Animation en volume

technique d'animation
(Redirigé depuis Stop Motion)

L’animation en volume ou animation pas-à-pas (également désignée par le terme anglais stop motion) est une technique d'animation utilisée avec des objets réels, dotés de volume. Alors que les objets sont immobiles en eux-mêmes, cette technique permet de créer l'illusion qu'ils sont dotés d'un mouvement naturel. Différents types d'objets sont utilisés à cette fin : des figurines articulées, des maquettes articulées, du papier plié, de la pâte à modeler, etc. Des exemples célèbres de films ayant recouru à cette technique sont King Kong (1933), de nombreux films fantastiques de la seconde moitié du XXe siècle dont ceux du célèbre Ray Harryhausen (1920-2013) ou, plus récemment, L'Île aux chiens (2018), de Wes Anderson, parmi bien d'autres exemples.

Animation en volume
Autre nom Stop motion (en anglais)
Domaine d'application Animation
Date de création 1897
Inventeur(s) James Stuart Blackton
Premier usage connu The Humpty Dumpty Circus (1898)

Dans la plupart des œuvres visuelles où cette technique est utilisée, un décor constitué d’objets est filmé à l’aide d’une caméra dédiée à l’animation, c’est-à-dire pouvant enregistrer sur une pellicule cinématographique un seul photogramme chaque fois qu'elle est enclenchée, telle un appareil photo (technique de l'image par image), ou à l'aide d'une caméra à mémoire numérique. Entre chaque prise de vue d'une ou deux images, les objets de la scène sont légèrement déplacés ou transformés[1]. Lors de la restitution à la cadence normale de projection, ces objets — pourtant immobiles lors des prises de vue — donnent l’illusion de bouger par eux-mêmes. La technique est semblable à celle du dessin animé mais avec des objets en trois dimensions.

Histoire

modifier

Le découvreur de l’animation en volume est le réalisateur et comédien américain James Stuart Blackton et Albert E. Smith qui avait réalisé en 1898 The Humpty Dumpty Circus. En 1906, il utilise pour la première fois ce qu’en France on appellera le « mouvement américain[2],[3] ». Auparavant, l’inventeur français Émile Reynaud a mis au point dès 1892 la première animation dépassant en durée ce qu’offraient déjà en une ou deux secondes les jouets optiques (Phénakistiscope, Stroboscope, Zootrope, Folioscope, Praxinoscope, Zoopraxiscope), c'est-à-dire une ou deux secondes de dessins mis en mouvement cyclique.

Les pantomimes lumineuses de Reynaud offrent en projection sur grand écran dans le cadre de son Théâtre optique une animation de dessins tracés et coloriés directement sur des carrés de gélatine protégée par de la gomme-laque rassemblés en bande continue de 70 mm de large. Ce sont les premiers dessins animés de l’histoire du cinéma et les premiers films d'animation sans caméra. Ils ont déjà une longue durée que n’a à l’époque aucun film, de 1 minute 30 secondes à 5 minutes (les premiers films — autant ceux d'Edison que ceux de Louis Lumière — ne durent que 30 à 60 secondes)[4].

Le premier film d'animation, Humorous Phases of Funny Faces, filmé image par image, réalisé par James Stuart Blackton en 1906.

James Stuart Blackton, lui, ne dessine pas sur la pellicule comme Reynaud, il filme image par image des dessins à la craie qu’il a tracés sur un tableau noir, et qu’il transforme (coup d’éponge et nouveau trait) entre chaque prise de vue effectuée à l’aide d’une caméra argentique dont il a modifié le mécanisme. C’est le premier dessin animé sur support photographique de l’histoire du cinéma d'animation, Humorous Phases of Funny Faces (Phases amusantes de figures rigolotes). Ce dessin animé a une durée de 3 minutes. Blackton ne s’en tient pas là, il récidive la même année avec The Haunted Hotel. Il anime selon la même technique de l’image par image les éléments réels d’un petit déjeuner qui se prépare apparemment sans aucune intervention humaine : les tartines sont découpées par un couteau miraculeux, voltigeant au-dessus du pain, la cafetière remplit seule les tasses, le pot à lait fait de même. Un minuscule pantin apparaît enfin, responsable sans doute de ce service invisible. C'est le premier exemple d'animation en volume.

