Famille de Gail

Family from Alsace and Germany

Famille de Gail
Image illustrative de l’article Famille de Gail
Armes de la famille.

Blasonnement D’or à 2 roses à cinq feuilles de gueules boutonnées d’or; coupé d’azur à la fleur de lys partie de gueules et d’or
Pays ou province d’origine Ville de Cologne,

Basse-Alsace

Allégeance Drapeau du Saint-Empire Saint-Empire romain germanique
Drapeau du royaume de France Royaume de France
Demeures Cour de Gail (Obernai)
Lycée Freppel (Obernai) Jaegerschloss (Mulhausen)
Hôtel de Furstemberg (Strasbourg)

La famille de Gail est une famille noble d'Alsace, d'ancienne noblesse franque et rhénane, originaire de la région de Cologne en actuelle Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Saint-Empire), durant la Renaissance, elle est une grande famille patricienne, influente dans les milieux politiques de Cologne, où ses membres sont sénateurs ou bourgmestres.

Les Gail sont impliqués dans le négoce rhénan, les affaires juridiques et dans la diplomatie. Les barons de Gail de Cologne arrivent en Alsace au début du XVIIe siècle (royaume de France) où ils s'établissent durablement.

Histoire modifier

 
Philipp I von Gail (1498–1558) et cinq de ses fils par Bartholomaeus Bruyn le Vieux.

Origines rhénanes et colonaises modifier

Les de Gail trouvent leurs origines aux XIe – XIIe siècles sur les rives du Rhin inférieur[1]. Les Gail (aléatoirement orthographié Giele ou Geyla aux XIe-XIIe siècles) sont des seigneurs de race franque administrant un petit fief à Rommerskirchen (littéralement Église des Romains), non loin de Cologne.

Selon Karl von Kempis, dans sa thèse consacrée à Andreas Gaillus von Gayl, estime qu'à la suite d'événements incertains, la famille de Gail « se serait appauvrie pour se relever au XVe siècle »[1],[2]. Ceci explique la difficulté de déterminer le sort qu'à connu la famille entre Rommerskirchen et Cologne, entre le XIIe et le XIVe siècle (guerres, épidémies, etc.).

La plus ancienne mention retrouvée de la famille dans la cité rhénane date de 1301 dans les registres de l’Université de Cologne[2]. C'est en effet entre le XIVe et le XVe siècles que les Gail investissent le patriciat de la ville de Cologne qui devient ville libre d'Empire en 1475. Le docteur Trenkel en 1877, atteste de l'appartenance de la famille de Gail à la noblesse colonaise depuis le commencement du XIVe siècle[3].

Fils de Heintze Gail, Jodocus Gail (alors encore orthographié Gayl), né en 1465, négociant en vins et en produits de luxe, est cité comme membre du patriciat de Cologne en 1510[1]. Il épouse Helena von Reidt, fille de Hermann von Reidt, consul de Cologne, elle-même supposément originaire de Rommerskirchen, le village où se trouvait le domaine ancestral (et probablement perdu à l'époque) des Gail.

Une famille emblématique du patriciat de Cologne aux XVe-XVIe siècles modifier

Entre le XIVe et le XVIe siècle, les de Gail vont occuper durablement de hautes fonctions au Sénat de la ville. La famille est l'une des grandes familles patriciennes de cette époque. En 1899 est érigée une haute tour de pierre, sur les bords du Rhin dans le vieux quartier de Cologne. Il s'agit d'une tour construite par la ville pour honorer le souvenir de la famille. En haut de la tour sont sculptées les armoiries du Reich, les armoiries de la ville de Cologne et les armoiries de Gail. Contingente au bâtiment Stapelhaus, cette tour se situe sur les bords du Rhin, qui était l'élément essentiel au commerce et la prospérité des Gail et plus généralement de Cologne. Elle se situe aussi non loin de l'église Sainte-Brigitte (où est enterré le baron Andreas de Gail) et non loin de l'église Saint-Martin. Fait remarquable : en 1945, les bombardements alliés ont dramatiquement atteint le quartier du vieux-Cologne. Le quartier est alors complètement détruit, sauf la Tour de Gail qui reste encore intacte à ce jour.

