Grand Prix automobile d'Italie 1950

course automobile
Grand Prix d'Italie 1950
Tracé de la course
Données de course
Nombre de tours 80
Longueur du circuit 6,3 km
Distance de course 504 km
Conditions de course
Météo temps chaud, ensoleillé au départ, couvert par la suite
Affluence environ 70 000 spectateurs
Résultats
Vainqueur Drapeau de l'Italie Giuseppe Farina,
Alfa Romeo,
h 51 min 17 s 4
(vitesse moyenne : 176,543 km/h)
Pole position Drapeau de l'Argentine Juan Manuel Fangio,
Alfa Romeo,
min 58 s 3
(vitesse moyenne : 191,716 km/h)
Record du tour en course Drapeau de l'Argentine Juan Manuel Fangio,
Alfa Romeo,
min 0 s 0
(vitesse moyenne : 189,000 km/h)

Le Grand Prix automobile d'Italie 1950 (21° Gran Premio d'Italia), disputé le sur le circuit de Monza, est la septième épreuve du championnat du monde de Formule 1.

Contexte avant le Grand Prix modifier

Le championnat du monde modifier

 
Le pilote argentin Juan Manuel Fangio, en tête du championnat avant la dernière épreuve.

Septième et dernière épreuve du championnat, ce Grand Prix se dispute deux mois après la précédente, le Grand Prix de France. Entre-temps se sont déroulées des épreuves hors championnat, comme le Grand Prix de Bari, le Grand Prix des Nations (à Genève) et le Grand Prix de Pescara dominés, à l'image de cette saison, par les Alfa Romeo 158, ainsi que le Grand Prix d'Albi et celui des Pays-Bas, tous deux remportés par la Talbot de Louis Rosier en l'absence des Alfetta[1].
Les trois pilotes Alfa Romeo peuvent prétendre au titre mondial. Fort de ses trois victoires, en tête avec vingt-six points, Juan Manuel Fangio est le mieux placé pour l'emporter : une seconde place à Monza lui suffit, voire une troisième s'il établit également le meilleur tour en course, quels que soient les résultats de ses coéquipiers. Giuseppe Farina, troisième du championnat avec vingt-deux points et deux victoires, peut également espérer le titre si Fangio connaît des soucis. Les chances de Luigi Fagioli, actuel second avec vingt-quatre points (quatre secondes places), sont bien moindres : il ne compte aucune victoire, et seule une première place ici lui permettrait d'améliorer son total, les quatre meilleurs résultats étant retenus. Il doit donc à la fois l'emporter, établir le meilleur tour en course, que Fangio ne marque le moindre point et que Farina ne fasse mieux que troisième. Au vu des résultats récents des voitures milanaises, c'est fort peu probable, et la presse spécialisée s'accorde à dire que le titre va se jouer entre Fangio et Farina.

Le circuit modifier

 
Vue aérienne de l'autodrome de Monza.

Utilisé pour la première fois à l'occasion du Grand Prix d'Italie 1922, l'autodrome de Monza fut très endommagé au cours de la seconde guerre mondiale. Totalement rénové en 1948[2], il développe 6,3 km et se caractérise par une piste très large (jusque vingt-quatre mètres devant les tribunes), de longues lignes droites et des courbes rapides, autorisant des moyennes élevées : 188,2 km/h réalisés en course par Consalvo Sanesi, sur Alfa Romeo, en 1948, actuel record du circuit.

Monoplaces en lice modifier

 
Première apparition en championnat du monde de Formule 1 pour la Ferrari 375 F1.
  • Alfa Romeo 158 "Usine"

Pour son Grand Prix national, l'équipe milanaise a engagé cinq monoplaces : trois pour les pilotes titulaires Giuseppe Farina, Juan Manuel Fangio et Luigi Fagioli, auxquels sont adjoints Consalvo Sanesi, pilote essayeur de la marque, et Piero Taruffi. Beaucoup d'essais et de développements ont été effectués en préparation de cette course, Alfa Romeo craignant les performances de la nouvelle Ferrari, qui s'est montrée très menaçante lors du Grand Prix des Nations. Farina et Fangio bénéficient de la dernière évolution moteur, l'augmentation de la pression de suralimentation permettant d'atteindre une puissance de l'ordre de 375 chevaux[3].

  • Ferrari 375 F1 "Usine"

La Scuderia Ferrari aligne ici sa nouvelle monoplace à moteur V12 atmosphérique, déjà vue à Genève au Grand Prix des Nations (hors championnat) en version 4,1 litres (modèle 340), désormais dans sa version 4,5 litres développant 330 chevaux. Deux voitures sont engagées pour Alberto Ascari et l'ancien motard Dorino Serafini, qui remplace Luigi Villoresi victime d'une sortie de route à Genève et souffrant de multiples fractures. La Scuderia souhaitait confier cette seconde voiture à Raymond Sommer, mais le pilote français étant déjà inscrit sur Talbot, les organisateurs ne l'ont pas permis[4]. L'écurie avait également inscrit une 125 F1 pour Giovanni Bracco, mais cette voiture n'est pas présente. Aux côtés des pilotes "Usine", on retrouve Peter Whitehead sur sa 125 F1 privée, ainsi qu'une étonnante Ferrari à moteur six cylindres Jaguar sur châssis 166, engagée par Clemente Biondetti.

 
La Talbot-Lago T26C de Rosier (ici lors de sa victoire au dernier Grand Prix des Pays-Bas, hors championnat).
  • Maserati 4CLT "Usine"

En plus des deux 4CLT/48 officielles de Louis Chiron et Franco Rol, la firme italienne est représentée par la Scuderia Milano, la Scuderia Ambrosiana, ainsi que par Enrico Platé qui aligne deux voitures pour Bira et Toulo de Graffenried. On trouve également le pilote allemand Paul Pietsch, qui effectue son retour en course au volant d'une Maserati-Milano.

  • Simca-Gordini T15 "Usine"

Deux T15 (4 cylindres, 1 500 cm3, compresseur basse pression) ont été amenées par l'équipe Gordini, pour Maurice Trintignant et Robert Manzon. Pour l'anecdote, le "patron" (Amédée Gordini) ne peut assister à ce Grand Prix : alors qu'il se rend à Monza au volant de son coupé Simca Huit Sport (affûté par ses soins), il est victime d'un accident en tentant de doubler un camion par la droite; il faisait alors la course avec André Simon, qui se rendait également au circuit. Légèrement blessé, le Sorcier passe ce week-end à l'hôpital. C'est son fils Aldo qui dirige l'équipe[4].

  • Talbot-Lago T26C

La marque de Suresnes ne participe pas officiellement à cette course, mais la marque est tout de même représentée par six pilotes privés, dont Louis Rosier et Raymond Sommer, auteurs de belles prestations cette saison. Enrico Platé avait initialement inscrit ses "Platé Spécial", d'antiques Talbot monoplaces 1500 modifiées, finalement absentes.

  • ERA

Le pilote britannique Cuth Harrison a engagé son ERA Type B personnelle.

Coureurs inscrits modifier

Liste des pilotes inscrits[5],[6]
no  Pilote Écurie Constructeur Modèle N° châssis Moteur Pneumatiques
2   Johnny Claes Écurie Belge Talbot-Lago Talbot-Lago T26C 110 011 Talbot L6 D
4   Franco Rol Officine Alfieri Maserati Maserati Maserati 4CLT/48 1604 Maserati L4s P
6   Louis Chiron Officine Alfieri Maserati Maserati Maserati 4CLT/48 1606 Maserati L4s P
8   Peter Whitehead Privé Ferrari Ferrari 125 10C Ferrari V12s D
10   Giuseppe Farina Alfa Romeo SpA Alfa Romeo Alfa Romeo 158 (moteur 159) Alfa Romeo L8s P
12   Raymond Sommer privé Talbot-Lago Talbot-Lago T26C 110 009 Talbot L6 D
14   Giovanni Bracco Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari 125 Ferrari V12s P
16   Alberto Ascari Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari 375 F1 375/2 Ferrari V12 P
18   Juan Manuel Fangio Alfa Romeo SpA Alfa Romeo Alfa Romeo 158 (moteur 159) Alfa Romeo L8s P
20   Luigi De Filippis Privé Maserati Maserati 4CLT/48 Maserati L4s P
22   Clemente Biondetti Privé Ferrari Ferrari 166S 22C Jaguar L6 P
24   Philippe Étancelin Privé Talbot-Lago Talbot-Lago T26C-DA 110 008 Talbot L6 D
26   Reg Parnell Scuderia Ambrosiana Maserati Maserati 4CLT/48 1596 Maserati L4s D
28   Paul Pietsch Privé Maserati Maserati 4CLT/48 1612 Maserati L4s D
30   Prince Bira Enrico Platé Maserati Maserati 4CLT/48 1598 Maserati L4s P
32   Cuth Harrison Privé ERA ERA C R8C ERA L6s D
34   Luigi Platé Enrico Platé Talbot Talbot Platé Special Talbot L8s D
36   Luigi Fagioli Alfa Romeo SpA Alfa Romeo Alfa Romeo 158 Alfa Romeo L8s P
38   Emmanuel de Graffenried Enrico Platé Maserati Maserati 4CLT/48 1601 Maserati L4s P
40   Guy Mairesse Privé Talbot-Lago Talbot-Lago T26C 110 002 Talbot L6 D
42   Maurice Trintignant Equipe Gordini Simca-Gordini Simca Gordini T15 22-GC Gordini L4s E
44   Robert Manzon Equipe Gordini Simca-Gordini Simca Gordini T15 14-GC Gordini L4s E
46   Consalvo Sanesi SA Alfa Romeo Alfa Romeo Alfa Romeo 158 Alfa Romeo L8s P
48   Dorino Serafini Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari 375 F1 375/1 Ferrari V12 P
50   David Murray Scuderia Ambrosiana Maserati Maserati 4CLT/48 1593 Maserati L4s D
52   Felice Bonetto Scuderia Milano Maserati Maserati Milano 4CLT/50 - Maserati L4s P
56   Pierre Levegh Privé Talbot-Lago Talbot-Lago T26C-DA 110 005 Talbot L6 D
58   Louis Rosier Écurie Rosier Talbot-Lago Talbot-Lago T26C-DA 110 001 Talbot L6 D
60   Piero Taruffi Alfa Romeo SpA Alfa Romeo Alfa Romeo 158 Alfa Romeo L8s P
62   Gianfranco Comotti Scuderia Milano Maserati Maserati Milano 4CLT/50 1611 Maserati L4s P
64   Henri Louveau Écurie Rosier Talbot-Lago Talbot-Lago T26C-GS 110 055 Talbot L6 D
66   Franco Bordoni Enrico Platé Talbot Talbot Platé Special Talbot L8s D

Qualifications modifier

Pour la première fois depuis 1946, la suprématie des Alfetta est remise en cause, avec les débuts de la nouvelle Ferrari 375 F1. Malgré les 375 chevaux dont il dispose, Juan Manuel Fangio a fort à faire pour rester devant Alberto Ascari qui réalise des temps similaires sur la dernière née de la Scuderia Ferrari. C'est d'ailleurs Ascari qui, le premier, descend sous la barre des deux minutes lors de la séance du vendredi. Après avoir beaucoup tourné, Fangio parvient à réaliser le meilleur temps en 1 min 58 s 6, devançant son adversaire de 2/10. Le lendemain, le pilote argentin améliore, tournant en 1 min 58 s 3, Ascari s'étant rapproché à 1/10 seulement. Ces deux pilotes ont largement dominé les essais, aucun autre n'est parvenu à tourner en moins de deux minutes. Les cinq Alfa Romeo et les deux Ferrari d'usine s'emparent des sept premières places sur la grille. Derrière les deux équipes favorites, c'est Raymond Sommer, sur sa Talbot personnelle, qui obtient la huitième position, à dix secondes tout de même du temps de Fangio. À noter la prestation plus qu'honorable des deux Simca-Gordini, qualifiées en troisième ligne malgré leur faible puissance.

Résultats des qualifications
Pos. no  Pilote Écurie Temps Écart
1 18   Juan Manuel Fangio Alfa Romeo min 58 s 3 -
2 16   Alberto Ascari Ferrari 1 min 58 s 4 + 0 s 1
3 10   Giuseppe Farina Alfa Romeo 2 min 00 s 1 + 1 s 8
4 46   Consalvo Sanesi Alfa Romeo 2 min 00 s 2 + 1 s 9
5 36   Luigi Fagioli Alfa Romeo 2 min 04 s 0 + 5 s 7
6 48   Dorino Serafini Ferrari 2 min 05 s 1 + 6 s 8
7 60   Piero Taruffi Alfa Romeo 2 min 05 s 4 + 7 s 1
8 12   Raymond Sommer Talbot-Lago 2 min 08 s 3 + 10 s 0
9 4   Franco Rol Maserati 2 min 10 s 0 + 11 s 7
10 44   Robert Manzon Simca-Gordini 2 min 12 s 2 + 13 s 9
11 40   Guy Mairesse Talbot-Lago 2 min 13 s 1 + 14 s 8
12 42   Maurice Trintignant Simca-Gordini 2 min 13 s 2 + 14 s 9
13 58   Louis Rosier Talbot-Lago 2 min 13 s 2 + 14 s 9
14 64   Henri Louveau Talbot-Lago 2 min 13 s 4 + 15 s 1
15 30   Prince Bira Maserati 2 min 14 s 0 + 15 s 7
16 24   Philippe Étancelin Talbot-Lago 2 min 14 s 2 + 15 s 9
17 38   Emmanuel de Graffenried Maserati 2 min 14 s 4 + 16 s 1
18 8   Peter Whitehead Ferrari 2 min 16 s 1 + 17 s 8
19 6   Louis Chiron Maserati 2 min 17 s 1 + 18 s 8
20 56   Pierre Levegh Talbot-Lago 2 min 17 s 1 + 18 s 8
21 32   Cuth Harrison ERA 2 min 18 s 2 + 19 s 9
22 2   Johnny Claes Talbot-Lago 2 min 18 s 3 + 20 s 0
23 52   Felice Bonetto Maserati 2 min 19 s 4 + 21 s 1
24 50   David Murray Maserati 2 min 22 s 0 + 23 s 7
25 22   Clemente Biondetti Ferrari-Jaguar 2 min 30 s 3 + 32 s 0
26 62   Gianfranco Comotti Maserati 2 min 33 s 3 + 35 s 0
27 28   Paul Pietsch Maserati 3 min 00 s 2 + 1 min 01 s 9

Grille de départ du Grand Prix modifier

 
Les monoplaces sur la grille de départ du Grand Prix d'Italie 1950.
Grille de départ du Grand Prix et résultats des qualifications[7]
1re ligne Pos. 1 Pos. 2 Pos. 3 Pos. 4
 
Fangio
Alfa Romeo
1 min 58 s 3
 
Ascari
Ferrari
1 min 58 s 4
 
Farina
Alfa Romeo
2 min 00 s 1
 
Sanesi
Alfa Romeo
2 min 00 s 2
2e ligne Pos. 5 Pos. 6 Pos. 7 Pos. 8
 
Fagioli
Alfa Romeo
2 min 04 s 0
 
Serafini
Ferrari
2 min 05 s 1
 
Taruffi
Alfa Romeo
2 min 05 s 4
 
Sommer
Talbot-Lago
2 min 08 s 3
3e ligne Pos. 9 Pos. 10 Pos. 11 Pos. 12
 
Rol
Maserati
2 min 10 s 0
 
Manzon
Simca-Gordini
2 min 12 s 2
 
Mairesse
Talbot-Lago
2 min 13 s 1
 
Trintignant
Simca-Gordini
2 min 13 s 2
4e ligne Pos. 13 Pos. 14 Pos. 15 Pos. 16
 
Rosier
Talbot-Lago
2 min 13 s 2
 
Louveau
Talbot-Lago
2 min 13 s 4
 
Bira
Maserati
2 min 14 s 0
 
Étancelin
Talbot-Lago
2 min 14 s 2
5e ligne Pos. 17 Pos. 18 Pos. 19 Pos. 20
 
De Graffenried
Maserati
2 min 14 s 4
 
P. Whitehead
Ferrari
2 min 16 s 1
 
Chiron
Maserati
2 min 17 s 1
 
Levegh
Talbot-Lago
2 min 17 s 1
6e ligne Pos. 21 Pos. 22 Pos. 23 Pos. 24
 
Harrison
ERA
2 min 18 s 2
 
Claes
Talbot-Lago
2 min 18 s 3
Emplacement
vide
 
Murray
Maserati
2 min 22 s 0
7e ligne Pos. 25 Pos. 26 Pos. 27
 Biondetti
Ferrari-Jaguar
2 min 30 s 3
 Comotti
Maserati
2 min 33 s 3
Emplacement
vide
  Pietsch
Maserati
3 min 00 s 2
  • Une place en sixième ligne est restée vacante à la suite du forfait de Bonetto, sur Maserati, qualifié vingt-troisième.
  • Qualifié vingt-septième et dernier, son coéquipier Paul Pietsch est présent sur la grille de départ, à droite sur la dernière ligne, laissant un emplacement vide à sa gauche. Moteur cassé, il ne pourra s'élancer.

Déroulement de la course modifier

Les Alfa Romeo vont devoir ravitailler deux fois, alors que les nouvelles Ferrari à moteur atmosphérique n'auront qu'un seul arrêt à effectuer, tout comme les Maserati. Les Talbot, quant à elles, ont une autonomie suffisante pour la distance de l'épreuve. Temps chaud et ensoleillé au départ, couvert par la suite. 70 000 spectateurs assistent à la course[8].

Le moteur de la Maserati de Paul Pietsch casse sur la grille de départ, le pilote allemand n'a pu parcourir le moindre mètre à l'occasion de son retour en Grand Prix. De la première ligne s'envolent les trois Alfa Romeo, Farina prenant immédiatement la tête devant Fangio et Sanesi, distançant légèrement la Ferrari d'Ascari, quatrième à l'abord de la Curva Grande. Mais le pilote milanais refait rapidement son retard, déborde Sanesi puis Fangio, et termine ce premier tour dans les roues de Farina. Pendant treize tours, Ascari tient le rythme du leader, avant de le déborder au quatorzième. Pour la première fois depuis 1946, l'Alfetta a trouvé une concurrente à sa hauteur. La Ferrari se maintient deux tours en tête avant de laisser repasser Farina, Ascari attendant sagement le ravitaillement de l'Alfa Romeo pour reprendre l'avantage. Derrière les deux hommes de tête, Fangio (qui à 189 km/h de moyenne lors du septième tour a battu le record officiel du circuit) se maintient prudemment troisième, position devant lui assurer le titre mondial.

 
Giuseppe Farina enlève le premier championnat du monde de Formule 1 sur Alfa Romeo Alfetta.

Coup de théâtre au vingt-deuxième tour, lorsque Ascari doit abandonner sa voiture au bord de la piste, victime d'un bris de soupape. Fangio est désormais second, mais deux tours plus tard il doit également renoncer sur problème de boîte de vitesses. À cet instant le titre de champion du monde bascule sur les épaules de Farina, toujours en tête devant les deux autres Alfetta de Taruffi et Fagioli. Dépité, le pilote argentin rejoint son stand. Lorsque Taruffi s'arrête pour son premier ravitaillement, l'écurie milanaise propose alors à Fangio de repartir à sa place : il peut encore être titré s'il termine second derrière Farina et recordman du tour. C'est un geste chevaleresque de la part d'Alfa Romeo, qui fait passer l'intérêt sportif avant l'intérêt national de consacrer un pilote italien (d'ailleurs, à ce moment, une partie du public manifeste nettement son hostilité[7]). Touché par la proposition de son équipe, Fangio repart et assure sa seconde place, jusqu'au trente-cinquième tour où il doit à nouveau abandonner, moteur cassé.

Dès lors, Farina, qui possède plus de deux minutes d'avance sur son coéquipier Fagioli et la Ferrari de Serafini, ralentit considérablement l'allure. Sommer et Étancelin, auteurs d'une course très régulière, sont désormais quatrième et cinquième sur leurs Talbot. Au quarante-huitième tour, Ascari reprend la voiture de Serafini, alors troisième, se lançant à la poursuite des deux Alfa Romeo[9]. Retrouvant la seconde position lors du second ravitaillement de Fagioli, il effectue une belle fin de course, et conserve sa place jusque l'arrivée. Farina, vainqueur, est sacré champion du monde, le premier dans l'histoire de la formule 1. Victime de problèmes de boîte de vitesses au quarante-neuvième tour, Sommer n'est pas récompensé de sa belle performance, et c'est Rosier qui termine finalement quatrième, après avoir dépassé Étancelin, cinquième.

Classements intermédiaires modifier

Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, dixième, quinzième, vingtième, vingt-cinquième, trentième, quarantième, cinquantième et soixantième tours[10].

Classement de la course modifier

Classement de la course
Pos. no  Pilote Voiture Tours Distance Temps/Abandon Grille Points
1 10   Giuseppe Farina Alfa Romeo 80 504,000 km h 51 min 17 s 4 3 8
2 48   Dorino Serafini
  Alberto Ascari
Ferrari 80 504,000 km h 52 min 36 s 0 (+ min 18 s 6) 6 3
3
3 36   Luigi Fagioli Alfa Romeo 80 504,000 km h 52 min 53 s 0 (+ min 52 s 6 5 4
4 58   Louis Rosier Talbot-Lago 75 472,500 km h 52 min 33 s 2 (+ 5 tours) 13 3
5 24   Philippe Étancelin Talbot-Lago 75 472,500 km h 53 min 0 s 0 (+ 5 tours) 16 2
6 38   Emmanuel de Graffenried Maserati 72 453,600 km h 51 min 53 s 2 (+ 8 tours) 17  
7 8   Peter Whitehead Ferrari 72 472,500 km h 53 min 2 s 8 (+ 8 tours) 18  
Abd. 50   David Murray Maserati 56 352,800 km Boîte de vitesses 24  
Abd. 32   Cuth Harrison ERA 51 321,300 km Radiateur 21  
Abd. 12   Raymond Sommer Talbot-Lago 48 302,400 km Boîte de vitesses 8  
Abd. 40   Guy Mairesse Talbot-Lago 42 264,600 km Durite d'huile 11  
Abd. 4   Franco Rol Maserati 39 245,700 km Moteur 9  
Abd. 60   Piero Taruffi
  Juan Manuel Fangio
Alfa Romeo 34 214,200 km Moteur 7  
Abd. 56   Pierre Levegh Talbot-Lago 29 182,700 km Boîte de vitesses 20  
Abd. 18   Juan Manuel Fangio Alfa Romeo 23 144,900 km Boîte de vitesses 1 1
Abd. 2   Johnny Claes Talbot-Lago 22 138,600 km Surchauffe moteur 22
Abd. 16   Alberto Ascari Ferrari 21 132,300 km Moteur 2
Abd. 22   Clemente Biondetti Ferrari-Jaguar 17 107,100 km Moteur 25
Abd. 64   Henri Louveau Talbot-Lago 16 100,800 km Freins 16
Abd. 62   Gianfranco Comotti Maserati 15 94,500 km Moteur 26
Abd. 42   Maurice Trintignant Simca-Gordini 13 81,900 km Durit d'eau 12
Abd. 6   Louis Chiron Maserati 13 81,900 km Pression d'huile 19
Abd. 46   Consalvo Sanesi Alfa Romeo 11 69,300 km Moteur 4
Abd. 44   Robert Manzon Simca-Gordini 7 44,100 km Transmission 10
Abd. 30   Prince Bira Maserati 1 6,300 km Moteur 15
Abd. 28   Paul Pietsch Maserati 0 0,000 km Moteur 27
Abd. 52   Felice Bonetto Maserati 0 0,000 km Non partant 23

Légende :

  • Abd. = Abandon
  • Np = Non partant

Pole position et record du tour modifier

(De nombreuses sources écrites, principalement anglaises, mentionnent un temps de min 58 s 6 pour la pole position, occultant les améliorations réalisées par Fangio et Ascari lors de la dernière séance d'essais.)

Tours en tête modifier

Classement final du championnat modifier

 
Giuseppa Farina, premier champion du monde de Formule 1.
Classement des pilotes
Pos. Pilote Écurie Points  
GBR
 
MON
 
500
 
SUI
 
BEL
 
FRA
 
ITA
1   Giuseppe Farina Alfa Romeo 30 9* - - 9* 4* - 8
2   Juan Manuel Fangio Alfa Romeo 27 - 9* - - 8 9* 1*
3   Luigi Fagioli Alfa Romeo 24 (28) 6 - - 6 6 6 (4)
4   Louis Rosier Talbot-Lago 13 2 - - 4 4 - 3
5   Alberto Ascari Ferrari 11 - 6 - - 2 - 3
6   Johnnie Parsons Kurtis Kraft 9 - - 9* - - - -
7   Bill Holland Deidt 6 - - 6 - - - -
8   Prince Bira Maserati 5 - 2 - 3 - - -
9   Reg Parnell Alfa Romeo 4 4 - - - - - -
  Louis Chiron Maserati 4 - 4 - - - - -
  Mauri Rose Deidt 4 - - 4 - - - -
  Peter Whitehead Ferrari 4 - - - - - 4 -
13   Dorino Serafini Ferrari 3 - - - - - - 3
  Yves Giraud-Cabantous Talbot-Lago 3 3 - - - - - -
  Raymond Sommer Ferrari 3 - 3 - - - - -
  Cecil Green Kurtis Kraft 3 - - 3 - - - -
  Robert Manzon Simca-Gordini 3 - - - - - 3 -
  Philippe Étancelin Talbot-Lago 3 - - - - - 1 2
19   Felice Bonetto Maserati 2 - - - 2 - - -
20   Joie Chitwood Kurtis Kraft 1 - - 1 - - - -
  Tony Bettenhausen Kurtis Kraft 1 - - 1 - - - -
  Eugène Chaboud Talbot-Lago 1 - - - - - 1 -
  • attribution des points : 8, 6, 4, 3, 2 respectivement aux cinq premiers de chaque épreuve et 1 point supplémentaire pour le pilote ayant accompli le meilleur tour en course (signalé par un astérisque)
  • Seuls les quatre meilleurs résultats sont comptabilisés. Luigi Fagioli doit donc décompter les quatre points acquis en Italie, totalisant vingt-quatre points effectifs pour vingt-huit points marqués.
  • Le règlement permet aux pilotes de se relayer sur une même voiture, les points éventuellement acquis étant alors partagés. Joie Chitwood et Tony Bettenhausen marquent chacun un point pour leur cinquième place à Indianapolis, Philippe Étancelin et Eugène Chaboud marquent chacun un point pour leur cinquième place en France, Dorino Serafini et Alberto Ascari marquent chacun trois points pour leur deuxième place en Italie.

À noter modifier

  • 3e victoire en championnat du monde pour Giuseppe Farina.
  • 6e victoire en championnat du monde pour Alfa Romeo en tant que constructeur.
  • 6e victoire en championnat du monde pour Alfa Romeo en tant que motoriste.
  • À l'issue de cette course, Giuseppe Farina est Champion du Monde des pilotes.

Notes et références modifier

  1. Pierre Abeillon, « Les Talbot en course », Revue Auto passion, no 23,‎
  2. (en) Adriano Cimarosti, The complete History of Grand Prix Motor racing, Aurum Press Limited, , 504 p. (ISBN 1-85410-500-0)
  3. (en) Mike Lang, Grand Prix volume 1, Haynes Publishing Group, , 288 p. (ISBN 0-85429-276-4)
  4. a et b Christian Huet, Gordini Un sorcier une équipe, Editions Christian Huet, , 485 p. (ISBN 2-9500432-0-8)
  5. (en) Bruce Jones, The complete Encyclopedia of Formula One, Colour Library Direct, , 647 p. (ISBN 1-84100-064-7)
  6. Alan Henry, Ferrari : Les monoplaces de Grand Prix, Editions ACLA, , 319 p. (ISBN 2-86519-043-9)
  7. a et b Jean-Paul Delsaux, 1950, Editeur : Bruno Alfieri, , 254 p. (ISBN 88-7960-029-X)
  8. (en) Karl Ludvigsen, Juan Manuel Fangio – Motor racing’s grand master, Haynes Publishing, , 208 p. (ISBN 1-85960-625-3)
  9. (en) Karl Ludvigsen, Alberto Ascari - Ferrari’s first double champion, Haynes Publishing, , 208 p. (ISBN 1-85960-680-6)
  10. Edmond Cohin, L'historique de la course automobile, Editions Larivière, , 882 p.