Hélène Vagliano

résistante cannoise du réseau Tartane-Masséna
Hélène Vagliano
Description de l'image Photographie d'Hélène Vagliano.jpeg.
Alias
Veilleuse
Naissance
Paris
Décès (à 35 ans)
Nice (assassinée par la Gestapo au lieu-dit l'Ariane)
Nationalité Drapeau de la Grèce grecque
Pays de résidence Drapeau de la France France
Activité principale
Travail social et actions caritatives
Autres activités

Compléments

Son nom est donné à la rue Hélène Vagliano et à l'école primaire Hélène-Vagliano de Cannes

Hélène Vagliano est une résistante grecque vivant à Cannes, membre du réseau Tartane-Masséna, née le à Paris et morte le assassinée par la Gestapo au lieu-dit l'Ariane à Nice.

Biographie modifier

Hélène Vagliano (grec moderne : Ελένη Βαλλιάνου, Eleni Vallianou) naît à Paris le . Elle est la fille de Marino (1882-1959) et Danaé (1886-1958) Vagliano, héritiers de la dynastie des Vallianos (el) (grec moderne : Βαλλιάνος, Vallianos, romanisé en Vagliano), marchands, armateurs, banquiers et philanthropes grecs originaires de Céphalonie. Marino et Danaé se marient le en la cathédrale Sainte-Sophie de Londres[1] et vivent 24 avenue Victor-Hugo[2], dans le 16e arrondissement de Paris. Elle a deux frères : Stefano (Stephen) (1908-1987) et Francis (1911-2007)[1]. Sa famille s'installe ensuite à Ascot en Angleterre où se trouve une partie importante de la diaspora grecque : Panagis Vallianos (el) (1814–1902) est inhumé dans le mausolée de la famille, inspiré de la tour des Vents, au cimetière de West Norwood à Londres. Hélène est élève de la St. George's School, Ascot où elle est pensionnaire de 1924 jusqu'en 1927 et où elle est réputée pour son sens de l'humour et son éclectisme : élève modèle, elle est préfète (en) mais aussi musicienne (elle joue du piano) et sportive (elle est gardien de but dans l'équipe de crosse)[3],[4].

À la fin de ses études elle rejoint ses parents installées depuis 3 ans villa Champfleuri dans le quartier de la Californie à Cannes[2] où Danaé crée le parc et les jardins protégés depuis 1990 au titre des Monuments historiques[5]. Le sport est une tradition familiale[a] : le père d'Hélène est président du Golf Club de Cannes-Mandelieu[6], le cousin de son père André Marino et sa petite-cousine Lally (en) sont des champions internationaux de golf[7] et Hélène elle-même fait du ski, de l'alpinisme, du hors-bord et organise des « courses haletantes de tortues » comme elle en informe ses anciennes camarades dans le magazine de l'école. Elle a aussi des activités plus civiques comme le scoutisme, la traduction en Braille d'articles pour les périodiques destinés aux aveugles ou la participation aux actions caritatives de la communauté britannique de Cannes, notamment auprès des jeunes enfants[3],[4].

Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, elle participe à l'organisation et au fonctionnement de la Cantine militaire de la gare de Cannes qui ravitaille les soldats partant défendre la frontière entre la France et l'Italie. L'un de ses frères est prisonnier de guerre[3]. À la création en 1942 du Centre d'entr'aide (CEA) pour les prisonniers de guerre rue Teisseire, Hélène Vagliano prend en charge à titre bénévole le service d'aide aux familles[8]. Elle est dès 1941 recrutée, sous le nom de code de Veilleuse, comme agent de renseignements sur les activités de l'ennemi et responsable d'un poste émetteur, dans la section cannoise du réseau Tartane-Masséna rattaché au réseau Phratrie du Bureau central de renseignements et d'action[b] et s'occupe également des passages en Espagne et en Afrique du Nord, de cacher des personnes en danger et de mettre des enfants à l'abri[9].

