Exorcisme

rituel religieux destiné à expulser une entité spirituelle maléfique qui se serait emparée d'un être humain ou animal et, plus rarement, un objet
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L'exorcisme est un rituel religieux destiné à expulser une entité spirituelle maléfique qui s'est emparée d'un être animé (humain ou animal) et, plus rarement, inanimé (objet, lieu). Il constitue une réponse à la possession par un ou plusieurs démons ou plus simplement à une maladie. L'existence de cette pratique est supposée en Mésopotamie dès le IIe millénaire av. J.-C. et attestée au Ier millénaire av. J.-C..

Saint François et les diables, œuvre de Giotto.

On la retrouve dans l'Ancien Testament, où le bouc émissaire chargé des fautes des Israélites est envoyé dans le désert (Lv 16,20-22). Jésus pratique l'exorcisme à plusieurs reprises, ainsi que ses disciples qui « chassent les démons » en son nom : « guérison du possédé », Mt 8,28-34 ; Mt 9,32-34 ; Mt 12,22-24 ; Mt 15,21-28 ; Mc 1,23-28 ; Mc 5,1-20 ; Lc 4,33-36 ; Lc 8,26-39 ; Lc 11-14 ; Lc 13,10-17etc.

On le retrouve également dans le chamanisme caucasien, les rituels africains et le vaudou.

L'exorcisme est historiquement institutionnalisé dans le catholicisme, particulièrement au Moyen Âge, et il continue à être pratiqué à l'heure actuelle, soit au niveau symbolique et sacramentel, soit au niveau pratique (prêtres exorcistes).

Dans l'islam, le Coran a en lui-même une valeur exorcistique par le biais de la pratique ésotérique de la Roqya (Ruqiya), afin de lutter contre des djinns.

Dans le catholicisme modifier

Le mot provient du grec ancien : ἐξορκισμός / exorkismós : « action de faire prêter serment », de ex-orkizein : « faire prêter serment, faire jurer à quelqu'un par le Seigneur » ; il passera directement en latin : exorcismus, exorcizare.

L'Église catholique se réfère au commandement de Jésus de Nazareth : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. » (Mt 10.8).

L'exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l'emprise démoniaque par l'autorité spirituelle que Jésus a confiée à son Église. L'entité censée provoquer la possession est la puissance que les chrétiens nomment Satan ou le diable.

Quand l'Église demande avec autorité, au nom de Jésus-Christ, qu'une personne ou un objet soit protégé contre l'emprise du Mal et soustrait à son empire, on parle d'exorcisme public. Sous une forme simple, l'exorcisme est pratiqué lors de la célébration du baptême. L'exorcisme canonique solennel, appelé « grand exorcisme », ne peut être pratiqué que par un prêtre exorciste et avec la permission de l'évêque, qui est canoniquement l'un des successeurs des apôtres. Le plus souvent, il délègue cette autorité à des prêtres subalternes : ce sont les exorcistes. Un pape, en tant qu'évêque de Rome, peut effectuer des exorcismes au cours de son pontificat.

Crise de possession et hystérie modifier

La possession se présente comme un état dissociatif tel qu'il est décrit dans les psychoses schizophréniques ; mais la réponse à y apporter n'est jamais univoque et ne doit pas être dissociée du contexte culturel dans lequel elle apparaît.

Ainsi l'histoire des possédées de Loudun peut être rapportée à une schizophrénie (ou hystérie collective) présentée par toutes les religieuses d'un même couvent ; il en est de même des cas de possession présentée au sein même du territoire africain à comparer aux bouffées délirantes présentées par des africains transplantés en Europe par exemple et subissant les effets pathogènes de l'acculturation.

Mis à part sa signification théologique (ou culturelle) particulière, ainsi que les éventuels phénomènes parapsychologiques qui pourraient lui être associés, la crise de possession ne se distingue pas d'une crise d'hystérie au sens de Charcot ou des phénomènes de spasmophilie, de transe, voire des états de rebirth provoqués dans certaines thérapeutiques.

Pour les théologiens catholiques, le diagnostic différentiel entre maladie mentale et possession diabolique, s'est fondé pendant un certain temps sur l'existence de phénomènes paranormaux. L'Église catholique a très nettement révisé sa position. Par exemple, dans le Praktisches Bibellexicon[1] : « Étant donné la ressemblance frappante entre la possession et les phénomènes décrits par la parapsychologie, aujourd'hui s'impose la plus extrême réserve. Ce qui, auparavant était considéré comme le signe certain de l'authenticité d'une possession ne peut plus aujourd'hui passer pour tel sans plus ample examen. »

Pourtant, d'autres théologiens et prêtres insistent sur le caractère réel et profondément néfaste des influences sataniques de tous ordres (infestation, obsession, possession). Dom Amorth s'était ainsi une fois plaint à Jean-Paul II que nombre d'évêques ne croyaient pas au démon, et donc ne nommaient pas les prêtres comme exorcistes. Le Pape lui avait répondu : « Celui qui ne croit pas au démon ne croit pas à l'Évangile[2]. »

États du possédé modifier

On distingue un état de calme et un état de crise. L'état de crise se traduit par des contorsions, des éclats de rage, des paroles impies et blasphématoires. Pendant la période de calme, tout est généralement oublié et le comportement redevient bien adapté, voire très pieux. Mais l'image que l'on peut en avoir est loin d'être univoque et ne ressemble probablement pas à celle qu'a retenu William Friedkin dans son film de 1973. Il est plus intéressant, pour s'en faire une idée de lire les écrits de Pierre Janet, De l'angoisse à l'extase ou Les médications psychologiques.

Symptômes de la possession modifier

Le rituel romain énonce trois symptômes essentiels parmi d'autres qui auraient une valeur analogue : malheureusement la traduction de ce rituel limite ces signes à trois alors que la version latine avance que ces signes "possunt" (peuvent être) entre autres ceux qui sont décrits mais cela n'est pas limitatif :

  • parler, écrire ou comprendre une langue inconnue (xénoglossie) ;
  • découvrir des choses éloignées et secrètes (voyance) ;
  • faire preuve d'une force inexplicable par l'habitus physique de la personne considérée (psychokinèse).

Les gestes pieux mettent le possédé dans une rage folle et le conduisent à blasphémer horriblement. L'amnésie de la possession est fréquente, et souvent constante.

Les marques du diable, pour l'Église du Moyen Âge, ne se limitaient pas aux trois signes aujourd'hui mentionnés par le rituel romain ; on donnait même la préséance à d'autres symptômes, tels que la lévitation et surtout des zones d'anesthésie, des points du corps anormalement insensibles (il s'agit, pour le neurologue moderne, d'un symptôme de lèpre à son début, de certaines maladies neurologiques ou d'un phénomène de nature hystérique. On peut surtout noter que la personne parle souvent seule).

Possession en psychiatrie modifier

En psychiatrie, la possession n'est pas envisagée comme un phénomène religieux, mais comme une forme de délire au cours duquel le malade se croit habité par un être surnaturel qui parle par sa bouche, mobilise sa langue malgré lui et dirige ses mouvements[3].

Cette forme de délire se retrouve dans différentes affections organiques (encéphalites, intoxication) ou non organiques : mélancolie, schizophrénie. Il semble se produire comme moyen d'expression occasionnel d'un désarroi organique ou culturel en Afrique et peut aussi révéler des phénomènes d'acculturation lors d'une émigration.

On définit le trouble « personnalité multiple par la coexistence, chez un même individu de deux ou plusieurs états de personnalités distincts qu'ils aient une mémoire propre, des modalités comportementales spécifiques et leurs propres styles de relation sociale ou qu'ils partagent une partie de ces différents items. Les deux esprits se combattent dans un même champ qui est le corps, et l'âme est comme partagée ; selon une partie de soi, elle est le sujet des impressions diaboliques, et, selon l'autre, des mouvements qui lui sont propres et que Dieu lui donne ». Ce type de trouble commence à s'installer dès l'enfance, mais n'est le plus souvent remarqué par les cliniciens que beaucoup plus tard ; il s'agit presque toujours de filles (60 à 90 %).

Le passage d'une personnalité à une autre est généralement brusque (quelques minutes). La transition est sous la dépendance du contexte relationnel. Les transitions peuvent survenir également lorsqu'il y a conflit entre les différentes personnalités ou lorsque ces dernières ont mis au point un plan commun. Les personnalités peuvent être diamétralement opposées dans leurs caractéristiques et différer même quant aux tests psychologiques et physiologiques : elles peuvent nécessiter par exemple des verres correcteurs différents, répondre de manière différente au même traitement et avoir des QI différents. On décrit l'existence de complications éventuelles, telles que suicide, automutilation, agression, viol, toxicomanie, etc.

La schizophrénie peut aboutir elle aussi au sentiment d'être possédé. Dans ce cas, l'entourage discerne plus facilement qu'il s'agit d'un trouble de la personnalité et non d'un phénomène mystique.

Dans l'islam modifier

Le Coran affirme l’existence des djinns : créatures de feu invisibles à l’œil humain. Certains d'entre eux sont des démons: c'est le cas de Satan et de sa descendance. Pour guérir le malade, possédé par un djinn, le raqui (exorciste islamique) utilise la lecture des versets du Coran. L’écoute par le malade des saintes sourates serait à même de le soulager et de le guérir de son mal.

« Et Nous faisons descendre (par révélation) du Coran, ce qui est une guérison et une miséricorde pour les croyants. Mais cela ne fait qu'accroître la perdition des injustes. »

— [17.82]

La sorcellerie est formellement interdite en islam.

Dans la culture populaire modifier

Chez les Noirs de Djerba modifier

Iman Bassalah décrit une scène d'exorcisme par les Noirs de Djerba qui pratiquent le culte des génies et des esprits.

« Une voyante identifie le mal, un maître de cérémonie armé d'un gumbri, instrument à cordes pincées, conduit, en compagnie des musiciens-guérisseurs aux tambours et castagnettes maghrébines en acier, le processus de libération du possédé. Celui-ci entre en contact avec les divinités à la ferveur des instruments, jusqu'à atteindre la transe merveilleuse. Le boussadia arrive parfois à la fin, bâton agité à la main, pour parachever le mystère et le miracle. C'est un mendiant, de folklore ancien, devenu rare, il va de ville en ville danser, chanter (…) L'exorcisme réalisé est à la fois individuel et collectif[4]. »

En peinture modifier

En littérature modifier

Au cinéma modifier

À la télévision modifier

Dans la bande dessinée modifier

Sources modifier

Références modifier

  1. (de) Praktisches Bibellexicon, , p. 126
  2. « Exorcisme (II) », sur benoit-et-moi.fr (consulté le ).
  3. Henri Aubin, Manuel alphabétique de psychiatrie
  4. Iman Bassalah, A gauche du lit, éd. Anne Carrière, (ISBN 9782380822052, lire en ligne)

Bibliographie modifier

  • Abderraouf Ben Halima, La Roqya : Traitement de la sorcellerie, djinns et mauvais œil par le Coran et la médecine prophétique, (ISBN 978-2912213129)
  • Yves-Marie Bercé, Esprits et Démons : histoire des phénomènes d'hystérie collective, Paris, Librairie Vuibert, .
  • Marc-Antoine Fontelle, Comprendre et accueillir l'exorcisme, Paris, Éditions Téqui, , 192 p. (ISBN 2740307284) ; L'exorcisme, un rite chrétien, édition du Cerf, coll. « Alpha », , 668 p..
  • Robert Ambelain, Le grand exorcisme
  • Piero Cantoni, « Demonologia e prassi dell’esorcismo e delle preghiere di liberazione », en Fides Catholica, no 1,‎
  • (it) Don Gino Oliosi, Il demonio come essere personale : Una verità di fede, Fede & Cultura, .
  • Éric Baratay, « L'excommunication et l'exorcisme des animaux aux XVIIe – XVIIIe siècles, une négociation entre bêtes, fidèles et clergé », Revue d'Histoire Ecclésiastique, nos 107, 1,‎ , p. 223-254 (lire en ligne).
  • (it) Laurence Wuidar, « Incantare: musica, magia ed esorcismo : a cura di Germana Ernst, Guidi Giglioni », I vincoli della natura. Magia e stregoneria nel Rinascimento, Roma, Carocci,‎ , p. 169-184.
  • Laurence Wuidar, « Les images et le diable. Pouvoir de séduction et destruction des images dans les pratiques d’exorcisme de la Renaissance », Bruniana & Campanelliana. Ricerche filosofiche e materiali storico-testuali, vol. 23, no 1,‎ , p. 73-88 (lire en ligne).
  • Laurence Wuidar, Fuga Satanae : musique et démonologie à l'aube des temps modernes, Genève, Droz, coll. « Cahiers d'Humanisme et Renaissance » (no 150), , 337 p. (ISBN 978-2-600-05868-1, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Patrick Sbalchiero, Enquête sur les exorcismes. Une histoire du diable, Perrin, (ISBN 978-2-262-03764-2).

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier