Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou 1989

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Le FESPACO 1989 est la 11e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Il se déroule du 25 février au 4 mars 1989 à Ouagadougou au Burkina Faso.

FESPACO 1989
Image liée à la cérémonie
11e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou
Détails
Dates Du 25 février au
Lieu Ouagadougou, Burkina Faso
Site web fespaco.bf
Résumé
Heritage Africa Kwaw Ansah
Chronologie

Le thème de cette édition est « Cinéma et développement économique » et le colloque porte sur Cinéma, femmes et pauvreté[1].

Le film Heritage Africa de Kwaw Ansah décroche l'Étalon de Yennenga.

Contexte modifier

L'assassinat 15 octobre 1987 de Thomas Sankara et son équipe a profondément choqué les cinéastes, d'autant que le pouvoir est échu à Blaise Compaoré, soupçonné de l'avoir commandité, condamné en 2022 par contumace à Ouagadougou à la prison à perpétuité pour « complicité d’assassinats » et « atteinte à la sûreté de l’État ». L'édition 1989 a lieu près de 18 mois après le drame. Un boycott est envisagé mais la volonté de ne pas rompre avec l'idéal de Thomas Sankara domine, et donc de faire perdurer la manifestation en optant pour « une participation militante ». Une délégation conduite par Alimata Salambéré est même allée aux Etats-Unis pour convaincre les cinéastes noirs américains qui étaient les plus réticents, à commencer par Haïlé Gerima qui a déclaré vouloir le boycotter « tant que Blaise sera à la tête du Burkina », ce qu'il fit. D'autres ont refusé d'envoyer leurs films, d'autres encore ont choisi de ne pas aller à la cérémonie d'ouverture mais au contraire de se rendre sur la tombe de Sankara[2].

Le Comité national d'organisation (CNO) est présidé par Jean-Modeste Ouédraogo tandis que le secrétaire permanent reste Filippe Savadogo et que le trésorier est Joseph Konditamde[3]. Il n'est cependant mis en place que le 14 novembre 1988, donc fort tardivement. Fort de 28 membres majoritairement issus du nouveau régime, ce contrôle est, selon Colin Dupré, destiné à maîtriser la communication et éviter tout dérapage pour ne pas entacher l'image du pays[4]. Un documentaire réalisé pour Channel 4 par le Ghanéen Nii Kwate Owoo (en) qui évoquait le Fespaco 1987 avec Thomas Sankara fut ainsi, selon Balufu Bakupa Kanyinda, interdit de projection[4].

En tant que Secrétaire d'Etat à la Culture, Alimata Salambéré invite la FEPACI à étudier les solutions « viables et réalistes » à proposer aux gouvernements africains pour arriver à produire des films de haute qualité pouvant aller sur le marché international du cinéma et de la télévision[5].

Déroulement modifier

Le Festival de films pour l'enfance et la jeunesse est maintenu à cette édition, en liaison avec l'UNICEF.

Le 11ème Fespaco rend hommage à Ababacar Samb Makharam, Paulin Soumanou Vieyra et Jean-Michel Tchissoukou - trois pionniers disparus au cours de l'année 1987.

Le Marché international du film africain (MIFA) créé en 1983 et le Marché d'échange des productions télévisuelles (MEPT) créé en 1985 fusionnent et deviennent le Marché international du cinéma et de la télévision africains (MICA)[6].

Alors que les Fespaco des années Sankara étaient relativement bien organisés malgré leur tendance au gigantisme, cette édition renoue avec les chaos précédents et la frustration des festivaliers, d'autant plus que « l'euphorie des cinéastes entre 1983 et 1987 est retombée »[7]. Le Monde signale « une belle pagaille dans la programmation, communiquée tardivement et parfois modifiée en dernière heure » et insiste sur la panne d'un projecteur durant toute la durée du festival, si bien qu'une projection de Camp de Thiaroye a duré quatre heures. Cela s'ajoutant à l'impossibilité de rentrer dans certaines salles, « une partie des festivaliers y a renoncé et s'est mise en vacances, provoquant le désespoir ou la colère de certains réalisateurs »[8].

