La « monotonie totale » d'une fonction f sur ]0, +∞[ signifie qu'elle est indéfiniment dérivable sur cet intervalle et que pour tout entier naturel n,
.
On dit aussi que f est complètement monotone sur ]0, +∞[[Note 1]. On dit qu'elle est complètement monotone sur [0, +∞[ si elle est de plus définie et continue à droite en 0.
La moyenne pondérée peut alors être caractérisée[2] :
Théorème — Une fonction f est complètement monotone sur ]0, +∞[ (resp. [0, +∞[) (si et) seulement s'il existe une fonction croissante (resp. croissante et bornée) [Note 2] telle que pour tout x > 0 (resp. x ≥ 0) :
Dans un langage plus abstrait, le théorème caractérise les transformées de Laplace des mesures de Borel positives sur [0, +∞[[3]. Sous cette forme, il est connu sous le nom de théorème de Bernstein-Widder[4], ou de Hausdorff-Bernstein-Widder. Felix Hausdorff, dans sa solution au problème des moments, avait déjà caractérisé les suites complètement monotones.
Démonstration
Reformulons d'abord le théorème dans un langage plus contemporain, sans intégrale de Stieltjes. On va d'abord énoncer et démontrer le théorème avec la condition de continuité à droite en zéro ; on en déduira ensuite le cas général.
Théorème de Bernstein
Une fonction de dans est totalement monotone (si et) seulement si c'est la transformée de Laplace d'une mesure borélienne positive finie sur :
.
(Le « si » est immédiat.) Pour prouver le « seulement si », supposons f totalement monotone. L'hypothèse implique que pour tout entier naturel n, est positive décroissante. Toutes les dérivées ont des limites en , qu'on notera .
On démontre d'abord (élémentairement) que
,
où
et μn est la mesure sur ayant pour densité (par rapport à la mesure de Lebesgue) la fonction positive .
On déduit de ces deux points (en faisant tendre a vers +∞ puis en effectuant le changement de variable ) :
On a donc bien :
.
Par convergence monotone, cette égalité est encore vraie pour x = 0. Autrement dit :
.
Toutes les μn ont donc pour norme dans l'espace des mesures de Radon finies sur , espace qui est le dual de l'espace des fonctions continues sur qui tendent vers 0 à l'infini, muni de la norme uniforme.
Si l'on abandonne l'hypothèse de continuité à droite en zéro pour f, l'équivalence reste vraie, mais seulement sur ]0, +∞[, et pour une mesure de Borel positive pas forcément finie mais telle que toutes les mesures soient finies.
Démonstration
Pour tout réel , la fonction vérifie les hypothèses du théorème démontré ci-dessus ; notons la mesure associée :
.
Pour , on a alors :
.
Comme la transformation de Laplace des mesures est injective, on en déduit que pour tous réels , admet pour densité par rapport à . Il existe donc une mesure de Borel (unique) de densité par rapport à pour tout , si bien que
.
Remarquons que la démonstration ci-dessus prouve de surcroît que les valeurs d'une fonction totalement monotone sur [a, +∞[ pour a > 0 déterminent la fonction sur tout ]0, +∞[. Cette rigidité est à rapprocher de l'analyticité des fonctions absolument monotones.
On peut donner une autre interprétation au théorème, au moins dans le cas où la fonction est continue à droite en 0 : on peut alors montrer que l'ensemble des fonctions totalement monotones telles que f(0) = 1 est convexe (c'est trivial) et compact pour la topologie de la convergence simple. Les exponentielles à exposant négatif sont les points extrémaux de ce compact convexe, et le théorème de Bernstein traduit la représentation intégrale de Choquet. On trouvera les détails dans le livre de Peter Lax[5].
↑Une fonction f est donc complètement monotone si et seulement si la fonction est « absolument monotone », c.-à-d. a toutes ses dérivées positives (Widder 1946, p. 145).
↑Christiane Cocozza-Thivent, Processus stochastiques et fiabilité des systèmes, Springer, (lire en ligne), p. 397.
↑(en) Marcelo G. Cruz, Gareth W. Peters et Pavel V. Shevchenko, Fundamental Aspects of Operational Risk and Insurance Analytics, Wiley, (lire en ligne), p. 439.
↑(en) Peter D. Lax, Functional Analysis, Wiley, (lire en ligne), p. 137.