José-Maria de Heredia
José-Maria de Heredia, né le à La Fortuna et mort le à Bourdonné, est un homme de lettres français d'origine cubaine.
Administrateur (d) Bibliothèque de l'Arsenal | |
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Henry Marie Radegonde Martin (d) | |
Fauteuil 4 de l'Académie française | |
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Cimetière de Bonsecours (d) |
Nom de naissance |
José María de Heredia Girard |
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Conjoint |
Louise de Heredia-Despaigne (d) |
Enfants |
Hélène de Heredia (d) Marie de Régnier Louise de Heredia (d) |
Parentèle |
Henri de Régnier (beau-fils) |
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Distinctions |
Né sujet espagnol, il est naturalisé français en 1893. Son œuvre poétique fait de lui l'un des maîtres du mouvement parnassien. Il est l'auteur d'un seul recueil, Les Trophées, publié en 1893, comprenant cent-dix-huit sonnets qui retracent l'histoire du monde, comme Les Conquérants, ou dépeignent des moments privilégiés, comme Le Récif de corail, ainsi que quatre poèmes plus longs.
Biographie
modifierJosé María de Heredia Girard est le fils du planteur esclavagiste Domingo de Heredia, et de sa seconde épouse Luisa Girard d'Houville[N 1], issue d'une famille française qui avait dû quitter l'ancienne colonie de Saint-Domingue à la suite de la Révolution haïtienne. Ses parents étaient tous deux sujets espagnols. Le poète naît le à La Fortuna, la plantation de café familiale, près de Santiago de Cuba. Envoyé en France à l'âge de neuf ans, il accomplit ses études, au collège Saint-Vincent de Senlis, jusqu’au baccalauréat, en 1859. Élève brillant et très apprécié, la découverte de l’œuvre de Leconte de Lisle fait sur lui une impression profonde.
De retour à Cuba en , il passe un an à La Havane, approfondissant sa connaissance de la langue et de la littérature espagnoles avec le projet d'y effectuer des études de droit. C'est là qu'il compose les premiers poèmes français qui nous sont parvenus. Mais il n'y retrouve pas l'ambiance de travail qu'il avait connue en France, et l'équivalence du baccalauréat français lui est refusée pour des raisons administratives. Il retourne donc en France en 1861, en compagnie de sa mère, qui, veuve et ayant marié ses trois filles aînées, tient à veiller elle-même à l'éducation de son fils. La mère et le fils s'installent, rue de Tournon, à Paris. Le jeune homme s'inscrit, en octobre de la même année, à la faculté de droit de Paris.
De 1862 à 1865, il suit également, en qualité d'étudiant étranger, les cours de l'École impériale des chartes[1], où il se fait remarquer par son sérieux et sa culture. Beaucoup plus attiré par la littérature que par le droit, il continue à composer des poèmes, en particulier des sonnets, la fortune familiale, gérée avec rigueur par sa mère[N 2], lui épargnant pendant un certain temps les difficultés matérielles. Il fait partie de groupes littéraires tels que la conférence La Bruyère et devient un membre influent de l'école parnassienne. En 1863, il rencontre Leconte de Lisle et collabore au Parnasse contemporain[1], tout en se liant d'amitié à des auteurs comme Sully Prudhomme, Catulle Mendès ou encore Anatole France. En , Guy de Maupassant lui dédie la nouvelle Garçon, un bock !...
Sa production poétique lui permet d'acquérir la notoriété dans le milieu littéraire parisien, même s'il publie peu, confiant ses poésies à des revues de faible diffusion avant de les réunir sur le tard (en 1893) en un volume de cent-dix-huit sonnets, Les Trophées, édité par Alphonse Lemerre. Il fait appel à son ami de toujours, le peintre montmartrois Ernest Millard, pour illustrer d'aquarelles originales son recueil, qu'il dédie à Leconte de Lisle[2], et qui est couronné par l'Académie française. Par la suite, le bibliophile René Descamps-Scrive commandera au peintre Carlos Schwabe une illustration originale en marge de son exemplaire des Trophées. L'auteur avait été déjà distingué par l'Académie pour sa traduction de l'Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle Espagne du capitaine Bernal Díaz del Castillo.
