Château de Lugny

château fort français

Château de Lugny
Image illustrative de l’article Château de Lugny
Les tours d'entrée du château de Lugny (XIVe siècle), qui encadraient jadis un pont-levis donnant accès à la basse-cour de la maison forte.
Propriétaire initial Seigneurs de la famille noble de Lugny
Propriétaire actuel Association « Les Foyers communautaires »
Destination actuelle Collège du groupe scolaire privé « La Source », Maison des Foyers communautaires
Coordonnées 46° 28′ 21″ nord, 4° 48′ 27″ est
Pays Drapeau de la France France
Région historique Bourgogne
Région Bourgogne-Franche-Comté
Département Saône-et-Loire
Commune Lugny
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Château de Lugny
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Château de Lugny

Le château de Lugny est situé sur le territoire de la commune de Lugny en Saône-et-Loire, à l'ouest du bourg et au pied de la montagne du Château qui le surplombe.

Ce qu'il restait de ce château incendié en 1789, dont une partie était la propriété du docteur Paul Jacques dans l'entre-deux-guerres, fut transformé en école privée avec internat en 1946, à l'initiative du père Joseph Robert (1898-1987), prêtre nommé curé-archiprêtre de Lugny en 1935 et fondateur d'une communauté pastorale (la cure de Lugny avait été installée au château en 1910). Soixante-dix-sept ans plus tard, les lieux sont toujours partiellement occupés par cette école, devenue le groupe scolaire privé « La Source ».

Le château, dont la quasi-totalité des bâtiments est la propriété de l'association « Les Foyers communautaires » fondée en décembre 1946 (s'y trouve son siège : la Maison des Foyers), ne se visite pas (exception faite des Journées européennes du patrimoine).

Description modifier

Au Moyen Âge, le château de Lugny, flanqué de plusieurs tours et doté d’un donjon de plan carré « fort élevé et très beau », était ceint de fossés remplis d'eau grâce à la source de la Bourbonne – source dite « des Eaux bleues » – qui jaillit au pied de la montagne du Château.

« Le château est flanqué de quatre tours, il est assez irrégulier. Le seigneur qui l'occupe est baron de cette contrée, ce château est dans un bas, à côté d'une montagne assez haute, les terrasses règnent sur tout le bourg. » a écrit le curé de Lugny au milieu du XVIIIe siècle[1].

Toutefois, il ne reste qu'une petite partie de cet imposant château (dans lequel se rendait toujours en 1789 « la justice de la baronnie de Lugny et dépendances »[Note 1]) : il fut en effet incendié dans les derniers jours de juillet 1789, durant la Grande Peur.

Tours d'entrée et bâtiments adjacents modifier

Du château d'avant la Révolution française, il ne reste aujourd'hui que les deux tours rondes d'entrée (à trois étages) traditionnellement datées du XIVe siècle et une partie des communs, bâtiments correspondant pour l’essentiel à ceux de l’ancienne basse-cour de la demeure seigneuriale et formant un quadrilatère.

À chacune des deux tours d’entrée est accolé un étroit bâtiment. Ceux-ci, implantés perpendiculairement l’un à l’autre, sont couverts de hautes toitures à croupes en tuiles plates. La toiture du bâtiment accolé à la tour d’entrée du nord-est (celle de droite) est percée dans la croupe d’une lucarne dominant une tourelle circulaire dans œuvre amortissant l’angle entre le bâtiment et la tour.

 
L'entrée du château de Lugny (détail, photo prise en 2004).

Passées les deux tours d’entrée — qui flanquaient autrefois une porte avec pont-levis aujourd’hui disparue et qui ont conservé plusieurs canonnières réparties sur différents niveaux — on découvre sur la gauche trois ouvertures à arcades partiellement murées rappelant la « porterie », l’ancienne conciergerie du château.

Sur la droite sont visibles deux élégantes baies et leurs arcs en plein cintre moulurés puis l'entrée des anciennes écuries du château – traditionnellement datées du XVIe siècle — auxquelles donne accès une porte avec un arc en anse de panier.

Corps de bâtiment disparu modifier

Le bâtiment dans lequel résidaient les seigneurs de Lugny, cantonné de tours et comportant un haut donjon, s’élevait autrefois sur le terre-plein situé entre l’actuelle place de l’Église et la montagne du Château. Incendié dans la nuit du 27 au 28 juillet 1789, il a entièrement disparu et seules subsistent de cette construction la base d'une tour circulaire et, sur quelques dizaines de mètres, une petite partie de l’ancienne muraille.

L’ensemble, qui comprenait notamment une grande salle, de nombreuses chambres, une salle du trésor sous forme de « cabinet voûté » renfermant les « livres à terriers [...] contenant les redevances et droits seigneuriaux qui sont dus à ladite maison de Lugny » et une chapelle, était dominé par un donjon que le curé de Lugny évoquait en ces termes au milieu du XVIIIe siècle : « Dans l’intérieur du château est une tour quarrée à girouëtte extrêmement haute. Il y a une horloge[Note 2] qui en fait la décoration […]. »

Le terre-plein évoqué ci-dessus, de nos jours dépourvu de toute construction, est régulièrement le lieu d’effondrements témoignant de pièces existant encore sous la surface du sol, comme l’ont notamment relaté plusieurs anciens élèves de l’école privée : « Je me souviens qu’un jour le ballon avec lequel nous jouions avait été expédié un peu trop loin… et que nous l’avions retrouvé en un endroit où le sol s’était effondré, laissant deviner une maçonnerie de pierre que j’ai gardée en mémoire, vestiges enterrés d’une ancienne voûte renvoyant évidemment à la maison forte des seigneurs de Lugny. »[2] Le dernier de ces effondrements s’est produit en 2018, et a permis les observations attentives d’un spéléologue : « Cet effondrement a mis en évidence l’existence d’une salle voûtée, dont il ne subsiste qu’une petite partie, le reste étant écroulé. Ce qui reste de cette petite salle basse mesure environ quatre mètres de long sur trois de large. La voûte, en anse de panier, est bâtie de pierres calcaires grossièrement équarries, disposées sans soin et à joints vifs. »[3]

Chapelle seigneuriale modifier

Non loin des tours de la maison forte, dans le transept sud de l’ancienne église paroissiale (bâtie à l’époque romane mais démolie en 1823 pour être remplacée par l’église actuelle), se trouvait « la chapelle et oratoire de long temps et antiquité construit tout proche le château et maison forte de Lugny, joignant et tenant devers midy à l’église dudict lieu et appelé la chapelle du château », desservie par deux chapelains et qui existait déjà en 1493 « pour la sépulture des seigneurs et dames de Lugny, tout proche le chasteau » et placée sous le vocable de saint Nicolas, saint Claude, saint Georges et sainte Catherine[4]. Le dernier seigneur de Lugny à y avoir été ensépulturé fut Melchior-Esprit de La Baume, marquis de Saint-Martin et treizième comte de Montrevel, baron de Lugny, mestre de camp de cavalerie en 1704 puis brigadier des armées du roi en 1719 et maréchal de camp en 1734, mort en son hôtel de Mâcon le 13 janvier 1740 et dont le corps fut aussitôt transporté « dans la terre de Lugny pour y être inhumé dans la chapelle de ses ancêtres »[Note 3].

Seigneurs et dames de Lugny modifier

Des origines à la Révolution française, quatre familles nobles possédèrent successivement le château de Lugny, la transmission de la terre de Lugny se faisant à chaque fois par mariage :

  • la maison de Lugny (des origines à la seconde moitié du XVIe siècle) ;
  • la maison de Chabot (par mariage en 1558 de Françoise de Lugny avec François Chabot) ;
  • la famille de Saulx (par mariage en 1579 de Catherine Chabot avec Jean de Saulx) ;
  • la maison de La Baume (par mariage en 1647 de Claire-Françoise de Saulx avec Charles-François de La Baume).

Famille de Lugny modifier

 
Armes de la maison de Lugny.

