Grand Prix automobile de Monaco 1961

course de Formule 1

Le Grand Prix de Monaco 1961 (XIXe Grand Prix de Monaco), disputé sur le circuit de Monaco le , est la quatre-vingt-quinzième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la première manche du championnat 1961.

Grand Prix de Monaco 1961
Tracé de la course
Données de course
Nombre de tours 100
Longueur du circuit 3,145 km
Distance de course 314,500 km
Conditions de course
Météo temps chaud et brumeux
Résultats
Vainqueur Stirling Moss,
Lotus-Climax,
h 45 min 50 s 1
(vitesse moyenne : 113,788 km/h)
Pole position Stirling Moss,
Lotus-Climax,
min 39 s 1
(vitesse moyenne : 114,248 km/h)
Record du tour en course Richie Ginther & Stirling Moss,
Ferrari & Lotus-Climax,
min 36 s 3
(vitesse moyenne : 117,570 km/h)

Contexte avant la course

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Le championnat du monde

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La saison 1961 correspond à l'introduction de la nouvelle Formule 1 1500 cm3, adoptée le premier janvier. Cette nouvelle formule, très proche de l'ancienne Formule 2 en vigueur de 1957 à 1960, a remplacé la précédente réglementation autorisant une cylindrée de 2500 cm3 (moteur atmosphérique) ou de 750 cm3 (moteur suralimenté).

- Principaux points de la nouvelle réglementation[1] :

  • interdiction des moteurs suralimentés
  • cylindrée minimale : 1300 cm3
  • cylindrée maximale : 1500 cm3
  • poids minimal : 450 kg (à sec)
  • double circuit de freinage obligatoire
  • arceau de sécurité obligatoire (le haut du cerceau devant dépasser le casque du pilote)
  • démarreur de bord obligatoire
  • carburant commercial
  • ravitaillement en huile interdit durant la course
 
Le début de saison s'annonce difficile pour Jack Brabham, double champion du monde, sa Cooper s'avérant nettement moins performante que les Ferrari et les Porsche.

La nouvelle formule ayant été annoncée officiellement le 28 octobre 1958 par le président de la Commission sportive internationale (CSI), Auguste Pérouse, les constructeurs disposaient de deux ans pour développer leurs nouvelles monoplaces. Toutefois les concurrents britanniques, opposés à la réduction de la cylindrée et à l'augmentation du poids minimal, ont perdu ces deux ans à tenter de faire revenir la CSI sur sa décision et ont de ce fait tardé à mettre en chantier de nouveaux moteurs. En conséquence, en ce début de saison, seule la Scuderia Ferrari dispose d'un modèle à moteur V6 parfaitement au point, alors que ses concurrents britanniques ont conçu tardivement leurs châssis, adaptés à la version 1500 cm3 du quatre cylindres Coventry Climax FPF dont la conception remonte à 1956[2], le seul moteur dont ils disposent. Encouragé par ses bons résultats en Formule 2 les saisons précédentes, Ferry Porsche a également décidé de se lancer en F1, utilisant cette année une évolution de ses anciennes F2, la nouvelle monoplace à moteur huit cylindres de la marque allemande n'étant pas attendue avant le printemps 1962.

Jack Brabham et l'équipe Cooper, qui avaient largement dominé la saison 1960, se retrouvent dans une position délicate en ce début d'année, les monoplaces britanniques ayant été nettement dominées en vitesse pure par la nouvelle Ferrari, voire par les Porsche, lors de la première confrontation, hors-championnat. Au Grand Prix de Syracuse, c'est en effet une Ferrari privée, pilotée par un débutant dans la catégorie, Giancarlo Baghetti, qui s'est imposée face aux Porsche de Dan Gurney et Joakim Bonnier, Brabham n'ayant pu faire mieux que quatrième à un tour du vainqueur[3] ! Le double champion du monde australien avait cependant gagné le Grand Prix de Bruxelles et les 200 Miles d'Aintree en avril, mais face à une opposition réduite, en l'absence des Ferrari[3] ; il ne semble donc pas en position de force au moment d'aborder la première manche du championnat, et le monde du sport automobile s'apprête à vivre une année sous la domination des monoplaces italiennes. Stirling Moss, principal adversaire de Brabham les années précédentes, a d'ailleurs déclaré que les Ferrari seraient imbattables cette saison et voit déjà en Phil Hill, premier pilote de la Scuderia, le futur champion du monde[4].

Le circuit

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Le tracé du circuit a peu évolué depuis 1929 : ici le virage du Portier, derrière le pont de chemin de fer, lors du Grand Prix de 1935.

Depuis 1929, année du premier Grand Prix de Monaco, le circuit empruntant les rues de la principauté n'a pratiquement pas évolué. Créé par Antony Noghès[5], il s'avère particulièrement sélectif de par son étroitesse, ses virages très serrés et l'absence de zones de dégagement, rendant toute faute de pilotage éliminatoire. Transmission et système de freinage y sont fortement sollicités, et la puissance des moteurs y est moins déterminante que sur les circuits rapides, le tracé sinueux favorisant surtout les monoplaces les plus agiles. Le record officiel de la piste est détenu par Bruce McLaren, auteur d'un tour à plus de 117,5 km/h de moyenne au volant de sa Cooper lors de l'édition 1960 du Grand Prix.

Monoplaces en lice

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Pour la première fois depuis la création du championnat du monde en 1950, toutes les monoplaces présentes sont à moteur central arrière.

  • Cooper T55 "Usine"
 
John Surtees au volant de la Cooper T53 du Yeoman Credit Racing Team.

