Vendredi saint

fête religieuse célébrée par les chrétiens le vendredi précédant le dimanche de Pâques

Le Vendredi saint est la commémoration religieuse célébrée par les chrétiens le vendredi précédant le dimanche de Pâques. Il marque le jour de la crucifixion et de la mort de Jésus-Christ. Il fait partie du triduum pascal, qui s'étend du Jeudi saint (commémoration du dernier repas du Christ avec ses apôtres) aux vêpres du dimanche de Pâques. Appelé vendredi adouré ou adoré (du latin adorare) pendant le Moyen Âge en France[1], le vendredi saint est aussi connu comme le « Grand vendredi » ou « Saint et grand vendredi » dans la tradition orthodoxe.

Vendredi saint
Christ à la couronne d'épines, peint par Dirck van Baburen en 1623.
Christ à la couronne d'épines,
peint par Dirck van Baburen en 1623.

Observé par Les chrétiens
Type Célébration religieuse
Signification Commémoration de la Passion du Christ (Montée au calvaire et Crucifixion).
Date Vendredi précédant le dimanche de Pâques
Date précédente 7 avril 2023
Date courante 29 mars 2024
Date suivante 18 avril 2025
Célébrations Office du Vendredi saint dit de la Passion
Observances Chemin de croix,
Office avec la lecture de la Passion,
Adoration de la croix,
Méditation des 7 paroles du Christ en croix,
prières, jeûne
Lié à Pâques

Ce jour est férié dans un grand nombre de pays ou de régions, en Europe (Allemagne, Espagne, Portugal, Italie, Royaume-Uni, Suisse, Lettonie, ...), au Liban, en Amérique (Argentine, Brésil, Canada, Chili, 12 des 50 États des États-Unis...), en Afrique (Éthiopie, Kenya, Nigeria…) et en Asie (Hong Kong, Inde, Indonésie, Macao…).

C'est également un jour férié pour les départements français de la Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin. Bien qu'il ne soit pas légalement férié, ce jour est généralement chômé dans les collectivités territoriales de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane.[réf. nécessaire]

Objet de la commémoration

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Le Vendredi saint est la commémoration de la Passion et de la crucifixion de Jésus-Christ[2]. La mort du Christ et la foi en sa Résurrection sont fondamentales pour le christianisme ; ce jour est donc célébré par toutes les Églises chrétiennes. Il s'agit d'un jour de tristesse et de méditation sur la signification de cette mort[2].

Rites catholiques

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L'Église catholique préconise de jeûner si l'on est en bonne santé et âgé entre 14 et 65 ans (« privation substantielle de nourriture selon l’âge et les forces de chaque chrétien[3] ») le Vendredi saint. L'abstinence est également requise entre 7 et 70 ans (ne pas manger de viande).

Elle inclut le Vendredi saint et le Samedi saint dans le jeûne pascal, conformément à l’article 110 de Sacrosanctum Concilium[4]. Dans l’Église latine, un jour de jeûne signifie un seul repas complet, deux petites collations étant permises le matin et le soir à condition que les deux ensemble ne correspondent pas à un repas complet[5],[6]. Cette règle peut être observée moins rigoureusement le Samedi saint que le Vendredi saint[4].

Liturgie

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Les églises catholiques ont coutume de voiler les crucifix le dimanche quinze jours avant Pâques et de les dévoiler le Vendredi saint.

Des offices additionnels sont tenus en ce jour avec des lectures de l'Ancien et du Nouveau Testament.

