Abside

partie saillant en demi-cercle d'un bâtiment monumental ou privé

Une abside est une construction de forme arrondie ouverte sur l'extrémité d'un bâtiment. Elle peut être apparente de l'extérieur ou cachée derrière un mur droit. Cette forme architecturale est connue depuis l'antiquité grecque et romaine, elle était alors utilisée dans la construction domestique comme dans celle des monuments. Les chrétiens ont à leur tour adopté cette structure dans la construction des églises.

Abside fin XIe au début XIIe siècle.

Étymologie modifier

L'abside emprunté au XVIe siècle[1] au latin absis, lui-même dérivé du grec ἁψίς / hapsís, génitif ἁψῖδος / hapsîdos, « cercle, voûte », désigne d'après Pline une construction voûtée[2].

Définition modifier

Une abside est une construction ouverte sur un bâtiment plus important et dont le mur du fond dessine une courbe plane égale, supérieure ou inférieure à un demi-cercle. Elle peut aussi comporter plusieurs pans de murs dont l'ensemble forme un espace arrondi[3]. Les absides sont dites saillantes quand elles sont visibles de l'extérieur. Mais elles peuvent être intégrées dans un volume carré ou rectangulaire, elles sont alors dites non-saillantes[note 1]

Une absidiole est une petite chapelle absidale accolée à l'abside principale, au transept, aux bas-côtés ou qui s'ouvre sur un déambulatoire.

Historique modifier

Dans l'Antiquité grecque et romaine modifier

En Grèce les tout premiers bâtiments à abside font leur apparition à l'âge du bronze au cours de la phase II de l'Helladique ancien c'est-à-dire de 2900 à 2500 av. J.C.[5]. À l'époque géométrique maisons et bâtiments publics à abside se généralisent, de nombreux temples d'Apollon conservant ce mode de construction jusqu'au début de l'époque archaïque. On trouve même des maisons absidales de cette époque dans la Gaule d'alors comme celle de Bessan dans L'Hérault ou celle de Ruscino à Perpignan. La fonction de ce mode de construction est utilitaire dans la mesure où l'arrondi du toit qui abrite l'abside permet d'atténuer l'impact du vent sur le bâtiment[6].

À l'époque de la fin de la République romaine et jusqu'au Haut-Empire de nombreux édifices à abside axiale[note 2] apparaissent. Ils ont ou non une fonction religieuse : temples dédiés à divers dieux, nymphée basilical[7], chambres funéraires, maisons privées, palais, basiliques judiciaires[8]. Jusqu'au IIe siècle les absides sont non saillantes, invisibles de l'extérieur. En position axiale à l'intérieur de la cella, elles sont la partie de l'édifice où convergent les regards : où reposent les mânes, où s'élève la statue d'un dieu ou d'un empereur ou bien c'est l'endroit privilégié où se tiennent Jules César ou d'autres tribuns[9],[10]. Les basiliques sont de plan rectangulaire mais la plupart sont équipées d'une ou deux absides voutées en cul-de-four ou quart de sphère[7],[11].

Dans le monde chrétien modifier

Les églises paléochrétiennes modifier

Au IVe siècle, par l'édit de Milan, l'empereur romain Constantin Ier autorise alors les Chrétiens à célébrer leur culte. La forme absidale est également adoptée par les premiers Chrétiens. C'est dans cet espace aux allures de grotte[9] qu'est célébré le mystère du Saint-Sacrement. Les premières basiliques chrétiennes de Rome, dont celle du Latran construites par Constantin sur le modèle des basiliques civiles et des palais[12],[13] sont comme elles, encore occidentalisées c'est-à-dire que l'entrée est à l'est et l'abside à l'ouest[14]. Les églises paléochrétiennes de tout l'empire romain sont, dans leur grande majorité, des édifices de plan basilical avec dans l'axe du bâtiment, une abside qui contient le sanctuaire. Ces absides sont semi-circulaires en général, mais aussi : en anse-de-panier, en arc-surhaussé ou polygonales[15].

Les monuments paléochrétiens du Proche-Orient étaient dotés en général d'une ou plusieurs absides généralement orientées, saillantes ou non saillantes[16]. À Chypre les édifices religieux dont le chevet comporte trois absides semi-circulaires saillantes se multiplient du Ve siècle au VIIe siècle[17] tandis qu'en Tunisie et en Algérie, l'abside est surélevée par rapport à la nef et généralement inscrite entre deux autres pièces derrière un mur droit[18].

