Massacre de la vallée de la Saulx

Massacre de la vallée de la Saulx
Image illustrative de l’article Massacre de la vallée de la Saulx
Monument à Robert-Espagne.

Date
Lieu Robert-Espagne, Couvonges, Beurey-sur-Saulx, Mognéville, Trémont-sur-Saulx, Drapeau de la France France
Victimes Civils français
Morts 86
Auteurs Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand
Participants 3e Panzergrenadier Division
Guerre Seconde Guerre mondiale
Coordonnées 48° 44′ 41″ nord, 5° 01′ 59″ est
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Massacre de la vallée de la Saulx
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Massacre de la vallée de la Saulx

Le massacre de la vallée de la Saulx est le meurtre, le , pendant la Seconde Guerre mondiale, de 86 habitants des communes de Couvonges, Robert-Espagne, Beurey-sur-Saulx, Mognéville, et Trémont-sur-Saulx dans le département de la Meuse.

La tuerie de la vallée de la Saulx figure parmi les six grands massacres commis en France par des soldats allemands en 1944. Alors que les massacres d'Oradour-sur-Glane, du Vercors, de Maillé, Tulle et Ascq sont l’œuvre des SS, celui de la vallée de la Saulx a été commis par des militaires de la Wehrmacht.

Déroulement modifier

L'arrivée en Lorraine de troupes venues d'Italie modifier

Au début , Hitler décide de faire venir en France la 3e division de Panzergrenadiers qui est alors en Italie, dans la région de Florence. L'un de ses régiments, le 29e régiment de Panzergrenadiers, arrive ainsi au sud-ouest de Bar-le-Duc (Meuse) le . Il répartit ses différentes unités dans plusieurs villages situés entre Bar-le-Duc et Saint-Dizier (Haute-Marne), notamment dans la vallée de la Saulx. Compte tenu de l'avance alliée, la mission de ce régiment n'est plus d'engager le combat contre les Américains mais de couvrir la retraite d'autres unités allemandes. Il s'agit de leurrer les Alliés en faisant croire à une présence ennemie plus importante qu'elle n'est en réalité.

Dès le au matin, plusieurs unités de ce régiment, équipées de véhicules blindés légers, se préparent à remplir leur mission. Elles quittent leur cantonnement pour faire mouvement vers l'ouest, en direction de Vitry-le-François. Un de leurs convois circule dans la forêt à proximité de Robert-Espagne mais il est attaqué par un petit groupe de résistants locaux. Cela est attesté par des procès-verbaux de gendarmerie dressés quelques jours plus tard[1]. Un officier allemand est sans doute blessé. Il donne aussitôt l'ordre de bloquer l'accès aux villages qu'il allait traverser, tous dans la Meuse et dans la vallée de la Saulx.

La tuerie de la vallée de la Saulx modifier

Quatre villages sont particulièrement visés : Robert-Espagne, Beurey-sur-Saulx, Couvonges et Mognéville. À chaque fois, les soldats empêchent toute personne d’en sortir ou d’y pénétrer. À midi, ils raflent les hommes rentrés manger chez eux. Ils fouillent systématiquement les maisons et mettent le feu aux maisons en lançant des plaquettes incendiaires. Les femmes et les enfants fuient sur les hauteurs dominant la vallée. À Robert-Espagne, Couvonges et Mognéville, les hommes raflés sont rassemblés sous bonne garde. Dans les deux premières localités, ils seront abattus vers 15 heures à l’aide de mitrailleuses. À Mognéville, un notaire qui parle allemand parvient à négocier la libération des otages mais une femme et deux hommes perdront néanmoins la vie dans ce village. À Beurey-sur-Saulx, plusieurs Malgré-nous parviennent discrètement à dire aux villageois de fuir[2]. Dans ce village, les 6 victimes du seront 5 vieillards et une jeune fille, abattus devant leur maison en flammes ou tués dans une tranchée-abri. À Robert-Espagne, on dénombre 51 victimes, 49 hommes sont fusillés près de la gare, un autre est abattu dans une ferme, puis la 51e victime est abattue le dans les bois. À Couvonges, 26 hommes sont fusillés. À Trémont-sur-Saulx, une localité voisine de Robert-Espagne, une jeune fille de 16 ans a eu la malchance d'être aperçue par des soldats du 29e qui l'abattent.

Dans la seule vallée de la Saulx meusienne (Trémont-sur-Saulx, Robert-Espagne, Beurey-sur-Saulx, Convonges, Mognéville), cette journée du , le bilan est lourd : 86 morts et plusieurs centaines de maisons brûlées (54 maisons sur 60 détruites à Couvonges, 200 sur 300 à Robert-Espagne).

À noter qu'à Robert-Espagne, trois gendarmes de la brigade locale ont été fusillés : le maréchal des logis-chef Robert Delahaye (commandant de la brigade) et les gendarmes Raymont Bilot et Gaston Dagonnet. Les deux autres gendarmes (Albrecht et Hubert) ont réussi à s’enfuir et à se réfugier dans la forêt voisine.

Un régiment qui multiplie les exactions lors de son repli vers l'est modifier

Ces exactions ne se limitent pas à ces seuls villages. Dans la vallée de la Saulx, en aval de Mognéville, les soldats du 29. Pz. Gr. Régiment sèment aussi la terreur. À Andernay (Meuse), ils prennent par exemple des hommes en otages en les enfermant dans la mairie. À Sermaize-les-Bains, ils traversent la localité en mitraillant les maisons et en abattant des personnes qui étaient dans la rue, dont le chef de la résistance locale, le Dr Fritsch. 13 morts sont dénombrés dans cette localité. Et le , lorsqu'ils se décident à se replier, le même dispositif de terreur est employé : prise d'otages, hommes enfermés, maisons brûlées. Des maquisards faits prisonniers près de Vitry-le-François sont aussi fusillés à Naives-devant-Bar, près de Bar-le-Duc.

Le 29. Pz. Gr. Regiment multiplie les exactions sur son parcours en direction de Saint-Mihiel et de Pont-à-Mousson. Il met ainsi à feu et à sang les villages de Mamey et de Martincourt (Meurthe-et-Moselle) où 17 personnes perdent la vie, abattues ou mortes dans l'incendie de leur maison.

Commémorations modifier

Le Général de Gaulle est venu se recueillir, le , sur le lieu d'exécution, sur invitation du Comité du Souvenir de la vallée de la Saulx et par la ville de Bar-le-Duc[3] (discours ici).

Monuments modifier

  • Robert-Espagne : le tertre des fusillés, annexe du cimetière, est dominé par une croix faite de poutres calcinées récupérées dans les ruines du village.
  • Robert-Espagne : Le , à la sortie de Robert-Espagne vers Beurey-sur-Saulx, le général de Gaulle a posé la première pierre d'un monument qui devait rendre hommage aux victimes des quatre villages meusiens martyres de la vallée de la Saulx (Robert-Espagne, Beurey-sur-Saulx, Couvonges et Mognéville). Ce monument n'a jamais été construit, chaque village privilégiant son propre monument.
  • Couvonges : un monument commémoratif, également avec une croix calcinée, a été inauguré, le , par le général Zeller, commandant de la 6e région militaire. Ce monument se situe en direction de la commune de Beurey-sur-Saulx[3].

Responsabilités et poursuites pénales modifier

L'enquête permit d'identifier les auteurs du massacre comme appartenant au 29e régiment de la 3e division de Panzer-Grenadiers, commandée par le generalmajor Hans Hecker : une unité de la Wehrmacht. L’affaire fut confiée au tribunal militaire de Metz qui identifia 8 militaires allemands (sur la cinquantaine qui aurait participé aux exactions). En 1950, l’instruction s’acheva mais les 8 inculpés (4 officiers, 2 sous-officiers et 2 soldats) étaient en fuite. Le jugement fut rendu le et les condamnations furent prononcées par contumace : 4 condamnations à mort et 4 condamnations aux travaux forcés à perpétuité[1]. Une peine de mort, celle concernant le colonel Schaefer, commandant du régiment, a été annulée en 1990, la famille du colonel étant parvenue à prouver qu'il ne commandait plus ce régiment le .

Références modifier

  1. a et b « www.servicehistorique.defense.gouv.fr »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) Enquête sur le massacre de la vallée de la Saulx, 12 avril 1945.
  2. Nicolas Roquejeoffre, « Quand un Alsacien, incorporé de force, sauva du massacre un village meusien. », Dernières Nouvelles d'Alsace,‎ , p. 17
  3. a et b http://couvonges.ifrance.com/29aout.htm site internet de Couvonges

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

  • Libération sanglante de quatre villages meusiens. 29 août 1944., Imprimerie du Barrois, coll. « 2e édition », . Cet ouvrage a été publié pour la première fois en 1945 et plusieurs fois réédité. Il retrace à chaud et de façon poignante les massacres, en les attribuant à des SS, ce qui est erroné.
  • Jean-Pierre Harbulot, Les massacres du dans la vallée de la Saulx et leurs suites judiciaires, article de 88 pages paru dans l'ouvrage "Meuse en guerres" publié par la société des Lettres de Bar-le-Duc (chez Mme Cazin, 18, rue Martelot - 55000 Bar-le-Duc). Cet article reprend un article plus ancien (Les massacres du dans la vallée de la Saulx. Actes des XXIIèmes Journées d'études meusiennes tenues à Ancerville les 1er et . Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 1999) en y ajoutant la présentation de la procédure judiciaire qui sanctionna les responsables de ces massacres.
  • Pierre Mangin, De la Meuse à la Moselle avec l’armée Patton (septembre-octobre 1944), Verdun, , 399 p. (ISBN 978-2-9505064-2-9, OCLC 38051559)
  • Jean-Pierre Fraiche, Robert-Espagne, les Massacres du 29 août 1944, 2018, édition Lulu, 108 p.
  • Jean-Pierre Fraiche, Ils ont vécu le massacre de la vallée de la Saulx, ils racontent !, Tome I, 2019, édition Lulu, 170 p.
  • Jean-Pierre Fraiche, Ils ont vécu le massacre de la vallée de la Saulx, ils racontent !, Tome II, 2020, édition Lulu, 156 p.
  • Jean-Pierre Fraiche, Ils ont vécu le massacre de la vallée de la Saulx, ils racontent !, Tomes I et II, 2020, édition Lulu, 326 p.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier