Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ (BWV 639)

choral de Jean-Sébastien Bach

« Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ », BWV 639, est un choral pour orgue en fa mineur composé, peut être autour de 1716, par Jean-Sébastien Bach. Une variante tardive porte le numéro 73 des BWV supplémentaires (en).

Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ!
BWV 639
Je crie vers toi, Seigneur Jésus-Christ !
Genre prélude de choral
Nb. de mouvements 1
Musique Jean-Sébastien Bach
Langue originale allemand
Durée approximative 2 min 35 s
Dates de composition début du XVIIIe
Partition autographe Bibliothèque d'État de Berlin
BWV 639 au synthétiseur.
Version pour piano arrangée par Busoni, interprétée par Chiara Bertoglio (it).

Quarantième des quarante cinq préludes de l’Orgelbüchlein, le « petit livre d'orgue » où il a été inscrit vers 1720 sous le numéro 91 parmi les cent soixante quatre prévus, il servait très vraisemblablement durant l'office à préparer le chœur entonnant un hymne du même nom adopté par la liturgie protestante dès le temps de Luther, au début du XVIe siècle. Il a été rendu célèbre par la transcription pour piano qu'en a publié Ferruccio Busoni en 1898 (BV (de) B27 no 5).

Ressort musical

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La mélodie, assez sombre, est exposée en soprano à la main droite et accompagnée par une voix à la main gauche, qui se développe en une succession ininterrompue de doubles croches, et une voix au pédalier formée de croches.

 
Trois premières mesures. La mélodie est au soprano. On remarque le contrepoint de l'alto et de la basse.

Genèse

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Jean-Sébastien Bach s'est inspiré d'un hymne composé en 1526[1] ou 1516[2] qu'il retrouvera dans l'hymnaire[3] de l'église Saint Nicolas, à Leipzig, quand, en 1723, il en deviendra le cantor. Dès 1531[4] voire 1529[5], l'œuvre, alors diffusée anonymement, est devenue une pièce de la liturgie protestante, sélectionnée par Martin Luther lui même, puis adoptée d'une paroisse à l'autre[6]. Indûment attribuées au XVIIe siècle à l'auteur du Livre de huit chants (de) Paul Speratus[7], les paroles ont depuis pu l'être à une autre figure du luthéranisme naissant, Jean Agricola de Eisleben[8], qui fut écarté de la Réforme en 1536 pour des prises de position jugées « antinomistes ». Le nom du duc Albert de Prusse a aussi été avancé[9], ce qui donnerait une date de 1525.

La mélodie traditionnelle de 1533, au synthétiseur.

À partir de 1533[10] est imprimée avec ces paroles une musique[11] différente, en authente, qui demeure anonyme.

 
Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ! de Pachelbel, 1693. Son imitation libre ne conserve que les première notes de la mélodie de 1533.

Un siècle et demi plus tard, Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ! fait toujours partie des cantiques de l'office luthérien. Jean Christophe Bach, le cousin germain de celui qui n'est pas encore le père de Jean Sébastien, le joue à l'orgue et l'inscrit dans son recueil de chorals[12]. En 1677, l'organiste d'Eisenach reçoit le jeune Jean Pachelbel. Celui ci écrit en 1693 pour le même hymne une partition[13] d'orgue qui n'a plus qu'un lointain rapport avec les premières mesures de la mélodie de 1533. Il est, semble-t il, assisté dans cette publication par un autre Jean Christophe Bach, le frère aîné de Jean-Sébastien Bach, lequel n'a alors que huit ans.

 
La page manuscrite de l’Orgelbüchlein, c.1720.

Une vingtaine d'années passées, Jean-Sébastien Bach, avec son collaborateur Salomon Franck, se sert à son tour des paroles du premier paragraphe de l'hymne pour composer le sixième et dernier mouvement, un choral vocal, de sa cantate Barmherziges Herze der ewigen Liebe, BWV 185. Pour ce dernier mouvement, il revient à la mélodie traditionnelle, qu'il transpose en fa dièse mineur. L'œuvre est donnée pour la première fois à la chapelle ducale du château de Weimar le .

