Utilisateur:FrPel/Pierre Ouédraogo
Pierre Ouédraogo, né le à Koudougou[1] et mort le à Paris[2], parfois appelé Pierre « CDR » de par sa fonction de secrétaire général des comités de défense de la révolution (CDR) du Burkina Faso sous la présidence de Thomas Sankara, est un militaire, révolutionnaire et acteur majeur du numérique burkinabé.
Il est considéré comme le père de l'Internet au Burkina Faso. Dans le cadre de ses fonctions au sein de plusieurs organisations, dont notamment l'Institut francophone des nouvelles technologies de l'information et de la formation (INTIF) de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), il met en place de multiples plans d'actions visant au développement des capacités des pays africains dans le domaine de l'Internet. Pour ses contributions majeures au développement d'Internet en Afrique, l'Internet Society (ISOC) lui décerne en 2012 le prix Jon-Postel[3], dont il devient le premier récipiendaire africain francophone.
Biographie
modifierJeunes années
modifierIl accomplit sa scolarité au Prytanée militaire de Kadiogo[4] (PMK).
Carrière militaire
modifierPierre Ouédraogo, après des études de physique-chimie, se spécialise dans l'électronique au sein de l'armée de l'air voltaïque[4].
De 1975 à 1977, il est envoyé en formation en Algérie, d'abord à l'Académie militaire inter-armes de Cherchell, puis à l'École de l'air de Tafraoui. En 1979, il suit une formation d'anglais spécialisé au Defense Language Institute (DLI) de Lackland Air Force Base, au Texas, puis, de 1979 à 1981, une formation d'électronique avionique à la US Army Signal Corps School (USASIGS) de Fort Gordon (en), en Géorgie, aux États-Unis.
Il est lieutenant au moment de la révolution de 1983, et obtient par la suite le grade de capitaine. En 1987, la contre-révolution (appelée « rectification ») de Blaise Compaoré met fin à sa carrière militaire. Suite à l'ouverture démocratique du pays en 2014, il bénéficie du processus de reconstitution de carrière des personnes radiées sous l'ère Compaoré et est élevé au grade de colonel de l'armée de l'air burkinabè.
Préparation du coup d'État du
modifierPierre Ouédraogo a connu Thomas Sankara bien avant la révolution de 1983, à laquelle ils ont tous deux œuvré au sein de l'armée.
Depuis les années 1970, le ROC[a], cellule clandestine au sein de l'armée voltaïque, regroupe des officiers désireux de promouvoir une meilleure gouvernance au sein de l'armée, d'obtenir de meilleures conditions de vie pour les soldats, et opposés à servir des causes injustes telles que la répression des mouvements syndicaux. Certains de ses membres, incluant Thomas Sankara, pensent qu'une révolution d'inspiration marxiste-léniniste est nécessaire à ces fins. Coopté par le groupe clandestin, Pierre Ouédraogo sert d'agent de liaison et de courrier pour transmettre aux membres du groupe les directives et informations relatives aux réunions[4]. Afin de permettre à Thomas Sankara, alors commandant du Centre national d'entrainement commando (CNEC) des commandos parachutistes de Pô, de se rendre clandestinement aux réunions politiques secrètes, Pierre Ouédraogo lui sert également de chauffeur[4].
Le , un coup d'état place le colonel Saye Zerbo à la tête du pays, en tant que chef du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN). Quelques jeunes officiers du ROC rejoignent alors le CMRPN et acceptent des emplois au sein du nouveau régime, espérant que celui-ci puisse répondre à leurs attentes. Leur défection constitue une menace pour les activités des révolutionnaires. Pierre Ouédraogo, multipliant les précautions, continue cependant à servir de courroie de transmission fiable entre Thomas Sankara et les membres du ROC restés fidèles au projet de révolution[4]. Il s'expose néanmoins lorsque, au cours d'une assemblée générale du Conseil des forces armées voltaïque (CFAV) convoquée par le colonel Saye Zerbo, il critique avec véhémence les agissements des colonels au pouvoir, qu'il juge contraires à l'intégrité militaire. Son impétuosité irrite parfois ses collègues plus âgés[6].
Le gouvernement des colonels, suspectant son rôle d'agent de liaison, l'envoie en formation en France pour le neutraliser. Il continue cependant d'interagir à distance avec le groupe. Alors qu'il est en stage à la base aérienne du Bourget, il reçoit un message codé lui demandant de rentrer. Il prend alors place dans un avion militaire faisant escale à la base, en route pour Ouagadougou. Après une escale mouvementée à Tanger, qui met en alerte les colonels, il réussit à rentrer à temps pour le déclenchement de la révolution[4].