De Gail et von Gayl modifier

La famille des barons de Gail de Cologne (aujourd'hui établie en Alsace et en France) est liée à la famille des barons von Gayl (de) de Prusse et de Courlande en Lettonie (la branche demeurée en Allemagne) qui partagent avec eux les mêmes armoiries et le titre de barons. On suppose[Qui ?] qu'un fils de Hentze de Gail ou de Jodocus ou de Phillipe Ier a traversé les Allemagnes d'ouest en est pour s'établir en Courlande entre la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle, puisque l'on retrouve un seigneur de Gail dans cette région en 1432[1] et 1494[3].

Le développement de la Prusse attire dès la fin du XVe siècle de nombreux immigrés venus de l'Empire et les cadets de familles y trouvent de meilleurs débouchés de carrière, notamment dans l'Armée. La famille von Gayl de Prusse et de Courlande se développera indépendamment de la branche de Gail de Cologne. Les von Gayl de Prusse formeront une dynastie de grands militaires au service des princes d'Allemagne orientale, puis de l'Empire prussien. Le baron Wilhelm von Gayl, ministre monarchiste et nationaliste de l'Intérieur sous le gouvernement Von Papen, descendait en ligne directe de cette tradition de militaires et d'hommes d'État. Il est à noter que les von Gayl ont conservé l'orthographe originelle du nom de la famille.

D'autre part, un témoignage familial nous rapporte un évènement tout à fait remarquable survenu pendant la Première Guerre mondiale. Alors que le maréchal des logis Pierre Henriet avait été fait prisonnier avec sa patrouille montée qui s'était aventurée derrière les lignes ennemies et que lui et ses compagnons venaient d'être condamnés à mort par un tribunal militaire, un officier allemand s'arrêta en constatant le nom de jeune fille de la mère de l'infortuné soldat français (la dame en question était Marie Catherine de Gail, fille du baron Henri-François de Gail et de Marthe Le Bas du Plessis). L'officier en question était un von Gayl de Prusse. Le capitaine Pierre Henriet, par sa mère qui était une demoiselle de Gail, descendait des Gail de Cologne et d'Alsace. Sur l'intervention de cet officier, et sur la demande personnelle de la Grande Duchesse de Bade auprès de Guillaume II, les quatorze Français du groupe sont graciés.

Philippe I de Gail modifier

La famille est officiellement élevée par lettre d’anoblissement (Adelspatent) et armoiries accordées par l’empereur romain germanique Charles Quint le , après sa visite officielle du au Sénat de la ville de Cologne, à Philippe Ier de Gail (1496–1558) (fils de Jodocus Gail) Sénateur de la ville de Cologne. L’empereur Charles Quint était alors en campagne pour affirmer l’unité et la catholicité de l’Empire et recherchait des appuis catholiques puissants et intransigeants dans le patriciat de Cologne afin d'éviter que le duché de Gueldre ne tombât entre les mains d'un prince protestant. Philippe de Gail était quant à lui un sénateur influent et une personnalité forte, résolument attachée comme toute sa famille, à la défense de la foi catholique en Rhénanie face aux progrès de la foi réformée. Philippe de Gail devient le premier baron (freiherr) de la famille. Il épouse en premières noces Catherine von Mulheim (qui meurt de la peste en 1540) Philippe I et les siens sont immortalisés par le célèbre peintre de la Renaissance Bruyn le Vieux. Les deux tableaux représentant Philippe de Gail et de sa seconde épouse (voir ci-contre) ont été rachetés par le Musée du Louvre pour 60 000 francs en 1911.

Les armoiries des Gail, deux roses et une fleur de lys, sont utilisées par la famille depuis au moins le XIVe siècle, comme il était commun de le faire dans les dynasties patriciennes. Elles sont octroyés à Phillipe I par Charles Quint le . Toutefois, comme indiqué plus haut, la noblesse des Gail est antérieure au XVe siècle. Les Gail de Cologne ne font que relever le nom en obtenant confirmation et amplification.