La branche aînée de cette maison noble s’éteignit dans la seconde moitié du XVIe siècle avec Jean III de Lugny, « dernier héritier mâle de la maison de Lugny », dont les ancêtres – si on s'en tient à la généalogie établie par Samuel Guichenon dans son Histoire de Bresse et de Bugey parue à Lyon en 1650 – furent successivement :

  • Josserand de Lugny, chevalier, époux de Marguerite, dame de Pizay (il était vivant en 1340, et testa en 1368) ;
  • Jean de Lugny, chevalier, époux de Jeanne, dame de Nanton et de Ruffey ;
  • Jacques de Lugny, chevalier, époux le 27 juin 1431 de Catherine de Dyo (né vers 1402) ;
  • Liébaud de Lugny, chevalier, époux le 26 février 1467 d'Agnès de Lévis (dont il eut Jean II qui suit) puis de Philiberte (ou Marguerite ?) de Saint-Trivier, dame en partie de Branges (il vivait encore en 1495) ;
  • Jean II de Lugny, chevalier, époux le 24 février 1505 de Catherine de Rossillon.

Jean III de Lugny, fils de Jean de Lugny et de Catherine de Rossillon, chevalier, seigneur de Lugny, était aussi comte de Brancion en tant que seigneur engagiste[Note 4], baron de Saint-Trivier (Saint-Trivier-en-Dombes, aujourd’hui Saint-Trivier-sur-Moignans, dans l'Ain), de Branges, de Blaignac, de Lessard et de Sagy. Il épousa en premières noces le Catherine de Saint-Trivier et de Branges pour moitié. Hormis Edmonde, aucun de leurs enfants ne leur survécurent, notamment pas Aimé-Charles, comte de Brancion, baron de Branges, de Blaignac, de Lessard-en-Bresse et de Sagy (mort sans alliance). Le , Jean de Lugny se maria en secondes noces avec Françoise de Polignac, déjà plusieurs fois mariée, qui lui donna Françoise, future dame de Lugny, femme de François Chabot et belle-mère de Jean de Saulx. Jean de Lugny donna le 4 mars 1539 l’aveu pour sa « terre et seignorie » de Lugny qu’il déclarait tenir « rière le Roy, en son bailliage de Masconnoys, en foy et hommage, en toute justice haulte moyenne et basse, mère mixte et impère, à charge de comparoir au rière-ban audict lieu de Mascon et y faire le debvoir et service tel qu’il luy plaira commander », à savoir huit cents livres de rente, « sur quoy fault distraire la terre et seignorie de Bissy-la-Masconnoyse, tenue de Monseigneur l’évesque de Mascon, de la valleur de deux cents livres tournoys de rante annuelle » et « les diesmes en ladicte terre et seignorie de Lugny, tant de bled que de vin, que ledict seigneur tient en foy et hommage dudit seigneur évesque, de valleur et estimation chascun an de la somme de cent livres tournoys »[5]. Il testa le .

En 1558, Françoise de Lugny, dame de Lugny, fille et héritière de Jean III de Lugny, épousa François Chabot, fils cadet de l'amiral Philippe Chabot, marquis de Mirebeau et comte de Charny, baron de Brion et de Fontaine-Française, chevalier des ordres du roi, et la seigneurie de Lugny passa de la maison de Lugny à la famille Chabot (originaire du Poitou).

Famille Chabot modifier

 
Armes de la maison de Chabot.

Ancienne famille du Bas-Poitou, dont l'origine remonte au XIe siècle.

Deux de ses membres possédèrent successivement la terre de Lugny :

  • François Chabot, qui épousa Françoise de Lugny en 1558 (voir ci-dessus) ;
  • Catherine Chabot (morte en 1587), dame de Lugny, fille unique et héritière des précédents, qui épousa en 1579 Jean de Saulx (1555-1629), vicomte de Tavannes (Aisey-sur-Seine), baron de Sully et d’Igornay.

Famille de Saulx modifier

 
Armes de la famille de Saulx.

La famille de Saulx puis de Saulx-Tavannes, illustre et ancienne maison de Bourgogne que l'on fait remonter au XIe siècle, a fourni de grands généraux à la France ainsi que de hauts dignitaires à l'Église.

Elle tire son nom du château de Saulx-le-Duc, en Côte-d'Or, forteresse que cette maison possédait déjà au XIIe siècle.

Trois de ses membres possédèrent successivement la terre de Lugny :

  • Jean de Saulx (1555-1629), qui épousa Catherine Chabot en 1579 (voir ci-dessus) ;
  • Charles de Saulx (mort en 1629), fils du précédent, dénommé le « marquis de Lugny », qui fut bailli du Mâconnais ;
  • Claire-Françoise de Saulx, fille et héritière du précédent, qui épousa en 1647 Charles-François de La Baume, marquis de Saint-Martin.

Famille de La Baume de Montrevel modifier

 
Armes de la maison de La Baume.

La famille de La Baume — parfois La Beaume, dite La Baume de Montrevel ou La Baume-Montrevel — était une famille noble française originaire de la Bresse. Ses premiers membres sont mentionnés dès le XIIe, avec une filiation suivie à partir du XIVe siècle.

Elle s'est éteinte en 1794 avec la décapitation du maréchal des camps et armées du roi Florent-Alexandre-Melchior de La Baume.

Cette famille a donné deux cardinaux-archevêques de Besançon, deux grands maîtres des arbalétriers de France, deux maréchaux de France, un maréchal et un amiral de Savoie, un régent de Savoie et un tuteur du comte Aimé IV, un vice-roi de Naples, dix-sept gouverneurs et lieutenants de province, deux chevaliers de l'ordre de Saint-Michel sous Louis XII et François Ier, deux de l'ordre du Saint-Esprit, quatre de l'ordre de la Toison d'or et quatre de l'ordre de l'Annonciade.

Trois de ses membres furent successivement seigneurs de Lugny :

  • Charles-François de La Baume (mort au château de Lugny le 2 mai 1666), qui épousa Claire-Françoise de Saulx en 1647 (voir ci-dessus) ;
  • Melchior-Esprit de La Baume (mort en son hôtel de Mâcon le 13 janvier 1740 et inhumé à Lugny), petit-fils du précédent, marquis de Saint-Martin, comte de Montrevel et baron de Lugny ;
  • Florent-Alexandre-Melchior de La Baume (1736-1794), marquis de Saint-Martin, quatorzième et dernier comte de Montrevel, comte du Saint-Empire, baron de Lugny.

Historique modifier

Lugny fut au Moyen Âge le berceau d’une maison de chevalerie – la maison de Lugny – dont la devise était « Le content est riche » et au sujet de laquelle un vieux proverbe bourguignon disait « N’est oyseau de bon nid qui n’a plume de Lugny ».

Celle-ci s’éteignit en ligne directe au milieu du XVIe siècle avec Jean III de Lugny (qui testa en 1552, mourut peu après, et ne laissa qu'une fille) et la seigneurie passa dès lors, successivement, par mariage, entre les mains de trois autres prestigieuses familles nobles.

En 1558, Françoise de Lugny, dame de Lugny, épousa François Chabot, fils cadet de l'amiral de Brion (Philippe Chabot).

 
Jean de Saulx (1555-1629).

Vingt ans plus tard, en 1579 : Catherine Chabot, dame de Lugny, épousa Jean de Saulx, vicomte de Tavannes (et vicomte de Lugny par sa femme) ; ligueur forcené comme son père Gaspard de Saulx, il était le fils cadet du maréchal de Tavannes (son frère aîné, Guillaume II de Saulx-Tavannes, catholique modéré et partisan d'Henri III puis de Henri IV, avait épousé autre Catherine Chabot, fille de Léonor Chabot-Charny, le frère aîné de François Chabot ci-dessus : les deux cousines germaines homonymes ont ainsi épousé les deux frères ennemis !).

Au début du XVIIe siècle, Charles de Saulx est « marquis de Lugny » (il sera bailli du Mâconnais de 1626 à sa mort en 1629)[6]. En 1647, Claire-Françoise de Saulx, fille et héritière du précédent, épousa Charles-François de La Baume, comte de Montrevel, mort au château de Lugny le 2 mai 1666[Note 5].

À la fin du XVIIe siècle, Jacques-Marie de La Baume, fils des précédents, né au château de Lugny le 20 août 1649, 11e comte de Montrevel, comte de Brancion et marquis de Saint-Martin, était baron de Lugny (fait brigadier des armées du roi le 30 mars 1693, il sera tué quatre mois plus tard, le 29 juillet, lors de la bataille de Neerwinden). Au début du XVIIIe siècle : Melchior-Esprit de La Baume, deuxième fils du précédent, treizième comte de Montrevel, était baron de Lugny.

1740 : Florent-Alexandre-Melchior de La Baume (né en 1736), quatorzième et dernier comte de Montrevel, fils du précédent, est le dernier seigneur de Lugny ; il sera mis à mort à Paris, place de la Révolution, le 19 messidor an II (7 juillet 1794), avec cinquante-huit autres condamnés.

Destruction par les Brigands en juillet 1789

« Le 27 juillet 1789, à six heures et demie du soir, les Brigands quittent ma maison pour se rendre à Lugny où plus de 200 autres qui étaient venus de Péronne les avaient devancés. Ils pénètrent dans le château de M. de Montrevel, brisent les portes, les glaces, les vitraux et tous les meubles, jettent les débris par les fenêtres. […] On ne voit de tous côtés que destruction. Enfin, on met le feu au château. La flamme était si grande entre une et deux heures de la nuit que j’aurais pu lire à ma fenêtre à la lueur du feu. Dans vingt-quatre heures ce château bien meublé fut tout pillé et brûlé ; on ne vit plus que des cheminées en l’air et des murs calcinés par le feu ou noircis par la fumée ; il n’y resta rien, pas même des gonds. » a consigné dans ses registres le curé Louis-François Dubost de la paroisse voisine de Bissy-la-Mâconnaise[7].

En 1786, par acte du 20 mai, les « revenus de la baronnie de Lugny » furent affermés pour la dernière fois, le bail de neuf ans « fait et convenu moyennant le prix et somme de 5300 livres par an » portant notamment sur le « gros domaine appelé la Grosse Grange situé au bourg de Lugny » ainsi que sur la « grande dixme sur les bleds, menüs grains et vins croissant dans la paroisse de Lugny et ses hameaux, tous les bleds et menüs grains à la onzième gerbe et les vins à l’onzième benne »[8].

En 1789, le château de Lugny, devenu au XVIIIe siècle relais de chasse des comtes de Montrevel, fut le premier du Mâconnais à être incendié par les « Brigands » – des paysans et artisans révoltés – lors des troubles qui, à la fin de juillet, pendant la Grande Peur, agitèrent le Haut-Mâconnais, ainsi que le Tournugeois et le Clunisois (nuit du lundi 27 au mardi 28 juillet 1789)[9].

L'ensemble du logis seigneurial, la chapelle castrale et le donjon disparurent dans les flammes, mais l'incendie préserva les bâtiments délimitant la basse-cour du château, en particulier les deux tours rondes de l'entrée et les bâtiments contigus.

Le comte de Montrevel ayant été suspecté – à tort – d'avoir émigré, ses biens furent mis sous séquestre par les autorités, parmi lesquels son château de Lugny et les biens en dépendant. Ce qui n'empêcha pas que les ruines de l'ancienne maison-forte servent, à l'occasion, de dépôt de matériaux dans lequel vinrent puiser un certain nombre de Lugnisois[10].

 
La plaque dévoilée en 2018 à la mémoire de Mgr Joseph Robert à l'entrée du parc du château.

Perdant leur vocation agricole après les désastres subis lors de la Révolution française, les bâtiments qui résistèrent à l'incendie abritèrent d'abord une filature de coton (première moitié du XIXe siècle) puis une fabrique de carreaux de couleur dits « carreaux-mosaïques » (une trentaine d’ouvriers y étaient employés en 1838) ; par la suite y furent successivement installés la gendarmerie (Lugny ayant été érigé en chef-lieu de canton en 1790)[11] puis, vers 1910, le presbytère (qui y demeura jusqu'au milieu des années 1980 et son transfert au no 56 de la rue du Pont).

À l'automne 1943, soucieuse de « contenir » les maquis qui se sont fortement développés en Haut-Mâconnais et en Tournugeois depuis l'invasion de la zone libre, l'armée allemande implante une petite garnison à Lugny, qui s'installe au château (commandement) et dans les locaux de la sale des fêtes (hommes de troupe et cantonnement) ; des patrouilles à vélo sillonnent dès lors les villages des environs.

 
Détail de l'une des tours d'entrée, restaurée en 2020. Ont été retrouvées lors des travaux plusieurs canonnières et l'ouverture qui permettait autrefois d'accéder au passage qui surplombait le pont-levis.

Le château de Lugny, qui fut acheté peu après la Seconde Guerre mondiale (1946) par l'abbé Joseph Robert (1898-1987)[Note 6], curé-archiprêtre de Lugny, est, depuis cette époque, un établissement scolaire : le collège du groupe scolaire privé « La Source »[12].

Fin 2020, d'importants travaux de rénovation ont été réalisés à l'initiative des Foyers communautaires, association propriétaire des lieux[13]. Des travaux qui ont permis de procéder à la réfection complète de la longue façade donnant sur le parc Mgr Joseph Robert, puis de la tour ronde du XIVe siècle (où plusieurs canonnières ont été mises au jour et désobstruées) et, en dernier lieu, de la façade nord[14].

En 2021, à l'initiative des Foyers communautaires, les lieux ont, pour la première fois, participé aux Journées européennes du patrimoine, recevant quelque 150 visiteurs au cours de la seule journée du dimanche 19 septembre[15].

En 2022, à la veille du week-end des Journées européennes du Patrimoine, un panneau explicatif conçu dans le cadre d'un partenariat entre Les Foyers communautaires et Lugny Patrimoine a été dévoilé au pied de l'une des tours d'entrée du château[16].

Toponymie modifier

L'une des rues du bourg de Lugny, dénommée rue du Château, rappelle le souvenir de l'ancienne maison-forte des seigneurs de Lugny (nom qui lui a été attribué dès le 2e quart du XIXe siècle, période au cours de laquelle furent officiellement nommées par la municipalité l'ensemble des voies publiques desservant les habitations du bourg de Lugny).

Bibliographie modifier

  • Léonce Lex, Notice historique sur Lugny et ses hameaux, Belhomme Libraire Éditeur, Mâcon, 1892.
  • Frédéric Lafarge, Paulette Berthaud, Lugny, mémoire de pierres, mémoire d'hommes, Bibliothèque municipale de Lugny, Lugny, 2006 (ISBN 2-9514028-1-3).
  • Françoise Vignier (sous la dir. de), Le Guide des Châteaux de France, 71 Saône-et-Loire, Editions Hermé, Paris, 1985.
  • François Perraud, Le Mâconnais historique, Protat Frères, Mâcon, 1921.
  • Jean Pautet et Michel Bouillot, Chemins des Brigands : juillet 1789 en Mâconnais, Fédération des Œuvres laïques de Saône-et-Loire (FOL 71), Mâcon, 1990 (96 pages).
  • Frédéric Lafarge, Un château en Mâconnais : Lugny, revue « Images de Saône-et-Loire » no 212 (), pages 2 à 7.
  • Gilles Auloy (président du Centre de castellologie de Bourgogne), « Le château de Lugny-en-Mâconnais », revue La Physiophile, n° 171, décembre 2019, pages 53 à 58.
  • Samuel Guichenon : Histoire de Bresse et de Bugey, Lyon, 1650. Ouvrage imprimé « chez Iean Antoine Huguetan, & Marc Ant. Ravaud, en ruë Mercière à l'enseigne de la Sphère ».
  • Pierre de Saint-Julien de Balleure : De l’origine des Bourgongnons, et antiquité des estats de Bourgongne, Paris, 1581. Ouvrage imprimé « à Paris, chez Nicolas Chesneau, ruë Sainct Jacques, au Chesne Verd ».

Voir aussi modifier

Liens externes modifier

Articles connexes modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Raison pour laquelle le château disposait de prisons.
  2. Horloge qui disparut en 1789 avec l’incendie du château mais dont la cloche – « du poids d’environ cent livres » – fut néanmoins réutilisée, comme le révèle une lettre du 2 novembre 1817 signée Guillon, ayant-droit des héritiers du comte de Montrevel et à ce titre propriétaire à Lugny, qui déclare que « dans le château de Lugny, il existait une cloche, qui après l’incendie de cet édifice fut portée dans la basse-cour près d’un pressoir, où (par adoucissement d’expression) elle fut prise clandestinement, et de là transportée dans le clocher de l’église de Lugny où elle sert depuis ce temps-là au rappel des fidèles, avec une autre […] qui est la seule que [la fabrique] possède légitimement » (extrait du registre des délibérations du conseil de la fabrique de l’église de la paroisse de Lugny, délibération du 4 décembre 1817).
  3. Chapelle où il sera rejoint, trente ans plus tard, par son épouse, Marie-Florence du Châtelet de Lomont, comtesse de Montrevel, morte à Mâcon le 14 octobre 1770, qui sera « présentée dans l’église de Saint-Pierre, sa paroisse, et de là […] transférée dans l’église de Lugny pour y être inhumée ».
  4. Il acquit Brancion par contrat d’engagement signé le 27 août 1548 à la chambre des comptes de Dijon (par « noble et scientifique personne messire Jehan Janyn, doyen de Louhans, procureur de messire Jehan de Lugny, chevalier, sieur et baron dudit lieu et de Branges, Lexard et Sainct-Trivier, et de dame Françoise de Pollignac, dame desdits lieux », portant sur « le chastel, maison fort, terre et chastellenye de Brancion, ainsi qu’ils s’estendent et comportent », moyennant la somme de 6165 livres 16 sols tournois).
  5. Les scellés furent apposés au château, « dans toutes les chambres et spécialement dans celle du trésor où sont les papiers et effets plus précieux de la dite maison », le 3 mai 1666, lendemain de sa mort.
  6. Par acte signé Joseph Soubeyran, notaire nommé d’office suppléant de maître Claude Ravat, notaire à Lugny, du 14 avril 1946, pour la somme de 750 000 francs, à l’épouse du docteur Jacques (Anna Suzanne Louise Jacques, née Patuel). La propriété consistait en un « tènement d'immeuble […] comprenant maison d'habitation principale à usage bourgeois (en mauvais état intérieur), cour, logement d'habitation indépendant avec jardin au sud de ce logement, jardin d'agrément au sud de la maison principale, bois à la suite de ce jardin, ainsi qu'à l'ouest de la maison principale, le tout d'un seul tènement [...], pour une superficie totale de un hectare vingt-huit ares quarante-deux centiares ».

Références modifier

  1. Alain Dessertenne et Françoise Geoffray, La carte de Cassini en Saône-et-Loire : description topographique des paroisses. Transcription intégrale des réponses données par les curés pour la plupart des paroisses de l’actuelle Saône-et-Loire lors de l’enquête lancée pour établir la carte de Cassini en 1757, Cercle généalogique de Saône-et-Loire, 2015, p. 254.
  2. Témoignage de Jean-Paul Geoffroy publié dans : Frédéric Lafarge, « Monseigneur Joseph Robert (1898-1987), Une communauté missionnaire en Mâconnais : Lugny », Les Foyers communautaires et l'Amicale des anciens élèves de l'école « La Source », Lugny, 2019 (ISBN 978-2-9570533-0-8).
  3. Source : « Le château de Lugny-en-Mâconnais », article de Gilles Auloy, président du Centre de castellologie de Bourgogne, publié dans la revue La Physiophile n° 171 de décembre 2019.
  4. À la veille de la Révolution, quatre autres chapelles existaient sur le territoire de la paroisse de Lugny : la chapelle du Rosaire installée dans le transept nord de l'église romane Saint-Denis, la chapelle se dressant au sommet de la colline Saint-Pierre, la chapelle castrale qui disparut dans l’incendie de juillet 1789 et la chapelle de Fissy placée sous le vocable de Notre-Dame-de-Pitié (le hameau de Macheron eut également sa chapelle, la « chapelle du Poizat », placée dans le giron de la commanderie du temple Sainte-Catherine de Montbellet et dont l’emplacement est encore cité en 1615). Source : Frédéric Lafarge, Si Saint-Pierre m'était conté..., bulletin municipal de Lugny pour l'année 2022, pages 29 à 31.
  5. Dénombrement conservé aux Archives départementales de l’Ain (E 349).
  6. Il devint bailli du Mâconnais « pour ses services surtout au combat naval contre ceux de La Rochelle, auquel il commandoit la proue du gallion de l’admiral », les lettres de provision de « l’office de bailli et capitaine du château fort pour Charles de Saulx, baron de Tavannes et de Lugny, nommé à la place de Pontus de Cibérans, démissionnaire » ayant été signées en décembre 1626 (source : Barthélémy Rameau, « Les anciens fiefs du bailliage de Mâcon »).
  7. Témoignage consigné le 31 août 1789, sur six pages, dans les registres paroissiaux de Bissy-la-Mâconnaise.
  8. L'acte notarié évoque « un grand grenier étant sur la cave des mulets pour retirer et serrer les grains provenant desdites dixmes et domaines, lequel est séparé du petit par une allée faite en planches, et deux caves pour serrer les vins qui sont la cave servant autrefois d’écurie aux mulets en entrant dans la cour du château et celle qui est derrière la grande écurie donnant sur le bois étant dans la même cour », un « logement pour le fermier qui consistera en celui qui est vis-à-vis l’entrée du grenier » et « l’usage de la basse-cour et des bâtiments où sont les deux pressoirs et les cuves », demeurant toutefois strictement réservés au seigneur « son château, ses jardins et autres dépendances, son colombier, ses terriers et rentes nobles, tous ses bois ». Sources : Archives départementales de Saône-et-Loire, 2F274.
  9. Un autre château des environs connut le même sort, incendié le lendemain par une autre bande de Brigands : celui de Senozan, propriété de la famille de Talleyrand. Source : Georges Lefebvre, La Grande Peur de 1789, Armand Colin, Paris, 1932.
  10. « Le citoyen Denis Large déjà réprimandé le 19 ventôse continue de dilapider les pierres provenant des décombres du château, bien que l’agent national l’ait prévenu qu’il était en infraction avec la loi puisqu’il n’avait aucune autorisation écrite des administrateurs du district de Mâcon. Le citoyen Denis Large persévère dans sa conduite, prétextant qu’il n’est pas le seul à se servir dans les restes du château. » Source : délibération du conseil municipal de Lugny en date du 3 germinal an III (23 mars 1795).
  11. « Déjà en 1846, le bâtiment du presbytère actuel servait de caserne de gendarmerie. Il est probable, d’après la tradition locale, qu’il servit à cet usage dès la première installation de la brigade à Lugny. La municipalité en payait la location aux propriétaires. Il conserva cette affectation jusqu’en 1907, époque où, de par la loi de Séparation, il fut "désaffecté". » Source : note manuscrite d’origine notariale, non signée, datée de janvier 1932, citée par Frédéric Lafarge dans Monseigneur Joseph Robert (1898-1987), Une communauté missionnaire en Mâconnais : Lugny, Les Foyers communautaires et l'Amicale des anciens élèves de l'école « La Source », Lugny, 2019 (ISBN 978-2-9570533-0-8).
  12. Groupe scolaire tirant ses origines d'une école avec pensionnat ayant ouvert en mai 1943 et fondée à des fins d’évangélisation, dans l’espoir de créer localement de futurs foyers profondément chrétiens. Source : « Mémoire de l'école privée de Lugny "La Source" : 1943-2013, 70 ans d'aventure humaine », Lugny, 2013.
  13. Par l'entreprise Bâtir Tradition de Lacrost sous la houlette de l’architecte Frédéric Faucher. Source : « Ravalement de façades à la Maison des Foyers », article de Michel Buchaillard paru dans Le Journal de Saône-et-Loire du 9 octobre 2020.
  14. La finition retenue par l'architecte étant celle dite « de la pierre vue ». Source : Marie-Chantal Laurens, Des façades réhabilitées à la Maison des Foyers communautaires, article publié dans le bulletin municipal de Lugny pour l'année 2020, page 20.
  15. Source : Marie-Chantal Laurens, Foyers communautaires : une année 2021 bien remplie !, bulletin municipal de Lugny pour l'année 2021, page 24.
  16. Panneau ayant pour titre « Un château en Mâconnais : Lugny ». Source : « Un panneau pour mettre en lumière l'histoire du château », article signé François Mouron paru dans Le Journal de Saône-et-Loire daté du 18 septembre 2022.