Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Présentation
Titre Loi no 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
Référence NOR: JUSX0768872L
Pays Drapeau de la France France
Type Loi ordinaire
Branche Procédure pénale
Adoption et entrée en vigueur
Législature XIIIe législature de la Ve République
Gouvernement François Fillon (2)
Adoption
Promulgation
Entrée en vigueur Immédiate sous réserves de la date de commission des infractions
Version en vigueur Version consolidée au

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Texte sur Légifrance

La loi du relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, présentée par la ministre française de la justice Rachida Dati du gouvernement François Fillon (UMP), introduit notamment un article 706-53-13 dans le Code de procédure pénale (CPP), qui prévoit la possibilité d'une rétention de sûreté, c'est-à-dire d'une privation de liberté qui intervient après l'exécution de la peine. Pour cette raison la loi est particulièrement controversée[1]. La loi prévoit aussi une « surveillance de sûreté », qui peut inclure le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), qui intervient elle aussi après la purgation de la peine, et après l'expiration du suivi socio-judiciaire sous PSEM.

Contexte et critiques modifier

Inspirée par plusieurs faits divers, dont le drame de Pau[1], auxquels le gouvernement a jugé nécessaire de répondre en légiférant à nouveau, la loi a été présentée au Conseil des ministres le [2]. La rétention de sûreté est ainsi décrite par la loi:

« à titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une rétention de sûreté selon les modalités prévues par le présent chapitre, à la condition qu'elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes, commis sur une victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration. »

La loi a attiré de nombreuses critiques, de l'ancien membre du Conseil constitutionnel Robert Badinter, qui déclara « A la justice de liberté fondée sur la responsabilité de l'auteur prouvé de l'infraction, va succéder une justice de sûreté basée sur la dangerosité diagnostiquée de l'auteur potentiel d'un crime virtuel »[1], au professeur de droit Dominique Rousseau ou à l'ancien premier ministre Dominique de Villepin (UMP), qui l'a qualifiée de « monstruosité sur le plan juridique »[3], en passant par de nombreuses associations de défense des droits de l'homme (dont la Ligue des droits de l'homme[4]).

En accord avec sa faculté d'auto-saisine, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a adressée le au Premier ministre François Fillon, au Garde des Sceaux et ministre de la justice Rachida Dati, au ministre de la Santé Roselyne Bachelot ainsi qu’aux présidents des deux assemblées une note sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental[4]. Regrettant d'abord le fait de ne pas avoir été saisi, la CNCDH « [s'inquiète] de l’introduction au cœur de la procédure pénale du concept flou de « dangerosité », « notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique » », rappelant « que le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur, et s’inquiètent de la mise en place de mesures restrictives de liberté sur une base aussi incertaine. »[4] De plus, elle « [regrette] l’assimilation du malade mental à un délinquant potentiel. »[4]

Face à ces critiques, le gouvernement a décidé de le faire adopter, le , en première lecture, par l'Assemblée nationale en utilisant la procédure accélérée (article 45 de la Constitution[5], aussi appelée « procédure d'urgence »[6]), et par le Sénat, avec modification, le [2]. Le texte définitif du projet de loi a été adopté le , le Sénat ayant adopté le texte mis au point par la Commission mixte paritaire, texte déjà adopté par l’Assemblée nationale la veille[2].

Mais le Conseil constitutionnel a été saisi le par l'opposition (un recours déposé par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs), mais a validé la loi le — ce qui a attiré à son tour des critiques à propos de cette institution[7] — en se contentant d'une censure partielle, refusant l'application rétroactive de la rétention de sûreté, en raison du principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi.

Finalement, la loi a donc été promulguée le , et publiée au Journal officiel du [2].

Le juriste Dominique Rousseau considère ainsi que la rétention de sûreté « heurte de front et violemment des principes de droit les plus fondamentaux »[8].

Déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental modifier

Cette loi permet aux familles de victimes d’un malade mental criminel d'obtenir une audience publique qui se tient devant la chambre de l’Instruction : les débats ne portent alors que sur cette question essentielle. À cette audience assistent les parties civiles, les avocats, les experts et même la presse. À l’issue de cette audience, la chambre de l’instruction peut soit renvoyer l’accusé devant la Cour d’assises, si les arguments en faveur de l’irresponsabilité pénale lui paraissent insuffisants, soit rendre un arrêt de déclaration de culpabilité et « d’irresponsabilité pénale pour trouble mental ». Le crime reproché au sujet est alors inscrit à son casier judiciaire, la culpabilité est définitivement établie, même s’il est pénalement irresponsable[9].