Trahie et dénoncée par une bénévole du centre d'entraide dont elle avait aidé le fils à quitter la France, elle est arrêtée par les miliciens de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme le au siège du CEA[2] avec d'autres camarades qui sont relâchés au bout de quinze jours[10]. Elle est conduite à la villa Montfleury, siège de la Gestapo à Cannes, où elle est interrogée et frappée pendant deux jours et deux nuits. Face à son mutisme elle est transférée à la prison de Grasse où les méthodes sont plus brutales encore : elle est marquée au fer rouge sur le visage et sur tout le corps mais refuse toujours de parler. Elle est conduite le à la villa Trianon, siège de la Gestapo dans le quartier Cimiez à Nice, puis incarcérée dans les caves des Nouvelles-Prisons où l'interrogatoire violent se poursuit quotidiennement. Ses parents sont arrêtés et transférés en même temps qu'elle. Ils sont également interrogés et frappés et on les fait assister à son calvaire dans l'objectif de la faire parler. Le 6 août elle signe, contre l'assurance de leur libération, une déposition déchargeant ses parents de toute responsabilité mais l'accablant complètement sans pour autant livrer aucun véritable nom ni aucune véritable adresse[11]. Elle a le temps de souffler à sa mère avant leur libération : « Je vais les envoyer partout en France, à la recherche de gens qui n'existent pas »[3]. Le 13 août elle réussit à leur faire parvenir une lettre les prévenant que la Gestapo envisage de les reprendre et une autre à son chef de réseau l'assurant qu'elle ne parlera jamais[11].

Au matin du 15 août elle reprend espoir en entendant l'annonce du débarquement de Provence. Le même jour à 15 heures elle est conduite en camion avec 23 autres prisonniers, dont elle soutient le moral jusqu'à la fin, au lieu-dit l'Ariane où ils sont abattus par trois rafales de mitraillette et achevés par une balle dans la nuque[12]. Le maréchal Montgomery adresse à sa mère une lettre en ces termes :

« Your daugter laid down life so that Europe might be free[12]. »

Son corps est ramené à Cannes fin septembre 1944. Ses funérailles rassemblent une foule considérable saluant son cercueil revêtu du drapeau tricolore. Elle est inhumée dans la crypte de l'église Saint-Michel-Archange de Cannes[c],[3],[4]. Son nom est cité dans le Carré des fusillés de l'Ariane de Nice et sur le monument aux morts de Cannes. Il est donné à une école[d] et à une rue de sa ville. Une plaque commémorative est apposée à St. George's School, Ascot. Elle est nommée à titre posthume Chevalier de la Légion d'Honneur, décorée de la médaille de la Résistance française et de la croix de guerre avec palme. Son nom est suivi à l'état civil de la mention « morte pour la France »[2]. Elle est également décorée par le régent du royaume de Grèce, de la croix d'or avec glaives de l'Ordre de Georges Ier[13].

« Jeune fille d'une très haute élévation morale et d'un patriotisme ardent, a pendant plus de deux ans donné tout son temps et toutes ses forces au service du pays. D'un dévouement sans bornes et d'un courage tenace et réfléchi, a rempli en territoire occupé par l'ennemi un nombre incalculable de missions dangereuses, assurant des passages de Français en Espagne, cachant fréquemment chez elle des agents des armées alliées et fournissant régulièrement un courrier important de renseignements sur l'ennemi.
Arrêtée par la Gestapo vingt jours avant le débarquement allié en méditerranée, torturée quotidiennement pendant quinze jours a eu devant ses bourreaux et en dépit des souffrances atroces qui lui étaient infligées, une conduite digne des plus beaux éloges.
Fusillée le 15 août 1944 dans l'après-midi, est morte en héroïne soutenant jusqu'au bout le moral de ses camarades par son attitude courageuse devant la mort. »

— De Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République française, Décret du 26 mars 1945 portant nomination d'Hélène Vagliano de la Direction générale ses études et recherches dans l'Ordre national de la Légion d'honneur au grade de Chevalier à titre posthume[14],[15],[b]

Décorations modifier

Hélène Vagliano est récipiendaire, à titre posthume, des décorations suivantes :

Famille modifier

L'arbre ci-après retrace la généalogie de la famille Vagliano dans laquelle s'inscrivent la saga des trois frères Marino (el), Panagis (el) et Andreas (el), fondateurs de la compagnie maritime[16],[17],[18], la famille d'Hélène Vagliano descendant de Marino[1], celle d'André Marino, champion de golf[7] et de ses filles Dorothée (en) (Lally), championne de golf, et Sonia, membre du corps des Volontaires françaises également décorée de la Légion d'honneur[19] et auteur des Demoiselles de Gaulle[20], descendant d'Andreas.

  • Athanasios Vallianos (Kerameies (el), 1775 - Kerameies, 1842) qui épouse Kerasia. Ils ont six enfants :
    • Metaxa (Kerameies, 1798 - ?) qui épouse Rubina Theotokis Kambitzis. Ils ont cinq enfants :
      • Athanase (? - ?),
      • Stamoula (1839 - ?),
      • Elegko (? - 1839),
      • Diamantina (1842 - ?),
      • Royaume (1847 - 1906).
    • Spyridon (Kerameies, 1802 - Kerameies, 1892) qui épouse Eleni Sourvanou). Ils ont cinq enfants :
      • Marino (? - ?),
      • Michel (1857 - 1939),
      • Athanase (1865 - 1929),
      • Christoforos (1870 - 1925) (reste s'occuper des domaines à Céphalonie) qui épouse une fille Destounis. Ils ont cinq filles :
        • Ekaterini,
        • Olympia,
        • Maria,
        • Keraso,
        • et une autre fille.
      • et une fille qui épouse un fils de la famille Kamilos. Lorsque les enfants deviennent majeurs, la famille s'installe à Athènes.
    • Marino (el) (Kerameies, 1808 - Taganrog, 1896) qui épouse Maria Crassa (1818 - 1894). Premier des trois frères de la saga. Ils ont trois enfants :
      • Alcibiade (1851 - 1924). Son oncle Panagis l'emmène avec lui à Londres,
      • Athanasios (Taganrog, 1854 - Paris, 1936) qui épouse en 1881 Ekaterini Ralli (Constantinople, 1861 - Cannes, 1941). Ils ont quatre enfants :
        • Marino (1882 - 1959) qui épouse sa cousine germaine, Danaé, fille de son oncle Vassilis. Ils ont trois enfants :
          • Stefano (Paris, 1908 - Suisse, 1987),
          • Eleni (Hélène) (Paris, 1909 - Nice, 1944),
          • Francis (Paris, 1911 - Suisse, 2007).
        • Stefanos (? - ?),
        • Andreas (? - ?) (mort sans enfant),
        • Maria (? - ?) qui épouse le comte Henri de Kersaint. Ils ont de nombreux enfants et petits-enfants.
      • Vassilis (? - 1912) qui épouse Orange. Ils n'ont qu'une fille :
        • Danae (1886 - 1958).
    • Panagis (el) (Kerameies, 1814 - Londres, 1902), meurt sans enfant et une grande partie de ses biens revient à son neveu, Athanasios. Deuxième des trois frères de la saga.
    • Nikolaos (Kerameies, 1819 - Kerameies, 1919) qui épouse Anthymia. Ils n'ont pas d'enfants.
    • Andreas (el) (Kéramies, 1827 - Marseille, 1887) qui épouse Ephrosyne Mela. Troisième des trois frères de la saga. Ils ont dix enfants :
      • Marino (Constantinople, 1851 - Paris, 1928),
        • André Marino (Marseille, 1896 - Paris, 1971), champion de golf, qui épouse en 1920 à New York l'Américaine Barbara Allen. Ils ont trois enfants :
          • Dorothée (en) (Paris, 1921 - Paris, 2018), championne de golf, vicomtesse de Saint-Sauveur puis épouse de Patrick Segard en 1970
          • Sonia (Paris, 1922 - Lisieux, 2002), épouse de Philippe Eloy,
          • Alexander (Paris, 1927 - Norfolk, 2003).
      • Eleni (Constantinople, 1854 - Athènes, 1927), épouse de Menelaus Negrepontis de Chios,
      • Ekaterini (Constantinople, 1858 - Athènes, 1951), épouse du marchand de Céphalonie Nikolaos Kouppas,
      • Aspasia (Constantinople, 1859 - Athènes, 1953), épouse du banquier Athanasios Moutsopoulos,
      • Alexandros (Constantinople, 1864 - Marseille, 1890),
      • Maria (Constantinople, 1867 - Athènes, 1957), épouse du diplomate et homme politique de Céphalonie Athos Romanos,
      • Sophia (Marseille, 1870 - Marseille, 1898), épouse de l'armateur mykonien Ioannis Abanopoulos,
      • Christoforos (Marseille, 1872 - Paris, 1954),
      • Aggeliki (Marseille, 1875 - Marseille, 1923), épouse d'un descendant de la famille de Georges Zarifis.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Bien que liés au Golf Club de Cannes-Mandelieu dont son père puis son frère Francis sont présidents, les parents d'Hélène Vagliano, contrairement à ce qu'indiquent plusieurs auteurs, ne sont pas à l'origine du Vagliano Trophy (en). En effet, Marino (Athanasio) Vagliano (1882-1959), le père d'Hélène, et André (Marino) Vagliano (1896-1971), le champion de golf, sont deux personnes distinctes issues de deux branches différentes de la famille. Voir à ce sujet : (el) « Κληροδότημα Παναγή Βαλλιάνου », sur klirvaglianos.gr, « La saga Vagliano : André Marino Vagliano (1896 – 1971) », sur apgf.fr, Octave Justice, « Le golf-club à Cannes », Le Monde illustré,‎ lire en ligne sur Gallica), André Cottalorda, La Fabuleuse histoire du sport cannois : de 1859 à nos jours, Cannes, Synergie éditoriale des auteurs indépendants, , 220 p. (BNF 36593271) et Bernard Vadon, Golf Club de Cannes-Mandelieu : Histoire d'un centenaire 1891-1991, Paris, Golf Magazine BC Édition, , 95 p. (présentation en ligne).
  2. a et b Le Bureau central de renseignements et d'action, créé en juillet 1940, est fusionné, en octobre 1943, dans la Direction générale des services spéciaux à laquelle succède, en octobre 1944, la Direction générale des études et recherches.
  3. Ses parents et son frère Stephen sont également inhumés dans la crypte de l'église Saint-Michel-Archange de Cannes : « Tombe de Marino et Danae Vagliano à l'église orthodoxe de Cannes », sur flickr.com, « Tombe de Stefan Vagliano (1908-1987) à l'église orthodoxe de Cannes », sur flickr.com
  4. L'école Hélène-Vagliano se trouve à l'angle de la rue de Metz et du boulevard Montfleury.

