Monastère de la Panagía Kosmosótira

monastère de Macédoine-Orientale-et-Thrace, en Grèce

Panagía Kosmosótira
Image illustrative de l’article Monastère de la Panagía Kosmosótira
Le catholicon du monastère depuis le sud-ouest.
Présentation
Nom local Θεοτόκος η Κοσμοσώτειρα
Culte Christianisme orthodoxe
Dédicataire Marie
Type Monastère (1152–XIVe siècle)
Mosquée (XIVe siècle–1920)
Église (depuis 1940)
Fin des travaux 1152
Style dominant Byzantin
Protection Site archéologique de Grèce
Géographie
Pays Drapeau de la Grèce Grèce
Périphérie Macédoine-Orientale-et-Thrace
District régional Évros
Ville Phères
Coordonnées 40° 53′ 38″ nord, 26° 10′ 13″ est

Carte

Le monastère de la Panagía Kosmosótira ou Theotókos Kosmosótira (en grec moderne : Θεοτόκος η Κοσμοσώτειρα, littéralement « Mère de Dieu Salvatrice du monde ») est un monastère byzantin à Phères, dans le district régional de l'Évros, en Grèce. Il fut construit vers 1152 par le sébastokrator Isaac Comnène, fils de l'empereur Alexis Ier Comnène. Le catholicon du monastère fut converti en mosquée durant la domination ottomane, avant de devenir une église grecque orthodoxe en 1940.

Histoire modifier

Isaac Comnène commandita la construction du monastère pour en faire son lieu de retraite et de dernier repos, quelque temps avant 1152[1]. Par cet acte, il transféra son projet de sépulture depuis Saint-Sauveur-in-Chora à Constantinople[2],[3],[4]. Le site, connu sous le nom de Bera ou Vira (en grec moderne : Βήρα, d'un mot slave pour « marais »), était alors un endroit inhabité et densément envahi par la végétation[5]. Toutefois, le catholicon, l'église principale du monastère, aurait potentiellement été érigé sur les vestiges d'un bâtiment antérieur, peut-être de l'époque romaine[6], bien qu'aucune source littéraire n'en fasse mention[7].

Pour soutenir son fonctionnement et assurer son indépendance financière, Isaac Comnène dota le monastère de vastes domaines à travers la Thrace. Il commanda nombre d’icônes[8] et rédigea lui-même la règle du monastère (typikon) en prenant pour modèle celle du monastère de la Theotókos Evergétis (en)[9]. Il en fit une institution cénobitique pour 80 religieux, dont 50 moines[7], tous âgés de plus de 30 ans. Les eunuques étaient explicitement interdits[1]. Le monastère relevait de la métropole (en) de Trajanopolis[6].

À l'hiver 1183-1184, l'empereur Andronic Ier Comnène, le fils d'Isaac, visita le monastère où son père fut enterré. En avril 1195, l'empereur déchu Isaac II Ange y fut aveuglé par son frère Alexis III Ange. Lors du partage de l'Empire byzantin après la quatrième croisade, Bera tomba aux mains des croisés et passa sous le contrôle de Geoffroi de Villehardouin, qui envoya son neveu Anseau de Courcelles reprendre le monastère et ses autres fiefs de la région[5].

Au fil des années, le monastère devint le noyau d'une zone de peuplement plus vaste formant la ville fortifiée de Phères[10], au sein de laquelle les paysans locaux cherchèrent refuge lors des invasions et des guerres civiles de l'époque[6]. Le monastère fonctionna jusqu'au milieu du XIVe siècle[1], les moines ayant vraisemblablement abandonné le lieu entre 1343 et 1355[5]. Au début des années 1370, Bera fut conquise par les troupes ottomanes de Lala Şâhin Pacha[6]. En 1433, le catholicon du monastère fut attesté comme mosquée[6]. Le monument, qui prit le nom de mosquée Gazi Süleyman Pacha, fut probablement l'une des premières églises de Grèce actuelle converties par les Ottomans[11].

Après que la région fut rattachée à la Grèce en 1920, le catholicon fut restauré sous l'égide d'Anastásios Orlándos. Quatre arcs-boutants et des cerclages métalliques du dôme furent notamment ajoutés afin de rectifier les problèmes structurels de l'édifice. Placé sous la responsabilité du 12e Éphorat des antiquités byzantines, le monument fut reconsacré en tant qu'église en 1940[12]. Il est depuis lors rattaché à la Métropole d'Alexandroupolis, Trajanoupolis et Samothrace.

Architecture modifier

 
Vestige de l'une des tours de l'enceinte du monastère.