Apparue en avril lors des 200 Miles d'Aintree, la Cooper T55 est une évolution de la T53 championne du monde en 1960. Le moteur Coventry Climax FPF est désormais monté en position inclinée et ancré plus bas, la ligne de la T55 étant ainsi légèrement affinée par rapport à celle de sa devancière. Dans sa dernière version version MkII, le quatre cylindres FPF à double arbre à cames en tête a une cylindrée portée à 1498 cm3 (contre 1475 sur la version MkI), sa puissance atteignant 152 chevaux à 7600 tr/min[6]. La transmission est assurée par une toute nouvelle boîte de vitesses à six rapports, conçue à l'usine[7]. Avec 465 kg à sec[8], la T55 dépasse de peu le poids minimal imposé (450 kg). L'équipe de pilotes est la même que l'année précédente, Bruce McLaren épaulant le double champion du monde Jack Brabham. Ce dernier ne pourra cependant pas participer aux essais du vendredi et samedi, retenu ces jours-là par les qualifications pour les 500 miles d'Indianapolis, mais sera de retour des Etats Unis juste à temps pour le Grand Prix[4].

  • Cooper T53 & T51 privées

Le Yeoman Credit Racing Team a engagé une T53 à moteur Coventry Climax FPF MkII, à boîte cinq vitesses, pour son pilote John Surtees. Masten Gregory dispose quant à lui de la T53 de l'équipe Camoradi, mais munie d'un moteur FPF MkI (143 chevaux). Le Rob Walker Racing Team a préparé un modèle identique pour Stirling Moss, à titre de voiture de réserve. Le vétéran français Maurice Trintignant, double vainqueur de l'épreuve, pilote une ancienne T51 à suspension arrière à lames, équipée d'un moteur de Maserati 150S (quatre cylindres, 1484 cm3, 142 chevaux à 7500 tr/min) et d'une boîte de vitesses Colotti à cinq rapports, engagée par la Scuderia Serenissima[4].

  • Lotus 21 "Usine"

Étroitement dérivée de la Lotus 18, la 21 s'inspire aussi de la nouvelle Lotus 20 de Formule junior, par ses lignes fluides et sa suspension avant partiellement carénée (un progrès majeur par rapport à la 18 qui souffrait d’une médiocre aérodynamique). Cette voiture fait ses débuts en course, sa réalisation ayant pris plusieurs mois de retard par rapport au calendrier initial, la partie arrière initialement dessinée pour le montage du moteur Climax V8, pas encore au point, ayant dû être repensée pour le montage du quatre cylindres. Deux 21 ont été engagées par l'usine, dotées du moteur Climax FPF MkII accouplé à une boîte de vitesses ZF à cinq rapports. Elles pèsent 455 kg à vide et sont aux mains des pilotes écossais Jim Clark et Innes Ireland[7].

  • Lotus 18 privées

Lié par contrat au pétrolier BP alors que l'équipe Lotus est partenaire d'Esso, Stirling Moss n'a pu disposer de la dernière monoplace de la marque ; aussi le pilote de Rob Walker doit-il se contenter de sa Lotus 18 de la saison passée, dorénavant équipée du moteur Climax FPF MkII et lestée à 450 kg[9]. L'équipe UDT Laystall aligne deux modèles identiques pour Cliff Allison et Henry Taylor, seul le premier nommé disposant du moteur FPF MkII, Taylor utilisant l'ancienne version, tout comme le pilote suisse Michael May qui fait ses débuts sur la Lotus 18 de la Scuderia Colonia.

  • Ferrari 156 "Usine"
 
Richie Ginther s'apprêtant à tester la nouvelle Ferrari 156 à Modène, en avril 1961.

La Scuderia Ferrari a engagé trois de ses nouvelles 156, dérivées de la 156P de formule 2. Il s'agit de la première monoplace de la marque étudiée en soufflerie. Très profilée, sa carrosserie en aluminium habille un châssis multitubulaire. Phil Hill et Wolfgang von Trips disposent des versions à moteur V6 à 65° (1481 cm3, double allumage, deux carburateurs Weber triple corps, 180 chevaux à 9000 tr/min), alors que Richie Ginther dispose quant à lui du tout nouveau moteur V6 à 120°, conçu par Carlo Chiti durant l'intersaison[10] : si l'allumage est identique, la course est légèrement réduite, ramenant la cylindrée à 1476 cm3, les carburateurs sont plus gros et le régime de rotation plus élevé, autorisant 190 chevaux à 9500 tr/min, et le centre de gravité est plus bas. Ne pesant que 460 kg, la Ferrari 156 mesure toutefois plus de quatre mètres de long, et son empattement de deux mètres trente peut constituer un handicap sur les circuits sinueux[11]. Le Grand Prix de Monaco constitue la deuxième apparition en course de ce modèle, qui a victorieusement effectué sa première sortie lors du Grand Prix de Syracuse aux mains de Giancarlo Baghetti ; le jeune pilote italien pilotait ce jour-là une version V6 65° semi-officielle engagée par la F.I.S.A. (Federazione Italiana Scuderie Automobilsche), alors que la Scuderia avait déclaré forfait après les ennuis de lubrification rencontrés aux essais sur la V6 120° confiée à Ginther[12].

  • BRM P48/57 "Usine"

Basée sur la P48 de l'année précédente, la P48/57 a été initialement conçue pour recevoir le nouveau moteur V8 de la marque, mais celui-ci n'est qu'en cours de développement. British Racing Motors s'est donc résolue à utiliser une version intermédiaire à moteur Climax FPF. BRM ne fait toutefois pas partie des clients privilégiés du motoriste britannique, et n'a pu disposer pour cette course que d'un seul FPF MkII, monté sur la monoplace de Graham Hill, tandis que la seconde voiture, confiée à Tony Brooks, est équipée d'une ancienne version MkI. Par rapport à sa devancière, la P48/57 est plus fine, plus légère (470 kg à sec contre 550 pour l'ancien modèle) et dispose désormais de quatre freins à disques montés dans les porte-moyeux, abandonnant l'originale mais peu fiable solution du disque arrière monté sur l'arbre de transmission[8].

  • Porsche 787 & 718 "Usine"
 
La Porsche 718, initialement conçue pour la Formule 2

La nouvelle réglementation a donné à Porsche, spécialiste des petites cylindrées et très impliqué en Formule 2 les saisons précédentes, l'opportunité d'intégrer le championnat F1. La saison 1961 a failli débuter sur un succès pour le constructeur de Stuttgart, Joakim Bonnier ayant remporté la première manche du Grand Prix de Bruxelles, avant d'être éliminé dans la seconde, percuté par la Cooper de John Surtees[3]. L'usine engage deux 718 (ex F2) pour Dan Gurney et Hans Herrmann, Bonnier faisant débuter la nouvelle 787, étroitement dérivée de sa devancière mais étudiée pour éventuellement recevoir le futur moteur huit cylindres à plat de la marque. Les deux modèles utilisent pour l'heure le traditionnel quatre cylindres à plat éprouvé en endurance comme en monoplace. Refroidi par air et d'une cylindrée de 1498 cm3, il est maintenant alimenté par un système d'injection mécanique Kugelfischer et développe environ 170 chevaux à 9000 tr/min. Les trois voitures sont dotées d'une boîte de vitesses à six rapports. Encore dotées de freins à tambours les 718 pèsent environ 480 kg. Bien que plus long de dix centimètres (empattement de deux mètres trente au lieu de deux mètres vingt), le nouveau modèle n'est pas plus lourd et bénéficie de quatre freins à disques, ainsi que d'une suspension avant à combinés ressorts/amortisseurs. Contrairement à celle de Gurney inchangée par rapport à l'année précédente, la 718 d'Herrmann a été dotée d'un nouveau capot arrière (améliorant le refroidissement du moteur[13]) et modifiée pour recevoir la nouvelle suspension[14].

  • Emeryson MkI privées

En début d'année, l'Équipe nationale belge a racheté à Paul Emery trois Emeryson MkI à moteur Maserati (quatre cylindres, 142 chevaux). L'écurie en a engagé deux à Monaco, pour Lucien Bianchi et Olivier Gendebien[7].

Coureurs inscrits

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Liste des pilotes inscrits[15]
no  Pilote Écurie Constructeur Modèle N° châssis Moteur Pneumatiques
2   Joakim Bonnier Porsche System Engineering Porsche Porsche 787 787-02 Porsche 547/3 F4 D
4   Dan Gurney Porsche System Engineering Porsche Porsche 718 718-204 Porsche 547/3 F4 D
6   Hans Herrmann Porsche System Engineering Porsche Porsche 718 718-205 Porsche 547/3 F4 D
8   Michael May Scuderia Colonia Lotus Lotus 18 XVIII-914 Coventry Climax FPF MkI L4 D
10   Lucien Bianchi Équipe nationale belge Emeryson Emeryson MkI MkI-I001 Maserati Tipo 6-1500 L4 D
12   Olivier Gendebien Équipe nationale belge Emeryson Emeryson MkI MkI-I003 Maserati Tipo 6-1500 L4 D
14   Masten Gregory Camoradi International Cooper Cooper T53 F1-3-61 Coventry Climax FPF MkI L4 D
16   Tony Brooks Owen Racing Organisation BRM BRM P48/57 572 Coventry Climax FPF MkI L4 D
18   Graham Hill Owen Racing Organisation BRM BRM P48/57 571 Coventry Climax FPF MkII L4 D
20
20T
  Stirling Moss Rob Walker Racing Team Lotus
Cooper
Lotus 18
Cooper T53
XVIII-912
F1-7-61
Coventry Climax FPF MkII L4
Coventry Climax FPF MkI L4
D
D
22   John Surtees Yeoman Credit Racing Team Cooper Cooper T53 F1-1-61 Coventry Climax FPF MkII L4 D
24   Jack Brabham Cooper Car Company Cooper Cooper T55 F1-10-61 Coventry Climax FPF MkII L4 D
26   Bruce McLaren Cooper Car Company Cooper Cooper T55 F1-11-61 Coventry Climax FPF MkII L4 D
28   Jim Clark Team Lotus Lotus Lotus 21 XXI-930 Coventry Climax FPF MkII L4 D
30   Innes Ireland Team Lotus Lotus Lotus 21 XXI-931 Coventry Climax FPF MkII L4 D
32   Cliff Allison UDT Laystall Racing Lotus Lotus 18 XVIII-915 Coventry Climax FPF MkII L4 D
34   Henry Taylor UDT Laystall Racing Lotus Lotus 18 XVIII-916 Coventry Climax FPF MkI L4 D
36   Richie Ginther Ferrari SEFAC Ferrari Ferrari 156 156-001 Ferrari 178 V6 (120°) D
38   Phil Hill Ferrari SEFAC Ferrari Ferrari 156 156-003 Ferrari 178 V6 (65°) D
40   Wolfgang von Trips Ferrari SEFAC Ferrari Ferrari 156 156-002 Ferrari 178 V6 (65°) D
42   Maurice Trintignant Scuderia Serenissima Cooper Cooper T51 F2-1-59 Maserati Tipo 6-1500 L4 D

Qualifications

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Les séances qualificatives ont lieu le jeudi après-midi, le vendredi matin et le samedi après-midi précédant la course. Le nombre de participants à la course étant limité à seize, cinq des vingt-et-un pilotes engagés ne pourront prendre le départ. Les deux premiers pilotes de chaque équipe officielle ainsi que les précédents vainqueurs étant qualifiés d'office, les quatre places restantes seront attribuées aux meilleurs des neuf autres pilotes.