C'est cette même mélodie qui, à une date incertaine, est reprise pour faire le thème de la main droite du prélude de choral aujourd'hui noté BWV 639. Le compositeur la transpose en fa mineur et la développe pour l'orgue, soit deux claviers et pédalier. Il reprend l'idée apprise de Pachelbel de créer une atmosphère en plaçant le cantus firmus à la voix supérieure[14] et de la rythmer par imitation libre aux voix inférieures[15]. La pièce est une des dernières inscrites dans l’Orgelbüchlein, dont la rédaction a été vraisemblablement abandonnée au moins pour un temps en 1717 mais qui a pu être complété en 1720, date à laquelle l'auteur lui donne son titre comme pour mieux y renoncer, voire postérieurement.

En 1732, Bach, désormais directeur du Collegium Musicum (de) de Leipzig, y revient pour sa cantate elle aussi appelée Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ, BWV 177. Cette fois, c'est l'ensemble des paroles, soit cinq paragraphes, qui est illustré mais la mélodie est entièrement neuve. Une version simplifiée, BWV 1124, figure parmi les partitions (en) recopiées vers 1735 par Johann Ludwig Dietel, un élève de Bach à Saint Thomas de Leipzig.

La forme prélude pour orgue n'est pas pour autant négligée par le maître, puisqu'une transcription est recopiée, après 1748, par un autre élève, Johann Christian Kittel. Elle a été retrouvée dans la collection de Johann Christian Heinrich Rinck et n'a pas reçu de code BWV[16], la mélodie étant celle de BWV 639. La variante référencée BWV Anh. (en) 73 en revanche diffère en plusieurs points, notamment par l'ajout d'une introduction[17] et par un développement des motifs de la partie basse dans un style plus décoratif, la mélodie de la main droite touchant par contraste à l'ostinato. Il s'agit vraisemblablement d'une réécriture opérée par le second fils de Jean-Sébastien Bach, Carl Philipp Emanuel Bach, peut être pour servir aux messes de Hambourg, où, directeur de la musique dès mars 1768, celui ci abuse du pasticcio.

Paroles

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Elles sont absentes du prélude pour orgue, mais certainement pas de l'esprit qui animait les fidèles de l'époque. Elles reprennent le thème du De profundis en y ajoutant une référence à la théorie de la grâce.

« Je crie vers toi, Seigneur Jésus-Christ !
Je t'en prie, entends ma plainte !
Accorde moi la grâce en cette échéance !
Ne me laisse pas désespérer !
La juste foi, Seigneur, c'est bien
Celle que tu me veux donner,
Vivre pour toi,
Être utile à mon prochain,
Soutenir à jamais ta parole. »

Dans les éditions tardives,
Weg, « voie », remplace Glauben, « foi »[18].

« Ich ruf’ zu dir, Herr Jesu Christ!
Ich bitt’, erhör’ mein Klagen!
Verleih’ mir Gnad’ zu dieser Frist!
Lass mich doch nicht verzagen!
Den rechten Glauben, Herr, ich mein’,
Den wollest du mir geben,
Dir zu leben,
Mein’m Nächsten nütz zu sein,
Dein Wort zu halten eben.
 »

Premier paragraphe de l'hymne de Johannes Agricola.

Discographie

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Outre l'arrangement de Ferruccio Busoni, les pianistes disposent de ceux de Wilhelm Kempff et de Max Reger.

Ferruccio Busoni
Wilhelm Kempff
Max Reger

Orchestre symphonique

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Autres ensembles

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Violoncelle accompagné
  • Aleksander Debicz, violoncelle ; Marcin Zdunik, piano (janvier 2017, Warner) (OCLC 1036381479)
  • Relja Lukić, violoncelle ; Ezio Bosso, piano (décembre 2017, Sony)
  • Yo-Yo Ma, violoncelle ; Chris Thile, mandoline ; Edgar Meyer, contrebasse (mars 2016, Nonesuch) (OCLC 973888744)
Trio à cordes (arrangement Johan Farjot)
  • Arnaud Thorette, violon ; Maria Mosconi, alto ; Antoine Pierlot, violoncelle (octobre 2011, La Dolce volta LDV04) (OCLC 887457760)
Orchestre de chambre
  • Ophélie Gaillard, violoncelle piccolo ; Ensemble Pulcinella : Laurent Stewart, orgue coffre Blumenroeden 2004 et contrebasse (juillet 2012, Aparté) (OCLC 889983292)
Flûte accompagnée
  • Michael Form, flûte à bec ; Marie Rouquié, violon ; Étienne Floutier, basse de viole ; Dirk Börner, clavecin (juin 2017, Pan Classics PC 10384) (OCLC 1088415392)

Afin d'illustration

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Ce choral a été utilisé dans de nombreux films.

Annexes

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Bibliographie

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Sources

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  1. (de) Ms. CCXXX, dans Ph. Wackernagel (de), Bibliographie zur Geschichte des deutschen Kirchenliedes im 16. Jahrhundert, p. 89, Heyder & Zimmer, Francfort, 1855, cité dans Ph. Wackernagel, Das deutsche Kirchenlied : von der ältesten zeit bis zu Anfang des XVII Jahrhunderts, vol. III, p. 54, Teubner, Dresde, 1870.
  2. (de) Ph. Wackernagel (de), Das deutsche Kirchenlied : von der ältesten zeit bis zu Anfang des XVII Jahrhunderts, vol. III, p. 55, Teubner, Dresde, 1870.
  3. (de) G. Vopelius, Neu Leipziger Gesangbuch (de), no 627, Paroisse Saint Nicolas, Leipzig, 1632.
  4. (de) M. Luther, Geistliche Lieder, Andreas Rauscher, Erfurt, 1531.
  5. (de) M. Luther, Geistliche Lieder, Klug (de), Wittemberg, 1529, éd. non conservée.
  6. J. Zahn (de), Die Melodien der deutschen evangelischen Kirchenlieder, vol. IV "Die Melodien von den achtzeiligen trochäischen bis zu den zehnzeiligen inkl. enthaltend", p. 405, Bertelsmann, Gütersloh, 1891.
  7. J. Breverus (de), Gesang=Buch, Riga, 1664, rééd. Neu=Vielvermehrtes Rigisches Gesang=Buch, p. 232, Samuel Lorenz Frölich, Leipzig, 1741.
  8. (de) « gemacht durch Jon Eißleben des Hertz zoch Hans von Sachsen pridiger », cité dans Ph. Wackernagel (de), Das deutsche Kirchenlied : von der ältesten zeit bis zu Anfang des XVII Jahrhunderts, vol. III, p. 55, Teubner, Dresde, 1870.
  9. (de) M. Jenny (de), Geschichte des deutsch-schweizerischen evangelischen Gesangbuches im 16. Jahrhundert, p. 246, Bärenreiter, Bâle, 1962.
  10. (de) M. Luther, Geistliche Lieder auffs new gebessert zu Wittemberg, p. 135, Klug (de), Wittemberg, 1533, rééd. 1535.
  11. (de) « 7400 », dans J. Zahn (de), Die Melodien der deutschen evangelischen Kirchenlieder, vol. IV "Die Melodien von den achtzeiligen trochäischen bis zu den zehnzeiligen inkl. enthaltend", p. 405, Bertelsmann, Gütersloh, 1891.
  12. J. C. Bach, 44 Choräle welche bey wärenden Gottes-Dienst zum Praembuliren gebraucht werden können, no 17, [s.d.]
  13. J. Pachelbel, Erster Theil etlicher Choräle welche bey wärendem Gottes Dienst zum Prämbuliren gebrauchet werden können (en), no 1, Christoph Weigel, Nuremberg, [s.d.]
  14. (en) Kathryn Jane Welter, Johann Pachelbel : Organist, Teacher, Composer. A Critical Reexamination of His Life, Works, and Historical Significance, Harvard, Cambridge (Massachusetts), 1998 (thèse de doctorat), p. 144.
  15. (en) Ewald Valentin Nolte et John Butt, « Pachelbel [Bachelbel, Johann ] », dans Grove Music Online, Oxford University Press,  
  16. James Lyon, Johann Sebastian Bach, chorals : sources hymnologiques des mélodies, des textes et des théologies., p. 36, coll. Guides musicologiques, vol. VI (ISSN 0246-3865), Beauchesne, Paris, 2005 (ISBN 9782701014937).
  17. Premières mesures de BWV Anh. 73.
  18. (de) Kirchen-Gesangbuch für Evangelisch-Lutherische Gemeinden, p. 227, Evangelical Lutheran Synod of Ohio and Adjacent States (en), Saint Louis, 1862.
  19. Michel Laizé, in Répertoire des disques compacts, no 6, Groupe Express Expansion, Paris, août 1988 (ISSN 1148-6244).
  20. Dossier de presse du distributeur

Liens externes

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