Loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées

La loi du sur les groupes de combat et milices privées est une loi française qui fut promulguée le afin de donner au président de la République la possibilité de dissoudre certains groupes présents sur le territoire français. Elle est votée en réaction aux ligues d'extrême droite, responsables notamment de l'émeute du .

La loi est aujourd'hui abrogée, ses dispositions ayant été codifiées en 2012 à l'article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure[α] en ce qui concerne les critères de dissolution, et en 1992 à partir de l'article 431-15 du Code pénal[β] en ce qui concerne les sanctions pénales liées à la dissolution.

Histoire modifier

 
L'émeute du sur la place de la Concorde a provoqué le vote de la loi du .

C'est une loi de circonstance, votée en réaction aux ligues d'extrême droite, responsables notamment de l'émeute du .

La dissolution des associations était déjà prévue par la loi du , renforcée par le décret-loi du [1], mais son application s'est révélée inefficace[a]. La loi du a permis d'y remédier pour dissoudre les ligues.

Une ordonnance du [2], dans le contexte de la guerre d'Algérie, a rendu les dispositions de cette loi applicables aux organisations provoquant en Algérie « des manifestations contraires à l'ordre public, lorsque ces manifestations ont été interdites par l'autorité compétente », ainsi que celles manifestant « leur solidarité, soit par des prises de position publique, soit dans l'action » avec des organisations dissoutes.

Elle a ensuite été utilisée pour dissoudre des organisations poursuivant d'autres buts : indépendantistes (algériennes, malgaches, bretonnes, corses, basques, antillaises, alsaciennes, kurdes, vietnamiennes, camerounaises), liées à la collaboration pendant l'occupation allemande, anti-indépendantistes pendant la guerre d'Algérie, d'extrême gauche, suprémacistes noires, ou encore islamistes.

En 2021, d'après l'historien Nicolas Lebourg, en omettant les associations islamistes locales et en ne conservant que les mouvements politiques, le bilan de toutes les dissolutions montre qu'elles concernent à 53 % l'extrême droite, le reste étant réparti entre l'extrême gauche et les mouvements séparatistes[b].

Une autre procédure de dissolution administrative d'associations et de groupements de fait a été créée après les attentats du  ; elle a été introduite par la loi no 2015-1501 du [3], qui a créé un article 6-1 à la loi no 55-385 du relative à l'état d'urgence[4],[c].

Critères modifier

Les critères permettant la dissolution d'une organisation sont définis à l'article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure[α], reprenant l'article 1er de la loi du . Peuvent ainsi être dissous les associations ou groupements de fait :

  1. « qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens » ;
  2. « qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées » ;
  3. « dont l'objet ou l'action tend à porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement » ;
  4. « dont l'activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine » (après le régime de Vichy) ;
  5. « qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration » ;
  6. « qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence » ;
  7. « qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger ».

La dissolution d'une organisation peut donc intervenir pour ses activités, sa forme d'organisation, ou ses buts[d].

Procédure modifier

La dissolution est prononcée par décret du président de la République en Conseil des ministres. Elle peut être contestée devant le Conseil d'État, lequel peut l'annuler par un arrêt.

Modifications modifier

Cette loi est modifiée à plusieurs reprises après son entrée en vigueur en 1936 :

Associations et groupements de fait dissous en application de cette loi modifier

Références modifier

  1. Kotovtchikhine 2001, p. 19 [lire en ligne] et 32 [lire en ligne].
  2. Nicolas Lebourg, « Faut-il dissoudre Génération identitaire ? », sur Slate, .
  3. Christelle de Gaudemont, « Dissolutions d'associations fondées sur les discriminations à caractère racial et religieux et sur les actes de terrorisme », sur dalloz-etudiant.fr, Dalloz, .
  4. Véronique Champeil-Desplats, Les grandes questions du droit constitutionnel, Paris, L'Étudiant, coll. « Les Guides de l'Étudiant / Connaissance » (no 14), , 167 p. (ISBN 2-84624-279-8), p. 25 [lire en ligne].
  5. Christelle de Gaudemont, « Point sur la dissolution administrative des associations et des groupements de fait », sur dalloz-etudiant.fr, Dalloz, .

Textes législatifs et réglementaires, sur Légifrance ou Gallica :