- Pilotes qualifiés d'office :

- Pilotes devant se qualifier :

Séance du jeudi 11 mai

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Il fait très beau le jeudi après-midi, lorsque débutent les essais. L'équipe Porsche va manquer cette première séance, le transporteur devant acheminer les voitures en principauté étant tombé en panne[4]. Au volant de sa Lotus d'usine, Jim Clark se montre d'emblée très à l'aise et en fin de journée parvient à accomplir une série de tours très rapides ; il est le seul à passer sous la barre d'une minute et quarante secondes mais, alors qu'il cherche encore à améliorer sa performance, il aborde trop vite le virage de Sainte Dévote et sort brutalement de la piste ; il est indemne mais sa monoplace sérieusement endommagée[16]. Le pilote écossais reste cependant le plus rapide (et de loin) de la journée, ayant accompli son meilleur tour à 113,7 km/h de moyenne. Il devance largement les Ferrari de Richie Ginther et de Phil Hill, reléguées à près d'une seconde et demie et précédant de peu la Lotus privée de Stirling Moss, ce dernier ayant été gêné par des problèmes d'alimentation d'essence. Sur la seconde Lotus officielle, Innes Ireland réalise le cinquième temps de la journée, mais à près de deux secondes de son coéquipier. Champion en titre, Jack Brabham n'a réalisé que le huitième chrono, à plus de quatre secondes de Clark ; les nouvelles Cooper ne se sont pas montrées à leur avantage, le coéquipier de Brabham, Bruce McLaren, échouant quant à lui à plus de cinq secondes de la meilleure Lotus, dotée d'un moteur identique. Qualifié d'office, le champion du monde n'aura pas l'occasion d'améliorer ses chronos (il doit participer les jours suivants aux sessions de qualification des 500 miles d'Indianapolis), ce qui le condamne à partir en fond de grille le dimanche.

 
Au volant de la nouvelle Lotus 21, Jim Clark a dominé la première séance d’essais.
Résultats de la première journée d'essais[17]
Pos. Pilote Écurie Temps Écart
1   Jim Clark Lotus-Climax 1 min 39 s 6
2   Richie Ginther Ferrari 1 min 41 s 0 + 1 s 4
3   Phil Hill Ferrari 1 min 41 s 0 + 1 s 4
4   Stirling Moss Lotus-Climax 1 min 41 s 1 + 1 s 5
5   Innes Ireland Lotus-Climax 1 min 41 s 5 + 1 s 9
6   Wolfgang von Trips Ferrari 1 min 41 s 7 + 2 s 1
7   Graham Hill BRM-Climax 1 min 42 s 8 + 3 s 2
8   Jack Brabham Cooper-Climax 1 min 44 s 0 + 4 s 4
9   Lucien Bianchi Emeryson-Maserati 1 min 44 s 0 + 4 s 4
10   John Surtees Cooper-Climax 1 min 44 s 3 + 4 s 7
11   Tony Brooks BRM-Climax 1 min 44 s 6 + 5 s 0
12   Bruce McLaren Cooper-Climax 1 min 44 s 7 + 5 s 1
13   Michael May Lotus-Climax 1 min 45 s 4 + 5 s 8
14   Olivier Gendebien Emeryson-Maserati 1 min 45 s 4 + 5 s 8
15   Henry Taylor Lotus-Climax 1 min 45 s 5 + 5 s 9
16   Masten Gregory Cooper-Climax 1 min 45 s 7 + 6 s 1
17   Maurice Trintignant Cooper-Maserati 1 min 47 s 6 + 8 s 0
18   Cliff Allison Lotus-Climax 1 min 56 s 7 + 17 s 1

Séance du vendredi 12 mai

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Il fait beau mais relativement froid le vendredi matin, lorsque commence la deuxième séance[17]. Comme la veille, les conditions de piste sont idéales. Les Porsche sont enfin arrivées et peuvent commencer à tourner, tandis que Clark n'aura pas l'occasion de le faire, sa monoplace étant aux mains des mécaniciens de l'équipe, qui tentent de la remettre en état pour la course. Dans l'équipe de Rob Walker, on tente de remédier aux problèmes rencontrés la veille, aussi Stirling Moss accomplit-il quelques tours au volant de sa voiture de réserve, une Cooper T53. Les Ferrari dominent cette matinée d'essais, Ginther battant de trois dixièmes de seconde le temps réalisé par Clark la veille. Utilisant une version un peu moins puissante, Phil Hill échoue à une demi-seconde de son coéquipier, juste devant la BRM de Graham Hill. Moss connaît encore quelques soucis avec sa Lotus, il ne parviendra pas à améliorer sa performance de la veille. À la lutte avec Trips pour la quatrième place sur la grille, Ireland va devoir interrompre sa séance après avoir accroché l'Emeryson de Gendebien, si bien que les deux voitures de l'équipe sont momentanément inutilisables, celle de Clark étant loin d'être totalement réparée.

Résultats de la deuxième journée d'essais[17]
Pos. Pilote Écurie Temps Écart
1   Richie Ginther Ferrari 1 min 39 s 3
2   Phil Hill Ferrari 1 min 39 s 8 + 0 s 5
3   Graham Hill BRM-Climax 1 min 40 s 0 + 0 s 7
4   Wolfgang von Trips Ferrari 1 min 40 s 3 + 1 s 0
5   Innes Ireland Lotus-Climax 1 min 40 s 5 + 1 s 2
6   John Surtees Cooper-Climax 1 min 41 s 1 + 1 s 8
7   Bruce McLaren Cooper-Climax 1 min 41 s 3 + 2 s 0
8   Stirling Moss Lotus-Climax 1 min 41 s 4 + 2 s 1
9   Joakim Bonnier Porsche 1 min 41 s 9 + 2 s 6
10   Michael May Lotus-Climax 1 min 42 s 0 + 2 s 7
11   Tony Brooks BRM-Climax 1 min 42 s 1 + 2 s 8
12   Cliff Allison Lotus-Climax 1 min 42 s 3 + 3 s 0
13   Hans Herrmann Porsche 1 min 42 s 4 + 3 s 1
14   Masten Gregory Cooper-Climax 1 min 42 s 7 + 3 s 4
15   Dan Gurney Porsche 1 min 42 s 7 + 3 s 4
16   Lucien Bianchi Emeryson-Maserati 1 min 42 s 9 + 3 s 6
17   Maurice Trintignant Cooper-Maserati 1 min 43 s 2 + 3 s 9
18   Henry Taylor Lotus-Climax 1 min 43 s 7 + 4 s 4
19   Olivier Gendebien Emeryson-Maserati 1 min 43 s 7 + 4 s 4

Séance du samedi 13 mai

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Malgré le travail intense accompli par les mécaniciens de l'équipe Lotus, la voiture de Clark n'est pas terminée lorsque débute la dernière journée d'essais, le samedi après-midi, toujours sous le soleil. Son coéquipier Ireland a pu récupérer la sienne. Mais dès le début de la séance, alors qu'il est en passe d'améliorer son temps de la veille, il loupe un changement de vitesse (encore peu habitué au maniement de sa nouvelle boîte ZF, il a sélectionné la seconde au lieu de la quatrième) ; roues arrière bloquées, il perd le contrôle et démolit sa monoplace contre les barrières du tunnel. Sérieusement blessé au genou, il est immédiatement hospitalisé[18]. La voiture de Moss est cette fois parfaitement au point et le champion britannique va réaliser l'exploit de battre de deux dixièmes de seconde la performance réalisée le vendredi par Ginther, s'octroyant ainsi la pole position, à 114,2 km/h de moyenne. Ginther est relégué au centre de la première ligne, au côté de Clark, troisième sur la grille bien qu'il ait manqué deux des trois séances. Deuxième meilleur temps du jour, Graham Hill obtient une place à la corde de la seconde ligne, au côté de Phil Hill. Si, comme Ginther, Surtees et Herrmann ont facilement obtenu leur qualification, Allison a été devancé par le débutant Michael May et ne doit qu'au forfait d'Ireland d'obtenir une place sur la grille. Les deux pilotes d'Emeryson (Bianchi et Gendebien) n'ont pu se qualifier, tout comme Taylor et Gregory.

 
Malgré un handicap d'une trentaine de chevaux face aux Ferrari, Stirling Moss est parvenu à placer sa Lotus en pole position.
Résultats de la troisième journée d'essais[17]
Pos. Pilote Écurie Temps Écart
1   Stirling Moss Lotus-Climax 1 min 39 s 1
2   Graham Hill BRM-Climax 1 min 39 s 6 + 0 s 5
3   Wolfgang von Trips Ferrari 1 min 39 s 8 + 0 s 7
4   Bruce McLaren Cooper-Climax 1 min 39 s 8 + 0 s 7
5   Tony Brooks BRM-Climax 1 min 40 s 1 + 1 s 0
6   Phil Hill Ferrari 1 min 40 s 2 + 1 s 1
7   Joakim Bonnier Porsche 1 min 40 s 3 + 1 s 2
8   Dan Gurney Porsche 1 min 40 s 6 + 1 s 5
9   Innes Ireland Lotus-Climax 1 min 40 s 7 + 1 s 6
10   Hans Herrmann Porsche 1 min 41 s 1 + 2 s 0
11   Richie Ginther Ferrari 1 min 41 s 7 + 2 s 6
12   Maurice Trintignant Cooper-Maserati 1 min 42 s 4 + 3 s 3
13   Henry Taylor Lotus-Climax 1 min 42 s 6 + 3 s 5
14   Masten Gregory Cooper-Climax 1 min 42 s 7 + 3 s 6
15   Cliff Allison Lotus-Climax 1 min 43 s 2 + 4 s 1
16   Michael May Lotus-Climax 1 min 43 s 8 + 4 s 7
17   Lucien Bianchi Emeryson-Maserati 1 min 44 s 5 + 5 s 4
18   Olivier Gendebien Emeryson-Maserati 1 min 45 s 0 + 5 s 9
19   John Surtees Cooper-Climax 2 min 09 s 1 + 30 s 0

Tableau final des qualifications

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Résultats des qualifications à l'issue des trois journées
Pos. Pilote Écurie Temps Écart Commentaire
1   Stirling Moss Lotus-Climax 1 min 39 s 1 temps réalisé le samedi
2   Richie Ginther Ferrari 1 min 39 s 3 + 0 s 2 temps réalisé le vendredi
3   Jim Clark Lotus-Climax 1 min 39 s 6 + 0 s 5 temps réalisé le jeudi, avant accident ; sans voiture les vendredi et samedi
4   Graham Hill BRM-Climax 1 min 39 s 6 + 0 s 5 temps réalisé le samedi
5   Phil Hill Ferrari 1 min 39 s 8 + 0 s 7 temps réalisé le vendredi
6   Wolfgang von Trips Ferrari 1 min 39 s 8 + 0 s 7 temps réalisé le samedi
7   Bruce McLaren Cooper-Climax 1 min 39 s 8 + 0 s 7 temps réalisé le samedi
8   Tony Brooks BRM-Climax 1 min 40 s 1 + 1 s 0 temps réalisé le samedi
9   Joakim Bonnier Porsche 1 min 40 s 3 + 1 s 2 temps réalisé le samedi
10   Innes Ireland Lotus-Climax 1 min 40 s 5 + 1 s 4 temps réalisé le vendredi ; accidenté le samedi, forfait pour la course
11   Dan Gurney Porsche 1 min 40 s 6 + 1 s 5 temps réalisé le samedi
12   John Surtees Cooper-Climax 1 min 41 s 1 + 2 s 0 temps réalisé le vendredi
13   Hans Herrmann Porsche 1 min 41 s 1 + 2 s 0 temps réalisé le samedi
14   Michael May Lotus-Climax 1 min 42 s 0 + 2 s 9 temps réalisé le vendredi
15   Cliff Allison Lotus-Climax 1 min 42 s 3 + 3 s 2 temps réalisé le vendredi ; qualifié grâce au forfait d'Ireland
16   Maurice Trintignant Cooper-Maserati 1 min 42 s 4 + 3 s 3 temps réalisé le samedi
17   Henry Taylor Lotus-Climax 1 min 42 s 6 + 3 s 5 temps réalisé le samedi ; premier non-qualifié
18   Masten Gregory Cooper-Climax 1 min 42 s 7 + 3 s 6 temps réalisé le vendredi, égalé le samedi ; deuxième non-qualifié
19   Lucien Bianchi Emeryson-Maserati 1 min 42 s 9 + 3 s 8 temps réalisé le vendredi ; troisième non-qualifié
20   Olivier Gendebien Emeryson-Maserati 1 min 43 s 7 + 4 s 6 temps réalisé le vendredi ; quatrième et dernier non-qualifié
21   Jack Brabham Cooper-Climax 1 min 44 s 0 + 4 s 9 temps réalisé le jeudi ; qualifié d'office (pilote d'usine)

Grille de départ du Grand Prix

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Grille de départ du Grand Prix et résultats des qualifications[16]
1re ligne Pos. 3 Pos. 2 Pos. 1
 
Clark
Lotus
1 min 39 s 6
 
Ginther
Ferrari
1 min 39 s 3
 
Moss
Lotus
1 min 39 s 1
2e ligne Pos. 5 Pos. 4
 
P. Hill
Ferrari
1 min 39 s 8
 
G. Hill
BRM
1 min 39 s 6
3e ligne Pos. 8 Pos. 7 Pos. 6
 
Brooks
BRM
1 min 40 s 1
 
McLaren
Cooper
1 min 39 s 8
 
Trips
Ferrari
1 min 39 s 8
4e ligne Pos. 10 Pos. 9
 
Gurney
Porsche
1 min 40 s 6
 
Bonnier
Porsche
1 min 40 s 3
5e ligne Pos. 13 Pos. 12 Pos. 11
 
May
Lotus
1 min 42 s 0
 
Herrmann
Porsche
1 min 41 s 1
 
Surtees
Cooper
1 min 41 s 1
6e ligne Pos. 15 Pos. 14
 
Trintignant
Cooper
1 min 42 s 4
 
Allison
Lotus
1 min 42 s 3
7e ligne Pos. 16
 
Brabham
Cooper
1 min 44 s 0

Déroulement de la course

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Le temps est chaud mais brumeux lorsque les seize pilotes qualifiés s'élancent pour le tour de chauffe, à quatorze heures trente[16]. Stirling Moss a fait démonter les panneaux latéraux de sa Lotus afin de moins souffrir de la chaleur et s’élance de la pole position avec une monoplace aux flancs ouverts. Jim Clark parvient tant bien que mal à boucler les trois kilomètres du circuit, le moteur de sa Lotus fumant énormément. Ses mécaniciens vont lui changer les bougies sur la grille de mise en place, juste avant le départ prévu à quatorze heures quarante-cinq. Au même moment, Moss fait également intervenir d’urgence son équipe : un tube du châssis est criqué, et c’est son chef mécanicien Alf Francis qui va le renforcer avec une soudure de fortune, juste avant le baisser du drapeau[19].

Lorsque Louis Chiron libère les monoplaces, Richie Ginther exploite parfaitement la puissance supérieure de sa Ferrari et négocie en tête l'épingle du Gazomètre, devant Clark et Moss[6]. Il prend rapidement du champ et, lorsqu'il repasse devant les tribunes, compte près de deux secondes d'avance sur Clark. Ce dernier est alors ralenti par un problème de bougie et cède aussitôt la deuxième place à Moss, qui donne le maximum pour ne pas être distancé par la Ferrari de tête. À la fin du second tour, Moss n'a grappillé que quelques dixièmes à Ginther. Les Porsche de Dan Gurney et Joakim Bonnier, qui ont pris un excellent départ, pointent aux troisième et quatrième rangs, devançant la BRM de Tony Brooks et la Cooper de Bruce McLaren. Partis prudemment et laissant leur coéquipier Ginther jouer le rôle du lièvre, Phil Hill et Wolfgang von Trips n'occupent alors que les septième et neuvième places, encadrant la BRM de Graham Hill. Clark a rejoint son stand au ralenti, un court-circuit du câble électrique de sa pompe à essence étant venu se greffer à ses problèmes d'allumage. Il repartira très attardé.

Ginther attaque et parvient à conforter son avance au cours des tours suivants. Au cinquième passage devant les stands, il possède une marge de sept secondes sur Moss, désormais talonné par Bonnier, qui a pris l'avantage sur son coéquipier Gurney. Cependant, La Ferrari de tête va peu après perdre une bonne partie de son capital, Ginther relâchant un peu son effort après s'être fait une frayeur dans le tunnel, ayant failli perdre le contrôle de sa monoplace[20]. Si bien qu'après dix tours Moss est revenu à une seconde du pilote californien. Bonnier, troisième, n'est pas très loin, à trois secondes et demie de l'homme de tête. Gurney n'a pu suivre le rythme des premiers, et se trouve relégué à plus de dix secondes. Il devance de peu son compatriote Phil Hill, qui a nettement haussé son rythme et vient de s'attribuer le record du tour à près de 113 km/h de moyenne. Au douzième tour, Hill s'empare de la quatrième place, alors que devant Moss et Bonnier talonnent maintenant Ginther. Une boucle plus tard les trois voitures de tête sont littéralement soudées l'une à l'autre lorsqu'elles passent devant les tribunes. Ginther vire le premier au virage du Gazomètre, mais à la sortie Moss et Bonnier le débordent par l'extérieur. Bien que disposant d'une monoplace moins puissante que celle de ses adversaires directs, Moss prend rapidement du champ. Au vingtième tour, il s'est constitué une avance de huit secondes sur la Porsche de Bonnier, le pilote suédois n'ayant pu distancer Ginther ; tous deux se font peu à peu rattraper par Hill. La Ferrari de Trips est un peu plus loin, alors que le reste du peloton, emmené par McLaren, est déjà nettement distancé.

Comme Ginther ne semble alors plus en mesure de contre-attaquer, Hill dépasse bientôt son coéquipier et revient rapidement sur Bonnier, à qui il prend la deuxième place au vingt-sixième tour. Il compte alors une dizaine de secondes de retard sur la Lotus de tête. Le pilote américain tente bien de réduire l'écart, mais quinze tours plus tard son retard est resté rigoureusement le même ! Bonnier et Ginther le suivent toujours de près, mais le moteur de la Porsche commence à avoir des ratés et le Suédois doit bientôt céder sa troisième place. En proie à des problèmes de commande d'accélérateur, Trips est toujours cinquième mais a perdu du terrain. Ginther est maintenant « dans les échappements » de son compatriote. Les deux Ferrari vont dès lors faire le forcing, reprenant régulièrement deux à trois dixièmes de seconde au tour à la Lotus de tête. À la mi-course, Moss conserve possède encore près de huit secondes de marge sur les deux pilotes américains. Malgré ses petits ennuis, Bonnier n'est qu'à trois secondes de la Ferrari, alors que plus loin Trips se contente désormais de maintenir sa position, une quinzaine de secondes devant la Cooper de John Surtees. Pressé par Ginther qui a une nouvelle fois amélioré le record (le portant à 115,3 km/h), Hill accélère encore. En quelque tours, les duettistes reviennent à quatre secondes et demie de Moss. Au soixantième tour, alors que Bonnier vient de renoncer sur problème de moteur, quelques dixièmes ont encore été grappillés et l'écart est passé sous la barre des quatre secondes. Moss est cependant à la limite dans chaque virage, mais la remontée des puissantes Ferrari semble inéluctable. Pourtant, l'écart va se stabiliser et malgré tous ses efforts Hill ne parvient plus à reprendre le moindre pouce de terrain à son adversaire. Sur une piste maintenant souillée par des projections d'huile et de gomme, Moss parvient même à reprendre un tout petit peu d'avance sur Hill, qui parait désormais moins à l'aise que Ginther. Aux trois quarts de l'épreuve, malgré les consignes d'attaque du stand Ferrari (un panneau « Go faster » étant brandi à chaque tour !), l'écart est repassé à six secondes. Ginther déborde alors son coéquipier et prend la chasse à son compte. Portant le record à près de 117 km/h de moyenne, il revient en quelques tours à quatre secondes de Moss. A ce rythme, le champion britannique ne semble plus en mesure de résister ; cependant, tour après tour, l'écart se maintient juste sous la barre des quatre secondes, Moss parvenant à calquer son allure sur celle de son adversaire. Celui-ci porte le record à 117,5 km/h au quatre-vingt-quatrième tour, performance égalé par Moss au suivant. L'écart est toujours de l'ordre de quatre secondes, Moss parvient à l'augmenter encore de quelques dixièmes avant de parvenir à contrôler le retour de son adversaire lors des dix derniers tours, parvenant à passer sous le drapeau à damiers avec une marge d'environ trois secondes et demie, remportant brillamment son troisième Grand Prix de Monaco malgré une voiture rendant trente chevaux à celle de son rival. Hill a depuis longtemps renoncé à la poursuite et termine lointain troisième, avec plus de quarante secondes de retard. Malgré un abandon sur problème électrique en vue de l'arrivée, Trips conserve sa quatrième place, devant Gurney, à plus de deux tours du vainqueur. Dominatrices la saison passée, les Cooper enregistrent leur plus mauvais résultat depuis bien longtemps, McLaren terminant lointain sixième, avec cinq tours de retard, tandis que Brabham, parti dernier pour avoir manqué une bonne partie des essais, après une remontée de la seizième à la dixième place en début d'épreuve, a très vite rencontré des ennuis et a dû abandonner avant la mi-course.

Classements intermédiaires

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Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, deuxième, cinquième, dixième, quinzième, vingtième, vingt-cinquième, trentième, quarantième, cinquante-cinquième, cinquantième, soixantième, soixante-dixième, soixante-quinzième, quatre-vingtième et quatre-vingt-dixième tours[21].

Classement de la course

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Stirling Moss, de l'avis de ses pairs le meilleur pilote du moment[4].
Pos No Pilote Écurie Tours Temps/Abandon Grille Points
1 20   Stirling Moss Lotus-Climax 100 2 h 45 min 50 s 1 1 9
2 36   Richie Ginther Ferrari 100 +3 s 6 2 6
3 38   Phil Hill Ferrari 100 +41 s 3 5 4
4 40   Wolfgang von Trips Ferrari 98 panne électrique 6 3
5 4   Dan Gurney Porsche 98 +2 tours 11 2
6 26   Bruce McLaren Cooper-Climax 95 +5 tours 7 1
7 42   Maurice Trintignant Cooper-Maserati 95 +5 tours 16
8 32   Cliff Allison Lotus-Climax 93 +7 tours 15
9 6   Hans Herrmann Porsche 91 +9 tours 13
10 28   Jim Clark Lotus-Climax 89 +11 tours 3
11 22   John Surtees Cooper-Climax 68 Moteur 12
12 2   Jo Bonnier Porsche 59 Injection 9
13 16   Tony Brooks BRM-Climax 54 Moteur 8
Abd. 8   Michael May Lotus-Climax 42 Durite d'huile 14
Abd. 24   Jack Brabham Cooper-Climax 38 Allumage 21
Abd. 18   Graham Hill BRM-Climax 11 Pompe à essence 4
Np. 30   Innes Ireland Lotus-Climax Blessé à l'entrainement
Nq. 34   Henry Taylor Lotus-Climax Non qualifié
Nq. 14   Masten Gregory Cooper-Climax Non qualifié
Nq. 10   Lucien Bianchi Emeryson-Maserati Non qualifié
Nq. 12   Olivier Gendebien Emeryson-Maserati Non qualifié

Légende :

  • Abd.= Abandon - Np.=Non partant

Pole position et record du tour

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Évolution du meilleur tour en course

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Le record du tour fut amélioré vingt fois au cours de l'épreuve[4].

Tours en tête

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Témoignages

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L'intensité de la course et la remarquable maîtrise de Stirling Moss ont suscité de nombreux commentaires après l'arrivée[4] :

  • Gregor Grant, journaliste britannique, à propos du vainqueur dans 'Autosport' : « Je salue Mr Motor Racing. »
  • Denis Jenkinson, journaliste britannique et ami de Moss, à la une de 'Motor Sport' : « What a race! » (Quelle course !)
  • Rob Walker, employeur de Moss, à propos de la fin de course : « Il y a longtemps que je ne regardais plus. »
  • Richie Ginther, second de l'épreuve : « Quand vous êtes bon, face à cette "fripouille" de Stirling, c'est quand même que vous savez piloter, non ? »
  • Le vainqueur, dans son livre "Mes bolides et moi" (1964) : « À Monte-Carlo, ce jour-là, à chaque virage, à chaque tour du circuit, pour autant que je m'en souvienne, j'ai essayé de conduire le plus vite que j'aie pu, seulement à une épaisseur de cheveu de la limite et ce pendant au moins 92 des 100 tours du Grand Prix. Piloter de cette façon est terriblement épuisant ; la plupart des gens n'ont pas idée de ce que ça représente... »

Classement général à l'issue de la course

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  • Attribution des points : 9, 6, 4, 3, 2, 1 respectivement aux six premiers de chaque épreuve.
  • Pour la coupe des constructeurs, même barème à l'exception de la première place (8 points au lieu de 9) et seule la voiture la mieux classée de chaque équipe inscrit des points.
  • Seuls les cinq meilleurs résultats sont comptabilisés.
  • Le règlement permet aux pilotes de se relayer sur une même voiture, les points éventuellement acquis étant alors perdus pour pilotes et constructeur[16].
  • Sur neuf épreuves qualificatives prévues pour le championnat du monde 1961, huit seront effectivement courues, le Grand Prix du Maroc (programmé le ) ayant été annulé en cours de saison pour raisons financières[16].
Classement des pilotes
Pos. Pilote Écurie Points  
MON
 
NL
 
BEL
 
FRA
 
GBR
 
ALL
 
ITA
 
USA
 
MAR
1   Stirling Moss Lotus 9 9
2   Richie Ginther Ferrari 6 6
3   Phil Hill Ferrari 4 4
4   Wolfgang von Trips Ferrari 3 3
5   Dan Gurney Porsche 2 2
6   Bruce McLaren Cooper 1 1
Coupe des constructeurs
Pos. Écurie Points  
MON
 
NL
 
BEL
 
FRA
 
GBR
 
ALL
 
ITA
 
USA
 
MAR
1 Lotus-Climax 8 8
2 Ferrari 6 6
3 Porsche 2 2
4 Cooper-Climax 1 1

À noter

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  • 15e victoire en championnat du monde pour Stirling Moss.
  • 3e victoire en championnat du monde pour Lotus en tant que constructeur.
  • 16e victoire en championnat du monde pour Climax en tant que motoriste.
  • 17e et dernier Grand Prix de championnat du monde pour Cliff Allison qui se blessera aux essais du GP de Belgique. Le pilote britannique disputera entre-temps le London Trophy sur le circuit de Crystal Palace, épreuve de Formule 1 hors championnat, sur sa Lotus.

Notes et références

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  1. Johnny Rives, Gérard Flocon et Christian Moity, La fabuleuse histoire de la formule 1, Éditions Nathan, , 707 p. (ISBN 2-09-286450-5)
  2. Gérard Gamand, « L'histoire de Coventry Climax », Revue Autodiva, no 32,‎
  3. a b et c Christian Naviaux, Les Grands Prix de Formule 1 hors championnat du monde : 1946-1983, Nîmes, Éditions du Palmier, , 128 p. (ISBN 2-914920-05-9)
  4. a b c d e f et g Christian Moity, « Ce jour-là : Stirling Moss ! », Revue auto passion, no 15,‎
  5. Rainer W. Schlegelmilch et Hartmut Lehbrink, Grand Prix de Monaco, Könemann, , 460 p. (ISBN 3-8290-0658-6)
  6. a et b L'année automobile no 9 1961-1962, Lausanne, Edita S.A.,
  7. a b et c (en) Mike Lawrence, Grand Prix Cars 1945-65, Motor racing Publications, , 264 p. (ISBN 1-899870-39-3)
  8. a et b (en) Adriano Cimarosti, The complete History of Grand Prix Motor racing, Aurum Press Limited, , 504 p. (ISBN 1-85410-500-0)
  9. Gérard Crombac (trad. de l'anglais), Colin Chapman : L'épopée Lotus en formule 1, Paris, Presses Universitaires de France, , 381 p. (ISBN 2-13-040012-4)
  10. Pierre Ménard, « Les Ferrari 156 F1 : 1961 - victoire à l'italienne », Revue Automobile historique, no 22,‎
  11. Christian Moity et Serge Bellu, « La galerie des championnes : la Ferrari 156 F1 », Revue L'Automobile, no 398,‎
  12. Alan Henry, Ferrari : Les monoplaces de Grand Prix, Editions ACLA, , 319 p. (ISBN 2-86519-043-9)
  13. Christian Moity, « Monaco 61 », Revue L'Automobile, no 182,‎
  14. Jean-Marc Teissedre, « Les monoplaces Porsche : Une aventure en pointillé », Auto hebdo, no 2139,‎
  15. (en) Bruce Jones, The complete Encyclopedia of Formula One, Colour Library Direct, , 647 p. (ISBN 1-84100-064-7)
  16. a b c d e et f (en) Mike Lang, Grand Prix volume 1, Haynes Publishing Group, , 288 p. (ISBN 0-85429-276-4)
  17. a b c et d (en) Autocourse : Review of International Motor Sport 1961/62, Trafalgar Press Ltd, London, , 216 p.
  18. (en) Paul Parker, Formula 1 in camera 1960-69 : Volume two, Haynes Publishing, , 240 p. (ISBN 978-0-9928769-2-0)
  19. Gérard Crombac, 50 ans de formule 1 : Les années Clark, Boulogne-Billancourt, Editions E-T-A-I, , 271 p. (ISBN 2-7268-8464-4)
  20. Revue Moteurs n° 29 - 3e trimestre 1961
  21. Edmond Cohin, L'historique de la course automobile, Editions Larivière, , 882 p.