En 1907, les réalisateurs américains Wallace McCutcheon (pour la partie animation en volume) et Edwin S. Porter (pour la partie jouée) tournent The 'Teddy' Bears, destiné aux enfants, adapté d’un conte des frères Grimm, Boucle d’or et les Trois Ours, au cours duquel un ballet d’oursons en peluche constitue une parenthèse dramaturgique étonnante, mais qui a assuré le succès de ce film où les ours de l’histoire, en dehors de ce ballet, sont joués par des comédiens déguisés[5].

Parallèlement, le réalisateur franco-espagnol Segundo de Chomón adopte cette technique et produit un remake de La Maison hantée, tandis qu’Émile Courtet, dit Émile Cohl, après avoir fait un dessin animé, Fantasmagorie, essaie par animation en volume tout ce qui est à utiliser dans ce procédé : allumettes, papier découpé, marionnettes, personnages humains et leurs accessoires. La technique est maintenant bien rodée.

Ainsi, aux États-Unis, Willis O'Brien réalise les effets spéciaux du film Le Monde perdu en 1925 et de King Kong en 1933, qui assurent le succès de ce dernier et même sa seule existence puisque le personnage principal du singe gigantesque est à 90% une animation en volume (le reste étant sa main géante animée en prise de vues réelles par d’astucieuses mécaniques et d'habiles manipulateurs).

En 1936, le réalisateur Jean Painlevé et le sculpteur René Bertrand, réalisent un court métrage de 13 minutes entièrement réalisé en pâte à modeler : Barbe-Bleue, sous-titré Féerie en sculpture animée. Ce film est réalisé en couleur, en Gasparcolor, un procédé inventé par le Hongrois Bela Gaspart.

Ce film inspire Ray Harryhausen qui, par la suite, travaille, seul ou avec Willis O'Brien, sur de nombreux films comme le long métrage Jason et les Argonautes.

Les animateurs d'animation en volume les plus reconnus dans le monde de l'animation et ayant créé les bases de ces techniques restent certainement les Tchèques Jiří Trnka et Jan Švankmajer, le Russe Ladislas Starewitch et le Japonais Kihachirō Kawamoto, inspiré par le travail de Trnka.

Dans les années 1970 et 1980, Industrial Light & Magic utilise parfois l'animation en volume pour des films tels que la trilogie Star Wars originale : la séquence d'échec, les Tauntauns et les AT-AT dans Star Wars, épisode V : L'Empire contre-attaque, et les AT-ST dans Star Wars, épisode VI : Le Retour du Jedi. Les deux premiers longs métrages de la série RoboCop utilisent une variante de la technique stop motion, appelée go motion, un procédé développé par Phil Tippett.

 
Une idée parmi tant d'autres, 1971. Le monstre engendré par le serpent.

En 1971, à l’initiative de Michel Bourdais qui les accompagna aussi dans leur démarche, deux classes de collégiens de sixième et cinquième de Bagnolet en Seine-Saint-Denis[6], conçoivent, réalisent et montent[7] un court métrage de 14 minutes : Une idée parmi tant d’autres. Ce film mêle tour à tour : arrêt de caméra, animation en volume et prise de vues réelles[8]. C’est, en France, la première création collective cinématographique de collégiens de 11 à 13 ans, accomplie entièrement durant les horaires de classes, dans une approche interdisciplinaire et une démarche de projet totalement novatrices à l’époque[9].

En 1973, le plus vieux film en Lego Stop Motion a été créé par Lars et Henrik Hassing alors agés de 10 et 12 ans pour l’anniversaire de mariage de leurs grands-parents[10].

En 1974, Will Vinton, animateur indépendant américain, crée Closed Mondays, avec l'aide du sculpteur Bob Gardiner (en), qui leur fait gagner un Oscar. Will Vinton baptise par la suite sa technique claymotion. Mélangeant des peintures à l'huile à la pâte à modeler afin d'obtenir un choix plus vaste de coloris.

Parmi les films récents connus du grand public, on peut citer Le sens de la vie pour 9 dollars 99 de Tatia Rosenthal, L'Étrange Noël de Monsieur Jack de Henry Selick ou les réalisations des studios Aardman Animations (Wallace et Gromit, Chicken Run et Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout), Les Noces funèbres de Tim Burton et Coraline (également réalisé par Henry Selick) ainsi que Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson et Le Petit Prince, sorti en 2015, utilisant à la fois les images de synthèse (par ordinateur) et l'animation en volume. Le studio Laïka s'est également fait remarquer par ses récentes productions (Boxtroll, Kubo), auxquelles a participé Henri Selick.

Côté francophone, on peut noter le succès en 2016 de Ma vie de Courgette de Claude Barras, production franco-suisse.

La technique d’animation en volume est parfois utilisée dans les publicités.

Technique

modifier
 
Animateur modifiant la position d'un personnage en volume entre deux prises de vue fixe.

Comme on l’a vu, l'animation image par image consiste à prendre une photo fixe d'une scène fixe, de modifier légèrement le contenu de la scène, reprendre une autre photo fixe, modifier, ad libitum. Cette succession d’instantanés a pour effet secondaire de supprimer le flou de mouvement (motion blur en anglais), le flou directionnel qui apparaît dans les films, ou bien lorsqu'on fait une photo en bougeant trop vite l'appareil ou si le sujet se meut rapidement, par rapport à la vitesse de prise de vue de l'instantané.

La conséquence est que l'animation manque de fluidité dans les gestes rapides, quand le déplacement est important d’un photogramme au suivant. Le rendu donne alors une impression de cisaillement, alors que dans la vie courante, l’œil humain est habitué à percevoir flou ce type de mouvements rapides.

Pour y remédier, en animation en volume, on bouge un peu le sujet lors de la prise de vue, dans la direction du mouvement que l'on veut représenter : c'est le go motion. Ces deux effets sont utilisés dans de nombreux courts métrages en volume, ainsi que dans la saga Star Wars par Phil Tippett : dans Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir les animations des créatures holographiques du jeu de stratégie (réalisées en stop motion) sont saccadées, alors que dans l'épisode V celles des tauntauns (réalisées en go motion) sont très fluides.

Dans les techniques traditionnelles avec caméra argentique, le fondu enchaîné de très courte durée (soft cut) était parfois utilisée pour réduire les saccades mais l’animation en volume bénéficie, comme les autres formes d’animation, de l’informatique : des logiciels permettent maintenant de lisser les mouvements enregistrés image par image pour leur donner la fluidité nécessaire, par une détermination des déplacements clés puis par un calcul du flou à appliquer entre chaque image. Ce calcul se fait en 2D, alors que les objets photographiés sont souvent des objets en volume sur plusieurs plans. Les films d'animation Magic Bullet et Twixtor utilisent ces techniques[réf. nécessaire].

Travaux possibles en amateur

modifier

Grâce aux techniques de la photographie numérique, l'animation en volume est à la portée de l'amateur : Il n'y a plus de film à développer et le résultat peut être vérifié immédiatement, certains logiciels spécialisés, comme le logiciel libre Stopmotion, permettent de visualiser directement la scène obtenue et de la comparer avec les étapes précédentes.

Une solution économique pour des premiers essais consiste à utiliser une webcam. Celle-ci permet généralement la prise de vue depuis l'ordinateur mais est souvent limitée à une définition de 640 × 480 pixels.

Il est aussi possible d'importer toutes les images dans des logiciels de montage classiques comme VSDC Free Video Editor pour ensuite caler une bande son sur le film.

Le principe est toujours de photographier la scène image par image, un appareil de prise de vue commandé à distance est nécessaire pour garantir la stabilité lors du déclenchement. L'utilisation d'un caméscope télécommandable capable de vues fixes est possible, mais l'idéal est d'utiliser un appareil photo numérique déclenché depuis un ordinateur (par liaison série, FireWire ou plus généralement USB) et pouvant stocker les fichiers directement sur le disque dur géré par l'ordinateur. Des logiciels libres permettant cette fonction sont disponibles en téléchargement.

  • L'appareil de prise de vue doit être parfaitement stable de même que l'éclairage : il faut supprimer la lumière du jour, et conserver un éclairage fixe artificiel durant les longues prises de vue.
  • Il est nécessaire d'utiliser un logiciel transformant la collection d'images fixes en film vidéo ; divers logiciels existent et permettent éventuellement le recadrage et le traitement (luminosité, teinte) de l'ensemble. Certains logiciels (le logiciel libre Eagle Animation, gratuit Monkey Jam, ou gratuiciel comme Framed pour Mac, ou les logiciels assez onéreux Stopmotion pro ou Adobe Photoshop par exemple) permettent d'obtenir directement un fichier vidéo (AVI, MOV…) après la capture image par image. Si l'on doit retravailler les images (par exemple effectuer une incrustation sur fond vert ou bleu), il est préférable de conserver les images numérotées ou de compiler ces images en un fichier vidéo non ou peu compressé (DV, MJPEG…).
  • Un logiciel de montage vidéo permettra le montage final et l'ajout d'une bande son avec l'image.

Évolution

modifier

Depuis les années 2000, cette technique a tendance à être remplacée par l'animation 3D, parce qu'elle est très contraignante. Cependant, certains réalisateurs reprochent à la 3D sa froideur d'expression, tandis que d'autres décident de mélanger les deux techniques, comme dans le film Les Noces funèbres de Tim Burton, principalement réalisé image par image, mais où certains effets trop complexes ont été faits en 3D.

Enfin, certains réalisateurs habitués à l'animation traditionnelle image par image, décident de réaliser leurs films en 3D en essayant de garder l'aspect et l'animation d'un film animé image par image, comme dans le film Souris City du Studio Aardman. L'utilisation de la 3D dans ce cas a été décidée à cause de l'importance de l'eau dans le film, l'eau étant particulièrement difficile à animer en stop motion.

Les objets (marionnettes, pâte à modeler...) pourront bientôt être animés par de petits robots, déchargeant les humains d'une tâche longue et fastidieuse.

Variantes

modifier

Il existe certaines variantes de l'animation en volume en fonction du type matière des objets animés, comme l'animation de pâte à modeler, l'animation de sable.

Pixilation

modifier
 
Pixilation signée Segundo de Chomón (1908).

La pixilation (de l'anglais pixilated) est une technique d'animation en volume où des acteurs réels ou des objets sont filmés image par image.

Cut-out

modifier

Le cut-out ou animation de papiers découpés est une technique d'animation en volume, où des personnages en papier sont filmés image par image.

Clay-motion

modifier

Rendue célèbre par Wallace et Gromit et Morph (en) du studio d'animation anglais Aardman, la clay-motion ou clayanimation est une technique d'animation en volume où des éléments en pâte à modeler sont animés image par image.

Longs-métrages en animation en volume (non exhaustive)

modifier

Quelques réalisateurs

modifier

Notes et références

modifier
  1. Louis Cros (dir.) et Institut pédagogique national (France), Documents pour la classe : moyens audio-visuels, Paris, Centre national de documentation pédagogique, (BNF 34382922, lire en ligne), « Le principe du cinéma "image par image" », p. 3
  2. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, Paris, Flammarion, , 719 p., p. 407-408
  3. Vincent Pinel, Dictionnaire technique du cinéma, Paris, Armand Colin, , 369 p. (ISBN 978-2-200-35130-4), p. 190
  4. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 21-22
  5. (en) Charles Musser, History of the American Cinema, Volume 1, The Emergence of Cinema, The American Screen to 1907, New York, Toronto, Charles Scribner’s Sons, Collier Macmillan, , 613 p. (ISBN 978-0-684-18413-5), p. 462-463
  6. Revue Education 2000, no 11, p. 57 : « Une expérience de cinéma avec des élèves de 6e/5e de Seine-Saint-Denis par Michel Bourdais. »
  7. Revue Education 2000, no 11, p. 61 : « Comment ne pas parler du montage ? C’est vraisemblablement l’opération la plus délicate et la plus laborieuse, mais combien efficace pour le développement de la créativité. À chaque instant les enfants sont sollicités par le choix des plans tournés, leur mise en ordre motivée soit par une exigence technique soit par l’impression reçue liée à leur sensibilité. »
  8. Revue Education 2000, no 11, p. 60 : « Ils découvrirent des artifices cinématographiques obtenus grâce à l’arrêt de la caméra, au tournage image par image, au changement des couleurs par des filtres placés devant les projecteurs, etc. »
  9. Générique du film : « D’approche concrète et interdisciplinaire, cette création collective s’ancra dans une démarche de projet totalement novatrice. »
  10. [1]

Annexes

modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

modifier

Articles connexes

modifier

Liens externes

modifier