Croix des Quatre Contrées

croix de chemin située en Loire-Atlantique, en France

La croix des Quatre Contrées est une croix de chemin érigée en 1850 à l'endroit où se rencontrent[1] les territoires de quatre communes et paroisses de Loire-Atlantique (à l'époque Loire-Inférieure) : Le Gâvre, Vay, Marsac-sur-Don et Guémené-Penfao[2],[3],[4],[5], à l'extrémité nord-est de la forêt du Gâvre.

Croix des Quatre Contrées
Présentation
Type
Surnom(s)
Croix des Belles contrées, L'Homme mort, Les Quatre Voies
Construction
1850
Propriétaire
Commune
Localisation
Pays
Région
Département
Commune
Adresse
Forêt du Gâvre, France

Localisation modifier

Ce point de rencontre des « quatre contrées » correspond à un carrefour routier de campagne entre

  • la route orientée ouest-est menant aux Belles Contrées, hameau de Vay situé à environ un kilomètre à l'est de la croix, qui constitue la limite entre Vay et Marsac ;
  • une route secondaire[6] (orientée sud-nord), venant du Gâvre via La Genestrie, les Rôtis et le Haut Luc. Elle est dépourvue de numéro ; au départ, au Gâvre même, elle porte le nom de « rue du Stade ».

Cette route correspond à un chemin ancien qui reliait autrefois Blain à Rennes[7] ; ce chemin[8] constitue la limite communale

  • entre Guémené et Marsac, de la croix des Quatre Contrées au lieudit Pont-Veix sur le Don, situé à deux kilomètres au nord ;
  • entre Vay et Le Gâvre, sur la plus grande partie du trajet de la croix à la limite nord de Blain[9].

Si on admet qu’au moment de la création de la ville franche du Gâvre vers 1225, il ne s’agissait pas d’une route de 4e catégorie, comme actuellement, mais d’une partie de l’axe reliant Nantes à Rennes depuis l'époque gallo-romaine, la circulation doit avoir été suffisante pour préserver l’ancienne « voie romaine » d’une reprise par la végétation (notamment parce qu’à partir du Xe siècle, elle était parcourue par les pèlerins)[10],[11], marquant fortement le paysage.

En ce qui concerne la limite entre Le Gâvre et Guémené-Penfao, elle est seulement marquée par le talus périphérique de la forêt domaniale.

Toponymie modifier

Cet endroit particulier est connu sous le nom de « Quatre Contrées », mais aussi de « l'Homme mort », en raison d'un meurtre qui y aurait été commis[12]. Dans la forêt, il existe, à un peu plus d'un kilomètre au sud de la croix, une « allée forestière de l'Homme Mort »[13].

La croix modifier

Il s'agit d'une très grande croix en granit, du type croix latine. Son fût de section octogonale. repose sur un socle de maçonnerie à pans rectangulaires surmonté d'un entablement de schiste bleu.

Le socle, recouvert aujourd'hui de lichen gris, porte des inscriptions en capitales dorées indiquant la date d'érection (1850) et le nom des paroisses de chaque côté : MARSAC, VAY, LE GAVRE, GUENOUVRI[14].

« Guenouvri » (aujourd'hui orthographié Guénouvry), est le nom d'une localité secondaire de la commune de Guémené-Penfao, assez proche du carrefour en question, dotée d'une mairie annexe de quartier, qui a longtemps été une paroisse séparée de celle de Guémené-Penfao.

La date de 1850 correspond au début de la présence à la tête du diocèse de Nantes d'Antoine-Mathieu-Alexandre Jaquemet (1803-1869), consacré évêque le 29 juillet 1849.

Histoire modifier

Vue d'ensemble modifier

Des découvertes archéologiques attestent d'une occupation ancienne de cette zone. Une présence humaine est attestée dès le Néolithique par des mégalithes, notamment l'alignement du Pilier, situé dans la partie nord de la forêt du Gâvre et identifié seulement à partir des années 1980.

Le chemin de Rennes à Blain est parcouru depuis le Moyen Âge par les pèlerins allant à Saint-Jacques, venant de Rennes, de Saint-Malo, voire d'Angleterre, et franchissant ensuite la Loire, soit à Nantes, soit au Pellerin, ou en d'autres lieux qui ont conservé leur souvenir (comme le Migron).

Au début du Moyen Âge, il n'existe pas de paroisse du Gâvre, son futur territoire appartient alors à la paroisse de Plessé. C'est vers 1225 que le duc de Bretagne Pierre Ier décide de créer une ville franche forestière, Le Gâvre, qui ne deviendra une paroisse de plein droit que beaucoup plus tard, restant jusqu'au XVIIIe siècle une succursale de Plessé. C'est la fondation de cette ville franche qui a permis la conservation de la forêt du Gâvre, forêt d'abord ducale, puis royale (à partir de 1532), puis domaniale (après la Révolution).

Les paroisses de Plessé et de Guémené sont beaucoup plus anciennes, ayant un lien avec la période de l'expansion des Bretons dans l'ouest de l'évêché de Nantes (à partir du VIe siècle). Guémené-Penfao a clairement un nom breton, mais c'est aussi le cas de Plessé (nom francisé, apparenté à plou) et même de Marsac, qui a conservé une terminaison en -ac[15], très courante dans les pays anciennement bretonnisés de la Presqu'île guérandaise (Herbignac, Piriac, Escoublac, château de Lesnérac (commune de La Baule-Escoublac), Assérac, etc.).

Un lieu de sorcellerie ? modifier

Dans une « nouvelle bretonne[16] » publiée en 1861 dans la revue La France littéraire dans le cadre du « Huitième concours de la France littéraire », intitulée « Le grand sabbat du Gavre », l'historien et homme de lettres Gillot de Kerhardène[17] fait le récit (qu'il situe en 1480, sous le règne du duc François II) de la rencontre d'un sabbat par le maréchal de Bretagne Jean IV de Rieux (1447-1518), égaré un soir avec sa suite dans la forêt du Gâvre en revenant de Nantes à Rieux :

« Une foule de loups et de louves se pressaient autour d'un grand bouc noir... et des singes les servaient en sautillant. Alors ils [le maréchal de Rieux et ses suivants] se rappelèrent que la terre du Gavre avait appartenu à Gilles de Reiz[18],[19] et passait pour être le centre de la sorcellerie en Bretagne. ... Le bouc noir ayant adressé un discours satanique à ses adorateurs, ... un des loups donna le mot d'ordre à mi-voix et un splendide banquet fut servi par les singes sur une pierre druidique en forme de table. ... Les adeptes s'étaient dépouillés des peaux de bêtes qui déguisaient les deux sexes et l'on pouvait voir de belles dames et de beaux chevaliers. » Le sabbat prend fin après la tombée de la nuit.

Le lendemain le maréchal de Rieux rentre chez lui et à la suite de ses révélations « l'évêque [de Nantes[20]] ordonna à l'abbé des Carmes d'aller visiter le lieu maudit des Quatre-Voies, dans la forêt du Gavre, ... et d'exorciser le pays alentour. ... Les scènes de sabbat cessèrent dès lors près du château du Gavre ; mais la tradition raconte qu'elle continuèrent dans la forêt de Quintin ».

Mise en valeur touristique des Quatre Contrées modifier

La voie romaine modifier

L'ancienne route de Blain à Rennes est aujourd'hui mise en valeur sur le plan touristique sous la dénomination de « voie romaine ». Cette route, étudiée par l'historien Bizeul de Blain (1785-1861), dans un ouvrage sur les voies romaines autour de Nantes, ainsi que par d'autres historiens locaux [21],[22],[10],[11],[23],[24],[25], a largement été oblitérée par le réseau routier moderne, sauf au nord de la croix des Quatre Contrées, où elle devient un large chemin de campagne menant à Pont-Veix, laissant parfois paraitre un empierrement particulier.

Le Carnet de route de la fée Joyance modifier

La mise en valeur touristique de la voie romaine utilise un personnage légendaire local, la fée Joyance, notamment dans une brochure touristique, le Carnet de route de la fée Joyance[26], qui évoque un certain nombre de sujets locaux à partir d'une petite randonnée allant de la croix des Quatre Contrées à Pont Veix, par exemple les processions des Rogations qui avaient lieu vers la croix des Quatre Contrées.

Autres modifier

Notes et références modifier

  1. Carte IGN au 1/25 000 1221 SB Guémené-Penfao Nozay. Cette carte indique : « Croix des Quatre Contrées ».
  2. « La France littéraire, artistique, scientifique Volume 5 », Revue scientifique l'Université du Wisconsin - Madison Numérisé le :12 juin 2017,‎ , p731 p732 p733 p734 p735 (lire en ligne)
  3. « Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure », Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure,‎ , p. 17 (lire en ligne)
  4. « Vay. À pied ou à vélo hors des sentiers avec Pépites 44 », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
  5. « Croix des Belles Contrées », sur Mapcarta (consulté le ).
  6. La route principale dans ce secteur est la D 42, qui relie Le Gâvre à Conquereuil en passant par Dastres (village de Guémené-Penfao), à quelques centaines de mètres à l'ouest de la croix des Quatre Contrées.
  7. Le cadastre de 1835 marque cette route comme « Ancienne Route de Nantes à Rennes » (feuille C2) et « Grande Route de Nantes à Rennes » (feuilles TA et B4). La mention « Ancienne Route de Nantes à Rennes » se trouve encore sur le cadastre de 1954 (feuille E1), juste au-dessus de la croix des Quatre Contrées.
  8. Quelques centaines de mètres au nord du carrefour, la route moderne (asphaltée) oblique vers le village de Dastres (Guémené-Penfao) tandis que le chemin ancien se prolonge sur un chemin de terre assez large.
  9. La limite communale entre Vay et Le Gâvre correspond à cette ancienne route sur un peu plus de 5 km :
    • 1,4 km du carrefour de l’Emion (où la D 42 quitte Blain) au carrefour de l’Anglechais au sud du bourg du Gâvre ;
    • 3,8 km entre le carrefour de la Genestrie au nord du bourg (Bizeul nomme cet endroit « Pont du Prince », qui n'est pas connu par ailleurs ; le pont a été remplacé par une canalisation, permettant le passage d'un ruisseau affluent du Perche en contrebas du manoir de la Genestrie) et le carrefour avec la D 2 (qui relie La Meilleraye-de-Bretagne à Férel (Morbihan) en passant par Nozay, Vay et Plessé), un peu avant le lieudit « La Gabie » (commune de Vay)
  10. a et b « Voie de Rennes à Nantes », lire en ligne sur le site Voies romaines.
  11. a et b « Voie romaine Guémené-Penfao », lire en ligne sur le site Gralon
  12. Louis Bizeul, « Voie romaine de Blain à Rennes », Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, 1847, p. 17, lire en ligne. Dans ce texte publié avant la mise en place de la croix de 1850, Bizeul signale (p. 17) la présence de « deux très-petites bornes, placées au coin formé par les fossés de la forêt ». Il suppose ensuite une « colonne milliaire » qui aurait disparu.
  13. Ce nom est présent sur le cadastre de 1835 : « Route de l'homme mort ». AD 44, Cadastre, Le Gâvre, Plan du cadastre ancien, feuille E1, qui couvre la secteur nord-est de la forêt.
  14. Photographies sur un blog, Au pays de Guémené-Penfao.
  15. Tandis qu'en français, le -acus latin devient -é, -i, -y, perdant presque toujours la consonne -c-.
  16. Gillot de Kerhardène, « Le grand sabbat du Gâvre », La France littéraire,‎ , p. 731/735 (lire en ligne)
  17. Notice BNF. Cet auteur qui a un nom en partie breton, est l'auteur d'un ouvrage sur la guerre de Cent Ans à Condom (Gers), où il était professeur.
  18. Gilles de Rais (1405-1440), baron du Pays de Retz. « Rais » (ou, ici, Reiz) est une graphie ancienne, aujourd'hui écrite « Retz ». Maréchal de France qui a combattu aux côtés de Jeanne d'Arc (1412-1431), il a par la suite été jugé pour des pratiques criminelles de grande ampleur et condamné à mort.
  19. Joseph Stany Gauthier, « Gilles de Rais », revue scientifique,‎ (lire en ligne) (ce lien renvoie à un livre de Joseph Stany Gauthier, Nantes, Éditions Vanoest, coll. « Villes et villages de France », 1946. Page à préciser en ce qui concerne Gilles de Retz).
  20. Pierre du Chaffault (?-1487), évêque de Nantes à partir de 1477.
  21. Léon Maître, Géographie historique et descriptive de la Loire-Inférieure, 1893, Lire en ligne, p. 339.
  22. Jules Desmars, Redon et ses environs Guide du voyageur, Redon, Guihaire, 1869 lire en ligne p. 85.
  23. Francis Legouais, Au pays des Namnètes Blain, Le Gavre, Nantes, Marcel Buffé, 1970, lire en ligne sur Gallica
  24. Association Bretonne des Amis de St Jacques de Compostelle, « Étape Langon-Marsac-sur-Don », lire en ligne
  25. Alfred Maury, Les Forêts de la Gaule et de l'ancienne France, Paris, Librairie Ladrange, 1867, lire en ligne
  26. Carnet de route de la Fée Joyance La voie romaine, Offices de tourisme de Blain, Guémené-Penfao, etc., 2010, 24 p. lire en ligne sur le site ISSUU.
  27. « Sentier des Belles Contrées » (document touristique), lire en ligne sur le site En Pays de la Loire
  28. « La forêt du Gâvre garde le souvenir des ducs de Bretagne », Le Télégramme, 11 août 1998 lire en ligne sur le site du journal (lien obsolète)

Voir aussi modifier

Cartographie modifier

  • Cadastre ancien (1835), sur le site des Archives départementales, Cadastre (Le Gâvre, Plan du cadastre ancien)
  • Cadastre rénové (1954), sur le site des Archives départementales, Cadastre (Le Gâvre, Plan du cadastre rénové)
  • Carte IGN au 1/25 000 Série bleue (SB) 1221 Guémené-Penfao Nozay, qui couvre une grande partie (nord) de la forêt

Bibliographie modifier

  • « Croix 1850 Les Quatre-Contrées », Le Patrimoine des communes de Loire-Atlantique, Flohic Éditions, 1999, page 842 (tome 2), commune de Vay.
  • Léon Maître, Géographie historique et descriptive de la Loire-Inférieure. Tome 1. Les cités disparues des Namnètes, 1893, Lire en ligne, p. 339.
  • Louis Bizeul, « Voie romaine de Blain à Rennes », Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, 1847, pp. 8 et suivantes, lire en ligne

Articles connexes modifier