Cycle de mélodies

groupe de chansons conçu pour être exécuté en séquence comme une seule entité
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Un cycle de mélodies, cycle de lieder (en allemand : Liederkreis ou Liederzyklus), cycle de chant (anglais : Song cycle, espagnol : ciclo de canciones) est une collection de pièces vocales complètes individuellement, mais conçues pour être interprétées dans une séquence[1] ; l'œuvre musicale empruntant souvent son unité à un cycle de poèmes.

Les cycles de Franz Shubert.

Les mélodies/lieder sont écrits soit pour la voix seule ou un ensemble, ou rarement une combinaison de mélodies/lieder seuls mêlés à des pièces chorales[2]. Le nombre de mélodies/lieder d’un cycle peut ne pas excéder deux[3] et à l’inverse s’élever à 30 et même plus[1],[4]. Le terme « cycle de lieder » n’est pas entré dans la lexicographie allemande avant 1865, dans l’édition d'Arrey von Dommer du Musikalisches Lexikon de Koch, mais des œuvres rétrospectivement qualifiables de cycles de mélodies/lieder existaient bien avant[1]. L’un des plus anciens exemples est peut-être le jeu de sept Cantigas de amigo du compositeur et poète galicien Martin Codax au XIIIe siècle[5].

Un cycle de mélodies/lieder est semblable à une collection de mélodies/lieder et les deux peuvent être difficiles à distinguer. Un certain type de cohérence est cependant considéré comme un attribut nécessaire à un cycle de mélodies/lieder. Elle peut provenir du texte (un seul poète, une histoire, un thème central ou d’un sujet comme l'amour ou la nature), d’un état d'esprit unificateur, d’une forme poétique ou du genre, comme dans un cycle de sonnets ou de ballades ou de procédures musicales (parcours tonal ; motifs récurrents, passages ou chansons entières, structures formelles). Ces caractéristiques unifiantes peuvent apparaître seules ou en combinaison[1]. En raison de ces nombreuses variations, le cycle de mélodies/lieder « résiste à la définition »[6]. La nature et la qualité de cette cohérence au sein d’un cycle de mélodies/lieder doivent donc être examinées « au cas par cas »[6].

Cycles de lieder allemands

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Bien que la plupart des pays européens ont commencé à développer le genre « art du chant » au début du XIXe siècle, l'essor des lieder d'Autriche et d'Allemagne l'emporte sur tous les autres en termes d'influence[7]. La composition de lieder de langue allemande à la fin du XVIIIe siècle passe de la forme strophique et accessible des chansons folkloriques traditionnelles aux dispositions du XIXe siècle d'une poésie plus sophistiquée destinée à une classe moyenne plus instruite, « qui supplantent progressivement l'aristocratie comme principale cliente des arts »[8]. Étant donné que ces Lieder sont à une échelle relativement petite, comme la poésie lyrique utilisée pour leurs dispositifs musicaux, ils ont souvent été publiés dans des collections et, par conséquent empruntent différents termes poétiques pour marquer leurs groupements : Reihe (série), Kranz (ronde), Zyklus (cycle) ou Kreis (cercle)[9]. Durant les premières décennies des années 1800, les recueils de poésie et les mises en musique suivantes prennent une plus grande cohérence et intrigue dramatique sous-jacentes, donnant naissance au cycle de lieder[10]. Cette cohérence a permis au genre de s'élever à une « forme supérieure », assez sérieuse pour être comparée aux symphonies et cycles de pièces lyriques pour piano[11].

Le terme a été utilisé pour la première fois dans deux cycles de lieder allemands composés en 1816 : An die ferne Geliebte (op. 98) de Beethoven[12], et Die Temperamente beim Verluste der Geliebten (J. 200-3 / op. 46) de Carl Maria von Weber.

Le genre a été fermement établi par les cycles de Franz Schubert : ses Die schöne Müllerin (1823) et Winterreise (1827), mises en musique de poèmes de Wilhelm Müller, sont parmi ses œuvres les plus admirées. Le Schwanengesang (1828), toujours de Schubert, bien que réuni de façon posthume, est également souvent interprété comme un cycle.

Les grands cycles portant ce nom, comme les autres de Schumann, ont tous été composés dans les années 1840. Ils comprennent Dichterliebe, Frauenliebe und -leben, deux recueils intitulés Liederkreis (op. 24 et 39 sur des textes de Heinrich Heine et Eichendorf respectivement) — mot allemand signifiant cycle de lieder — et le Kerner Lieder (op. 35), un Liederreihe (littéralement « Suite de lieder ») sur des poèmes de Justinus Kerner. Brahms a composé des séries (op. 33) de vers du roman Magelone de Ludwig Tieck, et les interprétations modernes comprennent habituellement une sorte de narration de liaison. Il a également écrit Vier ernste Gesänge (« Quatre chants sérieux »), op. 121 (1896). Les Lieder eines fahrenden Gesellen, Kindertotenlieder et Das Lied von der Erde de Gustav Mahler étendent l'accompagnement du piano à l'orchestre.

Hugo Wolf a fait de la composition de ces collections de Lieder par un unique poète quelque chose comme une spécialité, bien que les plus courts Italianishes Liederbuch et Spanisches Liederbuch (en) sont interprétés en une seule séance et Hollywood Liederbuch de Hanns Eisler se range également dans cette catégorie d’anthologie.

Das Buch der hängenden Gärten de Schoenberg et Reisebuch aus den österreichischen Alpen d'Ernst Krenek sont d’importants exemples au XXe siècle et la tradition est poursuivie par Wolfgang Rihm, avec une douzaine d’œuvres jusqu’à présent.

Parmi les exemples connus de Liederzyklen figurent :

Cycles de mélodies françaises

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Avec son cycle Les Nuits d'été (1841), Berlioz est un pionnier de l'utilisation de l'orchestre. Le cycle de mélodies françaises atteint un sommet avec La Bonne Chanson, La Chanson d'Ève et L'Horizon chimérique de Fauré, Claude Debussy Ariettes oubliées (Paul Verlaine), Fêtes galantes (Paul Verlaine) et Proses lyriques (propre texte) et plus tard, avec les œuvres de Poulenc : Tel jour, telle nuit (1936–1937, sur des poèmes de Paul Éluard) et Calligrammes (1948, sur des poèmes de Guillaume Apollinaire. Mais aussi Chausson, avec Serres chaudes op. 24 (sur des poèmes de Maurice Maeterlinck), Charles Koechlin avec Rondels (1890–1894, poème de Théodore de Banville) et les Odes anacréontiques op. 31 et op. 32 (1926) d'Albert Roussel. Maurice Ravel a laissé trois cycles : Shéhérazade (1903), les Chansons madécasses et Chansons de Don Quichotte à Dulcinée.

Des pièces plus récentes telles que Poèmes pour Mi, Chants de terre et de ciel et Harawi, Chant d’amour et de mort de Messiaen. Paroles tissées et Chantefleurs et Chantefables de Lutosławski ainsi que Correspondances (en) et Le temps l'horloge (en) de Dutilleux doivent aussi être mentionnées.

Cycles de chansons anglaises et américaines

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Le premier cycle de chants (cycle song) anglais est peut-être The Window; or, The Song of the Wrens (en) (1871) de Sullivan sur les onze poèmes de Tennyson. Au début du XXe siècle, Vaughan Williams compose son fameux cycle, Songs of Travel. Le compositeur et accompagnateur de Lieder Britten compose également des cycles, dont The Holy Sonnets of John Donne, Seven Sonnets of Michelangelo, Sechs Hölderlin-Fragmente (en) et Winter Words (en), tous avec accompagnement avec piano, et Les Illuminations avec orchestre, Sérénade pour ténor, cor et cordes et Nocturne.

Parmi les cycles de chants américains citons Hermit Songs (en) (1953) de Barber ainsi que Despite and Still, Songfest (en) (1977) de Bernstein, Hammarskjöld Portrait (1974), Les Olympiques (1976), Tribute to a Hero1981), Elegies for Angels, Punks and Raging Queens (en) (1989), Next Year in Jerusalem (1985) et A Year of Birds (1995) de Williamson, Honey and Rue (en) de Previn (composé pour la soprano américaine Kathleen Battle) et Raising Sparks de MacMillan (1997).

Cycles de chansons dans d'autres pays

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Moussorgsky compose Без солнца (en) (1874), Детская (en) et Chants et danses de la mort tandis que Chostakovitch compose des cycles sur des textes de poètes anglais et yiddish ainsi que d'Alexandre Pouchkine etVier Gedichte des Hauptmanns Lebjadkin d'après (Fiodor Dostoïevski).

Des cycles en d'autres langues ont aussi été écrits par Granados, Mohammed Fairouz (en), Falla, Juan María Solare, Grieg, Lorenzo Ferrero, Dvořák, Janáček, Bartók, Kodály, Sibelius, Rautavaara, Mompou, Montsalvatge et A. Saygun.

Le cycle de chants orchestral Sing, Poetry de l'album Troika (2011 est composé de mise en musique de poèmes en langue russe et anglaise de l'écrivain Vladimir Nabokov par trois compositeurs russes et trois américains[13].

Bibliographie

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  • Marcel Beaufils, Le lied romantique allemand, Paris, Gallimard, coll. « Pour la musique » (no 2), , 325 p. (OCLC 164765898)
    Réédition coll. « Les essais » no 221 (1982).
  • (de) Ewald Zimmermann, Der Liederzyklus – musikalische Form oder Anordnungsprinzip?. Dans : Klaus-Gotthard Fischer u. Christiane Schumann (éds.): Schubert-Jahrbuch 1996: Bericht von der Tagung Schubert-Aspekte. Duisbourg, 1996, p. 31–40.
  • (de) Clemens Kühn, Formenlehre der Musik. Bärenreiter, Kassel 1987, (ISBN 3-7618-1392-9).
  • Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel (dirs.), Guide de la mélodie et du lied, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 916 p. (ISBN 2-213-59210-1, OCLC 417117290, BNF 35723610)
  • (en) Cyrus Hamlin, The Romantic Song Cycle as Literary Genre. Dans : Walter Bernhart / Steven Paul Scher / Werner Wolf (éd.) : Word and Music Studies. Defining the Field. Amsterdam/Atlanta 1999, pp. 113–134.
  • (en) Susan Youens, « Song cycle », dans Stanley Sadie (éd.), The New Grove Dictionary of Music and Musicians, Londres, Macmillan, seconde édition, 29 vols. 2001, 25 000 p. (ISBN 9780195170672, lire en ligne)
  • (en) Manuel Pedro Ferreira, 2001. Codax [Codaz], Martin. The New Grove Dictionary of Music and Musicians, seconde édition, édité par Stanley Sadie et John Tyrrell. Londres : Macmillan Publishers.
  • (de) Elmar Budde, Schuberts Liederzyklen. Ein musikalischer Werkführer. Munich, 2003.
  • (en) Ruth O. Bingham, The Early Nineteenth-Century Song Cycle dans The Cambridge Companion to the Lied (en), ed. James Parsons (Cambridge: Cambridge University Press, 2004), p. 101–119.
  • (de) Günter Schnitzler, Zyklische Prinzipien in Dichtung und Musik am Beispiel von Heines »Lyrischem Intermezzo« und Schumanns »Dichterliebe«. Dans : Henriette Herwig et al. (éds.): Übergänge. Zwischen Künsten und Kulturen. Internationaler Kongress zum 150. Todesjahr von Heinrich Heine und Robert Schumann. Stuttgart 2007, p. 321–336.
  • (en) Rufus Hallmark, German Lieder in the Nineteenth Century, New York, Routledge, coll. « Routledge Studies in Musical Genres », , paperback éd., 434 p. (ISBN 978-0-415-99038-7 et 0-415-99038-6)
  • (en) Laura Tunbridge, Cambridge Introductions of Music : The Song Cycle, Cambridge, England, Cambridge University Press, , 230 p. (ISBN 978-0-521-72107-3)
  • (de) Ingo Müller, Eins in Allem und Alles in Einem: Zur Ästhetik von Gedicht- und Liederzyklus im Lichte romantischer Universalpoesie. Dans : Günter Schnitzler et Achim Aurnhammer (éds.): Wort und Ton. Freiburg i. Br. 2011, p. 243–274 (Rombach Wissenschaften: Reihe Litterae. vol. 173).

Notes et références

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  1. a b c et d Grove 2001.
  2. Un exemple est l’ensemble de Lieder de Schubert dans La Dame du Lac. Voir l'article sur l'« Ave Maria » de Schubert.
  3. Appelés dyad-cycles, selon Youens.
  4. Le Das holde Bescheiden op. 62 de Schoeck, en comporte quarante.
  5. Ferreira (2001).
  6. a et b Daverio, Chapter 9, The Song Cycle: Journeys Through a Romantic Landscape, German Lieder in the Nineteenth Century, éd. Rufus Hallmark, p. 366.
  7. Tunbridge 2010, p. 2.
  8. Tunbridge 2010, p. 2-3.
  9. Tunbridge 2010, p. 3.
  10. Tunbridge 2010, p. 3-4.
  11. Tunbridge 2010, p. 4.
  12. Peter Gammond et Denis Arnold (dir.) (trad. de l'anglais par Marie-Stella Pâris, Adaptation française par Alain Pâris), Dictionnaire encyclopédique de la musique : Université d'Oxford [« The New Oxford Companion to Music »], t. II : L à Z, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », (1re éd. 1988), 987 p. (ISBN 2-221-05655-8, OCLC 19339606, BNF 36632390), p. 29-30
  13. Troika: Russia's Westerly Poetry in Three Orchestral Song Cycles, Rideau Rouge Records, ASIN: B005USB24A, 2011, liner notes, p. 4