En raison du boycott de la diaspora, 171 films seulement sont projetés contre 268 en 1987. La participation du public est divisée par deux[7].

La 4ème édition du MICA (Marché international du cinéma africain), issu de la fusion du MIFA (Marché international du film africain) créé en 1983 et du MEPT (Marché d'échange des productions télévisuelles), créé en 1987, profite de l'engagement du Danemark à financer une restructuration. La France s'investit à nouveau dans le festival tandis que les subventions de l'Union européenne sont multipliées par dix, passant de 28 826 € à 301 118 €[9].

L'Association des Actrices Africaines est créée durant ce Fespaco avec Zalika Souley comme présidente « en reconnaissance du rôle qu'elle a joué dans l'affirmation de la valeur de la femme dans le monde du cinéma africain »[10].

C'est également à cette édition qu'est lancée la Cinémathèque africaine de Ouagadougou, un projet confié au Secrétariat général permanent du Fespaco. Elle sera inaugurée en 1995[11].

En 1989 est également créé le prix Paul Robeson attribué à un film de la diaspora[12].

Durant cette édition, la FEPACI initie une rencontre entre les cinéastes africains et les partenaires extérieurs (télévisions, producteurs, distributeurs, etc.) pour une meilleure coopération. Ces Journées internationales du partenariat audiovisuel (JIPA) visent à impulser un partenariat d'un type nouveau entre le Nord et le Sud[13].

Bilan modifier

Deux chercheurs burkinabè, Zéphirin Diabré et Idrissa M. Ouédraogo, ont étudié les retombées économiques du Fespaco 1989. Tous les secteurs, même le secteur informel, voient leur chiffre d'affaires augmenter. Cet impact, également en terme d'emploi, est cependant éphémère et circonscrit à la ville de Ouagadougou[14].

Palmarès modifier

Palmarès officiel modifier

Pour la première fois, le grand prix est attribué à un film anglophone. Kwaw Ansah avait déjà obtenu le Prix Oumarou Ganda de la première oeuvre en 1981.

Prix Lauréat Film Pays
Grand prix Étalon de Yennenga Kwaw Ansah Heritage Africa   Ghana
Prix spécial du jury Gaston Kaboré Yaaba   Burkina Faso
Prix Oumarou Ganda de la première œuvre Flora Gomes Mortu Nega   Guinée-Bissau
Prix du meilleur court métrage Mambaye Coulibaly La Geste de Ségou (Segu janjo)   Mali
Prix de la meilleure musique Francis Bebey Yaaba de Gaston Kaboré   Burkina Faso
Prix de la meilleure image Mohamed Chouikh La Citadelle   Algérie
Prix Paul Robeson de la diaspora Raquel Gerber Ôrí   Brésil
Mention spéciale d'interprétation féminine Bia Gomes Mortu Nega de Flora Gomes   Guinée-Bissau
Mention spéciale d'interprétation masculine Charles Kofi Bucknor (en) Heritage Africa de Kwaw Ansah   Ghana
Prix du meilleur scénario Gaston Kaboré Zan Boko   Burkina Faso
Mention spéciale pour le son John Akomfrah (en) Testament   Ghana
Prix du public Idrissa Ouedraogo Yaaba   Burkina Faso