Caractères de l'abside modifier

Dans l'antiquité tardive le chevet des églises prenait toutes les formes. Comme au Proche-Orient où il pouvait être plat ou comporter une ou plusieurs absides, saillantes ou non, il présente aussi toutes les combinaisons possibles dans l'Europe du Moyen-Âge.

Saillante ou inscrite dans un chevet droit modifier

les absides non saillantes. modifier

En Afrique du Nord les absides sont inscrites derrière des murs droits[18] On trouve quelques exemples de cette tradition en Espagne par exemple l'Église Santa María de Melque des VIIe siècle au VIIIe siècle . En France on note l'Église Saint-Michel de Nanclars et les trois absides inscrites de la cathédrale de Poitiers et celles de la petite église de Vaussais[19]. Les églises espagnoles du Xe siècle San Cebrián de Mazote et Peñalba de Santiago ont chacune une abside de chœur et une contre-abside non saillantes.

Les absides saillantes modifier

Les absides saillantes sont les plus nombreuses. Elles sont semi-circulaires, en anse de panier ou formées de plusieurs pans. Couvertes d'un cul-de-four ou d'une voûte sur croisée d'ogives elles peuvent être éclairées par des fenêtres ou non[20].

Unique, double ou multiple modifier

De nombreuses églises paroissiales sont simplement équipées d'une nef terminée par une abside. Mais certains chevets peuvent en avoir trois. D'après Viollet-le-Duc l'église du Xe siècle est généralement un bâtiment en forme de croix latine avec un chevet terminé par trois absides[21]. Aux XIe et XIIe siècles av. J.-C., le chevet tripartite se répand largement[22] La plus grande abside est entourée par les deux autres, toutes les trois étant dans l'axe de la nef comme dans la basilique Saint-Martin d'Aime et plusieurs autres églises des Alpes dont l'origine remonte au premier art roman mais aussi au monde romain[23]

Les églises à absides opposées modifier

Les églises à absides opposées comportent une abside de chœur, celle qui abrite le sanctuaire et une contre-abside[4], chacune étant disposée à une extrémité de l'édifice. Elles ont apparu au Ve siècle en Afrique du Nord[24],[25]. Quelle que soit l'explication de l'existence de ces deux absides ; par exemple la règle pour célébrant et fidèles de prier face à l'est ou la présence de reliques célèbres plaçant l'église sous un double vocable ou encore la nécessité de réserver un emplacement privilégié pour les cérémonies funéraires[26] : l'usage s'en est répandu dans de nombreuses églises de l'empire Carolingien[27],[28]. De grands édifices en Allemagne comme ceux de Hildeshein, Mayence, Trèves[29] Worms, Gernrode mais aussi en France et en Belgique ont conservé cette deuxième abside caractéristique du plan roman-rhénan. En France dans la cathédrale de Besançon ; comme à l'origine le chœur liturgique se tient dans l'abside occidentale, la contre-abside romane étant tournée vers le nord-est. La cathédrale de Nevers est également dotée d'une abside romane à l'ouest et d'une abside gothique élevée au XIIIe siècle dans le but de réorienter le bâtiment[30]. Dans la Drôme l'église romane de la Garde-Adhémar a conservé une contre-abside occidentale. Mais en Belgique les absides axiales opposées de la collégiale Sainte-Croix de Liège ont été toutes deux construites au XIIIe siècle. En Italie l'église romane de San Piero a Grado a un chevet à trois absides et une contre-abside.

Les absides de transept modifier

Au VIe siècle des absides se dessinent symétriquement sur les longs côtés de quelques églises comme à Junca[31], la cathédrale de Talin du VIIe siècle en Arménie où elles préfigurent les absides de transept des cathédrales de Noyon et de Soissons, de Cambrai en France, de Tournai en Belgique, de Saint-André de Cologne[21]. La cathédrale de Bagrati en Géorgie a été construite au XIe siècle, l'église de la Découverte de la Sainte-Croix à Bříství en Bohême-Centrale,Tchéquie date du XIIIe siècle. On peut en trouver d'autres construites aux siècles suivants.

Les absides de chevets tréflés. modifier

Les absides de transept peuvent être confondues ou assimilées avec les absides des chevets tréflés encore appelés triconques comme le fait Viollet-Leduc pour l'église de Saint-Macaire. Les absides sont toutes les trois à peu près de même dimension et sont configurées comme les trois folioles d'une feuille de trèfle. Dans les petits édifices celles qui sont perpendiculaires à la nef servent de transept et le carré du transept est dominé par la tour du clocher. La forme de triconque apparue dès l'Antiquité tardive dans l'architecture domestique se perpétue dans les chevets des églises de l'ère paléochrétienne[32] jusqu'au Moyen-Âge. Le chevet tréflé de la Chapelle Saint-Germain de Querqueville a été construite vers le Xe siècle. La petite église de Saint-Martin de Londres date des XIe et XIIe siècles tandis qu'en Allemagne l'Église Sainte-Marie-du-Capitole et l'Église Saint-Martin de Cologne qui datent de la même époque sont des édifices beaucoup plus importants.

Erreurs à éviter modifier

Il ne faut pas confondre :

  • Abside et chevet, l'abside n'étant qu'une des formes du chevet. Elle peut s'inscrire à l'intérieur d'un chevet plat[4].
  • Abside et exèdre. L'exèdre est un espace semi-circulaire garni d'un banc de pierre accolé au mur. Elle peut être à l'extérieur d'un bâtiment[4]. Elle peut être également quadrangulaire mais toujours garnie de bancs. Pour les Latins, le mot avait le sens très large de chambre garnie de sièges[2].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Contrairement à ce qu'en dit Viollet-Leduc , l'abside ne peut avoir un mur droit puisque le terme même de apsis désigne une forme courbe. Quand le chevet n'est pas en abside on le qualifie de chevet plat[4]. dont les petites églises de campagne normandes sont le plus souvent équipées.
  2. c'est-à-dire que l'abside est située sur le petit côté du rectangle, dans l'axe de la construction.

