Paul Badré (aviateur)

aviateur français

Paul Badré (1906-2000) est un aviateur et ingénieur aéronautique français, combattant de la Seconde Guerre mondiale. Membre du SR Air du colonel Ronin, il entre dans la Résistance en janvier 1941. Il transmet des renseignements à l’Angleterre depuis Bellerive-sur-Allier jusqu’en novembre 1942, avant de rejoindre Alger puis Londres, où il officie en liaison avec le BCRA et le MI6.

Paul Badré
Paul Badré (aviateur)
Paul Badré en 1936

Naissance
Saint-Saëns (Seine-Maritime)
Décès (à 94 ans)
La Ferrière-Bochard (Orne)
Formation École polytechnique
Grade Colonel[1].
Années de service 1929 – 1946

Biographie modifier

Paul Marie Désiré Badré naît le 22 mai 1906 à Saint-Saëns. Il est le fils de Louis Badré (1875-1969), conservateur des eaux et forêts[2] originaire des Ardennes, et de Claire Maire (1884-1934), issue d’une famille lorraine et génoise. Il est l’aîné de six enfants, parmi lesquels le forestier Louis Badré (époux de la sœur du général Zeller, père du sénateur Denis Badré et de Michel Badré, et grand-père du banquier Bertrand Badré). Ses trois autres frères sont prêtres catholiques : l’évêque Jean Badré, Jacques Badré et Charles Badré, assassiné en 1975 par les Khmers rouges avec Paul Tep Im Sotha.

Pilote d’essai dans l’Armée de l’air modifier

Après des classes préparatoires au lycée Kléber de Strasbourg, Paul Badré intègre en 1926 l’école polytechnique, à Paris. En 1928, il rejoint l’Armée de l’air et l’école d’application de l’aéronautique à Versailles, obtenant son brevet de pilote l’année suivante[3]. Affecté à Nancy, il commande un escadron dans le groupe de Georges Ronin. Il devient en 1935 pilote d’essai au CEMA de Villacoublay, où sont construits les avions de Marcel Dassault, dont la société est nationalisée en 1936 pour donner naissance à Sud-Ouest.

Paul Badré réalise une première mission de reconnaissance en 1938 pour le Secret Intelligence Service et le SR Air du colonel Ronin. Il photographie le Nord de l’Italie et la Sardaigne à dix kilomètres d’altitude, à bord d’un Potez 540[4],[5]. En mars 1939, en visite à Angkor lors d’une mission de transport au Cambodge, il apprend à la radio la rupture des accords de Munich et l’entrée des nazis dans Prague.

Seconde Guerre mondiale modifier

En septembre 1939, il est affecté à la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy. En janvier 1940, il se rend en Écosse pour des essais en vol de nouvelles technologies radar. Après la défaite française, en juin, il s’envole pour l’Algérie à bord d’un Leo 45. Il y retrouve le colonel Ronin, qui décide de reconstituer en France un service de renseignements en lien avec l’Angleterre[4]. Comprenant l’allemand, Badré est affecté comme officier de liaison à la Waffenstillstandskommission, chargée de l’application de la convention d’armistice. Il y collabore entre août 1940 et janvier 1941, puis s’installe avec sa famille à Bellerive-sur-Allier, un village à la périphérie de Vichy.

Paul Badré prend la tête d’un des postes du SR Air mis sur pied par Ronin[4], nommé à Vichy sous l’autorité du général Bergeret, ministre de l’aviation du maréchal Pétain, et du colonel Rivet, chef du bureau des menées antinationales. D’autres postes du SR Air sont créés, comme à Marseille (où André Sérot est en lien avec Paul Paillole, chef des services secrets français). René Gervais, d’abord en poste à Perpignan, devient l’adjoint de Badré à Vichy en juillet 1941.

Georges Ronin reprend contact avec son ami Frederick Winterbotham (nom de code Summer), officier de la Royal Air Force chargé de la source Ultra au MI6. Le SR Air établit une liaison radio clandestine avec l’Angleterre (le « Groenland »). Badré installe un poste émetteur-récepteur dans sa maison de Bellerive. Il adopte le pseudonyme de Beard[4] (anagramme de son nom) et recrute Robert Masson, qui le met en lien avec le mouvement Ceux de la Libération en zone occupée et lui achemine des renseignements[6].

Au printemps 1942, l’ingénieur des PTT Robert Keller met au point un système d’écoute des communications téléphoniques allemandes entre Paris et Strasbourg. Son équipe intercepte les échanges de hauts responsables de la Kriegsmarine, de la Luftwaffe, de la Wehrmacht Heer et de la Gestapo : c’est la source K. Ils parviennent même à écouter la voix d’Adolf Hitler. Des retranscriptions des conversations récoltées sont transmises par le réseau Vengeance à Bellerive, où Beard communique les informations au « Groenland ». En octobre 1942, les services spéciaux allemands patrouillent dans son village à la recherche d’une émission clandestine. Il est mis au courant à temps par un complice et démonte son poste[5]. Robert Keller, dénoncé par René Bousquet, est arrêté en décembre 1942 par la Gestapo et déporté en Allemagne. Il meurt au camp de Bergen-Belsen, la veille de sa libération par les alliés[4].

Le 10 novembre 1942, surlendemain de l’opération Torch, Badré s’envole pour l’Algérie à bord d’un Dewoitine D.338. La zone libre est occupée par la Wehrmacht le lendemain. Après l’assassinat de l’amiral Darlan, le général Ronin, nommé à la tête des renseignements par le général Giraud, part à Londres avec Winterbotham. À son retour en janvier, Ronin confie à Badré un poste de liaison à Londres avec le MI6 et le BCRA du colonel Passy, chef du renseignement gaulliste[5]. Il est accueilli à son arrivée dans l’appartement de Claude Dansey, où il prend contact avec Passy[6]. Le Secret Intelligence Service le loge d’abord à Westminster, puis à côté de Wimbledon Park où il travaille avec Wilfred Dunderdale[4], qui récolte des informations sur le front de l’Est. Paul Badré supervise des recrues françaises du service des opérations spéciales et se casse une jambe au terme d’un saut en parachute défectueux. Alors qu’il est hospitalisé, son agent Robert Masson le rejoint à Londres en mars 1943[6]. Masson est parachuté en Normandie le mois suivant et fonde le réseau Samson.

Le 3 juin 1943, Giraud et de Gaulle s’accordent à Alger pour créer le comité français de libération nationale. Âgé de trente-sept ans et s’estimant toujours capable de piloter et de combattre[5], Paul Badré remet sa démission à Stewart Menzies et retourne en Algérie quelques jours avant le débarquement en Sicile. Il prend le commandement du groupe de bombardement 2/52[3] en Méditerranée et pilote un Marauder B-26[7] fourni par les Américains.

Robert Masson, qui a rejoint le groupe 2/52, est de nouveau parachuté en France en février 1944 pour réorganiser son réseau de résistants, avant de regagner l’Angleterre dans les jours précédant le débarquement de Normandie. En juillet 1944, l’escadron du commandant Badré est stationné en Sardaigne, où il côtoie pour la dernière fois Saint-Exupéry, dont l’avion est abattu par un pilote de la Luftwaffe le 31 juillet. Il bombarde des infrastructures de l’axe dans le Piémont et participe aux opérations aériennes du débarquement de Provence.

À la Libération, il devient le chef du contre-espionnage de l’Armée de l’air. Il est également nommé au conseil chargé du perfectionnement de l’école polytechnique[8]. Le , il est le premier Français à piloter un avion à réaction sur le territoire national (un Messerschmitt Me 262 pris à l’ennemi)[9] lors de l’inauguration du centre d'essais en vol de Brétigny-sur-Orge. Il quitte l’Armée en novembre 1946, au moment du déclenchement de la guerre d’Indochine[1].

 
Paul Badré le 1er août 1945

Industrie aéronautique d’après-guerre modifier

Paul Badré supervise jusqu’en 1948 les essais en vol de la Snecma, fabriquant national des moteurs aéronautiques, puis devient directeur de production de Sud-Ouest. Il est ensuite « conseiller technique » des présidents successifs de Sud-Aviation, créé en 1957, et préside la Sferma et Maroc-Aviation[10]. En 1967, Maurice Papon prend la présidence de Sud-Aviation, avant d’être remplacé l’année suivante par Henri Ziegler, camarade de polytechnique et de la résistance, qui commercialise le Concorde et fonde l’Aérospatiale en 1970, ancêtre d’Airbus et d’Ariane. Paul Badré conseille la société de Jean Bertin, l’inventeur de l’Aérotrain (projet abandonné après le premier choc pétrolier).

Intronisé comme membre d’honneur de l’Académie de l'air et de l'espace à la fin du siècle, il meurt à l’été 2000, âgé de quatre-vingt-quatorze ans.

Il avait épousé en l’Église Sainte-Jeanne-d'Arc de Versailles, le 14 septembre 1932, Cécile Cordier (1909-2005), fille de Jean Cordier (chef du 4e BCP tué dans le « Labyrinthe » en 1915) et de Madeleine Beaudenom de Lamaze (fille du général de Lamaze). Dix enfants sont nés de leur union. Elle était la cousine germaine de deux compagnons de la Libération, Jacques Beaudenom de Lamaze et Jacques Lecompte-Boinet.

Décorations modifier

Sources modifier

  1. a et b « Journal officiel de la République française du 10 octobre 1948 »
  2. « Interview de Paul Badré réalisée le 22 avril 1976 à Versailles, Service historique de la Défense nationale ».
  3. a et b Marcel Catillon, Qui était qui ? : Mémorial de l'aéronautique, vol. 2, t. 2, Nouvelles Editions Latines, , 220 p. (ISBN 978-2-7233-2053-5), p. 18-19.
  4. a b c d e et f “Le SR Air”, Jean Bezy, Paris, éditions France Empire, 1979, 318 p.
  5. a b c et d « Entretien avec le colonel Badré, enregistré le 22 avril 1976 à Versailles - Service historique de La Défense nationale ».
  6. a b et c Mes missions au clair de Lune, Robert Masson, 1975.
  7. « Paul Badré, Alumni de l’École Polytechnique » (consulté le ).
  8. « Journal officiel de la République française du 2 mars 1945 »
  9. Durant la Seconde guerre mondiale, Maurice Claisse fut le premier Français à voler en avion à réaction, en 1943 au Royal Aircraft Establishment à Farnborough, quand il participa à la mise au point du prototype Gloster E.28/39.
  10. « biographie de Paul Badré » (consulté le ).
  11. « Journal officiel de la République française du 9 septembre 1945 »

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