Fontaine (bassin)

construction d'où jaillit de l'eau

Une fontaine est une construction, généralement accompagnée d'un bassin, de laquelle jaillit de l'eau. Une fontaine peut être naturelle, c'est-à-dire alimentée par une source ou faire partie d'un réseau de distribution d'eau, un réseau d’aqueducs, ou un réseau alimenté par des pompes. La fontainerie classique distingue les fontaines des jets d'eau, nappes d'eau et cascades.

Fontaine de Saturne, sanctuaire du Bon Jésus du Mont (Portugal).
Fontaine monumentale, éclairée de nuit (Munich).

Les fontaines ont participé à l'hygiène publique, limitant le risque de choléra ou de maladies véhiculées par les puits susceptible d'être contaminés par les excréments et eaux usées. Certaines fontaines ont servi d'abreuvoir. En Europe, le fontanier ou fontainier, parfois désigné par la population était chargé de l'entretien, des réparations ou de dégeler la fontaine en hiver.

Les fontaines sont en ville, un élément encore utilisé comme tel dans certains parcs et jardins.

Définitions modifier

Une fontaine est d'abord le lieu d'une source, d'une « eau vive qui sort de terre », selon le premier dictionnaire de l'Académie française). C'est le cas de la mythique fontaine de jouvence.

La fontaine est aussi la construction faite pour recueillir l'eau jaillissant d'une source ou amenée – sous pression ou par gravité – par un conduit. « Fontaine, se dit aussi de tout le corps d'architecture qui sert pour l'écoulement, pour l'ornement, pour le jeu des eaux d'une fontaine. »[1]

La fontaine a aussi désigné le « vaisseau de cuivre ou de quelque autre métal, où l'on garde de l'eau dans les maisons », et encore le robinet de cuivre par où coule l'eau d'une fontaine, ou le vin d'un tonneau, ou quelque autre liqueur que ce soit – par exemple dans les expressions anciennes « tournez la fontaine » ou « la fontaine d'un muid ». Le mot « fontaine » est aussi utilisé pour désigner un système de distribution, comme une fontaine à chocolat lors de certaines réceptions ou également une fontaine à oxygène pour désigner une forme de bar à oxygène le plus souvent en libre-service.

Le mot a enfin parfois été synonyme de fonts baptismaux, le « grand vaisseau de pierre ou de marbre, où l'on conserve l'eau dont on a accoustumé de baptiser »[2].

Histoire modifier

Antiquité modifier

Les civilisations antiques construisent des bassins de pierre pour capter et retenir l'eau potable, bien précieux. Un bassin en pierre sculpté, datant d'environ 2000 av. J.-C., a été découvert dans les ruines du temple de Ningirsu dans l'ancienne cité sumérienne de Lagash[3]. Les Égyptiens avaient des systèmes ingénieux pour hisser l'eau du Nil pour l'alimentation en eau des populations et pour l'irrigation, mais n'ayant pas de sources en eau élevées, aucune fontaines n'a été retrouvée.

Les Grecs anciens sont apparemment les premiers à utiliser des aqueducs alimentant en eau des fontaines par gravité[4] à partir de sources et de rivières. Selon les historiens anciens, des fontaines existaient à Athènes, Corinthe, et d'autres villes grecques au VIe siècle av. J.-C.[5].

Les Romains construisent un vaste réseau d'aqueducs conduisant l'eau des montagnes et des lacs pour les fontaines et les thermes romains et pour irriguer les campagnes. Les ingénieurs romains utilisent des tuyaux de plomb au lieu du bronze et sont capables de réaliser des jets d'eau par charge hydraulique. Les fouilles de Pompéi révèlent des fontaines sur pieds et des bassins (monolithes ou constitués de plaques de pierre fixées entre elles par des agrafes métalliques) placés à intervalles réguliers le long des rues de la ville, alimentées par siphonnage à partir de tuyaux de plomb sous la rue. Elles révèlent également que les maisons des Romains les plus riches disposent souvent d'une petite fontaine dans l'atrium.

La Rome antique était une ville de fontaines. Selon le consul Frontin, Rome avait 39 fontaines monumentales appelées « nymphées » (certaines construites pour faire honneur aux personnes célèbres ou pour marquer les grands évènements) et 591 bassins publics alimentées par 9 aqueducs, sans compter l'eau fournie aux fontaines de la famille impériale, aux thermes et aux propriétaires de villas. Le plus grand nymphée de Rome était le Septizodium. Chacune des plus grandes fontaines sont alimentées par deux aqueducs différents, au cas où l'un est arrêté pour maintenance[6]. Il faut y ajouter d’innombrables petites fontaines aux formes les plus diversifiées, dont des vasques en marbres colorés ou en bronze, ainsi que des niches décorées de marbre, de sculptures ou de mosaïques, qui ornaient les demeures les plus riches ainsi que les jardins publics et privés, participant au confort des Romains en fournissant en ces lieux de l'eau potable à volonté. Pompéi nous en donne un aperçu mais n'est qu'un pâle reflet provincial de ce qui devait se trouver à Rome à l'époque impériale.

Moyen Âge modifier

Au Moyen Âge, les puits (captage des eaux souterraines) et les citernes (captage de l’eau de surface ou de l’eau tombée des toits qui est parfois clarifiée par un citerneau et amenée par des conduites à des structures creusées dans le roc ou maçonnées) sont plus courants que les fontaines. En effet, les aqueducs romains sont progressivement tombés en ruines, entraînant la disparition de nombreuses fontaines à travers l'Europe. Celles qui subsistent sont souvent sur des sites pourvus de sources naturelles non loin. Les fontaines sont souvent présentes dans les monastères, notamment les lavabos qui sont destinées aux ablutions, et d'autres dans les cloîtres qui sont censés être une réplique du jardin d'Éden. Mais il y en a aussi dans des jardins de palais (notamment dans les jardins d'amour propices à l'amour courtois)[7].

Les fontaines médiévales, à l'instar des cathédrales, sont illustrées de scènes bibliques, de l'histoire locale et des vertus de l'époque, telles la Fontana Maggiore (1275-1278) de Pérouse, dont les registres représentent les mois de l'année, des figures allégoriques (des arts libéraux, de la Bible, de l'Histoire de Rome, des scènes des fables d'Ésope…), des personnages bibliques et mythologiques (les points cardinaux, les figures tutélaires de la ville, comme Chiusi, le lac de Trasimène, les saints patrons…) et de didascalies[8], ou La Belle Fontaine (1385-1396) de Nuremberg, conçue comme une flèche gothique mesurant pas moins de 19 m de haut et ornée également de nombreux personnages.

Les fontaines médiévales peuvent également servir de distraction. Les princes à l'occasion de grandes fêtes font dresser des fontaines éphémères d'où coulent de l'hypocras. En 1295, Robert d'Artois fait aménager un jardin contenant toutes sortes de divertissements extraordinaires, « les merveilles d'Hesdin »[9].

La croissance démographique impose à partir du XIIIe et XIVe siècle de canaliser l’eau des sources vers les villes au moyen de conduites à pression réalisées avec des troncs de bois excavés, aboutissant à des fontaines avec bassin et pilier (borne). Ces bassins sont équipés d'un trop-plein qui se déverse dans les caniveaux des rues par une rigole, permettant de nettoyer celles-ci[10]. Elles peuvent aussi servir à alimenter des lavoirs.

Renaissance (XVe siècle au XVIIe siècle) modifier

Les fontaines à eau apparaissent surtout à la Renaissance. Au XIVe siècle, les humanistes italiens redécouvrent les textes romains oubliés : les ouvrages sur l'architecture de Vitruve, sur l'hydraulique par Héron d'Alexandrie, les descriptions des jardins et des fontaines romaines par Pline le Jeune, Pline l'Ancien et Varron sont traduits. Le traité d'architecture, De re aedificatoria, de Leon Battista Alberti, qui décrit en détail les villas romaines, les jardins et fontaines devient le guide de référence pour les constructeurs de la Renaissance[11].

En Italie modifier

Sixte V orne Rome d'un grand nombre de fontaines - Pasquin parodia le titre de Pontifex Maximus placé dans les inscriptions de ces fontaines et en fit Fontifex maximus, grand faiseur de fontaines[12] - parmi lesquelles la fontaine de Monte-Cavallo aujourd'hui perdue et la Fontana dell'Acqua Felice (1585) qui porte son nom, conçue par Domenico Fontana. Sur le même modèle est construite la Fontana dell'Acqua Paola (1612) par Giovanni Fontana le frère du précédent, commande de Paul V. La fontaine de la place Santa Maria in Trastevere est sur une œuvre préexistante, peut-être d'époque impériale, une création de Donato Bramante, avec des améliorations de Gian Lorenzo Bernini et finalement Carlo Fontana, petit-fils du premier.

En France modifier

Fontaines baroques (XVIIe siècle au XVIIIe siècle) modifier

Le XVIIe siècle et XVIIIe siècle est l'âge d'or pour les fontaines monumentales qui déploient des sculptures luxueuses et des effets les plus variés, notamment par les innombrables jets d'eau, l'élément par excellence des fontaines. Les fontaines de Rome, notamment les mostra, fontaines conçues pour marquer la fin d’un aqueduc, celles du Parc de Versailles et du Grand Palais de Peterhof en sont les représentantes les plus caractéristiques.

Néanmoins, les fontaines de villes sont encore rares. Pour faire face à la croissance démographique urbaine, sont aménagées des fontaines à Paris et en province, telle la grande fontaine à Nîmes qui jusitife l'élaboration d'un vaste jardin[7].

Parallèlement, les petites fontaines de villages et de campagne subsistent, telles les fontaines à dévotion.

Au Brésil modifier

En Italie modifier

En France modifier

En Russie modifier

Au Portugal modifier

Fontaines au XIXe siècle et au XXe siècle modifier

Dès le début du XIXe siècle, face à leur explosion démographique, Londres et Paris construisent des aqueducs et de nouvelles fontaines pour approvisionner en eau potable leur population, telle la fontaine du Palmier commandée en 1806 par Napoléon Ier. Ce dernier remet en service d'anciennes fontaines, telle la Fontaine Médicis, en fait construire qui servent de château d'eau (Fontaine du Château d'eau) ou qui ont uniquement une fonction décorative (fontaine Place des Vosges).

L’approvisionnement de la population en eau potable et en eau destinée à l’usage artisanal ou industriel se fait presque exclusivement par les fontaines jusqu'au XIXe siècle qui voit la construction des réseaux de canalisations d’eau entraînant la suppression ou le déplacement de nombreuses fontaines, surtout dans les villes[10].

Composants d'une fontaine modifier

La fontaine, isolée ou adossée, est constituée de[10] :

  • fondation : fondement de lattes ou soubassement de dalles
  • chèvre[13] ou borne à goulot : pilier vertical (souvent sous forme d'une colonne à chapiteau) comprenant la conduite d’alimentation[14] et le goulot (parfois orné d'une rosette, il est généralement en laiton)
  • un ou plusieurs bassins (ou auges) superposés. Faisant office de réservoir, ils comportent un écoulement et un trop-plein (régulation par une soupape de trop-plein généralement en laiton, à filetage ou à clavette). Une vasque est un bassin arrondi (typiquement la vasque de débordement)
  • piédestal souvent sculpté et orné de cartouches

Elle est soit isolée soit adossée, parfois à une façade ornée de bossages vermiculés encadrant une niche.

Fontaines célèbres modifier

 
La Buckingham Fountain à Chicago (Illinois, États-Unis).

Proverbes ou expressions populaires modifier

L'eau qui coule, évoquée par la chanson « À la claire fontaine… », le bruit du jet d'une fontaine avait la réputation d'apaiser celui qui l'entendait. « Il fait grand bien aux fiévreux de voir des peintures représentant fontaines, rivières et cascades. Si quelqu'un, la nuit, ne peut trouver le sommeil, qu'il se mette à contempler des sources et le sommeil viendra » a écrit l'architecte Leon Battista Alberti dans De re aedificatoria.

  • Ne jamais dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ».
  • À celui qui me dit : « Je suis de tel pays », je réponds : « De quel arbre ? Et de quelle fontaine ? »[15].
  • « Je meurs de soif auprès de la fontaine… - Rien ne m'est sûr que la chose incertaine »[16].
  • « Les obsessions sont des fontaines de jouvence. Elles épouvantent la mort »[17].

Notes et références modifier

  1. Dictionnaire de l’Académie française, 5° édition (1798)
  2. Dictionnaire de L'Académie française, 1re édition (1694)
  3. Illustration du bassin
  4. Le principe du siphon est également utilisé.
  5. Hérodote, Histoires, livre 1, 59.
  6. Frontin, Les Aqueducs de la ville de Rome, traduction et commentaire de Pierre Grimal, Société d'édition Les Belles Lettres, Paris, 1943, 114 p.
  7. a et b Jean-Pierre Néraudau, Dictionnaire d'histoire de l'art, Paris, PUF, , 521 p. (ISBN 2-13-047756-9), p. 224
  8. Agnès Fontvieille, Philippe Wahl, « Propagande de l'eau, la fontaine de Pérouse (1275-1278) » in Nathalie Sarraute, du tropisme à la phrase, Université de Lyon II 2003, p. 172 Lire en ligne
  9. Le Guide Vert Nord Pas-de-Calais, Picardie, Michelin, , 448 p.
  10. a b et c Gregor Frehner, Moritz Flury-Rova, Heinz Pantli, « Fontaines », Aide-mémoire de l’Office fédéral de la protection de la population, Protection des biens culturels
  11. (en) Helena Attlee, Italian Gardens, A Cultural History, Frances Lincoln, , p. 11–12
  12. Le Magasin pittoresque, Volume 4. 1836
  13. Par analogie avec la chèvre.
  14. On peut y accéder par le puisard de régulation.
  15. Gilles Vigneault
  16. François Villon, in "Ballade du concours de Blois"
  17. Louise Weiss, dans Dernières voluptés (1979)

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

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