Palmarès des prix spéciaux modifier

Prix Lauréat Film Pays
Prix de l'Institut culturel africain (ICA) Mambaye Coulibaly La Geste de Ségou (Segu janjo)   Mali
Prix du Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) Abdulkadir Ahmed Saïd L'Arbre de vie   Somalie
Prix INALCO[15] Idrissa Ouedraogo Yaaba   Burkina Faso
Prix Voix de l'espoir long métrage Sidiki Bakaba Les Guérisseurs   Côte d'Ivoire
Prix Voix de l'espoir court métrage Mambaye Coulibaly La Geste de Ségou (Segu janjo)   Mali
Mention spéciale Voix de l'espoir Flora Gomes Mortu Nega   Guinée-Bissau
Prix UNICEF Regard de l'enfant Kitia Touré Les dix commandements de l'enfant   Côte d'Ivoire
Prix UNICEF Promotion de la femme Flora Gomes Mortu Nega   Guinée-Bissau
Prix de l'Institut des peuples noirs Ousmane Sembène Camp de Thiaroye   Sénégal
Prix Canal+ Abdulkadir Ahmed Saïd L'Arbre de vie   Somalie
Prix TELCIPRO long métrage Flora Gomes Mortu Nega   Guinée-Bissau
Prix TELCIPRO court métrage Moustapha Dao Le Neveu du peintre   Burkina Faso
Prix Mobil Gaston Kaboré Zan Boko   Burkina Faso
Prix du Conseil international de film pour l'enfance et la jeunesse (CIFEJ) Mambaye Coulibaly La Geste de Ségou (Segu janjo)   Mali
Prix de la CEE long métrage Eltayeb Mahdi Almahatta   Soudan
Prix de la CEE court métrage ex-aequo Tree of Life   Somalie
Prix de la CEE court métrage ex-aequo Save the sea short bird   Ghana
Prix ACCT long métrage Flora Gomes Mortu Nega   Guinée-Bissau
Prix OUA Kwaw Ansah Heritage Africa   Ghana
Mention spéciale OUA Idrissa Ouedraogo Yaaba   Burkina Faso
Prix de l'Institut francophone de lutte contre les drogues (IFLD) Aminata Ouédraogo L'Impasse   Burkina Faso
Prix de la ville de Pérouse Kwaw Ansah Parle un grand-père   Sénégal
Prix de la ville de Perugia : acteur principal Chohdi Srour Vols d'été de Yusri Nasrullah   Égypte
Prix OCIC Gaston Kaboré Zan Boko   Burkina Faso
Mention OCIC Abdulkadir Ahmed Saïd L'Arbre de vie   Somalie
Prix Afrique Elite de la meilleure comédienne Bia Gomes, rôle de Diminga Mortu Nega de Flora Gomes   Guinée-Bissau

Autres films en compétition modifier

Source : programme officiel de l'édition 1989. Ordre alphabétique par pays.

Longs métrages modifier

Cinéaste Titre Pays
Mohamed Chouikh La Citadelle   Algérie
Amar Laskri Les Portes du silence   Algérie
Boureima Nikiéma Les 3 luttes   Burkina Faso
Boureima Nikiéma Ma fille ne sera pas excisée   Burkina Faso
Jacob Sou Jacob   Burkina Faso
Jean-Marie Teno Bikutsi water blues (L'Eau de misère)   Cameroun
Jean-Pierre Dikongué Pipa Badiaga   Cameroun
Sidiki Bakaba Les Guérisseurs   Côte d'Ivoire
Henri Duparc Bal Poussière   Côte d'Ivoire
Roger Gnoan M'Bala Bouka   Côte d'Ivoire
Sao Gamba Kolormask   Kenya
Anne Mungai Wekesa at Crossroads   Kenya
Raymond Rajaonarivelo Tabataba   Madagascar
Yeelen Souleymane Cissé   Mali
Cheick Oumar Sissoko Finzan (en)   Mali
Farida Benlyazid Bab Al-Sama Maftuh (Une porte sur le ciel)   Maroc
Moumen Smihi Caftan d'amour   Maroc
José Cardoso O Vento sopra do Norte   Mozambique
Sule Umar Maitatsine   Nigeria
Brenda Shehu Kowa ya kwana lafiya shi yasso   Nigeria
Adeyemi Afolayan (en) The Rival   Nigeria
Adeyemi Afolayan (en) Vigilante   Nigeria
Eddie Ugbomah (en) Apalara   Nigeria
Moussa Yoro Bathily Petits blancs au manioc et à la sauce gombo   Sénégal
Amadou Saalum Seck Saaraba   Sénégal
Joseph Gaï Ramaka Nitt... N'Doxx, Les Faiseurs de pluie   Sénégal
Ferid Boughedir Caméra arabe   Tunisie
Néjia Ben Mabrouk Sama (La Trace)   Tunisie
Fadhel Jaziri Arab   Tunisie

Diaspora

Cinéaste Titre Pays
Kavery Dutta One Don't Clap   États-Unis
D. Elmina Davis Omega Rising: Woman of Tastafari   Royaume-Uni
Menelik Shabazz (en) Time and Jugement   Royaume-Uni
John Akomfrah (en) Testament   Royaume-Uni

Courts métrages modifier

Cinéaste Titre Pays
Abdellah Hamdi Mes nuits sont vos jours   Algérie
Mustapha Mangouchi Cahier d'un maquisard   Algérie
N'Diagne Adechoubou Manuel Mendive ou l'esprit pictural yoruba   Bénin
Ismaël Salahou La Ballade   Bénin
Ismaël Ouédraogo Rythme et danse du Burkina   Burkina Faso
Maurice Kaboré Etre femme au Burkina   Burkina Faso
Emmanuel Sanou La Cire perdue   Burkina Faso
Pierre Yameogo Dunia   Burkina Faso
Armand Balima Blaky, un monstre   Burkina Faso
Armand Balima Erick, cosaque à l'Astros et Bemba   Burkina Faso
Diaby Lanciné Sanou   Côte d'Ivoire
Luc Sissia La Décision   République du Congo
David-Pierre Fila Un autre demain   République du Congo
Abdul Rahman Attah Save the Seahor Birds   Ghana
Efiri Tete Ouaga African Cinema Now   Ghana
Le Continent de l'oubli   Gabon
Cheik Doukouré Baro (Le Lac sacré)   Guinée
Daouda Keïta L'Eau est la sécheresse   Guinée
Adama Drabo Nieba   Mali
Sidy Diabaté Veillée à Blongui   Mali
Ousmane William Mbaye Dakar Clando   Sénégal
Moussa Touré Baram (Autour du feu)   Sénégal
Moussa Sene Absa Le Prix du mensonge   Sénégal
Roger Kwami Mambu Zinga (en) Festac 77   Zaïre
African National Congress The Alternative   Zambie
Ole Maruma Consequences   Zimbabwe
Simon Bright Corridor of Freedom   Zimbabwe

Diaspora

Cinéaste Titre Pays
Martina Attille Dreaming Rivers   Sainte-Lucie
Madeleine Beauséjour La Source City   La Réunion
Toni Strasburg Frontline Southern Africa "Destructive Engagement"   Royaume-Uni
Menelik Shabazz (en) We are the Elephant   Royaume-Uni
Julian Henriques (en) Exit No Exit   Royaume-Uni
Jacqueline Gozland Amours éternels   France

Bibliographie modifier

  • Colin Dupré, Le Fespaco, une affaire d'État(s), 1969-2009, L'Harmattan, , 406 p. (ISBN 978-2-336-00163-0)
  • Fespaco, Black Camera et Institut Imagine, Cinéma africain - Manifeste et pratique pour une décolonisation culturelle : Première partie - le FESPACO : création, évolution, défis, Ouagadougou, Auto-édition, , 786 p. (ISBN 978-2-9578579-4-4).

Notes et références modifier

  1. « FESPACO : Les 50 ans sous différents thèmes et visuels » (consulté le )
  2. Dupré 2012, p. 218-219.
  3. Programme officiel de la 11ème édition
  4. a et b Dupré 2012, p. 220.
  5. Editorial du catalogue du 11ème Fespaco, p.9
  6. Dupré 2012, p. 182.
  7. a et b Dupré 2012, p. 223.
  8. « Le 11e Festival de Ouagadougou : toutes les images de l'Afrique »  , sur Le Monde, (consulté le )
  9. Dupré 2012, p. 225.
  10. Fespaco, Black Camera et Institut Imagine 2020, Beti Ellerson, « Les femmes africaines et les festivals », p. 65-94.
  11. « Historique de la Cinémathèque africaine de Ouagadougou », sur cinemathequeafricaine.org (consulté le )
  12. Dupré 227, p. 225.
  13. Clément Tapsoba, « Tendances : le cinéma, la télévision et la vidéo face aux mutations de l'audiovisuel », Ecrans d'Afrique, no 0,‎ , p. 25 (lire en ligne)
  14. Dupré 2012, p. 226.
  15. Une caméra vidéo 8mm professionnelle.