Rôle dans le gouvernement Sankara
modifierLe , Thomas Sankara s'empare du pouvoir en Haute-Volta, par un coup d'État d'inspiration révolutionnaire socialiste mené conjointement avec les capitaines Blaise Compaoré et Henri Zongo et le commandant Jean-Baptiste Boukary Lingani. Pierre Ouédraogo devient membre du Conseil national de la révolution (CNR), un organe créé pour gouverner le pays et disposant d'une assemblée générale de soixante-huit membres (soixante militaires et huit civils)[5]:48, en tant que secrétaire chargé de l'organisation populaire[7]:126.
Comités de défense de la révolution
modifierDès la nuit du , au cours de la déclaration qui acte la prise du pouvoir, Thomas Sankara appelle la population voltaïque (future burkinabè, lorsque le nom du pays sera changé en Burkina Faso, « la terre des hommes intègres », à l'anniversaire de la révolution) à se constituer en comités de défense de la révolution (CDR). L'organisation des CDR, initialement confiée à Salam Kaboré, est transférée à Pierre Ouédraogo lorsqu'est constitué un secrétariat général national en charge de les diriger[6]. C'est dans le cadre de ces fonctions qu'il gagne le sobriquet de Pierre « CDR »[8],[9].
Les CDR sont des comités populaires, lieux de démocratie directe. Ils peuvent être soit territoriaux (une commune, un quartier, etc.), soit fonctionnels (une entreprise, une université, etc.). Pilotés par des personnes élues par leur communauté, ils organisent le fonctionnement de la vie locale et la formation politique des habitants. Les motivations de leurs dirigeants et membres sont hétéroclites, allant de l'envie sincère de contribuer au bien-être de leur communauté, au désir de s'ouvrir des opportunités de carrière, voire de profiter abusivement du pouvoir conféré[10]:173-193. Le Burkina étant très pauvre, les améliorations des conditions de vie ne peuvent bien souvent venir que des personnes elles-mêmes. C'est ainsi que les CDR territoriaux ne peuvent souvent compter que sur le bénévolat pour organiser la réfection des routes et de l'adduction d'eau[6] ou la construction de bâtiments publics, par leur rôle de catalyseurs d'un désir populaire de mieux-vivre. Dans d'autre cas, en interférant avec le fonctionnement d'organisations plus complexes, ils peuvent être source de désorganisation et d'inefficacité. Certains de leurs membres ont même pu être impliqués dans des actions politiques violentes, telles que l'incendie des locaux du quotidien privé anti-communiste L'Observateur perpétré le , commandité par Pierre Ouédraogo[7]:209, tout comme l'arrestation sommaire d'opposants politiques[5]:11. Leurs actions spontanées et leur bilan mitigé, surtout à leurs débuts, suscitent des récriminations contre Pierre Ouédraogo, dont la position à la tête des CDR est plusieurs fois menacée[7]:24,[10]:177,190.
Jeux de pouvoir au sein du CNR
modifierLa conduite de la révolution suscite une méfiance réciproque entre les organisations politiques marxistes-léninistes préexistantes, notamment le Parti africain de l'indépendance (en) - Ligue panafricaine pour le développement (PAI-LIPAD) et l'Union des luttes communistes (reconstruite) (ULC(R)), parfois condescendantes envers les jeunes militaires, et ces derniers. Ceux-ci garantissent leur prééminence en s'attribuant la presque exclusivité des sièges du CNR, ce qui conduit le PAI-LIPAD à quitter presque immédiatement ce dernier[5]:184.
Afin de disposer d'un organe politique qui leur soit propre, les militaires créent l'Organisation militaire révolutionnaire (OMR), qu'ils contrôlent intégralement[5]:53. Dans le même temps, l'idée de la fusion au sein du CNR des diverses organisations civiles impliquées dans la révolution fait son chemin[5]:48. Les travaux de rapprochement sont effectués notamment par Valère Somé, dirigeant de l'ULC(R), mais les militaires sont partagés quant à la création d'une organisation civile trop puissante, alors qu'ils cherchent déjà à limiter l'influence du PAI-LIPAD. Agissant selon les directives du Président Thomas Sankara et de Blaise Compaoré[7]:144-146, Pierre Ouédraogo prend contact avec les groupes en cours de fusion et crée l'Union Communiste Burkinabè (UCB), dont il devient le secrétaire général national, à partir de l'« inter-CDR », la cellule informelle de coordination des CDR[5]:186-187. Cette manœuvre rejoint celle de Blaise Compaoré qui, dans le même temps, mande son nervi Jean-Marc Palm pour créer le Groupe communiste burkinabè (GCB). Le , l'UCB et le GCB entrent au CNR, où ils rejoignent l'ULC(R) et l'OMR[5]:54. L'ULC(R) dénonce la sur-représentation des militaires et des organisations qu'ils contrôlent au sein du CNR. Elle est appuyée par le PAI-LIPAD, qui déclare qu'il s'agit du principal obstacle à son retour dans cette instance[5]:54-56. Cet enchevêtrement d'organisations, qui conduit à ce que les mêmes personnes participent au CNR au titre de plusieurs d'entre elles, nécessite une clarification. C'est ainsi que, fin , lorsque les statuts de l'OMR sont finalement adoptés, l'article premier de ceux-ci interdit l'appartenance à toute autre organisation politique. Pierre Ouédraogo démissionne alors de l'UCB pour ne plus appartenir qu'à l'OMR[5]:73. L'UCB, laissée entre les mains de proches de Blaise Compaoré, deviendra l'épine dorsale du Front populaire créé pour contrôler la vie politique du pays après le coup d'État de Blaise Compaoré d'octobre 1987[5]:187.
Dans les premières années de la révolution, certaines organisations civiles échappent encore au contrôle des militaires. C'est le cas de l'Université de Ouagadougou, dont le bureau des étudiants et le CDR sont contrôlés par l'ULC(R) conduite par Valère Somé. Au moment de la formation du gouvernement de l'an IV, en août 1986, Blaise Compaoré convainc les trois autres chefs historiques de la révolution de nommer Valère Somé ministre de l'enseignement supérieur. De façon coordonnée, le lundi dans la soirée, alors que le nouveau ministre n'a pas encore pris ses fonctions, Pierre Ouédraogo, en tant que secrétaire général des CDR, dissout par décret le bureau national des étudiants et le CDR de l'université[5]:56,[7]:15. En septembre 1986, avec le soutien de Blaise Compaoré et Pierre Ouedraogo, l'UCB prend la tête du bureau national des étudiants[5]:61. Ces actions, conjuguées à des campagnes de tracts[5]:62 et d'intimidation[7]:18, affaiblissent durablement l'ULC(R) et Valère Somé, pourtant soutien sincère de Thomas Sankara et contributeur majeur au programme de la révolution[5]:185.
Promotion des femmes
modifierThomas Sankara, féministe convaincu, a mis en place plusieurs mesures pour faire prendre conscience aux hommes de la pénibilité du travail des femmes. Pierre Ouédraogo, au titre des CDR, est chargé de la mise en œuvre et de la promotion de ces actions. Par exemple, lorsque le CNR décrète une journée « marché » pour les hommes, destinée à leur faire prendre conscience de la réalité quotidienne des femmes et du coût des vivres, Pierre Ouédraogo donne l'exemple au marché de Gounghin[6].
La « bataille du rail »
modifierAfin de développer l'économie du Burkina Faso, le CNR relance le projet d'extension vers le nord-est de la ligne de chemin de fer coloniale à voie métrique reliant le port d'Abidjan à Ouagadougou. Comme il avait été prévu à l'époque coloniale, il s'agit de relier Ouagadougou à Tambao, site d'une mine de manganèse extrêmement riche, afin de faciliter l'expédition de sa production vers le port d'Abidjan et d'augmenter les revenus du pays. Sous l'impulsion de Pierre Ouédraogo, les CDR concernés par le tracé se mobilisent pour la « bataille du rail »[2], sollicitant les populations locales pour effectuer bénévolement les travaux de terrassement et la pose des rails[10]:182. Une voie définitive est posée jusqu'à Bendogo, prolongée d'une voie sommaire jusqu'à Kaya. Les travaux seront mis à l'arrêt avec la fin brutale de la période sankariste. Ils ne reprendront qu'à partir de 2017.
