Hayat Tahrir al-Cham

organisation considérée comme terroriste, active dans la guerre civile syrienne

Hayat Tahrir al-Cham ou HTC (en français, Organisation de libération du Levant ; en arabe : هيئة تحرير الشام (hayʼat taḥrīr aš-šăm) ; en anglais, Hay'at Tahrir al-Sham ou HTS) est un groupe rebelle islamiste de la guerre civile syrienne. Il est dirigé par Abou Mohammed al-Joulani.

Hayat Tahrir al-Cham
هيئة تحرير الشام
Image illustrative de l’article Hayat Tahrir al-Cham
Image illustrative de l’article Hayat Tahrir al-Cham

Idéologie Islamisme sunnite
Salafisme[1]
Objectifs Renversement du régime baasiste de Bachar el-Assad
Instauration en Syrie d'un État islamique régi par la charia.
Statut Actif
Fondation
Date de formation
Origine Fusion du Front Fatah al-Cham, du Harakat Nour al-Din al-Zenki, du Front Ansar Dine, du Liwa al-Haq, de Jaych al-Sunna et de Jaych al-Ahrar
Pays d'origine Syrie
Actions
Zone d'opération Syrie, Liban (2017)
Période d'activité 2017-présent
Organisation
Chefs principaux Abou Mohammed al-Joulani
Abou Jaber
Abou Maria al-Qahtani (tué en 2024)
Membres 30 000[2]
Allégeance Gouvernement de salut syrien
Répression
Considéré comme terroriste par États-Unis
Canada
Turquie
Royaume-Uni
Syrie (jusqu'en 2024)
Guerre civile syrienne
Conflit au Liban (2011-2017)

Hayat Tahrir al-Cham est fondé en 2017 par la fusion du Front Fatah al-Cham — ex-Front al-Nosra — et de plusieurs autres groupes rebelles syriens. Rival de l'Armée nationale syrienne soutenue par la Turquie, Hayat Tahrir al-Cham devient en 2019 la faction rebelle dominante dans le gouvernorat d'Idleb. Il forme également une administration civile : le Gouvernement de salut syrien.

Fondation

Hayat Tahrir al-Cham est formé le par la fusion de six groupes rebelles islamistes syriens : le Front Fatah al-Cham, le Harakat Nour al-Din al-Zenki, le Front Ansar Dine, le Liwa al-Haq, Jaych al-Sunna et Jaych al-Ahrar[3]. Cette fusion est opérée alors que de violents combats ont été déclenchés entre groupes rebelles dans le gouvernorat d'Idleb et l'ouest du gouvernorat d'Alep[4]. Hayat Tahrir al-Cham est alors en conflit avec Ahrar al-Cham et les groupes de l'Armée syrienne libre[5].

Dans les semaines qui suivent sa formation, le Hayat Tahrir al-Cham engrange encore de nombreux ralliements. Un grand nombre de membres d'Ahrar al-Cham font défection pour rejoindre ce nouveau mouvement[6]. Le , Ansar al-Cham rallie le groupe à son tour[7],[8].

Pendant toute l'année 2016, le Front Fatah al-Cham, ex-Front al-Nosra, a cherché à se dissoudre dans la rébellion syrienne[9]. En , il fait une offre de fusion à Ahrar al-Cham[10]. Abou Mohammed al-Joulani propose alors de changer le nom de son groupe mais exclut de rompre avec Al-Qaïda[10]. Cependant, Ahrar al-Cham ne tient pas à se lier avec Al-Qaïda et rejette l'offre[10],[11].

Le , le Front al-Nosra annonce finalement qu'il rompt avec Al-Qaïda et qu'il prend le nom de Front Fatah al-Cham[12]. Cette rupture se fait avec l'accord du chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri[12]. Abou Mohammed al-Joulani apparaît pour la première fois à visage découvert dans un enregistrement diffusé par la chaîne al-Jazeera, il affirme que la décision « d'arrêter d'opérer sous le nom de Front al-Nosra et de recréer un nouveau groupe » s'est faite pour « protéger la révolution syrienne » et pour « faire ôter les prétextes avancés par la communauté internationale » pour viser le groupe classé « terroriste » par les États-Unis[12]. Avec cette séparation, le Front al-Nosra veut se rapprocher des autres groupes de la rébellion et se présenter comme un mouvement strictement syrien[13].

La décision du Front al-Nosra de rompre avec Al-Qaïda est saluée par Ahrar al-Cham[14] et le , des négociations s'ouvrent de nouveau entre les deux groupes en vue d'une fusion[15]. Cependant le projet bloque. La question divise Ahrar al-Cham, entre d'un côté les partisans du jeu politique, favorables à des négociations et qui souhaitent garder le soutien des pays du Golfe et de la Turquie, et de l'autre ceux, plus proches des thèses d’Al-Qaïda, qui privilégient l'insurrection armée[16]. Au cours de ces négociations, le Front Fatah al-Cham comme Ahrar al-Cham font l'objet de défections de la part de leurs éléments les plus radicaux[15],[16]. Le , le conseil religieux d'Ahrar al-Cham annonce apporter son soutien à l'intervention militaire turque, ce qui provoque quelques tensions avec le Front Fatah al-Cham, hostile à cette intervention[16].

Mais en , alors que des négociations de paix s'ouvrent à Astana, la situation se dégrade dans le gouvernorat d'Idleb[17]. Le Front Fatah al-Cham est exclu des pourparlers et subit une intensification des frappes aériennes de la coalition[5],[18]. Il crie alors au complot et accuse les autres groupes rebelles de complicité avec les Américains et d'avoir conclu un accord contre lui[5],[18]. Plusieurs groupes de l'Armée syrienne libre sont attaqués par les djihadistes, et décident alors de fusionner au sein d'Ahrar al-Cham pour obtenir sa protection[5],[19],[17].

Trois jours plus tard, le Front Fatah al-Cham fusionne à son tour avec quatre autres groupes, formant ainsi Hayat Tahrir al-Cham[5]. Selon le chercheur Romain Caillet, la formation de Hayat Tahrir al-Cham « est en fait l’aboutissement de la stratégie de "normalisation" de JFS [Front Fatah al-Cham]. Après avoir formellement coupé tous ses liens avec al-Qaïda, puis changé de nom, le mouvement jihadiste se dissout désormais dans une formation dirigée par des rebelles syriens[17]. » Cependant malgré cette fusion, le régime syrien, la Russie et l'Iran continuent de désigner Hayat Tahrir al-Cham sous le nom de Front al-Nosra[20].

Cependant, si initialement les anciens membres du Front al-Nosra forment le noyau du Hayat Tahrir al-Cham, de nombreux membres d'Ahrar al-Cham font défection pour rejoindre le mouvement, au point selon Romain Caillet, de devenir majoritaires au sein de l'organisation[21]. Plusieurs anciens membres du Front al-Nosra font défection du Hayat Tahrir al-Cham et Abou Mohammed al-Maqdisi, un des principaux théoriciens du salafisme djihadiste, reproche à l'organisation de chercher à rompre avec al-Qaïda[21].

Le , le chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, appelle ses partisans à ne pas privilégier le contrôle et l'administration des territoires, mais à se concentrer sur la guérilla[22]. Selon le chercheur Tore Refslund Hamming, fondateur du think tank MENA Analysis : « Zawahiri met clairement en garde Tahrir Al-Cham, car il craint que sa rupture formelle avec Al-Qaida et sa fusion avec d’autres éléments de la rébellion n’affectent la nature djihadiste du mouvement[22]. »

Dans un message audio publié en , Zawahiri vilipende Hayat Tahrir al-Cham pour avoir rompu avec al-Qaïda[23]. Début 2018, le journaliste Wassim Nasr, spécialiste du djihadisme, considère que Hayat Tahrir al-Cham ne peut plus être considéré comme étant affilié à al-Qaïda[24].

En , de nouveaux combats éclatent dans le gouvernorat d'Idleb entre le Hayat Tahrir al-Cham et Ahrar al-Cham[25]. Plusieurs bataillons d'Ahrar al-Cham font défection et préfèrent rejoindre Tahrir al-Cham[26]. En revanche, le Harakat Nour al-Din al-Zenki annonce le qu'il se retire du Hayat Tahrir al-Cham et redevient indépendant[27]. Il est imité par Jaych al-Ahrar le [28], puis par le Front Ansar Dine le [29].

À partir de fin 2017, l'émir d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, commence à critiquer violemment Hayat Tahrir al-Cham et son chef, Abou Mohammed al-Joulani, après l'arrestation et le bref emprisonnement de plusieurs cadres d’Al-Qaïda[30]. Al-Qaïda soupçonne également Hayat Tahrir al-Cham de développer un programme nationaliste, ce que ce dernier dément[31]. Bon nombre de djihadistes préfèrent rester loyaux à Al-Qaïda et quittent Hayat Tahrir al-Cham[30].

Plusieurs petites formations pro Al-Qaïda émergent ainsi, comme Jaych al-Malahim et Jaych al-Badiya qui font défection d'Hayat Tahrir al-Cham fin 2017, suivis par Jaych al-Sahel début 2018[30]. En mars, ces trois groupes fusionnent avec Saraya Kabul, Djound al-Charia et Jound al-Aqsa et rallient Tanzim Hurras ad-Din qui prête officiellement serment d'allégeance à Al-Qaïda le [30].

Idéologie

Abou Jaber a professé sa croyance dans le « djihad populaire », une approche de bas en haut dans laquelle les djihadistes gagneraient les cœurs et les esprits du peuple, avant de se lancer dans l'établissement d'un gouvernement islamique, après avoir reçu suffisamment de soutien populaire, ce qui est notamment l'opposé du « djihad d'élite » de haut en bas de l'EIIL par une avant-garde. Ayman al-Tamimi du CTC a affirmé en février 2017 que malgré les déclarations publiques des dirigeants et des partisans de Tahrir al-Sham, le groupe était à l'époque principalement un groupe aligné sur Al-Qaïda.

En 2018, Caroline Hayek, journaliste de L'Orient-Le Jour constate que Hayat Tahrir al-Cham fait des concessions dans les territoires sous son contrôle et n'impose pas une application stricte de la charia : « la vie quotidienne des habitants d’Idleb ne change pas radicalement depuis la prise de pouvoir du groupe rebaptisé : pas de code vestimentaire strict, pas d’interdiction de fumer ni de se balader seule dans la rue pour les femmes, pas de contrôle d’internet[31]. »

En 2023, le journaliste Wassim Nasr écrit que « HTC n'a clairement pas renié son rigorisme religieux, ni l'imposition de sa loi de gré ou de force sur les populations locales, mais a bel et bien renié le jihad global[32]. » Selon lui : « L'évolution de HTC sous un commandement qui a fait ses armes dans les rangs de l’EII et d’Al-Qaida constitue une troisième voie inédite au sein de la mouvance djihadiste. Il ne s’agit ni de repentis ni de détenus qui renient leurs engagements, mais de figures du djihad levantin, toujours aux commandes d’un groupe majeur au cœur d’un carrefour stratégique[33]. »

À Idleb, HTC cherche à se démarquer des djihadistes en autorisant l'utilisation de symboles nationaux et notamment du drapeau de la révolution syrienne, qui est massivement déployé dans la ville[32]. Il tente de gagner le soutien de la population en interdisant la présence d'hommes armés dans les zones urbaines et en effectuant de nombreux rapprochements avec des représentants de la société civile et des notabilités claniques[33]. Les partisans d'al-Qaïda et de l'État islamique sont traqués et emprisonnés[33]. Cependant, la restrictions de la liberté d’expression, des arrestations arbitraires, l'absence de démocratie ou la rancœur suscitée par l'abandon du djihad global provoquent de petites manifestations ponctuelles dénonçant « le despotisme de Joulani »[33].

Le journaliste Wassim Nasr note qu'à Idleb, « des lieux séparés sont réservés aux hommes et aux femmes, comme dans les restaurants de la ville, à la différence des lieux publics comme les jardins ou les centres commerciaux, où la mixité est tolérée, au même titre que la cigarette et la musique des chants révolutionnaires qu'on entend sortir des échoppes[32]. » Les habitants chrétiens jouissent d'une liberté de culte encadrée, avec des messes quotidiennes et l'autorisation de restaurer certaines églises, mais ont interdiction de faire sonner les carillons ou d'ériger de croix sur les édifices[32].

Organisation

Commandement

Hayat Tahrir al-Cham est initialement dirigé par Hachem al-Cheikh, dit Abou Jaber, ancien chef d'Ahrar al-Cham ayant fait défection en [9],[17]. Abou Mohammed al-Joulani, l'ancien chef du Front Fatah al-Cham, aurait été placé à la tête de la branche militaire du mouvement[9],[34].

Cependant, Abou Jaber démissionne le , Abou Mohammed al-Joulani prend alors seul la tête du groupe[35],[36],[37].

Abou Maria al-Qahtani, l'homme fort des services de sécurité d'HTC (Amniyat), est considéré par certains observateurs comme le numéro 2 du groupe[33]. Il trouve la mort le , à Sarmada (en), près d'Idleb, dans un attentat suicide imputé à l'État islamique par HTC[38].

Parmi les autres responsables figurent Abdel Rahim Aatoun[33], Abou Ahmad Zakour[33], Sami al-Uraydi, ancien mufti du Front al-Nosra, proche d'Abou Mohammed al-Maqdisi, mais qui fait défection en  ; ou Abou Abdallah ach-Chami, ancien membre du Front al-Nosra et haut responsable religieux[21].

L'Égyptien Abou Ayman al-Masri, un important commandant d'Hayat Tahrir al-Cham, est tué le à al-Houta, dans l'ouest du gouvernorat d'Alep, par des hommes du Harakat Nour al-Din al-Zenki[39]. Le Saoudien Abou Mohammed Jazrawi, un autre haut commandant du groupe, est assassiné début [40].

Parmi les autres chefs importants figurent Abou Yakzan al-Masri et Abou Fateh al-Forgholi[41].

Effectifs

 
Combattants de Hayat Tahrir al-Cham dans le village de Mouchaïrfa, au nord-est de Hama, lors d'une offensive de Hama, le 31 octobre 2017.

La plupart des combattants du groupe sont syriens[42]. Selon Charles Lister, analyste au Middle East Institute (en), les combattants étrangers représentent « peut-être 20 % de ses effectifs »[43]. En août 2017, l'universitaire Fabrice Balanche estime qu'Hayat Tahrir al-Cham compte environ 30 000 hommes, dont les deux tiers sont actifs dans le gouvernorat d'Idleb ; il est alors le groupe rebelle syrien le plus important en nombre de combattants et le groupe dominant dans le gouvernorat d'Idleb[2]. En , l'Observatoire syrien des droits de l'homme donne la même estimation[42],[43].

Communication

Le groupe dispose d'une agence de propagande, Ebaa News (en)[44].

Actions

Opération militaires

Hayat Tahrir al-Cham (HTC) est principalement basé dans le gouvernorat d'Idleb, dont il est jusqu'en février 2018 la faction dominante[47]. Il est également présent de façon marginale dans la Ghouta orientale, près de Damas[48].

Au moment de sa fondation, Hayat Tahrir al-Cham se retrouve impliqué dans des violents combats entre groupes rebelles dans la région d'Idleb[6].

Le , les combats reprennent dans le gouvernorat d'Idleb, entre HTC et Ahrar al-Cham[49],[50],[51]. Après avoir fait près d'une centaine de morts, les hostilités cessent par la signature d'un cessez-le-feu le [52],[53],[54]. Cependant les combats se terminent à l'avantage de Hayat Tahrir al-Cham qui s'empare d'une trentaine de villes et de localités, principalement aux abords de la frontière turque[52]. Ahrar al-Cham perd le contrôle du poste-frontière de Bab al-Hawa qui passe sous le contrôle d'une autorité civile selon les termes de l'accord et plusieurs de ses bataillons font défection pour rejoindre Tahrir al-Cham[52],[55],[56]. Le , les combattants d'Ahrar al-Cham se retirent de la ville d'Idleb qui passe entièrement sous le contrôle de HTC[52],[55],[57],[56],[58]. Le groupe cherche cependant à ménager les civils et n'impose pas dans les régions sous son contrôle de règles strictes à la population, comme des codes vestimentaires, le contrôle d'internet, l'interdiction de fumer ou de se balader seule dans la rue pour les femmes[59]. Cependant, de à , une trentaine de cadres de HTC sont assassinés[47].

De à , Hayat Tahrir al-Cham affronte le régime syrien et l'État islamique dans le nord du gouvernorat de Hama et au sud-est du gouvernorat d'Idleb, mais il ne peut empêcher la percée des forces loyalistes dans la région d'Abou Douhour[60],[61],[62].

Le , le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan, annonce le début d'une opération militaire dans la région d'Idleb : après la conclusion d'un accord avec Hayat Tahrir al-Cham d'une part et la Russie et l'Iran de l'autre, quelques centaines de soldats de l'armée turque commencent à se déployer dans plusieurs postes du gouvernorat d'Idleb pour établir une « zone de désescalade » prévue par l'accord d'Astana[63],[64],[65].

Le , Ahrar al-Cham et le Harakat Nour al-Din al-Zenki fusionnent pour former un nouveau mouvement : le Jabhat Tahrir Souriya, qui entre dès le lendemain en conflit avec HTC[47]. Cependant, les combats ne tournent cette fois pas à l'avantage de HTC qui perdent plusieurs villes et localités dans l'est du gouvernorat d'Idleb[47]. HTC perd son hégémonie dans la poche d'Idleb et se maintient principalement dans l'ouest du gouvernorat d'Idleb[47].

Cependant, le , de nouveaux affrontements éclatent subitement dans le gouvernorat d'Idleb et l'ouest du gouvernorat d'Alep entre Hayat Tahrir al-Cham et le Front national de libération[66]. En quelques jours, les rebelles pro-turcs sont complètement battus dans l'ouest du gouvernorat d'Alep qui passe entièrement aux mains de HTC[67]. La Turquie ne réagit pas[68]. Le , un accord de trêve est conclu et les factions du FNL acceptent que le gouvernorat d'Idleb passe sous l'administration du gouvernement de salut syrien[69],[68]. De fait, la poche d'Idleb passe presque entièrement sous le contrôle de Hayat Tahrir al-Cham[69],[68].

En 2019 et 2020, Hayat Tahrir al-Cham et les autres factions rebelles affrontent le régime syrien et ses alliés qui mènent plusieurs offensives dans la région d'Idleb. Les rebelles perdent plusieurs villes, comme Khan Cheikhoun, Maarat al-Nouman, Saraqeb[70],[71],[72]. Ces affrontements font des milliers de victimes de part et d'autres[73]. Le 5 mars 2020, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdoğan concluent un accord à Moscou pour instaurer un cessez-le-feu[74].

En octobre 2022, des combats éclatent dans le nord du gouvernorat d'Alep entre différentes factions de l'Armée nationale syrienne. Hayat Tahrir al-Cham intervient alors et occupent temporairement la ville d'Afrine[75].

Le 3 août 2023, l'État islamique annonce la mort de son cinquième chef et quatrième calife, Abou al-Hussein al-Husseini al-Qourachi, lors d'affrontements contre Hayat Tahrir al-Cham dans le gouvernorat d'Idleb[76].

En novembre 2024, le HTC lance une offensive sur les territoires contrôlés par le régime baasiste de Bachar el-Assad. Ils prennent rapidement Alep, avant de se diriger vers le sud et de libérer Hama, puis Homs. Le régime syrien finit par s'effondrer, après le soulèvement d'autres groupes rebelles et la prise de Damas. HTC proclame alors la fin du régime, après la fuite d'Assad[77]. Abou Mohammed al-Joulani est vu comme l'homme fort de la rébellion victorieuse et un gouvernement de transition est formé, avec à sa tête Mohammed al-Bachir, ancien président du Gouvernement de salut syrien[78].

Attentats

Au cours de la guerre civile syrienne, le Hayat Tahrir al-Cham revendique les attentats de Homs du 25 février 2017[79] et l'attentat de Damas du 11 mars 2017[80].

Exactions

Selon Human Rights Watch, Hayat Tahrir al-Cham est responsable d'arrestations arbitraires d'opposants et de tortures[81].

Soutiens et financement

En , L'Orient-Le Jour indique que « selon les analystes et des factions sur le terrain » le Hayat Tahrir al-Cham pourrait avoir des liens avec le Qatar, ce que le Qatar dément formellement[82]. Doha a cependant mené plusieurs médiations dans la libération d'otages en Syrie impliquant Tahrir al-Cham[82]. En 2017, dans le cadre d'un vaste accord négocié avec l'Iran pour obtenir la libération de 26 otages qataris, dont des membres de la famille royale, enlevés par les Kataeb Hezbollah et procéder à des échanges de localités assiégées en Syrie, le Qatar aurait payé une rançon d'un milliard de dollars selon le Financial Times, versée à des milices pro-iraniennes et à des groupes rebelles, dont le Hayat Tahrir al-Cham[83],[84]. Aymenn Jawad al-Tamimi, chercheur au Middle East Forum, estime cependant qu'il n'existe pas de preuve d'un soutien du Qatar à Hayat Tahrir al-Cham[31].

Désignation comme organisation terroriste

Hayat Tahrir al-Cham est classé indirectement comme organisation terroriste par les États-Unis le [85],[86].

L'ambassadeur des États-Unis en Syrie estime que tout groupe fusionnant avec Al-Qaïda y adhère[87], et que comme la principale composante de HTC est al-Nosra, le groupe est donc terroriste, quel que soit le nom qu'il porte[88]. CBC News estime en 2017 que les États-Unis refusent de considérer le groupe comme terroriste pour continuer à soutenir Harakat Nour al-Din al-Zenki, membre d'HTC jusqu'en 2017, et à qui ils ont fourni des missiles antichar BGM-71 TOW[89], et qui faisait partie à l'époque de HTC. Ceci a été démenti par l'ambassade américaine en Syrie[90].

Le , le groupe est ajouté à la liste des organisations terroristes du Canada[91].

Le , le groupe est classé comme terroriste par la Turquie[92].

Notes et références

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