Les Danaïdes

tragédie lyrique de Salieri (1784)

Les Danaïdes est un opéra en cinq actes d'Antonio Salieri : plus précisément, c'est une tragédie lyrique, créée en 1784 à Paris. L'œuvre est conçue sur un livret de François-Louis Gand Le Bland Du Roullet et Louis-Théodore de Tschudi, adaptée (sans autorisation) de l’Ipermestra de Ranieri de' Calzabigi. À l'origine, Calzabigi avait écrit le livret des Danaïdes pour Christoph Willibald Gluck, mais le compositeur, après un AVC[1], fut incapable de répondre à la demande de l'Opéra et offrit à Salieri de reprendre la composition[2]. Le succès des Danaïdes établit définitivement la réputation de Salieri[3].

Les Danaïdes
Description de cette image, également commentée ci-après
Page de titre de la partition originale, 1784.
Genre Tragédie lyrique
Nbre d'actes 5
Musique Antonio Salieri
Livret François-Louis Gand Le Bland Du Roullet et Louis-Théodore de Tschudi
Langue
originale
Français
Sources
littéraires
Ipermestra (1778)
par Ranieri de' Calzabigi
Dates de
composition
Création
Académie Royale de Musique, Paris
Drapeau du royaume de France Royaume de France

Représentations notables

  • 1817 - Paris

Personnages

L'intrigue de l'opéra est basée sur Les Suppliantes, tragédie grecque d'Eschyle, et s'articule autour des actions des personnages mythologiques de Danaos et Hypermnestre.

Composition

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L'empereur Joseph II s'assura que Salieri avait écrit la musique « presque sous la dictée de Gluck », dans une lettre datée du , pour le comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur d'Autriche à Paris[4]. Puis Mercy communiqua à l'administration de l'Opéra que Gluck avait composé les deux premiers actes, et Salieri fourni le troisième acte de la musique (Mercy ne savait pas que l'opéra était en cinq actes). Lorsque le livret fut publié, Gluck et Salieri partagèrent la facturation comme compositeurs[5].

Bien que flatté, Gluck n'était pas assez fou pour risquer de trop près une association avec le travail du jeune Salieri[6] et, diplomatiquement, informa la presse : « La musique des Danaïdes est complètement de Salieri, ma seule part a été de faire des suggestions, qu'il a acceptées[2]. » Gluck, qui avait été dévasté par l'échec de son dernier opéra parisien, Écho et Narcisse (1779), s'inquiétait du fait que Les Danaïdes pouvait subir le même sort. Il écrivit à Roullet le même jour que l'opéra avait été créé en créditant Salieri de l'ensemble de l'œuvre et la presse prit note de cet aveu[5]. Salieri fit un retour positif sur la déclaration de Gluck, affirmant qu'il l’avait « écrite entièrement sous sa direction, conduit par ses lumières et éclairé par son génie »[7],[8],[9].

Orchestration des « Danaïdes » : 2 flûtes traversières,  2 hautbois, 2 clarinettes, 3 trombones,  2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, violons I et II , altos, violoncelles, contrebasses, timbales et clavecin.

Historique des représentations

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L'opéra fut joué la première fois à l'Académie Royale de Musique (Opéra de Paris), le [10] et fut un si grand succès, à l'époque, que le théâtre se pressa de commander deux autres œuvres à Salieri[11]. Par la suite, l'opéra eut un total de 127 représentations jusqu'à 1828 à l'Opéra de Paris. Peu après la création, le livret fut traduit en allemand, danois et russe. Ainsi, il n'existe pas moins de quatre versions différentes, dont une réduite à quatre actes au lieu des cinq habituels, traduite en allemand et remaniée par le poète Franz Xaver Huber pour le même Salieri. Le , en particulier, la quatrième version de l'opéra fut réalisée par Gaspare Spontini, pour l'Académie Royale de Musique, Salle Montansier de la rue Richelieu, avec l'ajout d'une « Gran Bacchanale », écrite par lui-même et par Louis-Luc Loiseau de Persuis, Henri-François Berton et Ferdinando Paër. Il doit avoir été une renaissance de cette édition (ou une similaire) qui aurait ravi, quelques années plus tard, le jeune Berlioz[12], peu après son arrivée à Paris, lorsqu'il révèle qu'il avait été particulièrement « troublé et exalté » par les ajouts de Spontini, lors de la reprise en 1817[3],[13],[14].

Rôles des Danaïdes
Distribution Type voix Première du [13]

(Chef d'orchestre: - )

Hypermnestre soprano Antoinette-Cécile de Saint-Huberty
Danaüs basse-taille Henri Larrivée
Lyncée ténor Étienne Lainez
Pélagus, Commandant de Danaüs basse-taille Jean-Pierre Moreau
Plancippe, sœur de Hypermnestre soprano
Trois officiers 2 ténors et une basse-taille Dufresny (1er officier)
Jean-Joseph Rousseau (it) (2e officier)
Louis-Armand Chardin, dit "Chardiny" (3e officier)

Résumé

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Danaüs et ses filles, les Danaïdes, font vœu de fidélité aux fils de leur ennemi Égyptos, le défunt frère de Danaüs. Lyncée, fils aîné et successeur d'Égyptos, ainsi que ses frères, sont d'accord pour épouser chacun une des Danaïdes. Danaüs ordonne alors à ses filles de se venger en tuant leurs maris pendant leur nuit de noces[15].

Acte II

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Hypermnestre, femme de Lyncée de qui elle est amoureuse, est la seule à refuser d'obéir à l'ordre du père. Danaüs lui révèle la prophétie : il sera assassiné lui-même, si elle ne parvient pas à satisfaire son désir de vengeance.

Acte III

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Après la cérémonie de mariage, Hypermnestre parvient à s'échapper avec Lyncée, lorsque ses frères sont tués.

Acte IV

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Danaüs est furieux quand les nouvelles de l'évasion de Lyncée lui parviennent, mais il est distrait de sa colère lorsque Lyncée prend d'assaut la ville, tuant toutes les Danaïdes à l'exception d'Hypermnestre et brûle le palais jusqu'au sol.

Les Danaïdes sont envoyées à l'Hadès. Leur père est enchaîné à un rocher, ses entrailles déchirées par un vautour, les Furies lui promettant une souffrance éternelle.

Musique et style

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L'usage de Salieri des trombones dans le drame pour suggérer les moments infernaux (accords de septièmes diminués, trémolos), a souvent été considéré comme un précédent pour les orchestrations similaires de Mozart dans Don Giovanni[4]. Stylistiquement, Salieri a combiné la simplicité directe des innovations de Gluck avec le souci mélodique des compositeurs italiens ; bien que l'utilisation fréquente des chœurs doive beaucoup aux traditions françaises, comme l'a fait la généreuse mise en scène, qui a beaucoup impressionné Berlioz.

La soprano Hypermnestre, qui domine l'opéra – d'une manière qui anticipe l'opéra centré sur la protagoniste de Luigi Cherubini et Gaspare Spontini – est techniquement bien écrite, mais, typique de l'opéra dans son ensemble : Salieri semble souvent incapable de développer le matériel de base au-delà des formules héritées de Gluck. Mais le beau rôle de soprano, le finale extrêmement sombre et la brièveté des Danaïdes (une heure cinquante minutes) ont favorisé la production de disques[2].

Salieri était certainement conscient de son rôle dans la poursuite de la tradition gluckiste de la tragédie lyrique, avec l'attention sur la relation entre texte et musique. Les récitatifs d'orchestre, chœurs et ballets suivent également le modèle de l'opéra français fourni par Gluck. En outre, la musique elle-même est imprégnée de la « noble simplicité » qui caractérise le style de la réforme gluckiste[5].

Dans le même temps, Les Danaïdes marquent une étape dans l'évolution de l'« opéra à numéros », conséquence considérable pour la composition scénique de l'époque[1]. En outre, le lyrisme de l'œuvre découle de la tradition de Niccolò Piccinni et d'Antonio Sacchini. Ce dernier a également composé pour Paris – ce qui peut également être entendu dans Les Danaïdes.

La partition est publiée chez Pierre Leduc.

Discographie

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Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Les Danaïdes » (voir la liste des auteurs).
  1. a et b description sur Oehms Classics OC 909
  2. a b et c Matthew Boyden, Nick Kimberley et Joe Staines, Rough Guide to Opera, Londres, Rough Guides, coll. « Rough Guides music », , 3e éd., 735 p. (ISBN 1858287499, OCLC 59449819, lire en ligne), p. 94.4e éd. (ISBN 978-1-84353-538-6)
  3. a et b Vignal 1982, p. 418.
  4. a et b Rice 1998, p. 326.
  5. a b et c University of Texas's music library
  6. (en) John Rice, Antonio Salieri & Viennese Opera, Chicago, University of Chicago Press, , p. 311
  7. Journal de Paris, 18 mai 1784, p. 609, lire en ligne sur Gallica.
  8. Selon la Grande Enciclopedia de Caruselli (volume 2 – article : Danaidi, le, p. 328 ; volume 4 – article : Salieri, Antonio - p. 1092), l'attitude de Gluck était beaucoup plus inébranlable : Gluck avait obtenu de la commission de l'Opéra (puisqu'il était trop faible, ou pas en mesure d'assurer le projet) que pour accomplir la tâche, sachant que son favori Salieri pourrait ne pas être acceptée, il a secrètement remis la commande au compositeur d'opéra italien, et s'est lui-même crédité de l'essentiel de la composition aidé d'un musicien qui jouissait de sa confiance pour des interventions mineures.
  9. Rice 1998, p. 328.
  10. ItalianOpera.org
  11. Classy Classical blog
  12. « Un soir, j’allai à l’Opéra. On y jouait Les Danaïdes, de Salieri. La pompe, l’éclat du spectacle, la masse harmonieuse de l’orchestre et des chœurs, le talent pathétique de Mme Branchu, sa voix extraordinaire, la rudesse grandiose de Dérivis ; l’air d’Hypermnestre où je retrouvais, imités par Salieri, tous les traits de l’idéal que je m’étais fait du style de Gluck, d’après des fragments de son Orphée découverts dans la bibliothèque de mon père ; enfin la foudroyante bacchanale et les airs de danse si mélancoliquement voluptueux, ajoutés par Spontini à la partition de son vieux compatriote, me mirent dans un état de trouble et d’exaltation que je n’essayerai pas de décrire. »
    Berlioz poursuit, manifestement tout retourné par le spectacle de la soirée, en décrivant ses impressions mélangées de ses activités d'étudiant : « J’étais comme un jeune homme aux instincts navigateurs, qui, n’ayant jamais vu que les nacelles des lacs de ses montagnes, se trouverait brusquement transporté sur un vaisseau à trois ponts en pleine mer. Je ne dormis guère, on peut le croire, la nuit qui suivit cette représentation, et la leçon d’anatomie du lendemain se ressentit de mon insomnie. Je chantais l’air de Danaüs : « Jouissez du destin propice », en sciant le crâne de mon sujet, et quand Robert, impatienté de m’entendre murmurer la mélodie « Descends dans le sein d’Amphitrite » au lieu de lire le chapitre de Bichat sur les aponévroses, s’écriait : « Soyons donc à notre affaire ! nous ne travaillons pas ! dans trois jours notre sujet sera gâté !... il coûte dix-huit francs !... il faut pourtant être raisonnable ! » je répliquais par l’hymne à Némésis « Divinité de sang avide ! » et le scalpel lui tombait des mains. » (Berlioz, Mémoires, chapitre 5, d'abord publié dans Le Monde illustré, no 78 du 9 octobre 1858, p. 231.)
  13. a et b Gherardo Casaglia, "Les Danaïdes", 2005.
  14. Sadie, Grove Dictionary, volume I – article : Danaïdes, Lesp. 1058.
  15. Philip D. Downs, Classical Music: The Era of Haydn, Mozart, and Beethoven.
  16. Lors de sa sortie ce disque a été distingué par Jérémie Bigorie d'un « Choc » dans le magazine Classica, no 175 septembre 2015, p. 87.
  17. Les Danaides de salieri, enfin la version de référence par Pierre Degott (2015), sur resmusica.com.
  18. Livret du disque [PDF]

Bibliographie

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Sources citées

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Autres sources

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  • (it) Elena Biggi Parodi, « Les Danaïdes di Tschudi –Du Roullet e Salieri e i suoi debiti nei de comparer di Ipermestra o Le Danaidi di Calzabigi » dans Ranieri Calzabigi tra Vienne e Napoli, atti del Convegno di Studi (Livourne, les 23 et ), édité par Federico Marri et Francesco Paolo Russo, LIM, Lucques, 1997, p. 101-129. (OCLC 247563719 et 163175689)
  • (it) Elena Biggi Parodi, « La versione della tragèdie-lyrique Les Danaïdes di Salieri diretta da Gaspare Spontini ». Musicorum, Université François Rabelais de Tours, 2005, p. 263-296. (ISSN 1763-508X), (OCLC 605213967)

Liens externes

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