Protection de Thomas Sankara
modifierAu cours de l'année 1987, les rumeurs d'une conjuration visant à faire assassiner Thomas Sankara se font plus précises. Le nom de Blaise Compaoré circule parfois, mais Thomas Sankara semble ne pas s'en préoccuper[7]:32-34, alors qu'il sait parfaitement que si Blaise Compaoré passe à l'action avec ses commandos parachutistes, il ne pourra pas être stoppé[11]. Les proches du président s'inquiètent. Pierre Ouédraogo, qui avait souvent collaboré avec Blaise Compaoré pour garantir la primauté des militaires au sein du CNR, rompt avec lui le . Dans le même temps, Thomas Sankara confie à Pierre Ouédraogo la réorganisation de la sécurité présidentielle. Désormais, les deux hommes seront en liaison permanente par talkie-walkie, sur une fréquence connue d'eux seuls[5]:80. La quinzaine suivante, Thomas Sankara, informé à temps qu'un guet-apens a été monté contre lui lors d'un déplacement en province à venir, envoie Pierre Ouédraogo le représenter[7]:34.
Pierre Ouédraogo, qui n'a pas exercé de commandement d'unité, ne dispose pas de troupes de confiance à ses ordres. Les paras-commandos de Pô, anciennement fidèles à Thomas Sankara qui les avait commandés en 1976, mais peu à peu passés sous le contrôle de Blaise Compaoré depuis sa prise de commandement en 1981, constituent une menace avérée. Pour la contrer, Thomas Sankara accepte la création de la Force d'intervention du ministère de l'administration territoriale et de la sécurité (FIMATS). Constituée progressivement depuis à partir d'éléments d'élite, cette force devait relever du ministre de l'administration territoriale et de la sécurité, échappant de fait au contrôle direct de l'armée. La FIMATS, officiellement créée lors du conseil des ministres du , n'a pas le temps de s'organiser avant que Blaise Compaoré, conscient de la menace qu'elle représente pour ses plans, passe à l'action[5]:185.
Coup d'état de Blaise Compaoré
modifierLe , Blaise Compaoré, assisté de Henri Zongo et Jean-Baptiste Boukary Lingani, fait son propre coup d'État. La situation est confuse, l'hypothèse d'une attaque venant de l'intérieur du pays n'ayant pas été prise en compte sérieusement pour organiser la sécurité du gouvernement[12]. En milieu d'après-midi, Pierre Ouédraogo se trouve au secrétariat général des CDR lorsqu'arrivent les premières informations faisant état de tirs en ville. Appliquant les plans de défense prévus, les CDR armés se retranchent dans leur bâtiment et tentent d'obtenir des informations plus précises[11]. Dans l'après-midi du , Pierre Ouédraogo se rend au Conseil de l'Entente pour rencontrer brièvement Blaise Compaoré. Ce dernier prétend que la mort de Thomas Sankara est un accident, mais ne peut justifier les contradictions de son récit. Pierre Ouédraogo lui manifeste son refus net de continuer à travailler avec lui, indiquant que, suite au décès de Thomas Sankara dans cette rébellion fratricide, il en avait fini avec la politique et souhaitait retourner à l'armée[6]. Après l'entrevue, il peut rejoindre le bâtiment du secrétariat général des CDR, où il passe la nuit. Convoqué à la présidence de la République le lendemain dans la matinée pour une seconde entrevue, il est désarmé, maintenu en salle d'attente, puis reconduit chez lui sous escorte sans avoir pu reparler à Blaise Compaoré[11]. Par la suite, il est détenu arbitrairement pendant neuf mois dans les locaux du Conseil de l'Entente. Il en sortira le après avoir dû faire son auto-critique[7]:126,217,[11]. Radié de l'armée à sa sortie de détention[12], il se voit proposer une affectation d'enseignant au lycée de Fada N'Gourma. Il refuse celle-ci afin de ne pas porter préjudice aux élèves, qui auraient fait l'objet d'une surveillance politique renforcée[11].
Introduction de l'Internet au Burkina Faso
modifierL'administration Compaoré, craignant au final qu'il profite de sa fonction d'enseignant pour mobiliser la jeunesse, l'affecte à l'Office national des télécommunications (ONATEL), de 1988 à 1992, en tant qu'adjoint au chef de service de réparation des équipements électroniques. Parallèlement à cette fonction, il reprend le chemin de l'Université de Ouagadougou, de 1989 à 1990, où il obtient une maîtrise en sciences physiques[6]. Considéré comme indésirable par l'administration Compaoré, il est autorisé à s'expatrier pour poursuivre des études. En 1992, il déménage en Belgique, où il obtient en 1993 un Diplôme en administration des entreprises à la Louvain School of Management, puis en 1995 un DES en informatique de gestion à l'Université catholique de Louvain. Après son retour au Burkina, il est nommé en 1996 chef du département des services informatiques de l'ONATEL[11].
