Theodor Herzl

journaliste austro-hongrois, fondateur du mouvement sioniste
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Theodor Herzl
בִּנְיָמִין זֶאֶב הֵרצְל
(Binyamin Ze'ev Hertsel)
Theodor Herzl vers 1900
Fonction
Président
Congrès juif mondial
-
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Mont Herzl (depuis )Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Binyamin Ze’ev Herzl
Nationalité
Domicile
Formation
Activités
Mère
Jeanette Herzl (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Pauline Herzl (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Julie Naschauer (1868 - 1907)[1]
Enfant
Hans Herzl (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Stephen Norman (en) (petit-fils)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Distinction
Citoyen d'honneur d'Erzsébetváros (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Archives conservées par
Archives sionistes centrales (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
signature de Theodor Herzl בִּנְיָמִין זֶאֶב הֵרצְל (Binyamin Ze'ev Hertsel)
Signature
Plaque commémorative
Tombe de Theodor Herzl à Jérusalem

Theodor Herzl [ˈteːodoːɐ̯ ˈhɛɐts][2] (hébreu : תאודור הרצל Te'odor Hertsel ; nom qui lui fut donné à sa Brit Milah : בנימין זאב Binyamin Ze'ev), surnommé Khozeh HaMedinah[N 1] (חוזה המדינה), est un journaliste et écrivain austro-hongrois, né le à Pest et mort le à Edlach, village de la commune de Reichenau an der Rax en Autriche.

Il est le fondateur du mouvement sioniste au congrès de Bâle en 1897 et l'auteur de Der Judenstaat (L'État des Juifs[N 2]) en 1896.

Il est aussi le fondateur du Fonds pour l'implantation juive pour l'achat de terres en Palestine , alors territoire de l'Empire ottoman. Il est l'un des premiers à mettre en place l'idée d'un État national pour les juifs.

Biographie modifier

Jeunesse modifier

 
Theodor Herzl à 5 ans, photo prise vers 1865
 
T. Herzl dans sa jeunesse, photo prise entre 1870 et 1880.

Theodor Herzl est né dans le quartier juif de Budapest, capitale de la Hongrie , caractérisée par son cosmopolitisme très important. La ville abrite une population juive nombreuse, qui représente 20 % de ses habitants, aussi certaines personnes nommaient-ils la ville « Judapest »[3]. Outre son prénom de Theodor, il porte aussi les prénoms juifs de « Binyamin Zeev »[4]. Il est scolarisé dès l'âge de six ans dans une école juive traditionnelle où il reçoit une instruction religieuse et où il apprend l'hébreu (jusqu'à ses dix ans).

Theodor Herzl (Tivadar en hongrois, Wolf Théodor en allemand) grandit dans une famille bourgeoise germanophone[5] tout près de la Grande synagogue de Budapest. La famille pratique un judaïsme digne de cette époque. Son père Yaakov, issu de l'immigration de la partie orientale de l'empire austro-hongrois, était un juif pratiquant et avait acheté des sièges, pour sa famille, à la grande synagogue de la rue Tabak à Budapest. Le grand-père de Theodor Herzl était juif orthodoxe, chantre (hazzan) de sa synagogue et proche du rabbin Yehuda Hay Alkalay (1798-1878), un des premiers membres des " Amants de Sion " qui fut l'une des premières organisations à vouloir une Alyah religieuse sur la terre d'Israël, au cours du XIXe siècle. Le recensement de 1756 de la ville de Zemun dans l'actuelle Serbie garde la trace des aïeux de Herzl, qui y vivaient alors[6].

En 2006, un ouvrage écrit par Georges Wiesz apporte de précieux renseignements sur le milieu d'origine et le sens profond de la judéité possédée par Theodor Herzl, qui fut aidé financièrement par ses parents, pour la diffusion de ses idées sionistes.

En 1889, il épouse Julie Naschauer, du même milieu que lui. Le mariage est malheureux en dépit de la naissance de trois enfants (deux filles et un fils)[5].

Vie professionnelle modifier

Docteur en droit de formation, Herzl commence par écrire des pièces de théâtre puis devient journaliste et part à Paris comme correspondant de 1891 à 1896 (voir plaque commémorative ci-contre, située rue Cambon). Il rentre après à Vienne et devient directeur littéraire du plus grand et du plus prestigieux quotidien viennois, la Neue Freie Presse.

Affaire Dreyfus et naissance du sionisme modifier

Herzl était au début si peu tenté par le sionisme qu'en 1894 il n'hésitait pas à écrire les lignes suivantes en faisant le compte-rendu pour La Nouvelle Presse Libre d'une pièce d'Alexandre Dumas fils, La Femme de Claude, où un certain Daniel encourageait les Juifs à revenir à la terre de leurs ancêtres :

« Le bon Juif Daniel veut retrouver sa patrie perdue et réunir à nouveau ses frères dispersés. Mais sincèrement un tel Juif doit savoir qu'il ne rendrait guère service aux siens en leur rendant leur patrie historique. Et si un jour les Juifs y retournaient, ils s'apercevraient dès le lendemain qu'ils n'ont pas grand-chose à mettre en commun. Ils sont enracinés depuis de longs siècles en des patries nouvelles, dénationalisés, différenciés, et le peu de ressemblance qui les distingue encore ne tient qu'à l'oppression que partout ils ont dû subir »

— Cité dans Petite Histoire des Juifs de Jérôme et Jean Tharaud. Paris, Librairie Plon, 1927.

Herzl dira plus tard que l'affaire Dreyfus a motivé son engagement[7], même si cela n'apparaît pas dans son journal. En tant que correspondant à Paris du journal Die Neue Freie Presse, il suit l'Affaire depuis le premier procès de Dreyfus[N 3]. Herzl est venu assister à la dégradation du Capitaine Alfred Dreyfus dans la Cour de l'École Militaire à Paris le 5 janvier 1895. C'est à cette époque qu'il estime absolument nécessaire la constitution d'un « abri permanent pour le peuple juif », thèse qu'il reprend dans son livre L'État des Juifs (Der Judenstaat), écrit en 1896.

Le débat autour du titre français du livre intitulé Der Judenstaat bute sur certaines particularités linguistiques. Faut-il alors traduire « Judenfrage » — qui figure d'ailleurs en sous-titre de l'ouvrage de Herzl, « Versuch einer modernen Lösung der Judenfrage » — par « la question des Juifs » et non par « la question juive » ? Soulignons que Herzl surveilla de très près la parution française de son ouvrage et qu'il n'ignorait pas que le titre de l'éditeur français fut L'État Juif alors qu'une traduction stricte aurait dû être L'État des Juifs et non L'État juif, tout comme en anglais: « The Jewish State ».

Il y expose les trois principes fondamentaux du sionisme : l'existence spécifique du peuple juif ; l'impossibilité de son assimilation par d'autres peuples ; d'où la nécessité de créer un État particulier, qui prenne en charge le destin de ce peuple. À ces trois fondements du sionisme, le Premier Congrès sioniste de Bâle de 1897 ajoute un quatrième : le droit des Juifs à s'installer en Palestine, terre colonisée et gérée par l'Empire ottoman depuis 1517.

Contrastant avec l'opinion répandue selon laquelle l'affaire Dreyfus aurait joué un rôle central dans la prise de conscience d'Herzl, certains (comme Shlomo Avineri, professeur de sciences politiques à l'université hébraïque de Jérusalem et ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères israélien), affirment que « quiconque chercherait dans le journal [de Herzl] — pourtant riche en introspection et fourmillant de références historiques – un quelconque indice de la centralité de l'affaire Dreyfus dans le réveil de l'identité juive [de Herzl], ou son développement vers le sionisme, serait extrêmement déçu »[8]. Une telle affirmation tend à faire penser que l'affaire Dreyfus n'aurait pas eu un impact a posteriori sur la conscience de Herzl.