  • dans des codes :
  1. Décret du portant modification de la loi du relative au contrat d'association, JORF, no 250, , p. 11204.
  2. Ordonnance no 60-1386 du , JORF, no 299, , p. 11663.
  3. Article 4 de la loi no 2015-1501 du prorogeant l'application de la loi no 55-385 du relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions, JORF, no 270, , texte no 1, p. 21665–21666, NOR INTX1527699L.
  4. Article 6-1 de la loi no 55-385 du relative à l'état d'urgence.
  5. Loi no 2877 du relative à la dissolution de groupements et associations dont les agissements se seront révélés contraires à l'intérêt général du pays, JOEF, no 283, , p. 4438.
  6. Article 4 de l'ordonnance du relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, JORF, no 65, , p. 688 et tab.1, p. 689.
  7. Ordonnance du portant modification de la loi du sur les groupes de combat et milices privées, JORF, no 163, , p. 2145–2146.
  8. Article 29 de la loi no 51-18 du portant amnistie, instituant un régime de libération anticipée, limitant les effets de la dégradation nationale et réprimant les activités antinationales, JORF, no 6, , p. 262.
  9. Article 9 de la loi no 72-546 du relative à la lutte contre le racisme, JORF, no 154, , p. 6803–6804.
  10. Article 7 de la loi no 86-1020 du relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État, JORF, no 210, , p. 10956–10958.
  11. Loi no 92-686 du portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique, JORF, no 169, , p. 9893–9907 (9898), NOR JUSX9100041L.
  12. Article 372 de la loi no 92-1336 du relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur, JORF, no 298, , p. 17568–17595 (17594), NOR JUSX9200040L.
  13. Article 3 de l'ordonnance no 2009-536 du portant diverses dispositions d'adaptation du droit outre-mer, JORF, no 112, , texte no 4, p. 8139–8148 (8141), NOR IOCX0824145R.
  14. Ordonnance no 2012-351 du relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, JORF, no 62, , texte no 16, p. 4533–4595 (4545), NOR IOCD1129997R.
  15. Article 16 de la loi no 2021-1109 du confortant le respect des principes de la République, JORF, no 197, , texte no 1, NOR INTX2030083L.
  16. Décision no 2021-823 DC du , JORF, no 197, , texte no 2, NOR CSCL2125044S.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Stéphane Kotovtchikhine, « L'action juridique face aux groupements d'extrême-droite à la fin de la IIIe République », dans Bruno Villalba (dir.) et Xavier Vandendriessche (dir.), Le Front national et le droit, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Sciences politiques », , 173 p. (ISBN 2-85939-696-9), p. 19–38 [lire en ligne].
  • Bertrand Mathieu, « Étude de la loi du relative aux groupes de combat et de milices privées », Revue de l'actualité juridique française, Benoît Tabaka (dir.),‎ (lire en ligne).
  • Pascal Mbongo, « Actualité et renouveau de la loi du sur les groupes de combat et les milices privées », Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, LGDJ, no 3,‎ , p. 715–744 (ISSN 0035-2578).
  • Nicolas Lebourg, « Usages, effets et limites du droit de dissolution durant la Ve République », dans Romain Sèze (dir.), Les États européens face aux militantismes violents : Dynamique d'escalade et de désescalade (colloque Radicalités militantes et réponses publiques en Europe, organisé à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice dans le cadre du programme de recherche « Violences radicales militantes », -), Paris, Riveneuve, coll. « Violences et radicalités militantes en France », , 247 p. (ISBN 978-2-36013-513-4, HAL hal-03124436), p. 169–186.
  • Jérôme Leron (sous la dir. de Marie-Anne Cohendet), « La dissolution administrative : une procédure discutable », dans Pluralisme et partis politiques en droit public français : Contribution à l'étude de la juridicisation de la vie politique (thèse de doctorat en droit public soutenue en 1999 à Lyon 2), Presses universitaires du Septentrion, , 583 p. (ISBN 2-284-02579-1 (édité erroné) et 2-284-02579-X), p. 228–239.
  • Gustave Peiser, « La dissolution par décret des associations et groupements politiques français (loi du ) », Recueil Dalloz, Dalloz,‎ , p. 59–66.
  • Romain Rambaud, « La loi du à la croisée des chemins : Quel bilan après l'arrêt Association « Envie de rêver » ? », Actualité juridique : Droit administratif, Dalloz, no 38,‎ , p. 2167 (HAL hal-01966905, lire en ligne).
  • Romain Rambaud, « Le contrôle du Conseil d'État sur la dissolution des associations dangereuses », Actualité juridique : Droit administratif, Dalloz, no 16,‎ , p. 939 (HAL hal-01966906).
  • Romain Rambaud, « La loi du sur les groupes de combat et milices privées (article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure) : L'arme de dissolution massive », Revue des droits et libertés fondamentaux, no 20,‎ (lire en ligne).
  • Romain Rambaud, « Quel contrôle du Conseil d'État sur la dissolution administrative d’associations (art. L. 212-1 du code de la sécurité intérieure) ? : De la loi du sur les groupes de combat et milices privées au projet de loi confortant le respect des principes de la République », Revue des droits et libertés fondamentaux, no 85,‎ (lire en ligne).
  • Vincent Sizaire, « Un coup d'arrêt à la tentation de l'arbitraire » (dans la lettre d'information Actualités Droits-Libertés), La Revue des droits de l'homme, Centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux (CREDOF), Faculté de droit et de science politique de Paris-Nanterre,‎ (DOI 10.4000/revdh.14999, lire en ligne).

Rapports de commissions d'enquête parlementaires :

Articles connexes modifier

Liens externes modifier