Andreas de Gail, le Papinien moderne modifier

 
Andreas de Gail (1526–1587) par Martin Rota (en).

Le baron et comte palatin Andreas de Gail est une figure illustre de la famille de Gail. Fils de Philippe de Gail et père de Henri-André de Gail, il va conduire une carrière politique et juridique brillante qui fera de lui et pour longtemps un doctrinaire majeur du droit allemand et européen moderne, du moins jusqu'à la révolution française. Après des études à travers toute l'Europe, il obtient un doctorat de droit à Bologne en 1555. Il épouse Anne Klawens à Louvain en 1552, alors qu'il est encore étudiant.

Conseiller et référendaire aulique auprès de l’empereur Maximilien II, puis de l’empereur Rodolphe II, il est un haut diplomate régulièrement dépêché en France ou au Vatican, il parle couramment le français et l'italien (il a fait ses études à Cologne, Orléans, Louvain et Bologne), il tient ses discours au Pape et aux évêques en latin, notamment lorsqu'il est envoyé par l'empereur devant Grégoire XIII et 22 cardinaux afin de protester contre l'élévation papale de Cosme de Médicis au titre de Grand Duc de Toscane.

Esprit brillant, érudit et cosmopolite, grand homme d'état et intellectuel typique de la Renaissance, Andreas inaugure les premiers liens affectifs de la famille avec la France. Ayant fait une partie de ses études à l'Université d'Orléans, il parle couramment le français. Influent politicien attaché au service du Saint-Empire, il escorte l’archiduchesse Élisabeth d’Autriche à Mézières[4], où il prononce le discours d’usage lors du mariage de la fille de l’empereur avec le roi de France Charles IX, le .

 
Catherine de Gail, née Kannengiesser. Les Kannengiesser sont une puissante famille du patriciat de Cologne à laquelle les Gail sont alliés.

En 1573,Maximilien II confirme à Andreas par lettres patentes la qualité de noblesse de la famille de Gail (le souvenir de son père, le baron Philippe, est évoquée), son titre de baron, pour lui et ses descendants mâles, ainsi que le titre de comte palatin.

 
Andreas de Gail.

Médiateur habile, il est missionné par l'empereur Rodolphe II en 1577 pour régler le conflit entre Don Juan d'Autriche et les rebelles de Guillaume d'Orange. Il doit encore intervenir au cours de la terrible guerre de Cologne, qui met en grave péril l'électorat de la ville des Gail (son frère, Philippe II de Gail, est alors bourgmestre). Les négociations d'Andréas auprès du Sénat et du chapitre, avec l'appui de sa famille et du patriciat catholique de la ville, s'avèrent décisives. La crise de Cologne se conclut par l’élection d'un prince catholique bavarois à l'archevêché de Cologne, et par la révocation papale de l'ex-prince électeur, Gerhard Truchsess de Waldbourg qui avait décidé de se convertir au protestantisme et de faire ainsi passer une majorité de l'électorat colonais au parti réformé et rebelle à l'empereur.

Sénateur de Cologne, chancelier de l’archevêque, juriste éminent[5],[6], l’influence de ses livres aura un impact considérable sur la jurisprudence allemande jusqu’au XVIIIe siècle[3]. Il est surnommé Gaillus ou le Papinien moderne par ses pairs (Papinien était l'un des plus fameux jurisconsulte romain aux IIe et IIIe siècles). Son œuvre, portant sur l'organisation juridique de l'État, est tout à fait majeure. S'inspirant constamment de l'esprit du droit romain, sur lequel doit être organisé le Saint-Empire, la doctrine d'Andreas est une harmonie complexe et délicate entre droit romain -compris comme droit commun- et droits et coutumes locales. Ses œuvres demeureront durant deux siècles des références absolues pour les étudiants de l'Empire et pour les législateurs. La révolution française et la propagation du jacobinisme au tournant de la révolution et de l'empire de Bonaparte constitueront une rupture durable pour ce magistère traditionnel que représentait la doctrine d'Andreas de Gail.

Son frère Philippe de Gail (de) (15251574) fut six fois Bürgermeister de la ville libre de Cologne. Quant aux autres fils de Philippe Ier, ils s’occupent principalement des comptoirs de négoce que la famille possède à Cologne et à Anvers. À la mort de sa femme Anne Klawens, en 1575, Andreas épouse en secondes noces Christine Kannengiesser (puissante famille de négociants colonais), d'où Henri-André de Gail, qui sera l'auteur de la branche française.

Du Saint-Empire au royaume de France modifier

Le baron Henri-André de Gail (1580–1663, fils d’Andreas de Gail), s'installe en Alsace en 1617, à Molsheim où il est dépêché par l'empereur Rodolphe II et appelé par le prince-évêque de Strasbourg Léopold V comme conseiller de la régence épiscopale[7]. Docteur en droit, conseiller aulique, conseiller de l’évêché, investi du fief impérial d’Obernai par l'empereur Matthias en 1623, anciennement cour de Rathsamhausen-Morimont, ainsi que du fief de Königsberg (champ du roi), comme son illustre père, Henri-André est un noble personnage entièrement attaché au service de l'Empire et de la foi.

Il s'installe en 1634 à Saverne, im oberen Hof. Né à Prague, ayant étudié à l'université Charles IV où il obtient un Doctorat en 1602, il est doté de cette même intelligence et cet esprit cosmopolite qui caractérisait son père, bien que Henri-André ne connut son père que jusqu'à l'âge de sept ans. Il se marie en premières noces à Sophie von Quentel (d'où François-Egon de Gail), puis à la mort de cette dernière en 1627, épouse en secondes noces Marguerite von Broich, d'où Jean-André de Gail. Les familles de Quentel et de Broich sont toutes deux de puissantes dynasties du patriciat colonais.

 
Henri André, baron de Gail.

Les rhénans « von Gail » deviennent les alsaciens et français « de Gail », après la confirmation de reconnaissance de Louis XIV, roi de France, à mesure que les villes d'Empire et que la province d’Alsace échoit au royaume de France. Cette vieille famille du patriciat colonais est désormais alsacienne et de culture française, mais sous les monarchies, les considérations nationalistes n'ont que peu de sens. Les Gail ont remonté le Rhin et sont membres du patriciat de Strasbourg, où ils sont inscrits au registre des Gentilshommes depuis le [8],[3]. Louis XV, dans une lettre du , affirme et confirme aux Sieurs de Gail la qualité de barons, « en même temps qu'à d'autres familles illustres de notre province, les Oberkirsch, Berckheim, Landsberg, Rathsamhausen »[3].

À Obernai, Jean-André de Gail, le fils d'Henri-André de Gail et de est nommé le « maire perpétuel de la ville d’Obernai » par lettre royale. Jean-André assura alors cette fonction jusqu’en 1699, date à laquelle il la vendit[9]. Jean-André de Gail est le fondateur de la branche cadette des Gail d'Obernai.

François-Egon de Gail modifier

Le fils aîné de Henri-André de Gail, François-Egon de Gail (1617-1691), est conseiller des Ducs de Lorraine, poursuivant là encore, la tradition d'administrateurs, de conseillers et d'hommes d'états que la famille de Gail a acquis « par la vertu » (vis virtute, devise de la famille). François-Egon de Gail est également Conseiller aulique pour l'empereur Léopold Ier d'Autriche, conseiller épiscopal à Saverne et bailli de Bœrsch. À 24 ans, à peine sorti de ses études de droit, il est l'un des négociateurs du Traité de Munster[1]. En 1664, il épouse Sabine de Diedenheim, la baronne du petit village d'Altdorf, dans l'Ortenau. François-Egon est le fondateur de la branche aînée des Gail de Mulhausen. En 1653, il obtient une nouvelle investiture des fiefs de son père Henri-André à Obernai, qui avaient été illégalement confisqués par les Suédois après les ravages de la guerre de Trente ans et attribuées à un sieur Georges Wetzel de Marsilly. François-Egon laissera à son petit frère Jean-André les biens d'Obernai. Ce dernier épouse en 1678 Marie-Marguerite de Maës. Le fils aîné de François-Egon est Walter-Joseph de Gail, prêteur royal d'Haguenau. Toutefois, c'est le puiné, André-François qui assumera la postérité de la famille.

Les Gail de Mulhausen modifier

 
François-Egon, baron de Gail, conseiller des Ducs de Lorraine.
 
Anne Marie Elisabeth de Gail.

Le fief de Mulhausen (les 23 du village du Mulhausen, dans le Comté de Hanau-Lichtenberg) sont cédés en 1720 et définitivement en 1749 au Conseiller d'Epée de la Régence de l’évêché à Saverne, le baron André-François de Gail (1670-1737), qui épouse sa demi-cousine Anne Marie Elizabeth, fille de Jean-André de Gail et de Marie-Marguerite de Maës (ce qui fait qu'André-François devient seigneur des fiefs de Mulhausen et d'Altdorf en Bade) puis à son fils Jacques-André-François-Egon, baron de Gail et d’Altdorf, ainsi qu’à leurs descendants mâles, selon acte établi par le prince-évêque de Strasbourg Armand-Gaston Ier de Rohan-Soubise en 1734.

Jacques-André de Gail modifier

 
Jacques-André François Egon, Baron de Gail et d'Altdorf, directeur de la noblesse immédiate d'Empire d'Ortenau et de la noblesse de Basse-Alsace.

Jacques-André de Gail (1705-1784) est le fils du baron André-François et d'Anne-Marie-Elizabeth de Gail. Elevé au Collège Mazarin à Paris, il siège au Conseil de la Régence de l’évêché de Strasbourg. Il se marie en 1738 à Louise-Charlotte de Cointet de Filain, issue d'une vieille famille noble du Nivernais et de Franche-Comté. Jacques-André est le directeur de la noblesse immédiate d'Empire de l'Ortenau et directeur de la noblesse de Basse-Alsace. Ses trois fils, Denis-Joseph (capitaine du régiment d'Alsace), François-Louis (officier du régiment d'Alsace et chevalier de Saint-Georges) et Henri-François (officier du régiment des Dragons de Schomberg) se distinguent dans les rangs du régiment d'Alsace.

 
Louise-Charlotte de Gail, née Cointet de Filain.

François-Louis de Gail modifier

 
François-Louis, baron de Gail, seigneur de Mulhausen, chevalier de Saint-Georges (1749-1827).

Le chevalier François-Louis, baron de Gail, officier du régiment d’Alsace et deuxième fils d'André-François, sera le dernier seigneur féodal à régner sur le fief de Mulhausen sous l’ancien régime[1]. En effet, il est essentiel de remarquer que la famille catholique de Gail n'a nullement été inquiétée par les émeutes rurales qui secouent le village de Mulhausen dans les années 1790. Alors que le village et les environs sont majoritairement luthériens, c'est contre le château des nobles protestants Voltz d'Altenau, héritiers de la grande famille des comtes de Rothenbourg, que les chefs révolutionnaires dirigent les foules enragées. Le château médiéval est entièrement détruit par la fureur révolutionnaire, démantelé, les morceaux vendus en pièces détachées par des opportunistes, et les membres de la famille, dont la baronne de Babenhausen sont chassés. Le chevalier François-Louis de Gail, pourtant parti rejoindre les armées de l'émigration, noble, catholique, entièrement attaché au service du royaume de France et sentimentalement fidèle à l'Autriche, ne sera pas inquiété par les révolutionnaires locaux, et le domaine de Gail de Mulhausen ne subira quasiment aucun attentat. Ainsi, il faut considérer que les villageois et même les meneurs révolutionnaires n'osèrent pas agresser cette famille qui s'était toujours illustrée par sa vertu et son administration juste et rigoureuse.

Le baron Bernard Louis-Auguste de Gail (1799-1866) fils de François-Louis, s'installe durablement à Mulhausen où il consacre sa vie à l'agriculture. Il dirige l'exploitation du domaine familial; il est nommé maire de Mulhausen en 1835 et le reste jusqu'en 1850, date à partir de laquelle il s'occupe d'administrer le conseil d'arrondissement et le comice agricole cantonal dont il est le président. Il est également secrétaire de la Commission d'Agriculture d'Alsace. Administrateur passionné et hobereau exigeant, il reçoit en 1846 un prix pour la gestion exemplaire de son domaine.

Son fils, le baron Charles-Antoine de Gail (1834-1888) nait au manoir Jagdschloss de Mulhausen. Après ses études, il revient à Mulhausen pour administrer le domaine agricole. Il se marie en 1867 à Marie-Adelaïde de Dartein, fille de François-Félix de Dartein et d'Émilie Hamart de Parpigné. Il est maire de Mulhausen jusqu'en 1870 et procède à de nombreux travaux d'amélioration de la commune. Il meurt prématurément en 1888, ses deux fils Henri et André ont opté pour la France à seize ans. La baronne de Gail demeure à Mulhausen, où elle continue d'administrer souverainement le domaine agricole avec l'aide de sa fille Cécile.

Le baron Henri-Charles-André de Gail (1874-1945) naît dans la maison familiale de Mulhausen où il suit les cours privés de son oncle l'abbé Gustave de Dartein. Il fait des études de droit et obtient un doctorat. Il produit une thèse sur le fédéralisme. Il est mobilisé dans l'armée française, comme son frère André, où il est officier interprète, ayant une connaissance de l'allemand, du français, et de tous les dialectes alémaniques, rhénans, welches, franciques. Il fait l'essentiel de la guerre sur le front des Vosges, notamment dans la région de Thann. Cité à plusieurs reprises, il reçoit la médaille militaire et est fait chevalier de la Légion d'honneur. Il est affecté par la suite au Tribunal de Strasbourg, puis comme Juge au Tribunal de Colmar. Il épouse Marie-Louise de Baillon en 1919 et retourne sur le fief familial de Mulhausen pour y reprendre l'exploitation agricole.

L’aïeul de Marie-Louise de Baillon était le colonel et chevalier d'Empire Pierre de Baillon, qui a fait la campagne de Belgique, a fait partie de l'escorte de Napoléon avant son embarquement pour l'ile d'Elbe, qui y fut son « adjoint du Palais », puis qui accompagna encore le corse dans son épopée des Cent-Jours[10]. En 1938, conscient de l'imminence du conflit, le baron de Gail s'engage volontairement (il a déjà 64 ans) avec le grade de capitaine. Il est démobilisé définitivement en 1940. La famille revient en Alsace en 1945 et réside au Kempferhof (alors propriété à ses cousins de Dartein, aujourd'hui un golf), où une cousine des Gail, Henriette de Montalembert est présentée au jeune Philippe de Gaulle par l'abbé de Dartein. Le baron Henri-Charles-André de Gail décède le à Plobsheim.

À Mulhausen, dernier fief des barons de Gail en Alsace, le domaine a survécu aux épreuves du temps, des guerres et des révolutions : les Gail de Mulhausen maintiendront leur domaine agricole, fonderont une fabrique de tuiles (dont l'activité périclitera en raison de la Ire guerre mondiale et de la loyauté française des barons de Gail), fourniront plusieurs maires au village au XIXe siècle.

Les Gail d'Obernai modifier

La branche d'Obernai évolua indépendamment des Gail de Mulhausen. À l'instar des Gayl de Prusse, les Gail d'Obernai vont fonder une longue dynastie de militaires. Ils fourniront également plusieurs maires à Obernai au cours du XVIIIe et du XIXe siècle. Le baron Henri Thomas de Gail (1681-1734), fils de Jean-André de Gail et de Marie-Marguerite von Maes, hérite des investitures d'Obernai par son père. Sa famille réside à la Cour de Gail (3, rue de Gail à Obernai). Il se marie à Marie-Thérèse de Neuenstein en 1711.

Son fils, le baron Joseph-André de Gail (17121747) fut le 332e Stettmeister de la ville de Strasbourg[11] et à 29 reprises entre 1745 et 1787. Il épouse la baronne Anne-Claire de Dettlingen en 1747. C'est ainsi que les Gail s’établirent aussi à Gerstheim, les Dettlingen étant les seigneurs d'une partie du village avec les Bock et les Zorn de Bulach. Leur fille Marie-Françoise-Louise (17541838), épouse de Philippe-Auguste-Wolfgang de Rathsamhausen[11] fut enterré dans l’église de Gerstheim[12]. Quant à leur seconde fille, Marie-Sophie, veuve du Capitaine de Sanlèque du régiment d'Anhalt, elle prit une part active à la désignation des députés aux États Généraux de 1789 où elle est répertoriée comme « Dame de Sanlèque, née baronne de Gail ».

Leur fils, le baron Henri-André II de Gail (1753-1825) inaugure sans aucun doute la longue tradition militaire qui va caractériser les Gail d'Obernai. Capitaine d'infanterie du régiment d'Alsace, conseiller noble, il émigre en Bavière pendant la Terreur et séjourne à la cour du prince Maximilien-Joseph à Munich où il est appelé comme chambellan. Il épouse en 1788 la baronne Claire-Agnès de Gohr[13]. Leur fils, le baron Joseph-André II de Gail (1790-1882) fait la campagne de Russie en 1812 dans les rangs bavarois avec l'autorisation officielle de Napoléon Bonaparte. Après avoir épousé Catherine Zorn de Bulach en 1815, il revient à Obernai et en devient maire de 1838 à 1842. Il fait construire une imposante résidence à Obernai entre 1826 et 1827, dite « château de Gail » à la place d’un ancien relais de poste. Joseph André et ses fils, nés à la Cour de Gail à Obernai, sont les derniers barons de Gail à habiter la ville.

Après 300 ans de présence au service de la cité, la cour de Gail est abandonnée, le château de Gail est vendu à la Mairie qui en fait un Collège-Lycée (progymnasium). Le drame de 1870 y sera pour beaucoup. Le baron Henri-André III de Gail, fils de Joseph André et de Catherine Zorn de Bulach, fait une carrière de magistrat en Alsace (président du tribunal de Strasbourg et de Mulhouse entre 1865 et 1870 (il assiste à l'incendie du Tribunal à Strasbourg), puis devient conseiller à la cour de Nancy, où la famille s'est installée. Son fils aîné, le baron Étienne-Henri, fait la Première Guerre mondiale comme officier-interprète (il est bilingue anglais) détaché à l'armée anglaise, il obtient le grade de capitaine. Son second fils, le baron Jean-François de Gail (1869-1951), fait la campagne du Soudan puis séjourne en Indochine. Il fait la Première Guerre mondiale sur le front Ouest, à l'Armée d'Orient, et enfin en 1920 lors de la guerre polono-soviétique. Il dirige l'école de cavalerie polonaise de Grudziądz et participe à l'occupation de la Ruhr et de la Rhénanie. Il devient général de brigade en 1924 (IVe Groupement de cavalerie, puis VIIIe Brigade de Dragons), puis général de division en 1925. Son frère, Joseph-André de Gail (1864-1947) fait l'école de guerre et devient colonel, officier de l'état-major.

Le château de Gail d'Obernai abrite aujourd'hui le lycée Freppel[14]. L'actuel quartier Europe à Obernai correspond à une grande partie de l'ancien domaine des Gail. Une réunion de famille eut lieu en 1973 à Obernai pour célébrer les 400 ans d'anoblissement du baron et comte palatin Andreas de Gail (1573) à l'occasion de laquelle le maire René Dubs remercia la famille au nom de la ville d'Obernai, dont le développement à la fin du XXe siècle fut grandement favorisé par l'acquisition des terrains de la famille de Gail, sur lesquels se trouvent les quartiers neufs et les zones d'activités Europe.

Héraldique modifier

 
Armoiries de la famille de Gail.