Le dix-neuvième sommet France-Afrique devant se tenir à Ouagadougou les 5 et , le gouvernement du Burkina Faso souhaite profiter de l'événement pour introduire Internet dans le pays. Les compétences techniques en la matière étant rares à l'époque, le gouvernement fait appel à Pierre Ouédraogo, qui est nommé, en plus de ses fonctions de chef de département de l'ONATEL, chef du groupe de travail « FasoNet » chargé de la mise en place d'un nœud Internet au Burkina. Il conduit ce projet avec succès, mettant en œuvre la première connexion à l'Internet du pays, la veille du sommet franco-africain[11]. En , après avoir transféré au Burkina Faso le nœud de connexion à Internet national, il y rapatrie également le domaine de premier niveau national « .bf », tous deux antérieurement gérés par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) à Montpellier. Dans le même temps, il pilote l'opération permettant l'obtention du premier bloc d'adresses IP pour ce nœud, faisant du Burkina Faso le premier pays d'Afrique de l'Ouest à disposer de son propre registre Internet national[11]. Il organise ensuite les premiers travaux de déploiement de l'Internet sur le territoire du pays et, avec son équipe, il crée le premier site web burkinabè sous la racine « .bf »[b].
Parcours au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie
modifierEntre son recrutement en 1998 à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et son départ en 2014, Pierre Ouédraogo y exerce plusieurs fonctions, dans chacune desquelles il s'attache à promouvoir le développement économique et humain et l'autodétermination informationnelle des pays de l'espace francophone et de l'Afrique. Son action porte à la fois sur les dimensions stratégique et politique de l'appropriation des enjeux des technologies de l'information et de la communication (TIC) par les états francophones, et sur les dimensions sociétale et opérationnelle nécessaires à l'appropriation des TIC par les différents secteurs d'activité et communautés (notamment les jeunes et les femmes).
Responsable infomatique
modifierÀ mesure qu'il tisse des liens internationaux au titre de ses nouvelles fonctions, Pierre Ouédraogo fait l'objet d'une surveillance croissante par le « système Compaoré », connu pour assassiner les personnes qui le dérangent. Il est donc encouragé par son entourage à quitter le pays. Dans ce but, il postule en 1998 à un appel à candidatures de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF, qui deviendra OIF)[11]. Le test ayant été concluant, il est recruté en qualité de responsable du centre serveur de Institut francophone des nouvelles technologies de l'information et de la Formation (INTIF), alors localisé à Talence, dans la proche banlieue de Bordeaux.
Dans le fil des orientations prises lors de la conférence ministérielle de l'AIF de Montréal en 1997, Pierre Ouédraogo se mobilise dès son entrée en poste, avec son ami Pierre Dandjinou qui travaille alors au PNUD, pour que leurs deux organisations financent et accompagnent l'organisation de la première conférence africaine sur la gouvernance de l'Internet, qui se tient en à Cotonou, au Bénin. Un résultat majeur de cette conférence est le lancement des travaux pour la création d'AFRINIC[13], le registre responsable de la provision des ressources de l'Internet (adresses IP, numéros d'AS) sur le continent africain, aujourd'hui installé à l'Île Maurice. À la suite de la conférence, Pierre Ouédraogo s'implique dans les travaux de l'ICANN, tout juste créé.
Pilote du programme Société de l'information
modifierÀ la suite d'une refonte des programmes de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, Pierre Ouédraogo est nommé en 2003 responsable de programme en charge de la société de l'Information à l'INTIF. Pendant les cinq années passés à ce poste, et dans la continuité de ses engagements passés, il consacre son énergie et les moyens mis à sa disposition, à la formation des jeunes des pays francophones en développement et à la participation et la contribution des experts des pays du Sud aux fora où se discutent le présent et l'avenir de l'Internet.
Gouvernance de l'Internet
modifierConvaincu qu'une plus grande diversité devait être représentée au sein des instances qui décident de l'avenir de l'Internet, Pierre Ouédraogo travaille à fédérer les représentants des administrations du numérique et des communautés d'internautes de l'espace francophone, et conçoit des programmes d'action permettant de préparer et de financer leur présence au sein de ces instances.
Il porte la contribution de la Francophonie au Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI, 2003-2005), en œuvrant en amont pour que le monde francophone soit partie prenante aux débats. Dans le prolongement du SMSI, il porte la voix de l'OIF lors des intenses travaux préparatoires du Forum sur la gouvernance de l'internet (FGI, 2006).
