Yvonne-Aimée de Malestroit

Supérieure Générale
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Yvonne Beauvais
Yvonne-Aimée de Malestroit.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 49 ans)
MalestroitVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Yvonne Beauvais
Nationalité
Activités
Maître des novices, religieuseVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Distinction

Yvonne-Aimée de Malestroit (née Yvonne Beauvais , en religion « mère Yvonne-Aimée de Jésus ») née le à Cossé-en-Champagne (Mayenne) et morte au monastère des Augustines de Malestroit le , est une religieuse augustine française.

Église de Cossé-en-Champagne où fut baptisée Yvonne Beauvais.

Biographie modifier

Enfance modifier

Yvonne-Aimée de Malestroit (Yvonne Beauvais) naît le à Cossé-en-Champagne : elle est la fille d'Alfred Beauvais, négociant en vin, et de Lucie Brulé, institutrice, et a une sœur aînée, Suzanne. Elle est baptisée trois mois plus tard. Son père meurt le à 34 ans. À la mort du père, qui a fait de mauvaises affaires, la mère se trouve financièrement contrainte de vendre la maison familiale. Yvonne est confiée à ses grands-parents. Ceux-ci lui enseignent la générosité envers les pauvres et, très tôt, elle cherche à leur donner ce qu’elle a de plus précieux. Sa grand-mère lui apprend à mieux connaître Jésus et depuis lors, jamais elle ne séparera l’amour de Dieu de l’amour des autres[1]. Sa grand-mère lui lit l’Histoire d’une âme de Thérèse de Lisieux, ouvrage qui la marque au point qu'elle souhaite ardemment « devenir une sainte ».

Elle rejoint sa mère à l'âge de six ans et la suit dans les différents pensionnats dont elle a la direction[2].

Un amour précoce pour Dieu et pour les pauvres modifier

À neuf ans, elle peut faire sa première communion tant désirée. Le lendemain, , Yvonne voue sa vie au Christ dans une lettre qu'elle lui écrit avec son sang : « Ô mon petit Jésus, Je me donne à toi entièrement et pour toujours. Je voudrai toujours ce que tu voudras. Je ferai tout ce que tu me diras de faire. Je ne vivrai que pour toi. Je travaillerai en silence. Et, si tu veux, je souffrirai beaucoup en silence. Je te supplie de me faire devenir sainte, une très grande sainte, une martyre. Fais-moi être fidèle, toujours. Je veux sauver beaucoup d'âmes et t'aimer plus que tout le monde, mais je veux aussi être toute petite afin de te donner plus de gloire. Je veux te posséder mon petit Jésus, et te rayonner, je veux n'être qu'à toi, mais je veux surtout ta volonté. Ta petite Yvonne »[3].

Adolescente, Yvonne passe deux années scolaires en Angleterre qui lui permettront de développer toute sa sensibilité artistique. Revenue en France, elle termine ses études et se consacre au service des pauvres en se rendant quotidiennement dans les quartiers les plus dangereux de Paris, la « zone rouge », pour secourir des familles en détresse[1]. Créative, elle se procure l'argent nécessaire à leurs besoins en exerçant différents métiers improvisés : peintre d'images et de tableaux, concertiste, romancière, bonne à tout faire et cuisinière extra. Un témoin de l’époque a rapporté à propos de la mère Yvonne-Aimée : « Je l’ai entendu dire un jour à Notre Seigneur : « Je n’ai pas pu Te recevoir dans l’Hostie (elle était malade), je vais Te retrouver chez Tes pauvres que Tu as consacrés comme Tu as consacré l’Hostie ».

Plus tard, le père René-Marie de La Chevasnerie, s.j., relatera ces épisodes de la vie d'Yvonne dans le livre Monette et ses pauvres.

Durant ces années, sa mère cherche à la marier, mais Yvonne repousse tous les prétendants qu'elle lui présente. Finalement Yvonne choisit de se fiancer avec un jeune futur médecin, Robert.

Entrée au monastère de Malestroit modifier

En 1922, elle est atteinte d'une fièvre paratyphoïde dont elle se remet difficilement. Ses violents maux de tête la reprennent et ne la quitteront qu'à sa mort. Elle part en mars, pour la première fois, en convalescence à la clinique des Sœurs augustines hospitalières de la Miséricorde à Malestroit (Morbihan)[4] où elle se remet de cette fièvre. Le , dans sa chambre à Malestroit, elle a une expérience mystique au cours de laquelle Jésus lui montre la Croix [5] : « Veux-tu la porter ? ». C'est à cette époque que commencent les grâces et phénomènes extraordinaires dont elle sera l'objet toute sa vie. Sa vocation religieuse est alors évidente et elle doit rompre avec Robert. L'évêque de Vannes, informé de ses dons mystiques refuse qu'elle entre à Malestroit craignant qu'elle n'ait trop d'influence sur la communauté. Il la confie au père Joseph de Tonquédec qui impose une enquête rigoureuse qui lui est « extrêmement pénible ». Elle vit alors au foyer de l'avenue de Versailles à Paris. En 1926, elle est agressée physiquement et moralement, ce qui entraîne pour elle une période de « souffrances aiguës ». Elle n'hésite pas alors à affirmer : « Pour moi, c'est la nuit la plus absolue, une souffrance indéfinissable » – qu'elle vit en esprit de réparation.

En 1927, elle reçoit finalement l'autorisation d'entrer au monastère des Augustines de Malestroit[4] pour y commencer son noviciat, sous le nom de sœur Yvonne-Aimée de Jésus. Femme pratique autant que mystique, grande organisatrice, elle lance en 1928 - elle a 27 ans - le projet d'une clinique moderne à proximité du monastère, clinique qui ouvrira ses portes en 1929. En 1932, elle devient maîtresse des novices et en 1935, elle est élue supérieure du monastère de Malestroit.

Très active malgré ses graves problèmes de santé, visionnaire, elle réforme profondément la communauté des Augustines hospitalières[4]. D’un tempérament fédérateur, elle a également fortement marqué l’ordre de son empreinte. En 1946, soucieuse de maintenir une unité entre les maisons et de consolider les liens de charité et d’entraide, la mère Yvonne-Aimée obtient de Rome la création de la toute première Fédération de monastères féminins réunissant les communautés d’Europe et d’Afrique issues de Dieppe. Elle en est élue supérieure générale.

Dès 1922, Yvonne Beauvais avait reçu du Seigneur l'invitation à prier et à faire prier l'invocation : « Ô Jésus Roi d'Amour, j'ai confiance en ta Miséricordieuse Bonté ». Cette dévotion est étendue à l’Église universelle par le pape Jean XXIII en 1958[6].

Pendant la guerre modifier

Sous l'Occupation, elle soigne à la clinique de Malestroit aussi bien des blessés allemands que des parachutistes et des résistants (spécialement ceux du maquis de Saint-Marcel). Elle héberge clandestinement à la clinique le général Audibert (commandant de la région ouest de l'Armée secrète)[7] et apporte une aide active à la Résistance. En , un prêtre, la soupçonnant d'imposture, l'accuse d'être une « fausse mystique » et prépare un procès pour la dénoncer aux autorités religieuses. Le , comme elle en avait eu la prémonition, elle est arrêtée à Paris par la Gestapo au prieuré Notre-Dame-de-Consolation[a] et amenée à la prison du Cherche-Midi. Torturée, elle se serait évadée « miraculeusement » après avoir demandé des prières au père Paul Labutte, son fils spirituel, auquel elle apparaît dans le métro, en bilocation[8],[9],[10].

Après la guerre, le , elle reçoit la Croix de guerre avec palme, à Saint-Marcel. Le , le général de Gaulle en personne lui remet la Légion d'honneur, à Vannes, pour avoir caché et soigné à la clinique soldats alliés et résistants bretons. Le , les autorités lui décernent la médaille de la Résistance et la médaille de la Reconnaissance française.

En 1946, elle fonde la Fédération des monastères d'Augustines dont elle est élue première supérieure générale.

Le , la clinique de Malestroit reçoit la Croix de guerre avec palme pour avoir sauvé plus de cent parachutistes, aviateurs et maquisards[11], alors que la mère Yvonne-Aimée est décorée de la King's Medal for Courage in the Cause of Freedom par le consul du Royaume-Uni.

Le soir du , elle meurt à Malestroit d'une hémorragie cérébrale foudroyante[b] alors qu'elle s'apprêtait à partir pour l'Afrique du Sud[12]. Elle a 49 ans.

Six ans plus tard, on ouvre son cercueil ; son corps, qui baigne dans 5 centimètres d'eau, est intact. Elle repose toujours aujourd'hui dans le petit cimetière du monastère des Augustines de Malestroit[4].

Postérité modifier

Yvonne Beauvais a laissé des carnets intimes ainsi qu’une abondante correspondance que de nombreux destinataires ont gardée en raison de sa valeur spirituelle. En 1924, son confesseur, le père Crété, lui demande de mettre par écrit ses souvenirs et ses rêves[13].

Le , à la veille de Vatican II, craignant que son cas ne suscite « une vague d'illuminisme », le cardinal Ottaviani, alors pro-secrétaire du Saint-Office, décrète l'arrêt du procès en béatification (commencé à la suite de son exhumation qui a lieu le ) et interdit la publication d'ouvrages sur elle. Le Saint-Office était en effet circonspect devant le nombre élevé de faits extraordinaires qui auraient jalonné la vie de la mystique : dons de prophétie, de guérison, de bilocation (151 cas recensés), stigmates, prémonitions, xénoglossie[c], vision et réception d'hosties profanées [14]et matérialisations (de fleurs, le plus souvent des lis ou des roses, de bagues)[15].

Cependant, en réponse à une demande de la sœur Nicole Legars, alors prieure du monastère des Augustines de Malestroit[4], le cardinal Franjo Šeper, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, autorisa, dans une lettre du , la publication d’une biographie sur Yvonne Beauvais, et suggéra même le nom du chanoine René Laurentin pour ce faire. Cette biographie devint le livre Yvonne-Aimée de Malestroit : Un amour extraordinaire, de l'abbé René Laurentin[16], auquel l'évêque de Vannes, Mgr Boussard, accorda l'imprimatur en ces termes, le  :

« Par sa lettre datée du , le cardinal Ratzinger (le futur pape Benoît XVI), préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, ayant levé l’interdiction portée par son prédécesseur, le cardinal Ottaviani, le , de donner l’imprimatur “à toute éventuelle future publication sur mère Marie-Yvonne”, j’ai estimé que je pouvais autoriser la parution de l’ouvrage de monsieur le chanoine René Laurentin, après en avoir pris connaissance. […] La personnalité de cette religieuse, les circonstances qui ont mis en valeur ses qualités exceptionnelles ne peuvent être exclues des recherches historiques. C’est pourquoi l’avis favorable du cardinal préfet de la Congrégation pour la foi, a été accueilli avec satisfaction et gratitude. »

En 2009, monseigneur Raymond Centène, évêque de Vannes, a de nouveau demandé, très officiellement, que le Vatican examine attentivement le dossier[17].

Distinctions modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Petit prieuré ouvert à Paris dans le quartier d’Auteuil par Yvonne Beauvais en pour permettre aux jeunes religieuses de l’Ordre de préparer leurs diplômes d’hospitalières.
  2. Un de ses biographes, le docteur Patrick Mahéo, a fait un historique de ses maladies : fièvre paratyphoïde, scarlatine, syndrome néphrotique, tuberculoses pulmonaire et rénale, hypertension artérielle, fibrome de l'utérus dont elle est opérée, cancer du sein.
  3. Selon Antoine Wenger, « aux dires de témoins dignes de foi, Mère Yvonne-Aimée de Malestroit voyait ce qui se passait en Russie, et parlait russe avec Mgr Neveu, sans l’avoir jamais appris. »

Références modifier

  1. a et b « Yvonne Beauvais » [PDF], .
  2. « Portrait de Mère Yvonne Aimée de Jésus de Malestroit », sur vannes.catholique.fr.
  3. « Mère Yvonne-Aimée, d'hier à aujourd'hui », sur augustines-malestroit.com.
  4. a b c d et e Sœurs augustines hospitalières de la Miséricorde à Malestroit : Mère Yvonne-Aimée
  5. Laurentin 1985, p. 33.
  6. La Rocca 2007, p. 245.
  7. Témoignage de sœur Marie-Bernard d'Antin sur le site de l'INA.
  8. Paul Labutte et Yvonne-Aimée de Jésus 2000, p. 193.
  9. Michel Fromaget, « L’ubiquité ».
  10. Louis-Vincent Thomas, « Imaginaire et rencontres insolites ».
  11. Paul Labutte, « Le Monastère de Malestroit est cité à l’ordre de l’armée », La Croix, 11 août 1949..
  12. « Mère Yvonne Aimée de Jésus - Présentation générale »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur augustines-malestroit.com (consulté le ).
  13. Sandra La Rocca, « Le Petit Roi d’Amour : entre dévotion privée et politique », Archives de sciences sociales des religions, no 113,‎ , p. 21.
  14. « Le miracle eucharistique du 16 septembre 1941 », sur labrardiere.com.
  15. Barral 1956, p. 182-186.
  16. Laurentin 1985.
  17. Émilie Pourbaix, « La béatification en question », sur france-catholique.fr, .

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Sur Yvonne-Aimée de Malestroit

Étude filmée
  • Noces du Ciel et de la terre (2000).
Ouvrages généraux
  • Sandra La Rocca, L'Enfant-Jésus : histoire et anthropologie d'une dévotion dans l'Occident chrétien, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, , 328 p. (ISBN 978-2-85816-857-6, lire en ligne).

Articles connexes modifier

Liens externes modifier