Il traduit aussi l’Historia de la monja Alférez de Catalina de Erauso et collabore à la Revue des Deux Mondes, au Temps et au Journal des débats. En 1893, Lemerre commande au peintre Paul Chabas une vaste composition, Chez Alphonse Lemerre à Ville-d'Avray, où figurent tous les poètes du Parnasse qu'il éditait. Autour de José-Maria de Heredia sont notamment représentés Paul Bourget, Sully-Prudhomme et Leconte de Lisle. Ce tableau a pour cadre la propriété de l'éditeur.
Élu à l'Académie française le au fauteuil de Charles de Mazade, Heredia est reçu en séance publique le par François Coppée[3]. Lors du voyage des souverains russes à Paris, en 1896, il compose le Salut à l'Empereur[N 3]. Membre de la Commission du dictionnaire, il devient en 1901 conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal. Prédisposé à des vues ultra-conservatrices par ses origines familiales esclavagistes, il appartint, comme Edgar Degas, Auguste Renoir, Pierre Louÿs et d'autres, à la ligue antidreyfusarde de la patrie française[4],[5]. En 1902, il fonde avec Sully Prudhomme et Léon Dierx la Société des poètes français.
Heredia et sa femme, qui, en 1901 et 1902, avaient passé leurs vacances d'été à Montfort-l'Amaury, décident en 1903 de changer de villégiature et choisissent le château de Bourdonné, près de Houdan. Le de la même année, il est victime d'une grave hémorragie digestive, que le médecin local a beaucoup de difficultés à arrêter. Dès lors, il suit un régime recommandé par Samuel Pozzi. Malgré cela, une seconde hémorragie survient en . Dès lors, le poète envisage une fin prochaine avec sérénité. Il meurt au château de Bourdonné dans la nuit du [6],[N 4], des suites d'une troisième et dernière hémorragie[7].
Lors de la séance de l'Académie française du , l'actuel directeur prononce son éloge funebre[N 5],[8]. Il repose au cimetière de Bonsecours, avec sa mère qui, d’origine normande, avait émis le souhait d'être inhumée en terre normande[9].
Généalogie
modifierJosé-Maria de Heredia est le dernier fils de Domingo de Heredia (1783-1849), issu d'une vieille famille espagnole et de sa deuxième épouse, Louise Françoise Girard (1806-1877)[N 6],[10], d'une famille française émigrée de Saint-Domingue.
En 1867, il épouse Louise Despaigne, qui met au monde trois filles :
- Hélène (1871-1953), qui épouse Maurice Maindron, puis René Doumic.
- Marie (1875-1963), qui épouse Henri de Régnier. Elle fut la maîtresse de Pierre Louÿs et écrivit sous le pseudonyme de « Gérard d'Houville ». Elle eut un fils, Pierre de Régnier, dit Tigre, fils naturel plausible de Pierre Louÿs, qui est par ailleurs son parrain ;
- Louise (1878-1930), qui épouse Pierre Louÿs, puis, après son divorce, Auguste Gilbert de Voisins.
Toutes les trois firent « une carrière plus qu'honorable dans les salons de la littérature française »[11]. Pierre Louÿs parle d'elles dans son roman érotique Trois filles de leur mère[11].
Réception et postérité
modifierSon recueil Les Trophées a été quasi unanimement salué. Il lui a valu l'année après sa sortie l'élection à l'Académie française. Néanmoins il est à noter que Charles Maurras éprouve des « sentiments d'antipathie violente que [lui] inspirait son art »[12].
Hommages
modifier- Victor Ségoffin (1867-1925), Monument à José-Maria de Heredia, 1925, Paris, jardin du Luxembourg[13].
- Maurice Barrès lui rend hommage dans son discours de réception à l'Académie française[N 7],[14]
Prix et distinctions
modifier- En 1880 et 1888, il reçoit le prix Langlois et en 1893, le prix Archon-Despérouses de l'Académie française[15]. Chevalier, puis, officier de la Légion d'honneur, il était également Grand Croix de l’ordre de Saint-Stanislas de Russie. Une voix du septième arrondissement de Paris a reçu son nom. L’Académie française a créé le prix Heredia de poésie annuel, en et reconstitué en .
Œuvres
modifier- Véridique histoire de la conquête de la Nouvelle-Espagne, de Díaz del Castillo, 4 volumes, Paris, Lemerre, 1877-1887, prix Langlois de l’Académie française en 1880.
- Les Trophées, achevé d'imprimer daté du . - D'après Vicaire (IV, 72) : édition originale publiée à 10 fr. Tiré, en outre, à 100 exemplaires sur papier de Hollande (20 fr.), 25 ex. sur papier de Chine (30 fr.), 25 ex. sur papier Whatman (25 fr.) et 50 ex. sur papier du Japon (50 fr.). Édition : Paris, Lemerre, 1893 ; illustrateurs : Eugène Narbonne (dessins) et Ricardo de Los-Rios (gravures) ; relieurs : Georges Canape (1864-1940), Charles Meunier (1865-1948).
- La Nonne Alferez, Paris, Lemerre, 1894.
- Discours de réception à l'Académie française, Paris, Lemerre, 1895. [lire en ligne (page consultée le 7 avril 2024)]
- Salut à l'Empereur, Paris, Lemerre, 1896.
- Inauguration du monument élevé à la mémoire de Leconte de Lisle à Paris le , 1898.
- Les Trophées, Paris, 1907, édition de luxe posthume [les épreuves avaient été corrigées par le poète, qui a écrit aussi la préface].
- Les Trophées avec des planches de G. Rochegrosse gravées par E. Decisy, Paris, F. Ferroud, 1914 lire en ligne sur Gallica].
- Poésies complètes, avec notes et variantes, Paris, Lemerre, 1924.
- Les Trophées, choix et présentation par Pierre Feuga, collection « Orphée », Paris, La Différence, 1991 (ISBN 2-7291-0481-X).
- Œuvres poétiques complètes, édition critique par Simone Delaty, Paris, Société d'édition Les Belles Lettres, 1984 [tome 1 : Les Trophées (ISBN 2-251-36103-0) ; tome 2 : Autres sonnets et poésies diverses (ISBN 2-251-36104-9)].
- José Maria de Heredia, Correspondance, édition établie, présentée et annotée par Yann Mortelette, collection « Bibliothèque des correspondances », Paris, Champion, 2011- [sur les cinq volumes prévus ont paru : tome 1 : Les années de formation, 1846-1865, 2011 ; tome 2 : Les années parnassiennes, 1866-1876, 2013].
Notes et références
modifierNotes
modifier- ↑ Appelée Louise dans de nombreux textes
- ↑ À l'époque, la majorité est en Espagne à vingt-cinq ans.
- ↑ Ces stances ont été lues par Paul Mounet, de la Comédie-Française, le mercredi , lors la pose de la première pierre du Pont Alexandre III, en présence de l'empereur et de l'impératrice de Russie.
- ↑ On trouve aussi parfois la date du 3 octobre, probablement due au fait que l’acte de décès a été dressé en mairie le lendemain de sa mort, le 3 octobre.
- ↑ « Vous savez, Messieurs, quel triste devoir je viens remplir : doublement triste pour celui qui avait l'honneur et la joie d'introduire chez vous, il y a dix ans, le glorieux filleul qu'il ira ensevelir demain. Nous regardons cette place où retentissait naguère une voix chaude et vibrante, d'où se tendait vers nous une main toujours amicale. Heredia ne s'y assiéra plus. Le mal qui le minait l'a emporté d'un coup brusque, ou du moins qui nous paraît tel, parce que cette douloureuse nouvelle nous frappe à l'improviste ; en réalité, les détails que j'ai pu recueillir font craindre qu'il n'ait souffert longuement, cruellement. On dira plus tard ici la rare valeur du poète, de l'écrivain. Il était notre parure au dehors, mais il était surtout notre joie charmante à l'intérieur de l'Académie. Je suis certain de répondre au sentiment de tous les cœurs en disant que nul n'était plus aimé, que nul ne sera plus regretté par ses confrères. Je vous demande de lever la séance, selon l'usage ; et ce ne serait pas l'usage que vous voudriez certainement la lever en signe de deuil, de très grand deuil. »
- ↑ Louise Gérard était supposée, d'après une vieille légende familiale, être la petite fille de Gérard d'Houville, président à mortier au parlement de Normandie sous Louis XV.
- ↑ Sur les quatre « poèmes antiques et familiers » cités, « La Jeune morte », « Le Naufragé », « L’Esclave » et « Les Priapes » ; le dernier n'est pas identifié.
Références
modifier- « http://www.josemaria-heredia.com/intro.htm ».
- ↑ Sur les relations entre les deux poètes, voir Charles-Marie Leconte de Lisle, Lettres à José-Maria de Heredia, édition établie et annotée par Charles Desprats, Paris, Champion, 2004, et Christophe Carrère, Leconte de Lisle ou La passion du beau, Fayard, 2009.
- ↑ « José-Maria de HEREDIA | Académie française », sur www.academie-francaise.fr (consulté le ).
- ↑ Jean-Pierre Rioux, Nationalisme et conservatisme : la Ligue de la patrie française, 1899-1904, Paris, Beauchesne, (lire en ligne).
- ↑ Ariane Chebel d’Appollonia, L'Extrême-droite en France : de Maurras à Le Pen, nouvelle éd. mise à jour, Bruxelles, Complexe, (lire en ligne), p. 137.
- ↑ Miodrag Ibrovac, José-Maria de Heredia : sa vie, son œuvre, documents inédits, Les Presses françaises, (lire en ligne), p. 568.
- ↑ Yann Mortelette, José-Maria de Heredia : poète du Parnasse, Presses Paris Sorbonne, (lire en ligne), p. 25].
- ↑ « Procès verbal de la séance du jeudi 5 octobre 1905 », sur Institut de France (consulté le ).
- ↑ « J. M. de Hérédia dort son dernier sommeil à Bonsecours », Rouen gazette, Rouen, no 822, (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
- ↑ Voir l'article de François de Vaux de Foletier intitulé Les ancêtres normands de Heredia dans la Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1964, p. 96-108.
- Philippe de Flers et Thierry Bodin, L'Académie française au fil des lettres de 1635 à nos jours, Gallimard, p. 279.
- ↑ « Articles divers sur le Parnasse et les Parnassiens », sur maurras.net (consulté le ).
- ↑ Jean Richepin, « Inauguration du monument élevé à la mémoire de José-Maria de Heredia, à Paris (Jardin du Luxembourg) », sur Académie française, (consulté le ).
- ↑ Maurice Barrès, « Discours de réception de Maurice Barrès », sur academie-francaise.fr, (consulté le ).
- ↑ « Prix Archon-Despérouses. », sur Académie Française (consulté le ).
Bibliographie
modifier- Paul Verlaine, José-Maria de Heredia, monographie publiée dans la revue Les Hommes d'aujourd'hui, no 405 ; texte sur wikisource.
- Miodrag Ibrovac, Les sources des « Trophées », Paris, Les Presses Françaises, 1923.
- Miodrag Ibrovac, José Maria de Heredia : sa vie, son œuvre, Paris, Les Presses Françaises, 1923.
- Claude Barjac, José Maria de Heredia, Larousse mensuel illustré no 202, Paris, .
- André Fontaine, Heredia et ses amis, La Muse française, , p. 168-182.
- Lettres inédites de José Maria de Heredia à Alfred Morel-Fatio, publiées et annotées par Jean Lemartinel, Villeneuve d'Ascq, Publications de l'Université de Lille III, 1975.
- Simone Szertics, L'héritage espagnol de José-Maria de Heredia, collection « Témoins de l'Espagne. Série historique », Paris, Klincksieck, 1975 (ISBN 2-252-01757-0).
- Simone Delaty, L'œuvre fragmentaire de José-Maria de Heredia, Bulletin des études parnassiennes, no 8, (p. 71-86), .
- Simone Delaty, Gustave Moreau et José-Maria de Heredia : affinités esthétiques, Patterns of Evolution in Nineteenth-century French Poetry, The Tallents Press Ltd, England, 1990
- Yann Mortelette, José-Maria de Heredia, collection « Bibliographica. Bibliographie des écrivains français », Paris, Memini, 1999.
- Leconte de Lisle, Lettres à José-Maria de Heredia, édition établie et annotée par Charles Desprats, préface de Jean-Marc Hovasse, collection « Bibliothèque des correspondances », Paris, Champion, 2004 [119 lettres s'échelonnant du au ].
- Yann Mortelette, Histoire du Parnasse, Paris, Fayard, 2005 (ISBN 2-213-62352-X).
- José-Maria de Heredia, poète du Parnasse, [sous la direction de] Yann Mortelette, collection « Colloques de la Sorbonne », Paris, PUPS, 2006 [actes du colloque qui s'est tenu à la Bibliothèque de l'Arsenal le , à l'occasion du centième anniversaire du poète].
- Christophe Carrère, Leconte de Lisle ou La passion du beau, Paris, Fayard, 2009.
Liens externes
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