Le complexe monastique de la Panagía Kosmosótira était entouré d'une double enceinte fortifiée. La muraille intérieure avait vraisemblablement une forme à peu près hexagonale, avec des tours à chaque coin, dont trois nous sont parvenues dans un état de conservation correct[6],[13]. L'ensemble comprenait notamment une citerne, un hospice, un moulin, une bibliothèque, un hôpital disposant de 36 lits et un bain public accessible aux villageois[7],[9]. L'entretien de deux ponts construits par Isaac Comnène sur le fleuve Évros fut également confié à l'higoumène du monastère[6].

L'église principale est un édifice à croix inscrite[1] mesurant 23 × 17 m de côté et 17 m de haut. L'angle sud-est fut orné d'une décoration en brique avec un motif d'aigle. Outre l'entrée principale du côté ouest, sur la façade où s'élevait autrefois le narthex, une porte latérale est logée au milieu du mur nord. Le monument révèle d'importantes réparations ultérieures sur l'abside centrale et la prothèsis, ainsi que l'ajout de quatre contreforts externes. Le toit est recouvert de feuilles de plomb, comme ordonné par Isaac lui-même[13]. Des similarités architecturales existent avec Saint-Sauveur-in-Chora et le monastère du Christ-Pantocrator. Le premier fut d'ailleurs restauré au milieu du XIXe siècle par Isaac Comnène et le second bâti en 1136 par Jean II Comnène, frère d'Isaac[14].

L'espace intérieur est dominé par un grand dôme de 7 m de diamètre[15] à douze fenêtres reposant sur un tambour dodécagonal. Les pendentifs du dôme sont supportés par deux piliers côté est et deux paires de colonnes côté ouest[13]. Cette asymétrie s'explique potentiellement par le remploi des colonnes provenant d'un bâtiment antérieur[14]. Quatre dômes plus petits flanquent l'espace central aux angles du bâtiment[13]. Le couvercle de la tombe d'Isaac a potentiellement survécu, mais son emplacement d'origine dans l'église est inconnu[16],[17].

Les fresques du XIIe siècle sont attribuées à l'école constantinopolitaine[13],[18],[19]. La coupole à nervures, encore largement enduite du plâtre de l'époque ottomane, présente peu d'ornementations[20]. En revanche, sur les murs nord et sud figurent des représentations de saints militaires, dont Théodore le Stratilate et Mercure de Césarée[21], avec des traits vraisemblablement empruntés aux membres de la dynastie des Comnène[22]. Alexis Ier pourrait avoir été peint à gauche du côté nord, tout comme Isaac lui-même et ses frères aînés Andronic (en) et Jean II. Cette hypothèse ne fait toutefois pas consensus[20]. Les fresques survivantes comprennent également des représentations de la Présentation de Jésus au Temple, de l'Annonciation, de la Communion des Apôtres, des Saintes Femmes devant le tombeau vide, de la Pentecôte, de la Théotokos en prière, des prélats et des prophètes ainsi que des séraphins[13],[18]. Le style artistique et les choix iconographiques, exemples de l'art des Comnène, tendent à rapprocher le monastère de la Panagía Kosmosótira de l'église Saint-Panteleimon de Nerezi, de la chapelle du cimetière du monastère de Batchkovo[23] et du catholicon du monastère de Veljusa[24].

Notes et références modifier

Notes modifier

Références modifier

  1. a b c et d Alice-Mary Talbot et Anthony Cutler 1991, p. 740–741.
  2. (en) Robert S. Nelson, Later Byzantine Painting: Art, Agency, and Appreciation, Londres, Ashgate Variorum, , 430 p. (ISBN 978-0-86078-997-0, lire en ligne), p. 74.
  3. (en) Robert G. Ousterhout et Professor Department of the History of Art and Director of the Center for Ancient Studies Robert G. Ousterhout, The Architecture of the Kariye Camii in Istanbul, Washington, Dumbarton Oaks, , 292 p. (ISBN 978-0-88402-165-0, lire en ligne), p. 21.
  4. Katherine Marsengill 2012, p. 203.
  5. a b et c Georgi Sengalevich 2017, p. 154.
  6. a b c d e f et g Peter Soustal 1991, p. 200–201.
  7. a b et c Rosa Benoit-Meggenis, L’empereur et le moine : Les relations du pouvoir impérial avec les monastères à Byzance (IXeXIIIe siècle), MOM Éditions, , 303 p. (ISBN 978-2356680570, lire en ligne), p. 168.
  8. (en) Kallirroe Linardou, « Imperial impersonations: Disguised portraits of a Komnenian prince and his father », dans Alessandra Bucossi et Alex Rodriguez Suarez (eds.), John II Komnenos, Emperor of Byzantium: In the Shadow of Father and Son, Londres, Routledge, (ISBN 978-1-4724-6024-0), p. 155–182, p. 156.
  9. a et b Georgi Sengalevich 2017, p. 152.
  10. (en) Stefano Campana, Roberto Scopigno et Gabriella Carpentiero, CAA2015. Keep The Revolution Going: Proceedings of the 43rd Annual Conference on Computer Applications and Quantitative Methods in Archaeology, Oxford, Archaeopress Publishing Ltd, , 1160 p. (ISBN 978-1-78491-338-0, lire en ligne), p. 973.
  11. (en) Ahmed Ameen, « Ottoman use of the existing buildings in byzantine towns », dans Michele Bernardini, Alessandro Taddei et Michael Douglas Sheridan (eds.), 15th International Congress of Turkish Art, Proceedings, Ankara, (lire en ligne), p. 91.
  12. Georgi Sengalevich 2017, p. 155.
  13. a b c d e et f (el) Ministère de la Culture, « Μονή Παναγίας Κοσμοσώτειρας » [« Monastère de la Panagía Kosmosótira »], sur www.odysseus.culture.gr (consulté le ).
  14. a et b Georgi Sengalevich 2017, p. 149.
  15. Georgi Sengalevich 2017, p. 148.
  16. Nancy Patterson Sevcenko 2012, p. 86.
  17. Georgi Sengalevich 2017, p. 151 et 152.
  18. a et b Maria Panayotidi 1989, p. 459.
  19. Nancy Patterson Sevcenko 2012, p. 90.
  20. a et b Georgi Sengalevich 2017, p. 150.
  21. (en) Martha Levine, Perception of Beauty, Norderstedt, Books on Demand, , 234 p. (ISBN 978-953-51-3581-4, lire en ligne), p. 30.
  22. Katherine Marsengill 2012, p. 203–220.
  23. Maria Panayotidi 1989, p. 459–484.
  24. Christopher Walter, « Stefan Sinos, Die Klosterkirche der Kosmosoteira in Bera (Vira) », Revue des études byzantines, vol. 45, no 1,‎ , p. 265–265 (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (el) Ioánnis Iliádis, « Tο Φως στο ναό της Κοσμοσώτειρας » [« La lumière dans l'église de la Kosmosótira »], Byzantinische Forschungen, vol. 30,‎ , p. 571–588 (ISSN 1399-2686).
  • (en) Ioánnis Iliádis, « The Panagia Kosmosoteira at Pherai (Vira): the natural lighting of the katholikon », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, vol. 55,‎ , p. 229–246 (ISSN 0378-8660).
  • (en) Katherine Marsengill, « Imperial and Aristocratic Funerary Panel Portraits in the Middle and Late Byzantine Periods », dans Mark J. Johnson, Robert Ousterhout et Amy Papalexandrou (eds.), Approaches to Byzantine Architecture and its Decoration, Farnham, Ashgate, (lire en ligne), p. 203–220.  
  • Maria Panayotidi, « The Wall-paintings in the Church of the Virgin Kosmosoteira at Ferai (Vira) and Stylistic Trends in 12th Century Painting : First International Symposium for Thracian Studies: Byzantine Thrace, Image and Character, Komotini (1987) », Byzantininsche Forschungen, vol. 14, no 1,‎ , p. 459–484 (ISSN 0167-5346, lire en ligne, consulté le ).  
  • (en) Georgi Sengalevich, « Aristocratism and piety along the banks of Maritsa: The case of Komnenos's monastery of the Mother of God Kosmosoteira », dans Kostadin Rabadzhiev, Daniela Stoyanova, Grigor Boĭkov et Ivaylo Lozanov (eds.), Cities in Southeastern Thrace. Continuity and transformation, Sofia, St. Kliment Ohridski University Press, , 223 p. (ISBN 9789540742755, lire en ligne), p. 147–159.  
  • (de) Stefan Sinos, Die Klosterkirche der Kosmosoteira in Bera (Vira), vol. 16, Munich, Walter de Gruyter, coll. « Byzantinisches Archiv », 244 p. (ISSN 1864-9785).
  • (en) Nancy Patterson Sevcenko, « Revisiting the Frescoes of the Church of the Kosmosoteira at Pherrai (1152) », Bizantina Symmeikta. Zbornik radova povodom cetrdeset godina Instituta,‎ , p. 85–91 (ISSN 1791-4884, lire en ligne, consulté le ).  
  • (de) Peter Soustal, « Bēra », dans Tabula Imperii Byzantini, Band 6: Thrakien (Thrakē, Rodopē und Haimimontos), Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, , 580 p. (ISBN 978-3-7001-1898-5, lire en ligne), p. 200–201.
  • (en) Alice-Mary Talbot (en) et Anthony Cutler, « Euergetis Monastery », dans Alexander Kazhdan (ed.), Oxford Dictionary of Byzantium, Oxford et New York : Oxford University Press, (ISBN 0-19-504652-8), p. 740–741.

Articles connexes modifier