Autres mesures modifier

Outre la rétention de sûreté, l'article 15 de la loi a accru l'accès au FIJAIS (Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes), en accordant aux maires, aux présidents de conseil général et aux présidents de conseil régional un accès indirect, via le préfet, à ce fichier, pour ce qui concerne « les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions. » (Article 706-53-7 du CPP)

La loi a aussi réduit les réductions supplémentaires de peine (RSP) pour les auteurs des faits visés à l'article 706-53-13 commis sur des mineurs s'ils refusent les soins qui leur sont proposés en détention[10] (art. 2[11]).

Si le Conseil Constitutionnel (CC) a écarté la rétroactivité pour ce qui concerne la rétention de sûreté, celle-ci pourrait néanmoins s'appliquer à l'hospitalisation dans un établissement affecté aux personnes normalement incarcérées, ainsi qu'à une nouvelle forme de privation de liberté créée par la loi, l'assignation à résidence[10].

En outre, à la « surveillance judiciaire des personnes dangereuses » (SJPD), la loi ajoute un autre système, la « surveillance de sûreté » (SS)[10]. Celle-ci peut inclure le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM, ou bracelet électronique), surveillance imposée à l'issue d'un tel placement dans le cadre du suivi socio-judiciaire qui succède lui-même à la purgation de la peine[12]. Autrement dit, la surveillance des personnes dites « dangereuses » peut se prolonger sous différents cadres juridiques de longues années après que la peine a été purgée.

Selon la juriste Martine Herzog-Evans, la réduction des RSP en cas de refus de soin conduirait à réduire le temps de « surveillance judiciaire des personnes dangereuses »: en effet, celle-ci « est assise, pour le calcul de sa durée, sur les réductions de peine obtenues durant la détention (art. 723-29 C. pr. pén.). Ainsi, la durée de SJPD est-elle réduite pour ceux-là mêmes pour lesquels elle est utile. Peu importe dira-t-on, puisque, pour ce qui les concerne la loi a créé la surveillance de sûreté et que, cette fois, le conseil constitutionnel n'a pas remis en cause la rétroactivité. »[10]

L'article 6 de la loi modifie l'article L3711-3 du Code de santé publique, en remplaçant la formulation: « Lorsqu'il a été agréé à cette fin, le médecin traitant est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an, de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé et qui entraînent une diminution de la libido, même si l'autorisation de mise sur le marché les concernant n'a pas été délivrée pour cette indication. » par la formulation « Le médecin traitant est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an, de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido. »

Notes et références modifier

  1. a b et c Le Parlement adopte le projet de loi Dati sur la rétention de sécurité, La Croix, 7 février 2008
  2. a b c et d [« Loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental] »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Vie Publique, non daté.
  3. Rétention de sûreté - La polémique continue et gagne la droite, LCI, 25 février 2008
  4. a b c et d Note de la Commission nationale consultative des droits de l’homme du 4 janvier 2008 et communiqué de la Ligue des droits de l'homme (LDH)
  5. Legifrance - Constitution du 4 octobre 195
  6. Assemblée : le gouvernement abuse-t-il de la procédure d'urgence ? En savoir plus sur https://www.lemonde.fr
  7. François Doutriaux, Rétention de sûreté: le discrédit du Conseil constitutionnel, Rue89, 22 février 2008.
  8. Rétention de sûreté. Entretien avec Dominique Rousseau* : « C’est une mesure digne d’un régime autoritaire », Regards, no 49, mars 2008.
  9. Thibaut Solano, « L'un des experts psy de l'affaire Sarah Halimi s'explique : "l'irresponsabilité pénale s'imposait" », sur www.marianne.net, 2021-04-19utc12:24:37+0000 (consulté le )
  10. a b c et d Martine Herzog-Evans, Loi rétention et surveillance de sûreté : elle rétroagit et s'appliquera bien avant quinze ans, Blog Dalloz, 10 mars 2008.
  11. Circulaire de la DACG n° 08-08/E8 CRIM du 29 février 2008 portant application de la loi no 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ; dispositions immédiatement applicables (décisions d’irresponsabilité pénale ; conséquences des refus de soins en matière de crédit de réduction de peine et de réduction supplémentaire de peine ; libérations conditionnelles des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité), Bulletin Officiel du Ministère de la Justice, 29 février 2008
  12. CNIL, Délibération no 2008-183 du 3 juillet 2008 portant avis sur le projet de décret modifiant l'article R. 61-12 du code de procédure pénale relatif au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre d'une surveillance de sûreté

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

  • Marie Sautereau, Georges Brousse, Frédéric Meunier et al., « La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté : repères juridiques et interrogations cliniques », Santé Publique, vol. 21,‎ , p. 427-436 (lire en ligne) sur Cairn