Époque Azuchi Momoyama

période traditionnelle japonaise allant de 1573 à 1603
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Époque Azuchi Momoyama
安土桃山時代
Azuchi Momoyama jidai

1573–1603

Blason
Description de cette image, également commentée ci-après
Le Japon pendant l'époque Azuchi Momoyama
Informations générales
Statut Dictature féodale, confédération
Capitale Azuchi (1568-1582), Kyoto (1582-1603)
Langue(s) japonais ancien
Monnaie Mon
Empereur
1557-1586 Ōgimachi
1586-1611 Go-Yōzei
Pouvoir
1573-1582 Oda Nobunaga
1583-1598 Toyotomi Hideyoshi
1598-1600 Conseil des cinq Anciens
1600-1603 Tokugawa Ieyasu

Entités suivantes :

L’époque Azuchi Momoyama (安土桃山時代, Azuchi Momoyama jidai?) est une période de l'histoire du Japon s'étend de 1573 à 1603. Le nom d'Azuchi vient du château d'Azuchi appartenant à Oda Nobunaga. Le nom de Momoyama vient quant à lui du nom de la colline où Toyotomi Hideyoshi fit construire son dernier château. La période s'ouvre avec la chute du shogunat du clan Ashikaga et culmine avec la Bataille de Sekigahara en 1600.

Il s'agit d'une période très importante bien que courte de l'histoire du Japon car elle voit son unification, sous l'impulsion de trois grands hommes : Oda Nobunaga, puis Toyotomi Hideyoshi, et enfin Tokugawa Ieyasu.

L'unification du pays modifier

Au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, trois chefs militaires se succèdent au pouvoir et contribuent à l'unification de tout l'archipel japonais.

Oda Nobunaga commence ce processus d'unification de 1560 à 1582. Il se fait remarquer par ses talents militaires lors de sa victoire à la bataille d'Okehazama en 1560[1]. L'utilisation systématique d'arquebuses, dans des corps d'infanterie dédiés, lui apporte un avantage stratégique[2], et il étend son fief par des conquêtes et des alliances. En 1573, il fait expulser le shogun Ashikaga Yoshiaki de Kyoto, mettant ainsi fin au règne de cette dynastie[1]. Il met aussi au pas les autres puissances politiques de son temps : les seigneurs Asakura et Azai concurrents, les moines bouddhistes combattants de l'Enryaku-ji et les ligues d'Ikkō-ikki à l'Hongan-ji. Il commence à structurer un pouvoir centralisé depuis le Château d'Azuchi qu'il fait construire non loin de Kyoto, et instaure plusieurs mesures allant de la suppression des péages à la lutte contre la fausse monnaie. Sa mort subite en 1582 suspend ces réformes[2].

Toyotomi Hideyoshi, un général d'Oda Nobunaga, poursuit cette œuvre d'unification[3] jusqu'à sa mort en 1598, après avoir obtenu le titre de kanpaku en 1585[4]. Il impose la règle de l'heinō bunri aux samouraïs des terres qu'il conquiert ; dépossédés de leurs terres ces derniers deviennent de simples administrateurs territoriaux au service de l'État[3]. Une opération de cadastrage, ou taikō kenchi, est entreprise dans le cadre d'une réforme agraire qui met fin au système des shōen. La possession de sabres par les paysans est aussi interdite, afin d'éviter les révoltes et de séparer socialement les paysans des guerriers. Hideyoshi soumet les seigneurs de l'île de Kyūshū en 1585, mettant ainsi la main sur la ville de Nagasaki, siège d'une importante communauté chrétienne. Il fait expulser les missionnaires, et exerce une répression de plus en plus féroce contre les chrétiens[4]. Après avoir soumis l'essentiel du pays, il tente par deux fois, à la tête d'une armée aguerrie, de conquérir la Corée en 1592 et en 1596, mais doit finalement renoncer en 1598[5]. À sa mort la même année, le pays est unifié, mais se pose alors la question de sa succession[6].

 
Casque de Samurai. utilisé au milieu du XVe siècle.

Tokugawa Ieyasu, un des généraux de Toyotomi Hideyoshi, prend la tête d'une faction militaire[6]. Il s'assure la maîtrise du pays après la bataille de Sekigahara en 1600, et obtient de l'empereur le titre de shogun en 1603[6]. Le titre est transmis à son fils dès 1605 pour assurer la mise en place d'une dynastie, mais il conserve la réalité du pouvoir jusqu'à sa mort en 1616. Par le contrôle des mines et des ports, il s'assure de la maîtrise du système monétaire. Il force ses vassaux à détruire leurs fortifications[7]. Son petit-fils Tokugawa Iemitsu impose en 1635 le système du sankin-kōtai qui oblige tous les grands seigneurs féodaux à vivre un an dans la ville d'Edo où siège le shogun. Les ressources financières de ces seigneurs, contraints à mener un train de vie luxueux, et les velléités de révolte sont ainsi réduites[8]. Ceux-ci ont par ailleurs interdiction de se rendre à Kyoto et de rencontrer l'empereur[9].

Relations internationales modifier

La Corée et les tentatives expansionnistes du Japon modifier

Les occidentaux et l'arrivée du christianisme modifier

 
Première ambassade du Japon en Europe, en 1586.

Le premier contact japonais avec des Occidentaux intervient en 1542 lors de l'arrivée du portugais Fernão Mendes Pinto dans l'île de Tanegashima[10]. Les armes à feu sont introduites par ce biais et copiées par des artisans japonais. Des marchands portugais s'installent dans les ports du sud de Kyūshū comme Hirado, Funai, et Nagasaki où les marchands de Kyoto se déplacent pour leur acheter soieries et arquebuses[11]. Au contact de ces commerçants, plusieurs nouveautés techniques et artistiques sont introduites dans le pays : horloges, pain et vin, instruments de musique comme des orgues. Un art influencé par l'Occident, l'art Nanban, se développe. Un dictionnaire japonais-portugais, le Nippo Jisho est publié en 1603[11]. Hideyoshi cherche aussi mais sans succès à relancer le commerce avec la Chine[12].

Les premiers missionnaires chrétiens, espagnols et italiens, arrivent dans l'archipel par cette route commerciale[11]. François Xavier, un jésuite, débarque à Kagoshima en 1549. Grâce à la protection d'un seigneur local, il commence son travail d'évangélisation. En 1585, il estime à environ 100 000 le nombre de convertis dans l'île, puis à environ 700 000 dans l'ensemble du pays en 1605. Nagasaki est cédée aux jésuites qui l'administrent de 1580 à 1588[13]. Dans un premier temps, cette nouvelle religion est perçue plutôt favorablement par Nobunaga, car elle concurrence le pouvoir des différentes sectes bouddhiques, dont il cherche à réduire l'influence[12]. Son successeur Hideyoshi craint, lui, que son influence empêche l'unification du pays, et interdit en 1587 toute forme de prosélytisme chrétien[14]. Pour justifier cette interdiction, il dénonce l'essor de l'esclavage que l'arrivée des marchands et des missionnaires chrétiens a permis. La vente d'esclaves japonais, ou de Nobi coréens, se développe alors dans les ports de Kyūshū, et son interdiction doit être réaffirmée dès 1588[15].

Production artistique modifier

Peinture modifier

En contraste frappant avec la précédente époque de Muromachi, l'époque Azuchi Momoyama se caractérise par un grandiose style polychrome, avec une large utilisation de feuilles d'or et d'argent qui brillent à la lueur des lampes à huile, et par des œuvres de très grande taille. L'école Kano, patronnée par Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, Tokugawa Ieyasu et leurs successeurs, gagne énormément en importance et en prestige. Ces chefs énergiques aiment à s'entourer d'images d'animaux, tigres et chevaux et de dragons aux formes puissantes[16].

 
Kanō Eitoku. Fleurs et oiseaux des quatre saisons, fin XVIe -début XVIIe siècle. Paravent à 6 feuilles appartenant à une paire. 1,65 x 3,59 cm. Couleurs sur papier doré. Musée des Beaux-Arts Hakutsuru

Kano Eitoku met au point une formule pour la création de décors monumentaux : le gros plan, un pinceau large et des motifs aux contours simplifiés. Ces décors s'appliquent sur les portes coulissantes enfermant les chambres, les fusuma. Ce type d'écrans géants ainsi que des peintures murales sont commandés pour décorer les châteaux et les palais de la noblesse militaire. L'école Kano en obtient l'exclusivité et ce statut perdure pendant la période d'Edo qui suit, puisque le bakufu Tokugawa continue à promouvoir les œuvres de l'école Kano comme art officiel pour le shogun, les daimyos et la cour impériale[17].

 
Kanō Eitoku. Paravent aux lions, fin XVIe -début XVIIe siècle. 2,25 x 4,60 m. Couleurs sur papier doré. Musée des collections impériales

Cependant, des courants existent et des artistes qui n'appartiennent pas à l'école Kano apparaissent au cours de l'époque Azuchi-Momoyama. Ils adaptent des thèmes chinois aux matériaux et à l'esthétique japonaise. Parmi ces courants, l'école Tosa est un groupe important qui se développe principalement à partir de la tradition yamato-e, et qui est essentiellement connue pour ses ouvrages à petite échelle et ses illustrations de classiques littéraires au format d'un livre ou d'un emaki[18].

L'art Nanban est un autre genre important qui prend naissance pendant l'époque Azuchi Momoyama mais qui poursuit son développement au début de l'époque d'Edo, à la fois dans la représentation des étrangers exotiques et aussi par l'utilisation d'un style étranger, qui produit un effet d'exotisme pour les Japonais. Ce genre est centré autour du port de Nagasaki, qui, après le début de la politique d'isolement nationale du bakufu Tokugawa, est le seul port japonais laissé ouvert au commerce extérieur, et donc la seule voie d'accès par laquelle les influences artistiques chinoises et européennes entrent au Japon. Les peintures de ce genre comprennent les peintures de l'école de Nagasaki (dont Kawamura Jakushi et son "Assemblée pour l'adoration du dieu de la longévité"), et aussi celles de l'école Maruyama-Shijō[19],[20], et surtout Maruyama Ōkyo qui combine les influences chinoises et l'école Kano (le tracé d'encre, l'or et la poudre d'or) avec le naturalisme occidental (perspective et clair-obscur) et des éléments traditionnels japonais[21].

Quelques artistes célèbres modifier

Peintres de l'époque Azuchi Momoyama :

Notes et références modifier

  1. a et b Souyri 2010, p. 332.
  2. a et b Souyri 2010, p. 333.
  3. a et b Souyri 2010, p. 334.
  4. a et b Souyri 2010, p. 335.
  5. Souyri 2010, p. 336.
  6. a b et c Souyri 2010, p. 337.
  7. Souyri 2010, p. 338.
  8. Souyri 2010, p. 339.
  9. Souyri 2010, p. 340.
  10. Souyri 2010, p. 329.
  11. a b et c Souyri 2010, p. 330.
  12. a et b Souyri 2010, p. 340.
  13. Souyri 2010, p. 331.
  14. Souyri 2010, p. 342.
  15. Hérail et al. 2010, p. 564.
  16. Christine Schimizu, 2001, p. 246-247.
  17. Murase, 1996, p. 287.
  18. Murase, 1996, p. 230-231.
  19. Christine Guth, 1996, p. 75-80.
  20. Murase, 1992, p. 327-329.
  21. Christine Shimizu, 2001, p. 296-298.
  22. Robert Coldwell, « The Early Guitar and Important Guitarists in Japan »
  23. Christine Shimizu, 2001, p. 246-247
  24. Cet écran montre des capitaines se réunissant sur une terrasse dans ce pays qui leur est étranger et des femmes occidentales portant des vêtements fantaisistes.

Bibliographie modifier

Histoire du Japon : généralités modifier

Japon de la première modernité modifier

  • (en) Mary Elizabeth Berry, Hideyoshi, Cambridge, Harvard University Press, (ISBN 0-674-39026-1).
  • (en) Asao Naohiro (trad. Bernard Susser), « The sixteenth-century unification », dans John Whitney Hall (dir.), The Cambridge History of Japan : Volume 4: Early Modern Japan, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-22355-3), p. 40-95.
  • (en) Lee Butler, « The Sixteenth-Century Reunification », dans Karl F. Friday (dir.), Japan Emerging: Premodern History to 1850, New York et Londres, Routledge, , p. 311-320
  • (en) Jeff Kurashige, « The 16th Century: Identifying a New Group of 'Unifiers' and reevaluating the Myth of 'Reunification' », dans Karl Friday (dir.), Routledge Handbook of Premodern Japanese History, Londres, Routledge, (ISBN 9781315170473), p. 171-183
  • Nathalie Kouamé, Naissance et affirmation du Japon moderne : 1392-1709, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio »,

Art japonais modifier

Articles connexes modifier