L'office catholique central et solennel de ce jour, appelé « office de la Passion » ou « messe des Présanctifiés », fait partie du temps de la Passion de l'année liturgique. Cet office, dont la composition emprunte sa plus grande partie à une messe, n'en est cependant pas une (il y a bien communion mais pas consécration, les hosties déjà consacrées étant amenées à l'autel dans un ou des ciboire(s)). Sa structure principale est la suivante[7] :

La prière Oremus et pro perfidis Judaeis a comporté pendant plusieurs siècles une mention avilissante pour les Juifs (« juifs perfides »). Cette mention a été supprimée par Jean XXIII en 1959, et le concile Vatican II a clarifié la position de l'Église catholique sur les relations avec le judaïsme dans la déclaration Nostra Ætate en 1965[9]. Benoît XVI a modifié la prière « pour la conversion des juifs » du missel tridentin, en 2008[10], et en 2021 le motu proprio Traditionis custodes du pape François a annulé l'élargissement des conditions de célébration de la messe selon le rite tridentin.

Les crucifix voilés depuis le samedi de la quatrième semaine de carême (les images le sont aussi en ce jour) sont dévoilés à l'issue de la célébration.

Processions

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Procession du Vendredi saint à Ulm.

Les processions du Vendredi Saint sont séparées en deux groupes, en fonction du moment de leur célébration, avant ou après la célébration de l'Office de la Passion: les processions de la Passion, dont la plus répandue est celle du Chemin de Croix (ou Via Crucis), et les processions du Christ-Mort, aussi connues comme entierro ou enterrement du Christ, qui ont lieu à la nuit tombée.

 
Procession du Vendredi saint à Malte, en 2017.

Dans la tradition catholique, le Chemin de croix tend à méditer, ou même à reproduire, notamment en Amérique latine et aux Philippines, la Passion du Christ. Des chemins de croix en quatorze stations, commémorant chaque scène conduisant à la crucifixion, ont également lieu; ces derniers ont souvent lieu à midi ou à trois heures de l'après-midi (heure de la mort du Christ).[réf. nécessaire] De nombreuses processions ont lieu à travers le monde pour la Semaine sainte ou simplement le Vendredi saint.

En France, la tradition des processions se poursuit de nos jours telles que celle du Catenacciu en Corse, en particulier celui de Sartène[11],[12], mais aussi celle de la Sanch à Perpignan et dans le reste du Roussillon.

En Allemagne, des « Portements de croix vivants » (Lebendiger Kreuztracht) ont lieu dans les régions du sud, comme à Wiedenbrück, à Ulm et à Neu-Ulm, ainsi qu'à Stuttgart-Bad Cannstatt.

En Belgique, à Lessines, depuis au moins le XVe siècle, le Vendredi Saint est synonyme de Mise au Tombeau. À l'issue de l'office, la procession de pénitents escorte le gisant du Christ dans les rues de la vieille ville, plongée dans l'obscurité, au son des tambours, des crécelles et des chants de lamentations ; pénitents porteurs de torches et de grandes lanternes, jeunes filles en capes noires accompagnant avec leurs petites lanternes la statue de Notre-Dame des Sept Douleurs, chantres, prêtres en chapes noires et rouges, "deuillantes" en mantille composent un étrange cortège funèbre qui réintègre ensuite l'église Saint-Pierre où s'effectue la Mise au Tombeau du Christ.

Mais c'est surtout en Espagne et en Italie que les processions du Vendredi saint sont les plus impressionnantes, de même que dans les pays d'Amérique latine. Les plus connues mondialement sont probablement celles de la Semaine sainte à Séville[11].

Rite byzantin

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Fleurissement de la représentation du Sépulcre du Christ dans une église russe, le Vendredi saint.

Dans la plupart des Églises orthodoxes, un jeûne rigoureux (abstention totale de nourriture) est demandé le Vendredi saint au moins jusqu'aux Vêpres, pourvu que l'âge et l'état de santé des fidèles le permette[13].

L'office des matines a conservé, contrairement à celui du reste de l'année, influencé par les usages palestiniens, la marque des traditions de la Grande Église de Constantinople. Pendant ces matines spécifiques, appelées Office des douze Évangiles, sont chantées quinze antiphones, au début de l'office, après quoi l'ordo est semblable à celui observé habituellement en carême. Le canon est un triode (à trois odes au lieu de huit) dont l'acrostiche est « Avant le Sabbat ». La particularité principale de cet office est que tout au long de son déroulement sont lues douze péricopes évangéliques qui relatent les derniers enseignements du Christ aux apôtres; lecture à laquelle se mêlent hymnes, méditations, tintements de cloches ainsi que la prière sacerdotale (première lecture, Jean 13,31 - 18,1), puis l'accusation par les Juifs, la condamnation devant Pilate, la Crucifixion et l'ensevelissement, issus des quatre évangiles.

Les heures suivent le déroulement de l'office des heures royales, avec la lecture de psaumes propres, le chant de stichères, et des lectures de l'ancien testament, des épîtres et des évangiles.

Aux vêpres, en plus des lectures de l'ancien testament, on lit une épître et une péricope évangélique ; lorsque le chœur entonne l'apolytikion, le clergé sort du sanctuaire en portant l'épitaphion, une représentation du Christ gisant au tombeau, et vient la déposer au milieu de l'église, pendant que les fidèles s'agenouillent. À la fin de l'office, les fidèles vénèrent l'épitaphion en se prosternant.

Protestantisme

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Service du vendredi saint dans une église luthérienne à Hanovre, Allemagne, 2014.

Plusieurs églises protestantes organisent un service interconfessionnel avec Sainte-Cène [14].

Calendrier

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Le Vendredi saint est célébré deux jours avant Pâques, et est donc une commémoration mobile, toujours comprise entre le 20 mars et le 23 avril. En raison de la réforme du calendrier grégorien, il n'est pas célébré aux mêmes dates par toutes les Églises, les chrétiens orthodoxes ayant pour la plupart conservé le calendrier julien comme base de leur calendrier liturgique.

Ce jour est férié dans un grand nombre de pays dont une partie de la population est chrétienne, par exemple en Allemagne, en Angola, au Canada, en Espagne, en Finlande, en Italie, en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède ou encore dans certains cantons suisses[15].

 
Cliquet du Vendredi saint, Allemagne, XIXe siècle.

En France, le Vendredi saint est également férié en Alsace (Bas-Rhin et Haut-Rhin) et en Moselle[16]. Dans ces trois départements, la journée n'est chômée que dans les communes où se trouve un temple protestant ou une église mixte[17]. En 1957, en Alsace, les fidèles affluaient dans les églises protestantes et certains qui n’allaient jamais au culte tenaient à être présents ; on parlait d'ailleurs des « chrétiens du Vendredi saint »[18]. Pour les catholiques, cette commémoration religieuse était moins célébrée. En sorte que, dans certains villages mixtes, les paysans catholiques romains s'arrangeaient pour rentrer le fumier devant leurs concitoyens protestants endimanchés… qui leur rendaient la pareille en travaillant ostensiblement le , fête de l'Assomption[19],[20].

Les cloches ne sonnent pas pendant le Vendredi saint. Dans certains pays comme l'Allemagne, ou certaines régions (Alsace et Lorraine), elles sont remplacées par des crécelles pour annoncer l'Angélus et l'office.

  • Durant des siècles, les Juifs ont été tenus d'assister à un sermon spécial le Vendredi saint (dont l'exorde « Oremus et pro perfidis Judaeis »), occasion de nombreuses émeutes populaires contre eux[21], s'ajoutant à celui du samedi, avant de se rendre à la synagogue[22],[23].
  • Dans l'opéra Parsifal, de Richard Wagner, l'acte III, scène 1, se situe pendant le Vendredi saint et se traduit par un long passage symphonique connu sous le nom de L'Enchantement du Vendredi saint[24]. Ce passage, qui exprime l'émerveillement devant la beauté de la nature lors de la scène de la clairière, est souvent joué seul en concert.
  • L'« Accord du Vendredi saint » (Good Friday agreement), signé entre les gouvernements irlandais et britannique, a ouvert la voie à un processus de paix dans le conflit nord-irlandais.
  • Traditionnellement, la Bourse de Paris est fermée le Vendredi saint, tout comme le lundi de Pâques, soit quatre jours sans cotation[25].

Notes et références

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  1. Maurice Vloberg, Les fêtes de France: coutumes religieuses et populaires. Ouvrage orné de 181 héliogravures, couverture et hors-texte, B. Arthaud, (lire en ligne), p. 81
  2. a et b Vendredi saint Fédération protestante de France.
  3. Jeûne sur eglise.catholique.fr.
  4. a et b « Sacrosanctum concilium » [archive du ] (consulté le ).
  5. (en) « Fast & Abstinence » [archive du ], sur United States Conference of Catholic Bishops (consulté le ).
  6. « Fasting and Abstinence » [archive du ], sur Catholic Bishops' Conference of England and Wales, (consulté le ).
  7. « Site "Liturgie et Sacrements", Célébration de la Passion du Vendredi saint, édité par le Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle de la Conférence des évêques de France » (consulté le )
  8. Vendredi saint Portail de la liturgie catholique.
  9. Anita Bourdin, « De la prière pour le peuple juif le Vendredi saint : repères historiques », sur ZENIT - Francais, (consulté le ).
  10. « Le pape modifie une prière « pour la conversion des juifs » du Vendredi saint », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  11. a et b Philippe Rouillard, Les Fêtes chrétiennes en Occident, Le Cerf, , 347 p. (ISBN 978-2-204-07106-2, lire en ligne), p. 71-80.
  12. Reportage "Corse : La poignante procession de Pâques à Sartène", émission Le 1245 (M6) du 10 avril 2023.
  13. (en) Sergueï Boulgakov, « Great Friday », (1900), Handbook for Church Servers, 2e éd., Kharkov, Tr. Archpriest Eugene D. Tarris, p. 543.
  14. Britannica, Encyclopedia of World Religions, Encyclopaedia Britannica, USA, 2008, p. 309
  15. Il n'est pas férié au Tessin, ni en Valais (cf. l'article Jours fériés en Suisse).
  16. « Jours fériés en France », sur joursferies.fr (consulté le ).
  17. « Vendredi saint considéré comme chômé en Alsace-Moselle : Question écrite n° 26721 de M. Jean Louis Masson (Moselle - NI) publiée dans le JO Sénat du 29/03/2007 - page 676 », sur senat.fr.
  18. F.G. Dreyfus écrit dans Le protestantisme alsacien : « Le nombre de fidèles peut être confirmé par le recensement et les chiffres de réguliers ou irréguliers pouvaient être recoupés avec les chiffres de présence le 29 avril et avec ceux du Vendredi saint et du Dimanche de Pâques. » On voit que l'assistance à ces deux célébrations est caractéristique.
  19. Voir chez Alfred Wahl, Confession et Comportement dans les campagnes d'Alsace et de Bade, 1871-1939, Éditions Coprur, 1980, p. 642 et sqq.
  20. Alfred Wahl, Petites haines ordinaires, Nuée bleue, 2004, page 7
  21. Martine Boiteux, « Les Juifs dans le Carnaval de la Rome moderne, XVIe – XVIIIe siècles », Mélanges de l'école française de Rome, vol. 88, no 2,‎ , p. 745–787 (DOI 10.3406/mefr.1976.2371, lire en ligne, consulté le )
  22. Gérard Pelletier, « Chapitre I. Un Romagnol sur le trône de saint Pierre », dans Rome et la Révolution française : La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799), Publications de l’École française de Rome, coll. « Collection de l'École française de Rome », (ISBN 978-2-7283-0995-5, lire en ligne), p. 31–65
  23. Heinrich Graetz, « Histoire des Juifs, 3, 4, XV, Le Sanhédrin de Paris et la Réaction — (1806-1815) ».
  24. « L'Enchantement du Vendredi saint », sur richard-wagner-web-museum.com.
  25. « La bourse de Paris fermée pour un long week-end de Pâques », (consulté le ).

Voir aussi

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Articles connexes

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