Références modifier

  1. a b et c (en) « Marinos (Athanasios) Vagliano, 5G Grandson », sur christopherlong.co.uk
  2. a b c et d « Vagliano Hélène », dans Les Fusillés (1940-1944) (lire en ligne)
  3. a b c d et e (en) Maureen Emerson, « The Story of Hélène Vagliano : Légion d’Honneur, Chevalière; Croix de Guerre avec Palme; Medaille de la Résistance », sur rivieradreaming.co.uk,
  4. a b et c Nelly Nussbaum, « Hélène Vagliano, la figure cannoise héroïque de la Résistance », Nice-Matin magazine,‎ (lire en ligne)
  5. Notice no PA00080931, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  6. Bernard Vadon, Golf Club de Cannes-Mandelieu : Histoire d'un centenaire 1891-1991, Paris, Golf Magazine BC Édition, , 95 p. (présentation en ligne)
  7. a et b « La saga Vagliano : André Marino Vagliano (1896 – 1971) », sur apgf.fr
  8. Jean Védrine, 2013, témoignages de Pierre Merli et Fernand Mineri, p. 391 et 476-485.
  9. C.-L. Flavian, 1948, p. 48 et 72-83.
  10. Jean Védrine, 2013, témoignage de Fernand Mineri.
  11. a et b C.-L. Flavian, 1948, p. 81-82.
  12. a et b C.-L. Flavian, 1948, p. 83.
  13. « Fonds Hélène Vagliano. Lettre du ministre de Grèce Métaxas aux parents d'Hélène Vagliano », sur archivescannes.ville-cannes.fr
  14. « Fonds Hélène Vagliano. Décret Du 26 mars 1945 », sur archivescannes.ville-cannes.fr
  15. France combattante. Comité français de la Libération nationale, « Ordonnance du 7 janvier 1944 relative aux décorations décernées à l'occasion de la guerre », Journal officiel de la République française,‎ , p. 145-146 (BNF 40165227) lire en ligne sur Gallica
  16. (el) « Οικογένεια Βαλλιάνου », sur blacksea.ehw.gr
  17. (el) « Κληροδότημα Παναγή Βαλλιάνου », sur klirvaglianos.gr
  18. Panagiota Moschonas, 2008, p. 22-24.
  19. Christine Levisse-Touze, « Vagliano-Eloy Sonia », sur memoresist.org
  20. Les demoiselles de Gaulle : 1943-1945 (préf. Maurice Schumann), Paris, Plon, , 262 p. (ISBN 2-259-00906-9, BNF 34683701, lire en ligne) Traduit sous le titre : (en) Lieutenant Sonia Vagliano: A Memoir of the World War II Refugee Crisis (trad. Martha Noel Evans), Kentucky, University Press, , 266 p. (ISBN 9780813182506, lire en ligne)

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier