Théorie de jauge

concept de physique théorique

En physique théorique, une théorie de jauge est une théorie des champs basée sur un groupe de symétrie locale, appelé groupe de jauge, définissant une « invariance de jauge ».

L'expression « invariance de jauge » a été introduite en 1918 à la suite du mathématicien et physicien Hermann Weyl qui tentait d'unifier la gravitation et l'électromagnétisme en utilisant une « invariance par changement d'échelle » (ou « invariance par transformation de jauge »). Aujourd'hui, il n'est plus question de changement d'échelle mais le mot jauge est resté : une transformation locale qui laisse la théorie invariante est une symétrie de jauge.

L'idée[1],[2] est de partir d'une théorie qui décrit la dynamique d'un champ (comme le champ de l'électron dans le cas de l'électrodynamique), puis on exige que cette théorie soit invariante sous une certaine transformation continue (la transformation de jauge). Pour cela, il est nécessaire de modifier la théorie de départ, en remplaçant dans certaines équations les dérivées ordinaires par des dérivées covariantes ou en introduisant des connexions par exemple, ce qui revient à ajouter un ou des nouveaux champs, les champs de jauge (le potentiel vecteur dans le cas de l'électrodynamique). Les particules associées à ces champs de jauge par quantification sont les bosons de jauge (les photons dans le cas de l'électrodynamique quantique). La transformation de jauge est donc devenue une symétrie continue (symétrie de jauge) ; le théorème de Noether indique qu'il y aura alors des quantités conservées (la charge électrique dans le cas de l'électrodynamique).

On voit là l'intérêt et la force des théories de jauge : la simple exigence d'une invariance de jauge conduit à prédire l'existence de nouvelles particules (les bosons de jauge), décrit leur dynamique et leurs interactions, et explique pourquoi certaines quantités sont conservées.

Le prototype le plus simple de théorie de jauge est l'électrodynamique classique de Maxwell. Mais la relativité générale et le modèle standard de la physique des particules (qui réunit la théorie électrofaible et la chromodynamique quantique) sont aussi des théories de jauge.

Historique

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La première théorie des champs à avoir une symétrie de jauge était la formulation de l'électrodynamisme de Maxwell en 1864 dans A Dynamical Theory of the Electromagnetic Field (en). L'importance de cette symétrie est restée inaperçue dans les premières formulations. De façon similaire, Hilbert a redérivé l'équation d'Einstein en postulant l'invariance de l'action sous une transformation des coordonnées. Plus tard, lorsque Hermann Weyl a tenté d'unifier la relativité générale ainsi que l'électromagnétisme, il a émis l'hypothèse que l'invariance sous un changement d'échelle (ou de « jauge ») serait en fait une symétrie locale de la relativité générale. Suivant le développement de la mécanique quantique, Weyl, Vladimir Fock et Fritz London ont modifié la jauge en remplaçant le facteur d'échelle par un nombre complexe, transformant ainsi le changement d'échelle en un changement de phase, ce qui est une symétrie de jauge en  . Cela permettait d'expliquer l'effet qu'a un champ électromagnétique sur la fonction d'onde d'une particule quantique chargée. Cette transformation de jauge est reconnue comme étant la première théorie de jauge, popularisée par Pauli en 1941[3].

Description mathématique

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On considère un espace-temps classique modélisé par une variété différentielle lorentzienne à quatre dimensions, pas nécessairement courbe.

Champs de jauge et espaces fibrés

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Les théories de champs de jauge dans l'espace-temps utilisent la notion d'espace fibré différentiel. Il s'agit encore d'une variété différentielle, mais de dimension plus grande que celle de l'espace-temps, qui joue ici le rôle d'espace de base du fibré.

On considère plus précisément un fibré principal, dont la fibre s'identifie au groupe de structure qui est un groupe de Lie précisant la symétrie de la théorie, appelée « invariance de jauge ».

Un champ de jauge   y apparaît comme une connexion, et la forme de Yang-Mills associée   comme la courbure associée à cette connexion.

Quelques groupes de Lie

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Principaux groupes de Lie

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  •   est le groupe orthogonal sur   d'ordre  , c.-à-d. le groupe multiplicatif des matrices   réelles orthogonales (vérifiant  ).
  •   est le groupe spécial orthogonal sur   d'ordre  , c.-à-d. le groupe multiplicatif des matrices   réelles orthogonales et de déterminant égal à 1 (  et  ).
  •   est le groupe unitaire sur   d'ordre   , c.-à-d. le groupe multiplicatif des matrices   complexes unitaires (vérifiant  ).
  •   est le groupe spécial unitaire sur   d'ordre   , c.-à-d. le groupe multiplicatif des matrices   complexes unitaires et de déterminant égal à 1 (  et  ).

Cas particuliers

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  •  
  •  
  •   est le cercle unité complexe. Il est égal à  .
  •   est isomorphe à   : c'est l'ensemble des rotations (vectorielles) du plan.
  •   est l'ensemble des rotations de l'espace à 3 dimensions.

Exemples physiques

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Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Gauge theory » (voir la liste des auteurs).
  1. Quigg 1983, chap 3 : The Idea of Gauge Invariance, p 37-53.
  2. Carroll 2024, chap 9 : Théorie de jauge et 10 : Phases, p 237-286.
  3. Wolfgang Pauli, « Relativistic Field Theories of Elementary Particles », Rev. Mod. Phys., vol. 13,‎ , p. 203–32 (DOI 10.1103/revmodphys.13.203, Bibcode 1941RvMP...13..203P, lire en ligne).
  4. (en) Johanna L. Miller, Florian Sammüller et Matthias Schmidt, « Why gauge invariance applies to statistical mechanics », Journal of Physics A: Mathematical and Theoretical, vol. 58, no 12,‎ (DOI 10.1088/1751-8121/adbfe6, lire en ligne  , consulté le )
  5. (en) Johanna L. Miller, « Gauge invariance applies to statistical mechanics too », Physics Today,‎ (DOI 10.1063/pt.wcgt.sirc  ).
  6. (en) Johanna Müller, Sophie Hermann, Florian Sammüller et Matthias Schmidt, « Gauge Invariance of Equilibrium Statistical Mechanics », Physical Review Letters, vol. 133, no 21,‎ , article no 217101 (DOI 10.1103/PhysRevLett.133.217101).
  7. (en) T. Pacher, L. S. Cederbaum et H. Köppel, « Adiabatic and Quasidiabatic States in a Gauge Theoretical Framework », dans Advances in Chemical Physics, John Wiley & Sons, Ltd, , 293–391 p. (ISBN 978-0-470-14142-7, DOI 10.1002/9780470141427.ch4, lire en ligne)

Voir aussi

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Bibliographie

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  • (en) Chris Quigg, Gauge Theories of the Strong, Weak, and Electromagnetic Interactions, Addison-Wesley, coll. « Frontiers in Physics », , 334 p. (ISBN 0-8053-6021-2)

Bibliothèques virtuelles

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Aspects historiques

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Ouvrages d'introduction à la théorie quantique des champs

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Ouvrages de mathématiques pour physiciens théoriciens

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Ouvrages de physique pour mathématiciens

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Articles connexes

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Liens externes

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  • Dans sa chronique "le monde selon..." du 26/06/2014, diffusée sur France culture à 7h18, le physicien Étienne Klein fait référence à l'invariance de jauge, prenant pour illustration la trajectoire courbe d'un ballon de football lors d'un coup franc.