Le blasonnement des armoiries de la famille de Gail, reçues de l’empereur Charles Quint le est :

« D’or à 2 roses à cinq feuilles de gueules boutonnées d’or; coupé d’azur à la fleur de lys partie de gueules et d’or. »

Un autre blasonnement peut être trouvé :

« coupé : au premier d’or aux deux roses de gueules boutonnées du champ, au second d’azur à la fleur de lys partie de gueules et d’or[15]. »

L’armorial de Rietstap classe la famille avec les Gayl et précise deux blasonnement différents :

« Coupé : au 1 d’or à deux roses accostées de gueule, barbées de sinople ; au 2 d’azure à une fleur-de-lis gueule[16]. »

« Coupé : au 2 d’or à deux roses accostées de gueule, barbées de sinople ; au 2 d’azure à une fleur-de-lis partie d’or et de gueule. Casque couronné[16]. »

L’armorial de la généralité d’Alsace précise pour André-François de Gail et Jean-André de Gail :

« Porte d’or à deux roses de gueules, coupé d’azur à une fleur‑de‑lys partie de gueules et d’or[17]. »

Pour Walter-Joseph de Gail, on trouve un blasonnement différent :

« Porte d’or à deux roses de gueules, boutonnées d’or coupé d’azur à une fleur‑de‑lys d’or[17]. »

Description du blason d’après Allgemeine Deutsche Biographie[4] :

« Das Wappen war ein quergetheilter Schild, oben in Gold zwei Rosen und unten in Blau eine rothe Gleve, Lanzenspitze, auf dem Helm zwei Adlerflügel, auf denen der Schild wiederholt ist. »

Articles connexes modifier

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Notes et références modifier

  1. a b c d e et f Patrice de Gail, Histoire de la famille de Gail, XVe – XXIe siècles, Paris, Éditions Christian, , 296 p.
  2. a et b (de) Karl von Kempis, Andreas Gaill (1526-1587) : Zum Leben und Werk eines Juristen der frühen Neuzeit, Peter Lang, , 412 p. (ISBN 978-3-631-40376-1)
  3. a b c d et e Pays d’Alsace : La famille de Gail, Saverne-Mulhausen, société d’histoire et d’archéologie de la région de Saverne, Saverne.
  4. a et b (de) Leonard Ennen (de), Roderich von Stintzing, « Gail, Andreas von », dans Allgemeine Deutsche Biographie (ADB), vol. 8, Leipzig, Duncker & Humblot, , p. 307-311
  5. (la) Andreas von Gail, Tractatus de manuum iniectionibus impedimentis, sive arrestis Imperii, (lire en ligne)
  6. (la) Andreas von Gail, Practicarum observationum, tam ad processum judiciarium. apud Guilielmum Lesteenium & Engelbertum Gymnicum, (lire en ligne)
  7. Abbaye Saint-Martin de Ligugé, Revue Mabillon : archives de la France monastique, Veuve Ch. Poussielgue, A. Picard et fils, Brepols, , 563 p. (lire en ligne), p. 93
  8. J.M. Gyss, Histoire de la ville d'Obernai, Strasbourg-Paris
  9. J. Gyss, Histoire de la ville d’Obernai : et de ses rapports avec les autres villes ci-devant impériales d’Alsace et les seigneuries voisines, t. 2d, Strasbourg, Salomon, , 479 p. (lire en ligne), p. 284-285
  10. Danielle Quentin et Bernard Quentin, Dictionnaire des colonels de Napoléon
  11. a et b Eugène Müller, Le magistrat de la ville de Strasbourg de 1674 à 1790, Strasbourg, , 270 p. (lire en ligne) p. 146-148
  12. Notice no IM67000398, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture
  13. Société d'Histoire et d'Archéologie de Dambach-la-Ville, Famille de Gail, Obernai,
  14. Notice no IA00023947, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  15. « de Gail », labanquedublason2.com (consulté le )
  16. a et b Jean-Baptiste Rietstap, Armorial général, t. 1 et 2, Gouda, G.B. van Goor zonen, 1884-1887 (t. 1 p. 741)
  17. a et b Armorial de la généralité d’Alsace : recueil officiel dressé par les ordres de Louis XIV, Aubry, , 449 p. (lire en ligne), p. 2, 14 et 24