Ligue des patriotes

organisation politique française du XIXème siècle
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Ligue des patriotes
Qui vive ? France !
Histoire
Fondation
Dissolution
Cadre
Type
Pays
Organisation
Fondateur
Idéologie
Positionnement

La Ligue des patriotes est fondée le par Paul Déroulède. Elle est l'un des mouvements pionniers du nationalisme français.

Composée au départ de républicains modérés (comme Victor Hugo)[1], la ligue, après de nombreuses scissions, soutient le général Boulanger. Dissoute en mars 1889, la ligue renaît en 1897 avant que n'éclate l'affaire Dreyfus. Elle reconquiert Paris dans le camp des antidreyfusards mais demeure néanmoins affaiblie. Elle se tourne donc vers le revanchisme et le nationalisme. Elle évolue rapidement vers une organisation antisémite, germanophobe et hostile au parlementarisme.

Elle est un mouvement pionnier dans l'histoire des ligues en France. Elle s'est épanouie dans les moments de crise économique et politique face auxquels le régime parlementaire semblait impuissant. Au vu de l'incapacité des gouvernements à maîtriser ces crises, une partie de l'opinion publique se tourne vers des organisations capables de mobiliser sur des mots d'ordre limités mais radicalement contestataire du pouvoir en place. Néanmoins, le décalage entre l'origine et l'évolution de la ligue, notamment dans l'aventure boulangiste, a affaibli considérablement le mouvement à plusieurs reprises. Les poursuites engagées contre la ligue et la consolidation de la République placent ce mouvement en somnolence.

Naissance de la ligue modifier

Naissance de la ligue due au traumatisme de la guerre modifier

 
Antonin Mercié (1845-1916)
Ligue des patriotes, 1883. Le groupe patriotique Quand même !
érigé à Belfort et Paris.

La Ligue des patriotes est un mouvement pionnier et constitue la première ligue de l'époque contemporaine.

Elle naît du traumatisme de la défaite de 1870-1871 et de la perte de l'Alsace et de la Lorraine. Durant le ministère de Gambetta (de à ), l'idée de la fondation de la ligue prend corps. Déroulède entreprend une vaste opération de sauvetage afin « d'extirper les racines de la défaite et de la décadence. »

Ainsi, le ministre de l'Instruction publique Paul Bert crée une commission d'éducation militaire pour promouvoir les valeurs patriotiques et militaires dès l'école primaire. À la tête de cette commission il place trois personnages de la mouvance gambettiste : Félix Faure, Henri Martin, Paul Déroulède. La commission disparaît rapidement mais ces trois personnes créent une association dans les mêmes buts que la commission.

La ligue est ainsi fondée le , avec Henri Martin pour président et Paul Déroulède comme délégué général. Elle dispose dès ses débuts d'un hebdomadaire, Le Drapeau, de Louis-Robert d'Hurcourt, dans lequel elle expose son idéologie. Victor Hugo, n'hésite pas à donner au Drapeau du un poème patriotique. Elle compte parmi ses militants, des hommes comme Berthelot, Félix Faure, Alfred Mézières, Ferdinand Buisson et Gambetta.

Succès de la ligue et encadrement de la jeunesse modifier

 
Déclaration d'admission d'un membre fondateur à la Ligue des patriotes en 1885.
Le peintre Édouard Detaille signe le logotype qui figure un soldat tenant le drapeau français.

La ligue connaît très vite un succès foudroyant et regroupe en quelques semaines des centaines de milliers d'adhérents, majoritairement républicains.

Le talent d'orateur de Paul Déroulède et le culte de sa personne constituent le principal atout de la propagande menée par la Ligue des patriotes. Des milliers de portraits et biographies de Déroulède sont distribués à Paris et en province, des jouets représentant le président de la Ligue des patriotes donnant un coup de pied au président de la République sont fabriqués en très grand nombre et la première édition de la chanson C'est Déroulède qu'il nous faut dépasse les 20 000 exemplaires[2].

L'image patriotique de la ligue fait qu'elle regroupe également d'innombrables sociétés gymniques et sociétés de tirs créées après la défaite, dans le but à demi avoué de donner une formation paramilitaire aux Français.

L'œuvre des sociétés de gymnastique qui forment l'ossature de la Ligue des patriotes trouve un ardent défenseur en Jules Ferry qui, en 1882, fait distribuer dans les écoles 20 000 exemplaires des Chants du soldat[3],[4],[5]. Grâce à ces sociétés, la ligue encadre rapidement la jeunesse. Dès sa fondation, on peut voir qu'elle a une fonction majeure : mobiliser et encadrer la jeunesse, inculquer l'esprit civique et l'amour de la patrie aux enfants des écoles. Ces idées sont également reprises dès 1882 par la création officielle dans les écoles publiques volontaires des bataillons scolaires.

Le système d'éducation préconisé par Déroulède repose sur deux piliers. Tout d'abord, il faut imprégner les enfants d'une nouvelle religion, c'est-à-dire celle de la patrie et ensuite, de développer fortement la culture de l'esprit militaire à l'école puis, par extension, de la société. En fait, Déroulède exige que les enfants des écoles soient élevés non seulement dans le culte de la patrie et de l'armée, mais aussi dans celui de l'autorité et de l'unité en tant que principes directeurs de l'organisation sociale.

Scissions au sein de la ligue modifier

Mutation de l'idéologie de Déroulède modifier

Déroulède, républicain d'origine, est engagé volontaire pendant la guerre dès 1870. Blessé, prisonnier puis évadé, il choisit en 1871 le camp de Thiers contre celui de la Commune et participe à la répression de cette dernière.

Par patriotisme, il suit ensuite Gambetta et pour appliquer ses idées il se consacre corps et âme à la fondation et au développement de la Ligue des patriotes.

Après la mort de Gambetta en 1882, il affirme demeurer fidèle aux idées de ce dernier avec l'évolution qui conduit la ligue à devenir la principale menace pour la République parlementaire.

Dans cette évolution, il est influencé par certains auteurs comme Ernest Renan ou Hippolyte Taine. Ainsi, il puise l'idée que la défaite s'explique par la longue décadence que la démocratie aurait instituée depuis la Révolution française dans des livres tels que La Réforme intellectuelle et morale de Renan ou encore Les Origines de la France contemporaine de Taine.

Il trouve des boucs émissaires pour expliquer la défaite comme la philosophie, les droits naturels de l'individu, le matérialisme, le principe d'égalité ou encore le libéralisme.

Dans le même temps, il prône un nationalisme fort qui donnerait à la nation les moyens de la puissance qui lui permettraient de faire prévaloir ses intérêts sur les autres nations.

L'idéologie de Déroulède est claire : pour reconquérir les territoires perdus, pour préparer la revanche contre la Prusse, il faut sortir la France de la décadence et créer une nouvelle France. Cette dernière doit mettre en place une société disciplinée, régie par un pouvoir autoritaire et organisée sur le modèle militaire (avec le respect de la hiérarchie et le culte du sacrifice).

Mutation de la ligue de 1885 à 1888 modifier

Avec cette mutation de l'idéologie de Déroulède, un fossé se creuse entre les adhérents d'origine (républicains parlementaires) et les partisans de Déroulède (hostiles à la République parlementaire). Ainsi la mutation idéologique du délégué général entraîne une mutation de la ligue dans les années 1885-1888. Durant ces années, elle évolue vers une organisation luttant contre la République parlementaire et des conflits éclatent en son sein.

En mars 1885, un conflit entre Déroulède et Anatole de La Forge, président de la ligue et républicain modéré, éclate. Le , La Forge démissionne en résumant leur conflit en ces mots : « Vous êtes un patriote autoritaire, je suis un patriote libéral. »[6] En octobre 1885, Déroulède affirme qu'il est contre le libéralisme en faisant allusion aux faiblesses du régime parlementaire, à ses crises d'autorité, à ses incohérences.

En cette fin de siècle, sous le poids des conditions économiques nouvelles qui instaurent une âpre concurrence sur le marché mondial, sous le poids de la compétition et des intérêts divergents des grandes puissances européennes, du fait aussi que c'est par le feu et par le sang que se forge l'unité italienne et allemande, à cause des réactions au socialisme, le nationalisme acquiert un contenu nouveau. À la veille de la crise boulangiste, ce processus aboutit à la condamnation, au nom du sentiment national, de l'ensemble du système de pensée sur lequel repose la République[7].

À la suite de cette mutation, Déroulède est dès 1886 à la recherche d'un homme providentiel, qui saurait créer un régime fort et rassembler la nation autour de lui. Il croit le trouver en la personne du général Boulanger, qui commence cette année-là sa carrière politique.

Aventure boulangiste modifier

Boulangisme et mutation de l'idéologie de la ligue modifier

 
Le général Boulanger porte un toast lors d'un banquet offert par la Ligue des patriotes (Le Monde illustré, décembre 1888).