Pourtant, comme cela est écrit plus haut, il est couramment admis que l'affaire Dreyfus a été un « coup de tonnerre » pour Théodore Herzl. Cependant, Claude Klein, dans son ouvrage intitulé Essai sur le sionisme, estime que « la réalité est évidemment bien loin de cette fiction ». Selon ce dernier, la « question juive » et l'antisémitisme n'ont jamais cessé de hanter Théodore Herzl.

Mise en œuvre du projet modifier

« Dès qu'il se mit à assigner à son action des buts précis dans l'espace réel, à nouer les forces en présence, il dut reconnaître combien son peuple était devenu disparate parmi les nations et les destinées les plus diverses : ici les Juifs religieux, là les libres penseurs, ici les Juifs socialistes, là les capitalistes, tonnant les uns contre les autres dans toutes les langues, et tous fort peu disposés à se soumettre à une autorité centrale. »

— Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen, Stefan Zweig

 
La dégradation d’Alfred Dreyfus, le . Dessin d'Henri Meyer en couverture du Petit Journal du [9].

Pour mener à bien son projet d'État pour les Juifs, il décide de lancer une campagne internationale et de faire appel à toutes personnes susceptibles de l'aider. Il va ainsi successivement se rapprocher des Rothschild[10] (comme beaucoup d'Européens dès le XIXe siècle, le baron Edmond de Rothschild a déjà commencé à acheter des terres en Palestine depuis 1882) et de Maurice de Hirsch[11]. Il demande des lettres de soutien à des personnages importants de l'époque comme le pape Pie X[12] qui le reçoit en 1904, le roi Victor-Emmanuel III[12] ou Cecil Rhodes[13].

En , il se rend à Constantinople, alors capitale de l' Empire ottoman[14] et à Sofia en Bulgarie[14] pour rencontrer des délégations juives. À Londres, le groupe des Macchabées l'accueille froidement mais il fut reçu chaleureusement par des sionistes de l'East End de Londres et reçut alors un mandat d'encadrement de leur part. Au cours des six mois suivants, ce mandat est approuvé par toutes les autres organisations juives sionistes qui existaient alors, et ce dans le monde entier[14]. Le nombre de ses partisans augmente alors nettement.

En 1897, sur ses fonds personnels, il fonde à Vienne l'hebdomadaire Die Welt. Il souhaite organiser à Munich le premier rassemblement mondial des sionistes mais alors les rabbins rassemblés lui refusent la tenue de cette réunion. En conséquence, il choisit la Suisse et organise le Premier congrès sioniste à Bâle en 1897, dont il est élu président, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort en 1904[14].

En 1898, il commence une série de voyages et d' initiatives politiques afin d'obtenir un soutien des grandes puissances de l'époque afin de créer le futur Etat, pour les Juifs. Il est reçu par l'empereur Guillaume II à plusieurs reprises[14], à partir du [15]. Il participe à la première conférence de La Haye , relative au droit humanitaire.

En , il rencontre pour la première fois le sultan ottoman Abdülhamid II[16], pour négocier des terres de Palestine. Herzl propose d'effacer, avec le concours de banquiers juifs, les dettes impériales en échange de la Palestine, mais le sultan lui répond : « Les terres de Palestine appartiennent au peuple ottoman, pas à moi. Je n'en vendrai aucune portion, elles ont été conquises par le sang du peuple ottoman. Si vous voulez les prendre, il faudra que vous nous déchiquetiez.». Cela est chose faite après la Grande Guerre, les Britanniques soutenus par les Arabes et les Juifs occupe la Palestine jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale[17].

 
Theodor Herzl en 1904.

En 1902-1903, Herzl est invité à témoigner devant la Commission royale britannique sur l'immigration des étrangers. Cette occasion lui permet de se retrouver en contact étroit avec les membres du gouvernement britannique, notamment avec Joseph Chamberlain, à l'époque secrétaire d'État aux colonies, par l'intermédiaire duquel il négocie avec le gouvernement égyptien une charte pour l'installation des Juifs dans la région d'Al Arish, dans la péninsule du Sinaï, jouxtant le sud de la Palestine[14]. À la suite de l'échec de ce projet, qui l'a conduit au Caire, il reçoit en , par l'intermédiaire de Leopold Greenberg (en), une offre de la part du gouvernement britannique afin de faciliter l'implantation d'une grande colonie juive de peuplement, avec gouvernement autonome et sous souveraineté britannique, en Afrique de l'Est[18] et connue sous le nom de Projet Ouganda.

Dans le même temps, le mouvement sioniste en Russie est menacé par le gouvernement impérial russe. Au lendemain du premier pogrom de Kichinev en 1903, il se rend à Saint-Pétersbourg et est reçu par Serge Witte[19], alors ministre des Finances, et Viatcheslav Plehve, ministre de l'Intérieur, antisémite notoire et suspect pour avoir encouragé les pogroms.

Le , il note dans ces carnets que l'État du Congo était suffisamment vaste pour accueillir son projet[20].

À cette occasion, Herzl présente des propositions pour l'amélioration de la situation des juifs en Russie. Il propose à Plehve une véritable alliance : « Soutenez mon projet, je vous débarrasserai de vos révolutionnaires juifs »[21]. En marge du sixième Congrès sioniste, Herzl contacte Khaym Jitlovsky, organisateur de l'Union des socialistes-révolutionnaires russes à l'étranger — qu'il prend pour un représentant du Bund — et lui propose l'appui de Von Plevhe qui attribuerait une charte au mouvement sioniste, en échange d'un engagement des révolutionnaires juifs à cesser leur lutte contre le gouvernement tsariste pour une durée de quinze ans[22]. Il publie la déclaration russe et présente l'offre britannique, connue sous le nom de « Projet Ouganda » devant le sixième Congrès sioniste qui se tient à Bâle en , et son projet remporte alors la majorité des votants (295 contre 178 et 98 abstentions)[réf. nécessaire] ; il doit ensuite étudier cette offre, malgré le très mauvais accueil de celle-ci par la délégation des sionistes russes et polonais.

 
Herzl et ses enfants, photo prise vers 1900.

En 1905, après enquête, le Congrès sioniste décide de décliner l'offre du Royaume-Uni et s'engage à créer un État national juif sur les anciens territoires des royaumes de Judas et d'Israël, soit la Palestine d' alors, devenue ottomane[23] depuis sa conquête par les forces ottomanes en 1517.

Fin de vie modifier

Mort à Edlach, village rattaché à la commune de Reichenau an der Rax en Basse-Autriche, le 3 juillet 1904, de faiblesse cardiaque aggravée par une pneumonie[24], Herzl avait demandé à être enterré en Palestine quand le peuple juif y aurait fondé un État indépendant. Le , son corps, celui de ses parents, Yaakov et Jeannette, et sa sœur Pauline, sont inhumés au Mont Herzl à Jérusalem : Herzl avait d'abord été inhumé au Cimetière de Döbling, à Vienne (voir photo de la sépulture dans l'encadré)[25].

Son cercueil est recouvert d'un drap[26] bleu et blanc orné d'une étoile de David entourant un lion de Juda et de sept étoiles d'or rappelant la proposition originale faite en 1897 d'Herzl pour un drapeau de ce genre, qui aurait pu être celui de de l'État juif[27],[25].

En , les dépouilles de ses enfants, Hans et Pauline, sont transférées depuis Bordeaux. Sa fille cadette, Trude Norman, est morte dans le camp de concentration de Theresienstadt et ses restes n'ont jamais été retrouvés. Le corps du fils unique de Trude, Stephen Theodore Norman (en), qui s'est suicidé en 1946 à Washington, est transféré au Mont Herzl le .

Organisation sioniste mondiale à Bâle modifier

 
Deux ébauches du drapeau sioniste par Max Bodenheimer (en) et Herzl. Dessous, la version finale utilisée lors du premier congrès sioniste (1897).

En 1897, Herzl réunit à Bâle, avec l'aide de Max Nordau, le premier congrès sioniste. À cette occasion, il ébauche le dessin du drapeau sioniste[27].

Les assises de l'Organisation sioniste mondiale sont établies et il la présidera jusqu'à sa mort, le 3 juillet 1904 près de Vienne.

Le 15 juillet 1904, Max Nordeau écrit dans l'Écho sioniste:

« Le peuple juif avait produit un homme admirablement européen et en même temps un Juif enthousiaste, qui avait la passion du progrès le plus radical et un merveilleux sens historique, qui était poète et homme d'état pour l'idée juive; qui était président, orateur, organisateur, rêveur, homme d'action, prudent où il pouvait, téméraire où il devait l'être; prêt à tous les sacrifices et même au martyre en ce qui le concernait, et d'une indulgence, d'une patience inépuisable pour les autres; fier, noble, plein de dignité, et modeste pourtant, et fraternel avec les plus simples et les plus humbles[28] »

Position à l'égard des Arabes musulmans modifier

 
Herzl, lors de son voyage en Palestine, 1898.

Si, pour Michel Abitbol, qui prend appui sur la nouvelle utopiste de Herzl, Altneuland (Le Pays ancien-nouveau) publié en 1902, Herzl « n'a prévu à aucun moment l'affrontement inéluctable entre nationalisme arabe et nationalisme juif », et en Européen qu'il était, « en bon humaniste occidental, pensait sincèrement qu'en faisant profiter de leur savoir-faire leurs voisins arabes, les nouveaux venus juifs ne seraient point considérés comme des intrus indésirables »[29], d'autres chercheurs portent un jugement plus sévère sur le fondateur du sionisme. Ainsi, Moshe Behar et Zvi Ben Dor Benite rappellent qu' Herzl a rejeté les avis d'Abraham Shalom Yahuda, juif palestinien qui, dès 1896, le mit en garde contre une démarche unilatérale sans concertation avec les Arabes musulmans[30]. Reuven Snir souligne le mépris d'Herzl pour les cultures orientales, qui s'étendait aux Juifs orientaux (et ne visait donc pas seulement les musulmans) : « C'est la volonté de Dieu, écrit Herzl, que nous revenions sur la terre de nos pères, nous devrons ce faisant représenter la civilisation occidentale, et apporter l'hygiène, l'ordre et les coutumes pures de l'Occident dans ce bout d'Orient pestiféré et corrompu »[31]. Herzl écrit encore : « c'est avec les Juifs, un élément de la culture allemande qui va aborder les rivages orientaux de la Méditerranée […]. Le retour des Juifs semi-asiatiques sous la domination de personnes authentiquement modernes doit sans aucun doute signifier la restauration de la santé dans ce bout d'Orient négligé »[32]. De manière plus large, il se situe dans la mission civilisatrice de l'occident : « Pour l’Europe, nous constituerions là-bas un morceau du rempart contre l’Asie, nous serions la sentinelle avancée de la civilisation contre la barbarie. »[33]

Sa pensée et ses écrits modifier

 
Délégation sioniste à Jérusalem, le , accompagnant le Kaiser Guillaume II lors de son voyage en Palestine (de). De gauche à droite : Max Bodenheimer (en), David Wolffsohn, Theodor Herzl, Moses Schnirer (de), Joseph Seidener.

Ouvrages modifier

  • Der Judenstaat : Einer modernen Lösung der Judenfrage (en français : L'État des Juifs : une solution moderne à la question juive), éd. M. Breitenstein Verlag Buchhandlung, Leipzig et Vienne, 1896 ;
  • L'État des Juifs, suivi de Essai sur le sionisme par Claude Klein, sous le titre de De l'État des Juifs à l'État d'Israël, La Découverte, 2003 (ISBN 978-2-7071-4105-7)
  • Nouveau pays ancien : Altneuland précédé de Retour à Altneuland : la traversée des utopies sionistes par Denis Charbit, Éditions de l'Éclat, 2004 (ISBN 2-84162-093-X)
  • Journal, 1895-1904 Calmann-Levy, 1994 (ISBN 978-2-7021-1862-7)
  • Le nouveau ghetto [das neue Ghetto], 1897 (pièce en quatre actes), trad. Yehuda Moraly et Michèle Fingher, Association pour la diffusion de la culture juive, 2019 ([présentation en ligne] consulté le 17 février 2024)

Altneuland modifier

En 1902, il publie Altneuland (Le Pays ancien-nouveau), roman à travers laquelle il décrit une utopie sioniste. Il y décrit une Palestine transformée en État d'essence juive, mais démocratique, dans lequel les non-juifs disposeraient des mêmes droits fondamentaux.

Il insiste sur le droit de vote à travers la description d'une campagne électorale. Dans son livre, les Arabes, en plus de disposer du droit de vote, occupent des postes-clés. Herzl pensait que les Arabes accepteraient sans difficulté l'autorité coloniale ; cela s'exprime dans son récit par le personnage de Rachid Bey qui accueille amicalement les colons[34]. Il réagit à l'occasion à certaines déclarations de colons, quand l'un prétend que les Juifs ont amené l'agriculture en Palestine : il rétorque qu'elle existe en Palestine depuis fort longtemps[35]. L'utopie est brisée par le personnage de Geyer, un migrant fraîchement arrivé dans le pays et qui fonde un parti nationaliste juif. Lors de la campagne électorale, Geyer milite pour la suppression du droit de vote des non-juifs. Ses opposants avancent des arguments en faveur du droit pour tous sur base d'arguments universalistes mais aussi sous couvert de textes religieux hébraïques (« Il y aura une même loi parmi vous, pour l’étranger comme pour l’indigène » - Nombres 9 :14)[36].

Lieux lui rendant hommage modifier

Herzl est un personnage iconique pour le sionisme et Israël. De nombreux lieux portent le nom Herzl ou même simplement le prénom, Theodor, en son honneur.  

« PLACE
THEODOR HERZL
1860-1904
JOURNALISTE ET ÉCRIVAIN
INSPIRATEUR DU FOYER NATIONAL JUIF »

Galerie modifier

Theodor Herzl dans la culture populaire modifier

Dans la série télévisée turque Payitaht: Abdülhamid, qui retrace les treize dernières années du sultan ottoman Abdülhamid II, le personnage de Herzl est interprété par Saygın Soysal.

Dans le film The Big Lebowski, le personnage de Walter Sobchak interprété par John Goodman y fait allusion en entrant au bowling: « If you will it, it is no dream! » (Si tu le veux, ce n'est pas un rêve !), phrase qui figure sur la couverture de Altneuland, roman de Herzl paru en 1902.

Sources modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Ce qui signifie « le visionnaire de l'État », car Herzl est le premier contemporain qui a œuvré à la création d'un État juif.
  2. La traduction en français de Der Judenstaat est L'État des Juifs. Le titre a souvent été mal traduit en L'État juif (qui serait, en allemand, Der jüdische Staat), créant ainsi une ambiguïté fondamentale au cœur du sionisme lui-même : faut-il créer un État pour les Juifs, qui puisse les défendre, en accord avec la conception selon laquelle seul un État-nation propre peut fournir une protection adéquate à tel ou tel peuple ; ou faut-il créer un « État juif », donc religieux et non laïque ?
  3. « Theodor Herzl avait eu à Paris une aventure qui l'avait bouleversé, il avait vécu une de ces heures qui changent complètement une existence : il avait assisté en qualité de correspondant à la dégradation publique d'Alfred Dreyfus, il avait vu arracher les épaulettes à cet homme pâle, qui s'écriait : « Je suis innocent. » Et à cette seconde, il avait été persuadé dans sa conscience la plus intime que Dreyfus était innocent et qu'il n'était chargé de cet abominable soupçon de trahison que parce qu'il était juif ». Le Monde d'hier, Stefan Zweig

Références modifier

  1. Sous la direction de Geoffrey Wigoder (trad. de l'anglais), Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, éditions du Cerf, , 1771 p. (ISBN 2-204-04541-1), page 516.
  2. Prononciation en allemand standard retranscrite selon la norme API.
  3. Charles Kecskemeti, « "Judapest" et Vienne », Austriaca, Mont-Saint-Aignan, Centre d'études et de recherches autrichiennes, no 57,‎ , p. 35–52 (ISSN 0396-4590, résumé).
  4. (en) Esor Ben-Sorek, « The Tragic Herzl Family History », sur The Times of Israel,
  5. a et b Henry Laurens, La Question de Palestine t. I L'invention de la terre sainte, Fayard 1999, p. 161-164.
  6. (en) JOZ Jewish community Zemun, « FROM ZEMUN TO JERUSALEM », 2012-2014
  7. Weisz 2006, p. 48. Voir texte en ligne
  8. (de) « Theodor Herzl's Diaries as a Bildungsroman », sur Jewish Social Studies (consulté le ).
  9. Voir l'exemplaire complet, « Le Petit journal. Supplément du dimanche », sur Gallica, (consulté le )
  10. Weisz 2006, p. 121. Voir texte en ligne.
  11. Weisz 2006, p. 53.
  12. a et b Weisz 2006, p. 236.
  13. Yoram Hazony et Claire Darmon, « L'État juif : sionisme, postsionisme et destins d'Israël, page 174 », sur Google Books, Éditions de l'Éclat, .
  14. a b c d e et f Isidore Singer et J. de Haas, « Herzl, Theodor », sur Jewish Encyclopedia.
  15. Boyer 1991, p. 128.
  16. (en) Neville J. Mandel, The Arabs and Zionism before World War I, Berkeley, University of California Press, , 258 p., illustré (ISBN 978-0-520-02466-3 et 0-520-02466-4, LCCN 73078545, lire en ligne), p. 13.
  17. Dominique Perrin, Palestine : Une terre, deux peuples, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », , 346 p. (ISBN 978-2-859-39603-9, lire en ligne), « D’une guerre à l’autre : le mandat britannique », p. 123–182
  18. (en) Michael Heymann, The Uganda Controversy : Minutes of the Zionist General Council, Transaction Publishers, , 136 p. (ISBN 978-0-87855-185-9 et 0878551859, lire en ligne), p. 39.
  19. Weisz 2006, p. 289.
  20. Alain Gresh, De quoi la Palestine est-elle le nom ?, édition Les Liens qui libèrent, 2010.
  21. Journal, 1895-1904 de Theodor Herzl, t. 1, p. 387 - (ISBN 978-2-7021-1862-7).
  22. Bernard Sucheky (citant Jitlovsky et Tchernov), "Sionistes-Socialistes", "Sejmistes" et "Poaleï-Tsion" en Russie. Les premières années, 1905-1906, Paris, EHESS, 1979-1980.
  23. Frédéric Encel et Eric Keslassy, « Comprendre le Proche-Orient : une nécessité pour la République », (ISBN 2-7495-0563-1).
  24. « Herzl : l’homme et le visionnaire », sur Organisation sioniste mondiale,
  25. a et b « Zionist Flags (Israel) », sur www.crwflags.com (consulté le )
  26. (en-US) Maayan Jaffe-Hoffman, « Mystery solved: Missing Herzl pall found in KKL-JNF House in Tel Aviv », (Perdu en 1949, ce drap est découvert dans un entrepôt du KKL, en 2019.), sur The Jerusalem Post | JPost.com, (consulté le )
  27. a et b Max Bodeneimer and Theodor Herzl, English: Bodenheimer's and Herzl's 1897 drafts of the Zionist flag, compared to the final version used at the 1897 First Zionist Congress, (lire en ligne)
  28. l'Écho sioniste; 15 juillet 1904; page: 123; [1]
  29. Michel Abitbol, Histoire des Juifs de la Genèse à nos jours, Perrin, 2013, p. 482.
  30. (en) Moshe Behar et Zvi Ben Dor Benite, The Possibility of Modern Middle-Eastern Jewish Thought, British Journal of Middle Eastern Studies, février 2014, lire en ligne.
  31. (en) Th. Herzl, The Complete Diaries of Theodor Herzl, New York et London, 1960, I, p. 343, cité dans Reuven Snir, Who needs Arab-Jewish identity ?, Brill, 2015, p. 126, lire en ligne.
  32. (en) Th. Herzl, The Complete Diaries of Theodor Herzl, New York et London, 1960, II, p. 670-671, cité dans Reuven Snir, Who needs Arab-Jewish identity ?, Brill, 2015, p. 126, lire en ligne.
  33. Théodor Herzl, L'État des Juifs, Paris, LIBRAIRIE LIPSCHUTZ, (lire en ligne), Page 95
  34. Joseph A. Massad, La persistance de la question palestinienne, La Fabrique éditions, 2009.
  35. Claude Klein, deux fois 20 ans Israël, sur Editionsdufelin.com.
  36. (en) Herzl's vision of racism sur Haaretz.com, par Shlomo Avineri le 9 février 2009.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Walter Laqueur : Le sionisme, t. I, éd. Gallimard, coll. « Tel », 1994, (ISBN 2070732525),
  • Jacques Le Rider : Les juifs viennois à la belle époque (1867-1914), Éditeur : Albin Michel, 2013, (p. 94 à 120) (ISBN 2-226-24209-0)
  • Alain Boyer, Théodore Herzl, Albin Michel,
  • André Chouraqui, Théodore Herzl. Inventeur de l'État d'Israël, Paris, Éditions du Seuil, 1960, rééd : Un visionnaire nommé Herzl. La résurrection d'Israël, Robert Laffont, 1991
  • Serge-Allain Rozenblum, Theodor Herzl, Paris, Éditions du Félin, 2001
  • Charles Zorgbibe, Theodor Herzl : L'aventurier de la terre promise, Paris, Éditions Tallandier, coll. « Biographies-Figures de proue », 420 p. 16, 2001
  • Stefan Zweig, « En souvenir de Theodor Herzl », in Hommes et destins, Éditions Belfond, 1999
  • Till R. Kuhnle, « L’émulation du monde ancien : Altneuland de Theodor Herzl », Germanica, vol. 31 « Le travail de réécriture dans la littérature de langue allemande au XXe siècle »,‎ , p. 143-157 (lire en ligne)
  • Denis Charbit, « Retour à Altneuland : traversées de l'utopie sioniste », dans Theodor Herzl, "Altneuland" Nouveau pays ancien, Paris : éditions de l'éclat, 2004
    • Rééd. en volume indépendant, Retour à Altneuland. La traversée des utopies sionistes, Paris, Éd. de l'Éclat, coll. « L'Éclat poche », 2018, 234 p. (ISBN 978-2-841-62430-0)
  • Jacques Halbronn, Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, éd. Ramkat, Préface de H. Gabrion, 2002
  • Georges Weisz, Theodor Herzl : une nouvelle lecture, Paris, Éditions L'Harmattan, , 303 p. (ISBN 978-2-296-01637-8, présentation en ligne)
  • Camille de Toledo & Alexander Pavlenko (illustrations) : Herzl Une histoire européenne, 2018, Denoël-graphic, (ISBN 2-207-13329-X)

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* cité en référence dans le film "Dreyfus ou l'intolérable vérité" de Jean A.Chérasse (1975)