Références modifier

  1. Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, t. 1, Le robert, (ISBN 9782321000648), p. 9.
  2. a et b Charles Victor Daremberg et Edmond Saglio, Le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, Hachette, (lire en ligne), p. 11-12 et 380 à 383.
  3. Victor Mortet, « Le sens du mot abside », Bulletin monumental, vol. 72,‎ , p. 165 (lire en ligne, consulté le ).
  4. a b c et d Anne Baud (dir.), Joëlle Tardieu (dir.), « Organiser l’espace sacré au Moyen Âge: Lexique », sur Openedition, (consulté le ), p. 81 à 167 et 221 à 227
  5. Nicolas Platon, Béatrice de Tournay, La Civilisation égéenne, vol. 1, t. 1,Du Néolithique au Bronze récent, Albin Michel, (ISBN 9782226341051).
  6. Dominique Garcia, Henri Trézini, « Maisons à absides dans le monde grec et en Gaule méditerranéenne In : Grecs et indigènes de la Catalogne à la mer Noire », Actes des rencontres du programme européen Ramses2, sur Books OpenEdition, Publications du Centre Camille Jullian, (consulté le ), p. 371 à 378.
  7. a et b René Ginouvès, Dictionnaire méthodique de l'architecture grecque et romaine. Tome III. Espaces architecturaux, bâtiments et ensembles, t. III, Publications de l'École Française de Rome, (lire en ligne), p. 14,15,89,97.
  8. Delvoye 1962, p. 293.
  9. a et b Pierre Gros, « Trois temples de la Fortune des Ier et IIe siècles de notre ère. Remarques sur l'origine des sanctuaires romains à abside », Mélanges de l'école française de Rome,‎ , p. 504,521, 522, 546, 565 (lire en ligne, consulté le ).
  10. Balty Jean Ch. Birgitta Tamm, « , Auditorium and Palatium. A study on assembly-rooms in Roman palaces during the Ist century B.C. and the 1st century A.D. In: , Tome 33, fasc. 2, . », L'antiquité classique,‎ , p. 573-577. (lire en ligne, consulté le ).
  11. Victor Mortet, « La mesure des voûtes romaines, d'après les textes d'origine antique.. », Bibliothèque de l'école des chartes, vol. 61,‎ , p. 321 (lire en ligne, consulté le ).
  12. Bertrand Lançon, Tiphaine Moreau, Constantin. Un Auguste chrétien : Les constructions religieuses, Armand Colin, coll. « Nouvelles biographies historiques », , 256 p. (lire en ligne), p. 77 à 85.
  13. Gérard Monnier, Histoire de l'architecture : l'architecture de l'occident chrétien, Humensis, , 128 p. (ISBN 9782715406308, lire en ligne).
  14. Delvoye 1962, p. 297.
  15. Delvoye 1962, p. 301.
  16. Sophie Garreau, « Les églises basilicales protobyzantines à chevet tripartite et absides saillantes en Phénicie maritime et libanaise », Dossier : Églises paléo-chrétiennes à absides saillantes, sur OpenEditionJournal, (consulté le ), p. 97 à 116.
  17. Marie-Christine Comte, « Les chevets à trois absides des églises chypriotes et leur rapport avec le chevet du martyrium de Saint-Syméon (ive-viie siècles) », Dossier : Églises paléo-chrétiennes à absides saillantes, sur OpenEditionJournal, (consulté le ), p. 191-256, paragraphes 4 et 131.
  18. a et b Noël Duval, « Basilique Chrétienne africaine », Encyclopédie Berbère, sur OpenEditionJournal, (consulté le ), p. 1371-1377.
  19. Thirion Jacques, « Origines et extension du chevet plat dans l'architecture religieuse de l'Aquitaine (compte rendu de l'article de Pierre Héliot) », Bulletin Monumental, vol. 114, no 4,‎ , p. 282 (lire en ligne, consulté le ).
  20. Delvoye 1962, p. 301 à 310
  21. a et b Eugène Viollet-le-Duc, « Dictionnaire raisonné de l'architecture du XIe siècle au XVIe siècle », sur wikisource, Bance, (consulté le ), p. 5 et 168.
  22. Anne BAUD (dir.), Joëlle TARDIEU (dir.), « Organiser l’espace sacré au Moyen Âge: l'église du porche au sanctuaire. », sur Openedition, (consulté le ), paragraphe 70
  23. Pierre Bouffard, « St-Pierre de Clages et les églises des Alpes à trois absides », sur réseau des bibliothèques de Suisse occidentale, (consulté le ), p. 72 à79.
  24. DelvoyeII 1962, p. 527.
  25. Noël Duval, « , Les églises africaines à deux absides.compte-rendu d'article par Marcel Durliat », Revue des Études Anciennes, sur Persée, (consulté le ), p. 413.
  26. DelvoyeII 1962, p. 528-529.
  27. Francis Salet, Introduction à l'art roman, vol. Entretiens sur la Renaissance du 12e siècle, (lire en ligne), p. 221.
  28. Hans Reinhardt, Etienne Fels, « Étude sur les églises-porches carolingiennes et leur survivance dans l'art roman », Bulletin Monumental, tome 92, n°3, année 1933. pp. 331-365., sur Persée, (consulté le ), p. 364-365.
  29. Auguste Choisy, Histoire de l'architecture, t. 2, (lire en ligne), p. 186.
  30. Noël Duval, Ch. Bonnet, B. Oudet, J.-Ch. Picard, J.-F. Reynaud, Chr. Sapin, « La cathédrale de Nevers : du baptistère paléochrétien au chevet roman (VIe – XIe siècles), compte-rendu », sur Persée, (consulté le ), p. 374.
  31. delvoyeII 1962, p. 524.
  32. Yannis varalis, « Deux églises à chœur tréflé de l'Illyricum oriental Observations sur leur type architectural. », Bulletin de correspondance hellénique, vol. 123, no 1,‎ , p. 210 à 218 (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie modifier

  • Victor Mortet, « Le sens du mot Abside », Bulletin Monumental, vol. 72,‎ , p. 162-166 (lire en ligne)
  • Dom Melchior de Vogüé et dom Jean Neufville, Glossaire des termes techniques à l'usage des lecteurs de « La Nuit des temps », La Pierre-Qui-Vire, Éditions Zodiaque, coll. « Introductions à la Nuit des temps » (no 1), (ISBN 2-736-90164-9)
  • Charles Delvoye, « Études d'architecture paléochrétienne et byzantine », Byzantion, vol. 32, no 1,‎ , p. 291-310 (lire en ligne, consulté le )
  • Charles Delvoye, « Études d'architecture paléochrétienne et byzantine », Byzantion, vol. 32, no 2,‎ , p. 489-547 (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes modifier

Liens externes modifier