Il convainc l'OIF de mette en place un programme d'accompagnement permettant les participations et contributions francophones aux travaux de l'ICANN. Grâce à ce programme, des centaines de francophones participent régulièrement aux assises de l‘ICANN et occupent des postes de direction dans ses organismes de soutien et ses commissions consultatives, telles que le comité consultatif gouvernemental (GAC), l'Organisation de soutien aux politiques de codes de pays (en) (ccNSO), et le Comité consultatif At-Large (en) (ALAC) qui représente les intérêts des utilisateurs individuels du monde entier.
Son soutien s'est étendu à des actions de coordination permettant la constitution des organisations africaines de l'Internet. Après avoir posé les bases d'AFRINIC à partir de 1998, Pierre Ouédraogo a contribué à la mise en place de l'AFNOG (Association des operateurs réseaux de l'Afrique), de l'AFTLD (Association africaine des gestionnaires des noms de domaines de premier niveau nationaux), en sa qualité de premier gestionnaire du domaine « .bf », de l'AFRICANN (déclinaison régionale de l'ICANN), et d'AfricaCERT (Association des CERT et CIRT africains).
En tant que membre de l'ISOC Burkina Faso, Pierre Ouédraogo a contribué aux travaux de l'Internet Society. En reconnaissance de ses nombreuses contributions, cette dernière lui a décerné en 2012 le prix Jon-Postel, dont il est le premier récipiendaire africain francophone[c].
Formation et LabTIC
modifierConscient que la participation des pays des Suds aux instances internationales ne pouvait se faire que si leurs représentants disposaient des connaissances et compétences nécessaires, Pierre Ouédraogo mobilise les ressources de l'OIF dans le cadre d'un programme pluriannuel de formation et de pratique dans le domaine des TIC. Son objectif est de favoriser l'émergence d'une expertise forte et durable dans le domaine des TIC, à même de contribuer à la construction de l'autonomie et de l'autodétermination technologique des pays de l'espace francophone, et notamment de l'Afrique francophone. Il organise ainsi de nombreuses formations sur la gouvernance de l'Internet et l'appropriation des technologies numériques.
L'un des projets phares de cette période est la création des « LabTIC », des laboratoires de pratique et d'expérimentation dans l'administration des systèmes, des réseaux informatiques et de la sécurité des systèmes et des réseaux. Ces ensembles d'équipements et de ressources, souvent adossés à des instituts d'enseignement supérieur, maillent le sous-continent. Les villes choisies sont: Abidjan, Antananarivo, Bamako, Brazzaville, Bujumbura, Conakry, Cotonou, Dakar, Kigali, Kinshasa, Libreville, Lomé[d], Niamey, Ouagadougou, Port-Louis et Yaoundé. Ils sont mis à la disposition des associations nationales de promotion des logiciels libres de chaque pays ayant bénéficié du programme. La mise en place de ces pôles de ressources s'accompagne, sur chaque site hôte, de séminaires régionaux et nationaux de formation.
Promotion du logiciel libre
modifierPartisan des logiciels libres comme vecteur d'émancipation et de souveraineté, Pierre Ouédraogo a mis en œuvre divers projets visant à sensibiliser l'ensemble de la société africaine, et notamment les décideurs politiques et la jeunesse, aux opportunités qu'ils offrent.
En appui du programme LabTIC, il met en place des communautés de pratiques autour des logiciels libres, les AN3L (« associations nationales de promotion de l'utilisation de Linux et des Logiciels Libres »), pour faciliter et accélérer l'appropriation et la créativité en vue de favoriser l'émergence et la consolidation de l'expertise numérique locale. Ces associations nationales sont chapeautées par une association continentale, l'Association africaine des utilisateurs des logiciels libres (AAUL), dont Pierre Ouédraogo est le fondateur et premier président.
La structuration au niveau sous-continental de ces communautés passant par la création de liens entre elles ainsi qu'avec la communauté mondiale, il fait financer la participation de délégués africains aux Rencontres mondiales du logiciel libre, habituellement situées sur le territoire français, puis la création d'une déclinaison spécifique, les Rencontres africaines des logiciels libres (RALL), pour installer une dynamique régionale et internationale de contribution de l'Afrique francophone à l'industrie du logiciel, par l'Afrique et pour l'Afrique. La première édition des RALL se tient en 2004 à Ouagadougou, puis en 2005 à Libreville, et en 2007 à Rabat.