C'est dans l'aventure boulangiste que la ligue prend les caractères qu'elle conserve dans les mémoires et qui en font le prototype des ligues antirépublicaines. La ligue fournit des troupes, une organisation, un état-major et un service d'ordre au général Boulanger. Devenu président de la ligue, Paul Déroulède affine ses idées : il oppose désormais la République parlementaire aux origines aristocratiques à un régime fondé sur l'appel direct du peuple. Lorsqu'il est accusé d'hostilité à la République, il répond que « vouloir arracher la République au joug des parlementaires, ce n'est pas vouloir la renverser. »

Ainsi Déroulède fixe-t-il de nouveaux objectifs institutionnels à la ligue : il souhaite instaurer une République plébiscitaire dont le chef sera élu au suffrage universel et dont les ministres, recrutés en dehors du parlement, ne seront responsables que devant le chef de l'État. Au parlementarisme, la ligue oppose donc la démocratie directe[réf. nécessaire] et introduit un nouveau point à son idéologie : la démocratie sociale. Elle dénonce les injustices dans la répartition des richesses, accuse la République parlementaire d'avoir favorisé la domination des riches sur la société et réclame d'importantes réformes économiques. Cette évolution tient à la crise profonde que traverse la République dans les années 1880 et qui pousse la ligue à tenter de trouver une clientèle dans les multiples catégories des mécontents créées par les difficultés du moment.

La France connaît en effet une triple crise à cette époque : crise économique, institutionnelle et morale.

  • La crise économique est due à la grande dépression que connaît le monde depuis 1873 et qui installe un climat de méfiance généralisée en France. Le chômage exaspère les populations paysannes et ouvrières qui sont sensibles au discours social du nationalisme.
  • La crise institutionnelle est due aux élections de 1885 qui instaurent une chambre ingouvernable avec trois tiers égaux : les conservateurs, les républicains modérés et les républicains radicaux sont ainsi obligés de s'unir pour sauver le régime mais n'arrivent pas à gouverner et la paralysie s'installe.
  • La crise morale vient, elle, de la démission du président Jules Grévy, dont le gendre est impliqué dans l'affaire des décorations.

Face à cette crise généralisée, le général Boulanger et la ligue soutiennent qu'ils proposent un régime intègre, efficace, décidé à redresser le pays.

Scission et nouveaux objectifs de la ligue modifier

 
photomontage représentant les chefs de la Ligue des patriotes.

Le choix du boulangisme provoque une grave crise au sein de la ligue dont le visage se transforme encore. En effet, la lutte entre républicains parlementaires et plébiscitaires se renforce et Déroulède est mis en minorité au comité directeur à deux reprises fin 1887 et printemps 1888. Ces tensions débouchent sur une scission en avril 1888 : les scissionnistes conduits par le journaliste Henri Deloncle fondent l'Union patriotique de France.

Libre de ses mouvements, Déroulède transforme en profondeur la ligue et institue :

  • de nouveaux objectifs : il souhaite une réforme de la République par la révision de la Constitution de 1875 et la fin de la République parlementaire.
  • un nouvel état-major : Naquet, Turquet, Laisant (vice-président), Laguerre (délégué général).
  • de nouveaux adhérents : avec la scission, les effectifs tombent de 200 000 en 1887 à 100 000 en 1889. Les scissionnistes sont remplacés par des adversaires déterminés de la République parlementaire : bonapartistes, monarchistes, blanquistes sont attirés par l'aspect social et les perspectives d'actions directes.

Déroulède met désormais à la disposition de Boulanger l'infrastructure de la Ligue des patriotes, ses comités et son réseau de militants. Faire de la Ligue des patriotes un instrument de combat boulangiste n'est pas facile, d'autant plus que la majorité des membres du comité directeur, ainsi que la majorité des militants importants, s'y oppose énergiquement.

Dès , commence une lutte entre les éléments libéraux et le groupe Déroulède. Très vite, cette lutte devient un affrontement ouvert. Au boulangisme, la ligue apporte non seulement ses effectifs, mais aussi sa discipline et son sens de la hiérarchie.

Le , la ligue tient un rassemblement politique au Cirque d'Hiver : Déroulède y fait acclamer le nom de Boulanger, qu'il intronise héritier de Gambetta.

Actions pour le boulangisme suivies de poursuites modifier

 
La Diane, n° 11, 19 août 1888. Boulangistes contre opportunistes.

À partir de juin 1887, la ligue s'engage dans des actions pour le boulangisme. Ainsi le , les membres de la ligue encadrent une manifestation à la gare de Lyon. Cette manifestation s'efforce d'empêcher le départ du général Boulanger pour Clermont-Ferrand où le gouvernement l'a muté.

En décembre 1887, les fidèles de Déroulède déclenchent une émeute à Paris. Le but est de barrer la route de l'Élysée à Jules Ferry alors que le congrès est réuni à Versailles pour élire le successeur de Grévy, démissionnaire. Le congrès, dans la crainte d'une guerre civile, écarte Ferry et Carnot est élu président.

Déroulède est désormais à la tête d'une véritable armée de combat et la ligue constitue le véritable instrument de la victoire électorale du général Boulanger à Paris le . Malgré cette victoire, le putsch militaire souhaité par Déroulède ce jour-là n'a pas lieu, refusé par le général.

L'information des volontés de Déroulède circule et, dès février 1889, des poursuites sont engagées contre la ligue. Les chefs d'accusations sont variables, car il est malaisé d'imputer un délit véritable à cette organisation : le ministre de l'Intérieur, Constans, accuse les chefs de la ligue de « complot contre la République » en tirant prétexte de leur violent manifeste du 28 février condamnant l'écrasement par la France de la colonie russe du cosaque Achinoff en Afrique de l'Est[8].

Avant sa dissolution en , la Ligue des patriotes avait connu un processus de radicalisation qui, tout en provoquant la perte de la quasi-totalité de ses effectifs provinciaux, avait cependant suscité la cristallisation d'un noyau dur de militants parisiens capables de tenir la rue : la ligue était devenue une véritable organisation de combat. Néanmoins, en mars 1889, le tribunal correctionnel de la Seine ordonne la dissolution de la ligue au motif qu'elle n'a jamais eu d'autorisation en bonne et due forme. Ce coup dur pour la ligue marque la disparition des derniers vestiges des sections de provinces déjà disloquées en 1888. À Paris, autour du journal Le Drapeau, un mouvement actif se maintient et se signale par des manifestations antiallemandes. De plus, les élections de novembre 1889 permettent l'élection de 42 députés boulangistes, dont Déroulède, élu d'Angoulême, qui se sert de cette tribune pour sa propagande.

Les années du boulangisme sont donc, pour la Ligue des patriotes, celles d'une profonde mutation : le mouvement perd, entre 1886 et 1889, la grande majorité de ses effectifs, il abandonne la province, à l'exception de Marseille. La ligue apparaît donc affaiblie mais vivante ; sa principale difficulté étant de mobiliser la population dans un climat de redressement économique avec une reprise de la production industrielle et des salaires qui augmentent. Son audience est donc réduite et l'attention de l'opinion occupée par la préparation de l'exposition universelle de 1889.

Renouveau de la ligue entre vitalité et affaiblissement modifier

Renaissance de la ligue et reconquête de Paris modifier

 
Manifestation de la Ligue des patriotes le 14 juillet 1912.
 
Rassemblement de la Ligue des patriotes pour la fête de Jeanne d'Arc 1913 à Paris, place Saint-Augustin, en 1913. Côte à côte, au centre, Maurice Barrès et Paul Déroulède.

En 1894, les militants de l'ancienne ligue se voient interdire de constituer une « Ligue patriotique des intérêts français », et ce, malgré l'avis du préfet de police qui, en juillet, était prêt à délivrer l'autorisation administrative à condition que les mots « retour à la France des provinces annexées » disparaissent. En mai 1895, les services de la préfecture de police signalent la reconstitution progressive à Paris, dans la banlieue, mais aussi en province, de l'ancienne Ligue des patriotes. Ces manifestations patriotiques n'ont pas l'effet escompté. La Ligue des patriotes, précisément parce qu'elle n'a pas d'autres activités, parce qu'elle semble revenir au conformisme républicain d'antan, ne parvient pas à galvaniser ses troupes. Fin novembre 1896, on décide de reconstituer la vielle Ligue des patriotes. Le titre de président, réservé à Déroulède, reste vacant.

La ligue a donc réussi à surmonter les difficultés nées de son interdiction et à se reconstituer avant que n'éclate l'affaire Dreyfus. La ligue renaît avec l'affaire Dreyfus, car elle redynamise ses anciens partisans.

En 1898, le comité directeur de la ligue se reforme et décide de laisser la place de président vacante dans l'espoir que Déroulède (qui ne joue alors aucun rôle dans ce renouveau) revienne. C'est chose faite l'année suivante. Le fait qu'en 1898, au moment où elle se reconstitue, la ligue déclare « imprescriptible la revendication de l'Alsace et de la Lorraine » ne change en rien la nature de son effort essentiel, qui reste « l'abolition du régime parlementaire et la réorganisation de la république basée sur la séparation des pouvoirs et sur la restitution au peuple de toute la souveraineté nationale. »

La ligue, structurée, avec des cadres expérimentés, devient le fer de lance de l'agitation des rues antidreyfusardes. Paris est reconquise en 1898-1899 tandis que les provinces sont négligées. La ligue compte à présent entre 30 000 et 60 000 membres dans la capitale. Son objectif est de réaliser un coup d'État qui porterait au pouvoir une armée que l'affaire Dreyfus traumatise et qui se plaint de la timidité des autorités de la République à imposer le silence à ses détracteurs.

Après les municipales de 1900, et pour bien souligner qu'elle ne craint plus du tout la concurrence dans Paris, La Ligue des patriotes organise, le et le , des manifestations de masse qui sont de véritables démonstrations de force. Les succès des nationalistes aux municipales de 1900 et aux législatifs de 1902, ne peuvent être attribués à la seule Ligue des patriotes : la part de la Ligue de la patrie française n'a pas été négligeable.

Obsèques du président Félix Faure et incarcération de Déroulède modifier

Dans la semaine qui suit la mort de Félix Faure, le 16 février, l'agitation nationaliste culmine. Déroulède est persuadé que l'occasion tant attendue depuis les premiers jours du boulangisme se présente enfin. Pendant huit journées consécutives, Paris revit l'atmosphère des « fièvres » boulangistes. Il y a des manifestations et des heurts avec les forces de police. Après l'élection d'Émile Loubet en tant que président de la République, le 18 février, on s'attend à des émeutes et à un coup de force sur l'Élysée. À partir du 20, l'idée d'une telle tentative est reprise par Déroulède, Habert et d'autres figures nationalistes.

Le , on célèbre les obsèques du président Félix Faure, rempart de l'antidreyfusisme. Paul Déroulède tente pendant ces obsèques d'entraîner vers l'Élysée le général Roget qui rentrait à la caserne de Reuilly. Cette tentative de coup d'État échoue et Déroulède est arrêté sur les ordres du général Florentin (gouverneur militaire). En mai 1899, il est traduit devant la cour d'assise de la Seine en compagnie de Habert (son second). Leur procès constitue une immense propagande pour la ligue qui voit ses adhésions se multiplier. Le tribunal acquitte Déroulède.

Une jeunesse plébiscitaire est créée par Jean Robert et compte de 200 à 300 membres, la ligue semble reprendre de la vitalité.

Déroulède est néanmoins rattrapé par la justice : en , il est incarcéré. Déféré en Haute Cour, il est condamné à 10 ans de bannissement. De Saint Sébastien, en Espagne, il continue à gouverner la ligue qui remporte encore quelques victoires : en 1900, 18 membres de la ligue sont élus conseillers municipaux ; en 1902, les législatives à Paris se soldent par un succès nationaliste.

Ligue en somnolence modifier

Après cette période de vitalité, la ligue est à nouveau affaiblie par :

  • le succès du Bloc des gauches ;
  • l'éloignement de Déroulède ;
  • la consolidation de la République parlementaire ;
  • la Ligue des patriotes, absorbée par les divers courants de la droite traditionnelle.

En décembre 1899, une certaine forme de collaboration s'était établie entre la Ligue des patriotes et la Ligue de la patrie française. Après la condamnation, le , de Paul Déroulède à 10 ans d'exil, les rapports entre les deux organisations se détériorent très vite. Incontestablement, la Ligue de la patrie française vient remplir un vide certain créé par les deux échecs consécutifs de Déroulède, son procès et son exil. Bénéficiant de l'amnistie de 1905, il rentre en France et relance vainement la ligue ; ne rencontrant plus le même succès que par le passé, la Ligue des patriotes est alors progressivement absorbée par les divers courants de la droite traditionnelle.

L'amnistie de Déroulède ne résout pas les difficultés de la ligue ; celui-ci meurt en 1914 et Maurice Barrès, député et membre de l’Académie française, le remplace à la tête d'une organisation en somnolence. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, plusieurs parlementaires siègent cependant à son comité directeur, tels que Henri Galli, Désiré Ferry, vice-présidents, André Ballande Jules Bertrand, Camille Blaisot, Georges Bonnefous, Désiré Bouteille, Paul Chassaigne-Goyon, Henri Collin, Louis Duval-Arnould, Paul Escudier, Ernest Flandin, Maurice Flayelle, Charles François, Jules Jaeger, Prosper Josse, Jean de Leusse, Gaston Le Provost de Launay, Louis de Maud'huy, Jean Molinié, Louis Rollin, Pierre Taittinger, Clément-Gabriel Villeneau, Édouard de Warren, Émile Wetterlé, Jean Ybarnégaray, etc., aux côtés notamment de conseillers municipaux parisiens, d'hommes de lettres comme Jérôme Tharaud ou Frantz Funck-Brentano, du général Paul Pau, de Gabriel Bonvalot, etc.[9].

À la mort de Barrès, accède à la présidence de la ligue le général Édouard de Castelnau, en , avec comme président d'honneur Alexandre Millerand[10].

Sous la direction de Pierre Taittinger, vice-président, son groupe de jeunes s'en éloigne progressivement et devient une ligue sous le nom de Jeunesses patriotes, à partir de 1924.

Du fait de ses fonctions à la tête de la Fédération nationale catholique, Castelnau conserve le titre de président mais confie la direction de la ligue au général Gaston d'Armau de Pouydraguin, membre du comité directeur, désigné directeur général de la ligue à la fin de l'année 1926[11]. Castelnau abandonne son titre de président au profit du général de Pouydraguin en décembre 1932. Ce général est alors secondé par quatre vice-présidents : Désiré Ferry, premier vice-président, député, Georges Scapini, également député, Georges Poignant, rédacteur en chef du périodique de la ligue, Le Drapeau, et le colonel de Witt-Guizot, et par un délégué général, l'inamovible Marcel Habert, ancien second de Déroulède, ancien député. D'autres parlementaires siègent encore au comité directeur, comme Bertrand d'Aramon ou Louis Duval-Arnould[12].

Le périodique mensuel de la ligue, Le Drapeau, paraît de plus en plus irrégulièrement dans l'entre-deux-guerres, avant de s’arrêter en 1936.

La ligue est reconstituée brièvement en juin 1939. Elle est alors présidée par le général Duchêne, qui est secondé par trois vice-présidents : l'ancien député Désiré Ferry, le député Bertrand de Sauvan d'Aramon et l'avocat Robert Moureaux, ainsi qu'un nouveau délégué général, l'activiste Georges Loustaunau-Lacau[13].

Présidents modifier

Références modifier

  1. Arnaud-Dominique Houte, Le triomphe de la République, 1871-1914, Éd. du Seuil, coll. « Histoire de la France contemporaine », (ISBN 978-2-02-100102-0)
  2. Senarclens, Pierre de., Nations et nationalismes, Auxerre, Éditions Sciences humaines, 399 p. (ISBN 978-2-36106-473-0 et 2-36106-473-1, OCLC 1032069843, lire en ligne)
  3. Citron, Suzanne., L'histoire de France autrement, Paris, Éd. ouvrières, , 242 p. (ISBN 2-7082-2961-3 et 978-2-7082-2961-7, OCLC 40851622), p.179
  4. Delpech, David et Yon, Jean-Claude, La France dans l'Europe du XIXe siècle, , 320 p. (ISBN 978-2-200-61968-8 et 2-200-61968-5, OCLC 1033517436)
  5. Dalisson, Rémi, Paul Bert : inventeur de l’école laïque, , 336 p. (ISBN 978-2-200-61211-5 et 2-200-61211-7, OCLC 991272555)
  6. "Démission d'Anatole de La Forge" in la revue Le Drapeau,
  7. STERNHELL Zeev, La droite révolutionnaire : 1885-1914, Gallimard (Folio histoire), p. 97
  8. Jean Garrigues, Le Boulangisme, Paris, PUF, 1992, p. 65-66.
  9. Le Drapeau, juin 1920
  10. La Croix, 26 novembre 1924, « Le général de Castelnau élu président de la Ligue des patriotes ».
  11. L'Echo de Paris, 8 décembre 1926, "Le général de Pouydraguin directeur général des services de la Ligue des patriotes" (photographie et biographie du général), Journal des débats, 27 mai 1932, « Une déclaration de la Ligue des patriotes ».
  12. Le Drapeau, décembre 1932
  13. Le Temps, 8 juin 1939, Journal des débats, 9 juin 1939, p. 2, « Ligue des patriotes ».

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier