Max Linder

réalisateur et acteur français, vedette comique du cinéma muet
Max Linder
Description de cette image, également commentée ci-après
Max Linder en 1914.
Nom de naissance Gabriel-Maximilien Leuvielle
Naissance
Saint-Loubès (France)
Nationalité Drapeau de la France Français
Décès (à 41 ans)
Paris
France
Profession Acteur
Réalisateur
Films notables Sept Ans de malheur,
L'Étroit Mousquetaire

Gabriel-Maximilien Leuvielle, dit Max Linder (max lɛ̃dɛr), né le au lieu-dit « Cavernes », à Saint-Loubès (Gironde), et mort le (à 41 ans)[1] à Paris dans le 16e arrondissement, est un acteur et réalisateur français.

Il fut, en France, l'une des plus grandes vedettes comiques au temps du cinéma muet ; son jeu et ses inventions ont notamment influencé la création du personnage de Charlot, interprétée par Charlie Chaplin.

Biographie modifier

Jeunesse et débuts modifier

 
Cavernes, village natal de Max Linder au début du XXe siècle.
 
Max Linder en 1908.

Gabriel-Maximilien Leuvielle, futur Max Linder, naît en 1883 dans le petit village de Cavernes, situé dans un méandre rive gauche de la Dordogne, en amont du Bec d'Ambès et en aval de Libourne. Ce lieu-dit, entouré de vignes, est rattaché à la commune de Saint-Loubès en Gironde[2].

Son père, Jean, dit Marcel Leuvielle, né en 1858, (lui-même fils de marchands d’habits), et sa mère, Suzanne Baron (1860-1958), fille d’un tonnelier, sont vignerons. L'infestation du phylloxéra se propageant dans les vignobles bordelais, ses parents le confient lui et son frère à sa grand-mère maternelle et partent refaire fortune aux Amériques[3].

Après des études au lycée de Talence, le jeune Gabriel-Maximilien Leuvielle entre au Conservatoire de Bordeaux. Il en est renvoyé durant sa deuxième année, après une altercation avec un professeur. Il continue néanmoins de jouer le répertoire classique, sous le pseudonyme de Max Lacerda à la demande de son père. En 1904, il adopte le pseudonyme de Max Linder, choisi au hasard d'une promenade dans les rues de Bordeaux qui l'amène devant la devanture du magasin de chaussures Linder[3],[4].

La même année, il monte à Paris rejoindre un ancien professeur de déclamation qui dirige le théâtre de boulevard l’Ambigu. Il y joue ainsi qu'aux Variétés. Muni d'une lettre de recommandation d'un ami du théâtre de l'Ambigu, il est reçu dans la maison Pathé qui l'engage en 1905 pour « faire du cinématographe » : scénariste, réalisateur, acteur, il tourne alors près d’un film par jour[5]. Cela ne l'empêche pas parallèlement de tenter d'entrer au Conservatoire national supérieur d'art dramatique, mais il échoue au concours trois années consécutives[3].

Charles Pathé le découvre et l'engage. Son premier court-métrage s'intitule Le Premier cigare d'un collégien (1905). Il tourne quelques drames tels que Les Contrebandiers (1906), Un drame à Séville mais le public le préfère dans la comédie où un succès considérable l'attend.

Après quelques sketches burlesques (Un mariage à l'italienne, Les Débuts d'un yachtman et des comédies d'époque comme Dix femmes pour un mari en 1906), il crée le personnage de « Max », jeune dandy élégant, hâbleur, porté sur le beau sexe, toujours mêlé à des aventures loufoques dont il se tire avec brio. Max Linder se dote aussi d'un physique reconnaissable : costumes élégants, avec chapeau haut-de-forme (parfois melon), petite moustache.

Le départ d'André Deed pour l'Italie en 1908, lui donne enfin sa chance et il va rapidement devenir l'acteur de comédies principal aux studios Pathé.

Le succès de « Max » modifier

Le personnage de « Max » naît en 1910, avec Les Débuts de Max au cinéma (cependant certains de ces films plus anciens ont été rebaptisés avec l'ajout du terme Max...).

Dès lors, Max devient une attraction cinématographique de tout premier plan avec une centaine de courts-métrages, comme Comment Max fait le tour du monde (1910), Max hypnotisé (1910), Max ne se mariera pas (1910), Max fiancé (1911), Max victime du quinquina (1911), Le Roman de Max (1912), Entente cordiale (1912), Une idylle à la ferme (1912), Les Vacances de Max (1913), Max fait de la photo (1913), Le Duel de Max (1913), Max sauveteur (1914), Max au couvent (1914)… Il est tour à tour escamoteur, professeur de tango, toréador, pédicure, maître d'hôtel, médecin… D'un film à l'autre, il court après une fiancée volage, se fait battre en duel, est victime d'un abus de quinquina, ou se mesure à Nick Winter, le célèbre détective, dans un film coréalisé avec Paul Garbagni.

Avec tous ces films, d'une ou deux bobines, le plus souvent écrits et réalisés par lui-même, Max est un triomphe mondial, la première star internationale de cinéma en 1910 (grâce notamment aux encarts publicitaires de Pathé) quelques années avant qu'Hollywood invente les siennes[6] (Douglas Fairbanks, Florence Lawrence, Florence Turner, Mary Pickford). Charlie Chaplin a été influencé par Max Linder pour créer son personnage.

Un premier problème de santé, et un accident pendant un tournage (éventration à la suite d'un saut acrobatique en patin à roulettes au Théâtre de la Cigale), l'obligent à s'arrêter plusieurs mois en 1911, mais il revient avec encore davantage de succès. En 1912-1913, il part pour des tournées triomphales à l'étranger, d'abord en Espagne et en Allemagne, où il tourne des scènes qui seront insérées à ses films (Max toréador ou Max, professeur de tango), puis en Russie (Saint-Pétersbourg).

Mais c'est surtout la guerre de 1914 qui interrompt cette carrière sans précédent alors que son contrat avec Pathé d'un million de francs prévoit de tourner 150 films sur trois ans, soit un film par semaine. Envoyé au front, gazé, il est définitivement réformé. En 1916, s'estimant rétabli, il signe un contrat mirifique (salaire de 5 000 $ par semaine) avec les Studios Essanay de Chicago, que Charlie Chaplin venait de quitter. Mais sa santé encore fragile le trahit et ne lui permet de tourner que trois films sur les douze prévus. Malade, il rentre en France, après un séjour dans un sanatorium de Los Angeles, pour se faire soigner chez lui[3].

 
Max Linder vers 1917.

Il faut attendre plus d'un an pour qu'il puisse tourner à nouveau, à la demande de son ami Tristan Bernard, pour une adaptation cinématographique du Petit Café, tournée par son fils Raymond Bernard avec l'actrice Jane Renouardt, son égérie (qui épousera plus tard Fernand Gravey). Le film obtient, tant de la critique que du public, un accueil enthousiaste : aux yeux de chacun, Max était de retour.

Le , il inaugure le Ciné Max Linder, situe sur les grands boulevards parisiens et dans lequel il diffuse ses propres œuvres cinématographiques[3],[7],[8].

Max Linder repart à la fin de l'année 1919 aux États-Unis, à Hollywood, devenue la capitale mondiale du cinéma. Il est tout à la fois producteur, scénariste, metteur en scène et principal interprète des trois longs métrages qu'il produit successivement : Sept Ans de malheur, célèbre pour la scène du miroir reprise plus tard par les Marx Brothers, Soyez ma femme, et ce qu'il considérait comme son meilleur film, L'Étroit Mousquetaire...[9]

Cette dernière réalisation à peine terminée, Max Linder, exténué, se voit une nouvelle fois obligé de quitter les États-Unis, et c'est en convalescence à Lausanne qu'il reçoit le télégramme de félicitations de Douglas Fairbanks, lui annonçant le succès du film. Et le « d'Artagnan » de Max Linder bénéficie en France d'un accueil tout aussi chaleureux, bien évidemment. Puis il tourne avec Abel Gance dans Au secours, un film où Max fait le pari de rester au moins une heure dans un château prétendument hanté. Le talent comique de Linder s'y combine avec les effets spéciaux d'un Abel Gance cherchant toujours les limites expressives d'un média encore nouveau (mais le film ne sortit pas[10]).

Fin de carrière modifier

En 1921, il rencontre une jeune fille mineure de seize ans, Hélène Peters (1905-1925), dans un palace de Chamonix où il se repose. Sa mère refusant la demande en mariage, il enlève la jeune femme et l'emmène à Monte-Carlo. La mère cède à sa demande à la suite du scandale médiatique qu'il a soulevé. Le , il l'épouse civilement à la mairie du 16e arrondissement de Paris[11], puis religieusement le 23 août suivant à l'église Saint-Honoré-d'Eylau[3]. Les déboires professionnels, les ennuis de santé, et la jalousie maladive de Max Linder le font songer au suicide.

Le , alors qu'il est en tournage dans les studios viennois de la Vita Films, il tente à l'hôtel de se suicider au Véronal et d'entraîner sa femme, alors enceinte de cinq mois, dans la mort. Mais Hélène ne fait que le simulacre d'absorber le produit et appelle les secours qui le sauvent à temps[12]. En naît leur fille Maud (1924-2017) dite Josette, qui sera recueillie par ses grands-parents maternels[13].

Il part en Autriche réaliser Le Roi du cirque, avec Vilma Banky. Malgré les critiques élogieuses que ce film remporte, sa nomination à la présidence de la Société des Auteurs de Films, la préparation terminée de la super production Le Chevalier Barkas, et son engagement pour tourner une adaptation du Chasseur de chez Maxim's, il abandonne brusquement tous ses projets, miné par sa dépression et la demande de divorce de Ninette. Le , alors que le couple réside dans l'appartement de l'hôtel Baltimore (88 bis avenue Kléber à Paris), les deux corps sont retrouvés inanimés, les veines tailladées. Max Linder, probablement sous la menace de son revolver[14], a forcé sa femme à prendre le verre de Gardénal avant d'absorber lui-même le produit et de sectionner leurs artères du poignet gauche[3]. Tous deux meurent dans la soirée de la suite de leurs blessures, la mort de Max Linder est enregistrée le 1er novembre à minuit et demi[14].

Postérité modifier

Héritage et descendance modifier

 
Max Linder en 1922.

Sa fortune et l’éducation de sa fille unique Maud Linder-Leuvielle (1924-2017) sont confiées à son frère aîné Maurice Leuvielle (1881-1959), ancien joueur de rugby à XV au Stade bordelais. Ce dernier, rongé par la syphilis, l’alcool et la haine envers son frère, dilapide une grande partie de l'héritage, enterre les bobines de ses films dans son jardin (non protégées par leurs boîtes métalliques, Maud Linder en les déterrant, ne récupérera que des pellicules inexploitables). Seuls une centaine de films subsistent aujourd'hui sur les cinq cents qu'il a tournés[3]. Mathilde Peters, la belle-mère de Max, par la menace d’un procès envers Maurice, obtient la garde de Maud mais la famille Leuvielle se dispute pendant des années, par procès interposé, la garde de l'orpheline légataire pour s'emparer de la fortune de son père[15].

Maud Linder est l'auteur de deux films : En compagnie de Max Linder en 1963, et L'Homme au chapeau de soie en 1985, films qui retracent la vie et l'œuvre de son père à travers des extraits de films et des documents d'époque. Max Linder y est présenté comme « le premier auteur-acteur de l'histoire du cinéma ». Maud a également publié un livre sur son père, Max Linder était mon père, en 1992. Elle souhaite aussi créer un « Institut Max Linder » pour honorer les travaux et la vie de son père[5].

La mémoire de son œuvre et de son nom modifier

L'apport de Max Linder au cinéma comique naissant est immense : il enrichit des scénarios banals d'une grande finesse d'observation, d'une dimension presque réaliste ; il réconcilie le cirque et le vaudeville, la farce et la comédie légère ; enfin, il impose un type profondément original, caractéristique de son époque. De Charlie Chaplin à Pierre Étaix, tous les grands comiques de l'écran lui doivent quelque chose[16],[17]. Plus récemment, George Valentin personnage (à l'accent français) interprété par Jean Dujardin dans The Artist, sortie en 2011, semble inspiré par la posture du personnage de Max Linder[18].

Sa salle de cinéma, le « Ciné Max Linder » à Paris, qu'il avait créée et dont il était propriétaire et exploitant, existe toujours aujourd'hui. Elle est située sur les grands boulevards (au 24 boulevard Poissonnière) et porte toujours son nom, le Max Linder Panorama.

Un lycée de Libourne (Gironde), proche de sa commune de naissance, porte également son nom[19], tout comme le collège de Saint-Loubès[20]. Ce qui est également le cas de plusieurs rues de la ville et d’une salle communale. Il repose à Saint-Loubès

Filmographie modifier

1905 modifier

1906 modifier

1907 modifier

 
Max Linder (à droite) dans Lèvres collées (1907).

1908 modifier

1909 modifier

1910 modifier

 
Max fait du ski (1910).

1911 modifier

1912 modifier

 
Le Roman de Max (1912).

1913 modifier

1914 modifier

1915 modifier

1916 modifier

1917 modifier

Aux États-Unis

1921 modifier

La scène du miroir dans Sept Ans de malheur.
  • 1921 : Sept Ans de malheur (Seven Years Bad Luck) de Max Linder avec Max Linder, Thelma Percy, Alta Allen, Betty K Peterson (Betty Peterson), Lola Gonzales, Harry Mann, Chance Ward, Ralph Mc Cullough, Hugh Saxon, C. E. Anderson (Cap Anderson), F. B. Crayne
  • 1921 : Soyez ma femme (Be My Wife) de Max Linder

1922 modifier

  • 1922 : The Three Must-Get-Theres (L’Étroit mousquetaire) de Max Linder avec Max Linder, Bull Montana, Frank Cooke, Caroline Rankin, Jobyna Ralston, Jack Richardson, Charles Mezzetti, Clarence Wertz, Fred Cavens, Harry Mann, Jean de Limur, Al Cooke

En France modifier

En Autriche modifier

  • 1924 : Le Roi du cirque (Max, der Zirkuskönig) de Max Linder, co-réalisation Max Linder et Edouard Emile Violet avec Max Linder, Vilma Banky, Eugen Burg, Viktor Franz, Kurt Kasznar, Max Linder, Julius von Szöreghy

Théâtre modifier

Notes et références modifier

  1. « Acte de décès no 2027 (vue 7/31) du registre des décès de l'année 1925 du 16e arrondissement de Paris, cote du registre : 16D 131 », sur Archives de Paris (consulté le )
  2. Site saint-loubes.fr, plaquette de présentation de Cavernes, consulté le 2 novembre 2020.
  3. a b c d e f g et h Thomas, « Vie & mort de Max Linder », L'Impossible, no 4,‎ , p. 85-90
  4. Site sudouest.fr, article "Libourne : entretien imaginaire avec Max Linder, première vedette internationale du cinéma français", consulté le 2 novembre 2020.
  5. a et b Jean-Michel Meurice, documentaire « Maud et Max » sur Arte, 2013
  6. Christian-Marc Bosséno et Jacques Gerstenkorn, Hollywood : L'usine à rêves, Paris, Gallimard, , 176 p. (ISBN 2-07-053153-8)
  7. https://maxlinder.com/article/l-histoire-du-max-linder-15, Site maxlinder.com, "Histoire du Max-Linder], consulté le 1er novembre 2020
  8. Site leparisien.fr, article "Paris : 30 ans et un nouvel élan pour le mythique Max Linder" de Christine henry, consulté le 19 novembre 2020.
  9. Dominique Lebrun et Mermet, Paris Hollywood : les Français dans le cinéma américain, Hazan (ISBN 978-2-85025-136-8)
  10. Ce film est cependant disponible sur le DVD de Lucrèce Borgia d'Abel Gance
  11. Acte de mariage n° 1332 (vue 6/31). Archives en ligne de la Ville de Paris, état-civil du 16e arrondissement, registre des mariages de 1923.
  12. Maud Linder, Max Linder était mon père, Flammarion, , p. 235.
  13. Tout sur mon père Max Linder, Jean-Michel Meurice (réalisateur), Arte, dossier de presse, 5 juin 2013 (diffusion)
  14. a et b Maud Linder, Max Linder était mon père, Flammarion, , p. 237.
  15. Isabelle Regnier, « Max Linder côté noir, côté blanc », sur lemonde.fr,
  16. Site franceculture.fr, article "Retour sur l'œuvre de Max Linder", consulté le 1er novembre 2020.
  17. Site quartierlatin.paris, page "De Max Linder à Charlie Chaplin, les comiques du cinéma muet", consulté le 1er novembre 2020.
  18. Site piasa.fr, page "Max Linder, premier auteur-réalisateur-comédien du Cinéma mondial", consulté le 1er novembre 2020.
  19. Site du lycée Max-Linder de Libourne
  20. Site du collège Max-Linder de Saint-Loubès
  21. Source : Fiche sur Les Archives du spectacle.net

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie modifier

  • Charles Ford, Max Linder, Paris, Seghers,
  • Jean Mitry, Max Linder, Anthologie du cinéma, fascicule no 16, Supplément à L'Avant-Scène du Cinéma no 60 - CIB, Paris,
  • Maud Linder, Max Linder, Paris, Éditions Atlas,
  • Maud Linder, Max Linder était mon père, Paris, Flammarion,
  • Pascal Djemaa, Max Linder, du rire au drame, Frassy,
  • Jacques Richard, Dictionnaire des acteurs du cinéma muet en France, Paris, éditions de Fallois, , 909 p. (ISBN 978-2-87706-747-8)
  • Thomas, « Vie & mort de Max Linder », L'Impossible, no 4,‎ , p. 85-90
  • Stéphane Olivié Bisson, Max, Editions Cambourakis, Paris, , 112 p., (ISBN 9782366244083)
  • Pierre-Edouard Peillon, « Mort de rire », Le Nouveau Magazine littéraire no 18, Le Nouveau Magazine pensées et littéraire, Paris, , p. 68, (ISSN 2606-1368) (article sur la biogrephie "Max", de Stéphane Olivié Bisson)

Documentaire modifier

  • Tout sur mon père Max Linder, Jean-Michel Meurice, Arte,

Article connexe modifier

Liens externes modifier