellier (1622)

En échange du gouvernement du Poitou, Henri de Rohan, reçut ceux de Nîmes et d'Uzès ainsi que 600 000 livres tournois. Le traité signé à Montpellier indiquait également que l'Édit de Nantes soit rétabli, l'égalité des cultes reconnue. Mais les protestants ne gardaient plus comme place de sureté que La Rochelle et Montauban, le roi n'ayant pas réussi à prendre. Ils devaient raser les fortifications de leurs autres villes et les assemblées générales, cercles et synodes leur étaient désormais interdits.

La déclaration royale exemptait Montpellier de citadelle et de garnison. Cependant le marquis de Valençay y fut laissé en tant que gouverneur avec les régiments Picardie, Navarre et Normandie sous prétexte de veiller à la démolition des remparts.

Bassompierre, nommé maréchal de France, conduisit à Lyon le reste des troupes, qui avaient fait le voyage en Languedoc, et furent ensuite réparties dans diverses places frontières.

Louis XIII revient à Lyon en passant par la Provence et le Dauphiné où il reçut Charles-Emmanuel le duc de Savoie qui venait solliciter son alliance pour contrer les nouvelles prétentions du marquisat de Montferrat de Ferdinand duc de Mantoue.

Le roi quitte Lyon le 19 décembre, couche à Roanne le 20, à Nevers le 22, à La Charité-sur-Loire le 23 où il passe Noël. Le 26 décembre, il est à Bonny, le 27 il est à Montargis et couche à Château-Landon, le 29 il est à Malesherbes et arrive le 30 décembre dans sa capitale sous les acclamations des Parisiens.

Deuxième rébellion (1625-1626) modifier

 
La citadelle de Port de Blavet

La menace d'un siège de La Rochelle par la flotte royale entraîne de la part des Protestants en une action d'envergure préventive au Blavet où la marine royale est amarrée. C'est Benjamin de Rohan, qui conduit la flotte protestante à la Bataille du Blavet, gagnée par les Protestants. Après cette victoire Benjamin de Rohan et ses troupes regagnent La Rochelle et prennent possession de l'île d'Oléron.

La réaction de Louis XIII ne se fait pas attendre, et la marine royale contre-attaque à l'île de Ré et bat les forces protestantes. La Rochelle est assiégée. Finalement un accord est conclu par le traité de Paris qui rend la liberté de culte aux Protestants mais interdit à la ville de La Rochelle de posséder une flotte militaire.

Troisième rébellion (1627-1629) modifier

 
Victoire française sur les troupes anglaises sur l'île de Ré en 1627.
 
Siège de La Rochelle (1627-1628), la capitale du protestantisme français, par le Cardinal de Richelieu

Le duc de Rohan est le chef de tous les insurgés, il a face à lui Jean de Saint-Bonnet de Toiras, maréchal de France, ainsi que le cardinal de Richelieu.

Henri de Rohan rallia le roi d'Angleterre à la cause réformée. En une flotte militaire anglaise embarquant 6 000 soldats jeta les ancres au large de Saint-Martin-de-Ré. L’expédition est mal préparée et mal commandée par George Villiers, duc de Buckingham, les Français résistent, le moral des troupes anglaises touchées par la dysenterie tombe au plus bas au cours de l’automne. Toute l’affaire se termine par un fiasco à la Bataille du pont du Feneau, la déroute anglaise est totale, les pertes totales estimées à 4 000 hommes, la flotte anglaise quitte les lieux le [9].

L'armée royale met le siège à La Rochelle, fait également celui de Montauban. La pression sur La Rochelle, où Richelieu est décidé à en finir, s'accroît de mois en mois. Henri de Rohan Soutenu par son frère Benjamin de Rohan, acharné plus encore que lui-même à contrer les visées du Cardinal, après un siège de plus de 14 mois, où la mère et la sœur de Henri de Rohan partagent les souffrances des insurgés, La Rochelle tombe aux mains des troupes royales en octobre 1628.

Malgré des victoires précaires et l'énergie de leur chef pour soutenir les derniers bastions, « les guerres de M. de Rohan » sont un échec. Il est battu par le roi lors du siège de Privas et du siège d'Alès en 1629. La Paix d'Alès confirme le maintien de la liberté de culte aux Protestants de l'Édit de Nantes, mais leur enlève tout pouvoir politique et militaire. Cet accord est remis en cause en octobre 1685 par le roi Louis XIV par sa Révocation de l'édit de Nantes.

Notes et références modifier

  1. a et b Batailles françaises par le colonel Édouard Hardy de Périni volume 3 (1621-1643)
  2. Participent à la prise de Clairac les Régiment de Chastellier-Barlot, Régiment de Soyecourt, Régiment de Lauzun, Régiment de Puyserguier, Régiment d'Esguillon qui y reste en garnison.
  3. Le bec de corbin était une arme que portaient les cent Gentilshommes de la Maison du Roi, qui pour ce sujet étaient nommés Gentilshommes au bec de corbin.
  4. Le terme de « garde de la manche » employé pour les 25 archers des gardes du corps du roy illustre le fait qu'ils se tenaient à côté du roy pour le protéger.
  5. La garde de la prévôté de l'hôtel, composée de 50 hommes environ est chargé de la police dans les palais ou réside le roi sa famille et la cour.
  6. Bertrand de Vignolles dit La Hire, baron de Vignolles, seigneur de Casaubon et Preschat, lieutenant général en Champagne, premier maréchal des camps et armées du Roi, gouverneur de Sainte-Ménéhould, chevalier de l'ordre du Saint-Esprit.
  7. Les guerres de Religion à Bedarieux
  8. les conflits religieux à Aigues-Mortes
  9. Bernard Cottret, La Révolution anglaise.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Colonel Édouard Hardy de Périni : Batailles françaises, 361 pages.

Liens externes modifier