Chef du département des achats et des services généraux
modifierRemarquant ses talents d'organisateur et de manager rigoureux, l'Administrateur de la Francophonie le nomme en 2008 chef du département des achats et des services généraux. À ce titre, il conduit le processus de transfert du siège de l'Organisation internationale de la Francophonie du quai André Citroën à l'avenue Bosquet, à Paris. Cette fonction l'éloigne du terrain pendant quelques années. Cependant, elle lui permet de promouvoir l'usage de logiciels libres au sein des systèmes d'information de l'OIF. Ceux-ci seront remplacés à grand frais par des systèmes sous licence propriétaire dans les années 2020 par la nouvelle gouvernance.
Directeur de la Francophonie numérique
modifierPierre Ouédraogo tombe gravement malade à la fin de l'année 2010. Pendant sa convalescence, il participe avec succès au concours pour le poste de directeur de la Francophonie numérique. Nommé à ce poste en 2011, il relance cette direction en travaillant à l'élaboration d'une Stratégie de la Francophonie numérique, horizon 2020. L'un des axes principaux de cette stratégie concerne la montée en compétences des jeunes Africains, afin d'impulser l'industrialisation numérique du continent. Soucieux de la protection des populations africaines face aux menaces numériques grandissantes, il fait soutenir par l'OIF, en coopération avec le réseau des polices francophones, la formation des policiers et gendarmes de plusieurs pays africains à la lutte contre la cybercriminalité.
Retraite active
modifierÀ sa retraite de l'OIF, Pierre Ouédraogo s'investit dans de nombreux projets visant à accroître l'autonomie informationnelle de l'Afrique.
Écoles d'été francophones sur la gouvernance de l'Internet
modifierDans le fil des formations mises en œuvre du temps où il était à l'OIF, Pierre Ouédraogo soutient l'organisation, par l'association burkinabè Initiative TIC et Citoyenneté (ITICC), d'une école d'été sous-continentale sur la gouvernance de l'Internet, seule école d'été francophone du genre dans le monde. La première édition de l'événement, réalisée avec le soutien de l'OIF, de l'ICANN, de l'AFNIC et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) du Burkina Faso, a lieu à Ouagadougou en . Elle sera suivie d'une seconde, en .
Lorsque Hadja Ouattara Sanon, fondatrice et présidente de l'association ITICC, est appelée au gouvernement burkinabè en en tant que ministre du numérique, Pierre Ouédraogo assure l'intérim de la présidence de l'association, jusqu'en .
Formation des Formateurs à la Gouvernance de l'Internet (FFGI)
modifierParce qu'une unique d'école d'été annuelle ne peut suffire à répondre aux besoins africains de formation sur les sujets complexes de la gouvernance de l'Internet, Pierre Ouédraogo œuvre à la création par l'ITICC de la Formation des Formateurs à la Gouvernance de l'Internet (FFGI), visant à faire essaimer cette formation au niveau continental. De 2017 à 2019, cette école d'été se tient annuellement à Ouagadougou à chaque fin du mois d'août. En 2020 et 2021, elle se tient essentiellement en distanciel, à cause de la pandémie de covid-19. Suite au coup d'État de janvier 2022 au Burkina Faso, l'édition suivante se tient à Cotonou à la mi-septembre 2023.
Alliance pour la souveraineté numérique en Afrique
modifierConcurremment à ce projet, afin de diffuser au sein des milieux politiques et économiques la nécessité de prendre en compte les enjeux de souveraineté numérique pour la définition des politiques publiques en Afrique, Pierre Ouédraogo endosse la responsabilité de président du comité ad hoc pour la mise en place de l'Alliance pour la souveraineté numérique en Afrique.
Préservation de la mémoire de Thomas Sankara
modifierDepuis l'assassinat de Thomas Sankara, Pierre Ouédraogo a œuvré sans relâche à la réhabilitation de sa mémoire.
Pierre Ouédraogo témoigne en 2021 devant le tribunal chargé d'élucider les circonstances de la mort de Thomas Sankara et de découvrir les complicités locales et internationales dont auraient pu bénéficier ses assassins[12],[14].
Comité international du mémorial Thomas Sankara
modifierPierre Ouédraogo préside, de 2020 jusqu'à son décès, le Comité international du mémorial Thomas Sankara (CIM-TS), constitué en 2016[e]. Ce mémorial, érigé sur le site du Conseil de l'Entente et ouvert au public le , vise à propager, au Burkina et, plus largement, en Afrique et au-delà, l'esprit d'émancipation et d'auto-détermination porté par la révolution burkinabè d'août 1983[15]
Distinctions
modifier- Médaille du Flambeau d'Or de la Révolution, distinction remise par Thomas Sankara en 1985[16]
- Prix Jon-Postel 2012, décerné en reconnaissance de son action en faveur du développement de l'Internet en Afrique[3]
- Grand-Officier de l'Ordre de l'Étalon, décerné à titre posthume le [1]
Postérité
modifierPrix Pierre-Ouédraogo
modifierLe samedi a été lancé le Prix Pierre-Ouédraogo pour le leadership numérique[f]. Créée par l'ITICC qu'il avait accompagnée et dirigée, cette distinction biennale vise à honorer sa mémoire en promouvant les personnalités ou les actions en faveur du développement et de l'intégration des peuples par le numérique. Ce prix est doté d'une récompense de cinq millions de francs CFA ainsi que d'un globe en cristal symbolisant l'universalité et la transparence. La première attribution de ce prix est prévue pour le , date anniversaire de son décès.
Notes et références
modifierNotes
modifier- Nom souvent interprété comme l'acronyme de « Regroupement des officiers communistes »[5]:65, mais certains de ses anciens membres contestent cette interprétation[4], cette organisation ayant accueilli des personnes d'autres sensibilités politiques.
- « Fespaco - Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou » (consulté le )
- Le premier récipiendaire africain du prix Jon-Postel est Nii Quaynor (en), en 2007.
- Le LabTIC du Togo est hébergé au CIC / CAFMICRO (Centre Informatique et de Calcul / Centre InterAfricain pour la Maintenance des équipements de la micro-informatique de l'Université de Lomé, et co-géré par l'Association togolaise des utilisateurs de logiciels libres (ATULL).
- Les deux présidents l'ayant précédé sont Abdoul Salam Kaboré et Bernard Sanou.
- « Prix Pierre-Ouédraogo pour le leadership numérique » (consulté le )
Références
modifier- Décret no 2023-1135 PRES-TRANS/GC portant élévation, promotion et nomination à titre normal, à titre exceptionnel et à titre posthume dans l'Ordre de l'Étalon (Burkina Faso)
- Éloge funèbre de Pierre Ouédraogo [RTB], dans Journal télévisé (, 3 minutes)
- Internet Society, Pierre Ouedraogo, Technical Leader from Africa, Receives 2012 Jonathan B. Postel Service Award, communiqué de presse, , [1], consulté le
- Tribune du [Oméga Médias], dans Tribune (, 52 minutes)
- Sennen Andriamirado, Il s'appelait Sankara : Chronique d'une mort violente, Jeune Afrique Livres, , 188 p. (ISBN 2-85258-391-7)
- Merneptah Noufou Zougmoré, Pierre Ouédraogo, l'âme secrète de la Révolution, a rejoint Thomas Sankara, publication Facebook du reprise par le site ThomasSankara.net, consulté le
- Valère Somé, Thomas Sankara : L'espoir assassiné, L'Harmattan, , 230 p. (ISBN 2-7384-0568-1)
- « « Pierre CDR » a définitivement déposé les armes », L'Observateur Paalga, no 10885, , p. 2 (www.lobservateur.bf)
- « « Pierre CDR » s'en est allé ! », Aujourd'hui au Faso, no 2320, , p. 3 (www.aujourd8.net)
- Bruno Jaffré, Les années Sankara : Burkina Faso : de la révolution à la rectification, L'Harmattan, , 330 p. (ISBN 2-7384-5967-6)
- Tribune du [Oméga Médias], dans Tribune (, 52 minutes)
- Pierre Dieme, « Assassinat de Thomas Sankara : « J'ai trouvé Blaise Compaoré dans une salle avec des cartes d'identité ensanglantées » », Dakar Matin, (lire en ligne)
- (en) « Eulogizing Pierre Ouedraogo » (consulté le )
- Audition du colonel Pierre Ouédraogo [3TV], dans Tribunal de l'actualité (, 51 minutes), consulté le
- . Issoufou Ouédraogo, « Mémorial Thomas Sankara : Le premier site le plus visité de la ville de Ouagadougou », LeFaso.net, (lire en ligne)
- Mamadou Zongo, « Burkina Faso : Le colonel Pierre Ouédraogo, ancien compagnon de Thomas Sankara, repose désormais aux côtés des soldats tombés pour la Patrie », LeFaso.net, (lire en ligne)