Exposition coloniale

Une exposition coloniale est une variété d'exposition internationale organisée dans la deuxième moitié du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle dans les empires coloniaux européens.

L'exposition coloniale internationale de Paris en 1931, peut-être la plus grande des expositions internationales : pendant 6 mois, grâce à des pavillons rappelant l'architecture des territoires colonisés, elle attire 8 millions de visiteurs.

Destinées à soutenir le commerce, les expositions coloniales ont également pour but de renforcer le soutien populaire des habitants de la métropole au processus de colonisation pendant la période du nouvel impérialisme : plusieurs expositions coloniales se caractérisent par des reconstitutions spectaculaires des environnements naturels et des monuments d'Afrique, d'Asie ou d'Océanie, permettant aux visiteurs de découvrir différentes facettes des colonies, soigneusement mises en scène. Certaines font usage de zoos humains.

Développées à partir des années 1860-1870, les expositions coloniales sont organisées par la plupart des empires coloniaux : principalement Royaume-Uni et France, mais également Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Portugal et même États-Unis et Japon. Après un apogée au début des années 1930, l'exposition coloniale internationale de Paris en 1931 attirant près d'une dizaine de millions de visiteurs pendant six mois, les expositions coloniales s'éteignent avec la Seconde Guerre mondiale et le mouvement de décolonisation.

Historique modifier

Les expositions internationales sont créées au XIXe siècle pour présenter les réalisations industrielles des nations qui les organisent. Elles en représentent la vitrine technologique et industrielle, témoignant du progrès lié à la révolution industrielle. La première exposition universelle se tient à Londres en 1851. Vers la même époque, les pays nouvellement industrialisés, en Europe de l'Ouest mais également aux États-Unis, en Russie et, un peu plus tard, au Japon, se lancent dans une période d'expansion coloniale sans précédent, en Afrique, Asie et Océanie.

Les prototypes des expositions coloniales remontent à plusieurs expositions organisées en Australasie à partir de 1854. En 1866, l'exposition intercoloniale d'Australasie, à Melbourne, rassemble plusieurs colonies britanniques du continent australien (qui ne sont pas encore fédérées à cette époque). Plusieurs autres expositions intercoloniales ont lieu, jusqu'à l'exposition internationale de Sydney en 1879, qui rassemble des exposants de 23 nations et colonies. Le principe est ensuite repris dans les grandes villes des empires coloniaux européens : Amsterdam (exposition universelle coloniale et d'exportation générale (nl), 1883), Londres (exposition coloniale et indienne, 1886), Madrid (exposition générale des îles Philippines (es), 1887), Paris (exposition universelle, 1889), Porto (exposition insulaire et coloniale portugaise, 1894), Berlin (grande exposition industrielle, 1896), Bruxelles (exposition internationale, 1897), Omaha (grande exposition américaine (en), 1899).

En France, la mise en scène des colonies se tient tout d'abord lors des expositions universelles de Paris puis progressivement dans des manifestations spécifiques : expositions internationales et coloniales de Rouen (1896) et Rochefort (1898), et surtout exposition coloniale de Marseille en 1906, au cours de laquelle est créé un comité national des expositions coloniales en France, aux colonies et à l'étranger, chargé d'organiser régulièrement ce genre d'expositions. En 1931, la France possède le deuxième empire colonial de la planète après le Royaume-Uni, qui compte près de 42 millions d'habitants sur plus de 12 millions de km² : cette année là, l'exposition coloniale internationale se tient à Paris pendant 6 mois et vend 33 millions de tickets pour 8 millions de visiteurs. Elle inclut des dizaines de musées temporaires, des reproductions architecturales s'inspirant des territoires colonisés, un parc zoologique et plusieurs édifices permanents. Elle compte également des villages indigènes reconstitués, où des habitants sont contraints d'être leurs propres acteurs pour l'édification des visiteurs.

L'empire du Japon organise plusieurs expositions coloniales dans l'archipel métropolitain, mais également dans ses colonies de Corée et Taïwan. Leurs objectifs sont néanmoins comparables à leurs équivalents européens : mettre en avant les réalisations économiques et le progrès social censément apportés par la domination japonaise.

La Seconde Guerre mondiale met un terme aux expositions coloniales : les années qui suivent lancent le processus de décolonisation et de démantèlement des empires coloniaux européens. La dernière exposition coloniale, la foire coloniale, se tient à Bruxelles en 1948.

Le Bureau international des expositions, créé en 1928 pour superviser les expositions internationales, ne reconnaît aucune exposition coloniale (exceptées les expositions universelles, comme celle de Paris en 1889), même de façon rétroactive ou comme exposition spécialisée.

Chronologie modifier

Dates Exposition Lieu Pays Notes Image
1866 Exposition intercoloniale d'Australasie
(Intercolonial Exhibition of Australasia)
Melbourne Australie Première exposition coloniale, dédiée aux colonies d'Australasie ; le terme "intercolonial"  
1870 Exposition intercoloniale (en)
(Intercolonial Exhibition)
Sydney Australie
1875 Exposition intercoloniale victorienne
(Victorian Intercolonial Exhibition)
Melbourne Australie
1876 Exposition intercoloniale
(Intercolonial Exhibition)
Brisbane   Queensland, Australie
1883 Exposition universelle coloniale et d'exportation générale (nl)
(Internationale Koloniale en Uitvoerhandel Tentoonstelling)
Amsterdam   Pays-Bas
1886 Exposition coloniale et indienne
(Colonial and Indian Exhibition)
Londres   Royaume-Uni  
1889 Exposition universelle Paris   France Première véritable exposition coloniale en France[1]
1894 Exposition universelle, internationale et coloniale Lyon   France Vit l'assassinat du président de la République Sadi Carnot.
1894 Exposition insulaire et coloniale portugaise
(Exposição Insular e Colonial Portuguesa)
Porto   Royaume de Portugal
1896 Exposition nationale et coloniale Rouen   France  
1896 Grande exposition industrielle de Berlin
(Berliner Gewerbe Ausstellung)
Berlin   Allemagne Exposition industrielle comprenant une exposition coloniale  
1897 exposition internationale Bruxelles   Belgique L'exposition coloniale, consacrée à l'État indépendant du Congo, se tient au parc de Tervueren  
1898 Exposition internationale et coloniale Rochefort   France
1899 (Grande exposition américaine (en)
(Greater America Exposition)
Omaha   États-Unis Permet de présenter les territoires coloniaux nouvellement acquis après la guerre hispano-américaine de 1898
1902 Exposition française et internationale d'Indochine (en) Hanoï   Indochine française
1902 Exposition internationale et coloniale des États-Unis
(United States, Colonial and International Exposition)
New York   États-Unis Jamais tenue
1906 Exposition coloniale Marseille   France Du 15 avril au 15 novembre ; lancée et dirigée par Jules Charles-Roux. Elle attire 1 800 000 visiteurs venus visiter une cinquantaine de palais et de pavillons.  
1906 Exposition coloniale Paris   France Elle s'est tenue au Grand Palais.  
1907 Exposition coloniale Paris   France Elle se tint au jardin tropical dans le bois de Vincennes. Deux millions de visiteurs défilèrent devant les villages reconstitués.
1907 Exposition maritime internationale Bordeaux, Place des Quinconces   France  
1908 Exposition franco-britannique
(Franco-British Exhibition)
Londres   Royaume-Uni  
1910 Exposition universelle Bruxelles   Belgique L'exposition coloniale est hébergée dans le palais des Colonies  
1911 Festival de l'Empire (en)
(Festival of Empire)
Londres   Royaume-Uni
1914 Exposition internationale d'hygiène marine et maritime (it)
(Esposizione internazionale di marina e igiene marinara)
Gênes   Italie  
1914 Exposition coloniale (en)
(Koloniale Tentoonstelling)
Semarang   Indes orientales néerlandaises  
1915 Exposition industrielle de Choson Séoul   Corée japonaise  
1921 Exposition internationale du caoutchouc et autres produits tropicaux
(International Exhibition of Rubber and Other Tropical Products)
Londres   Royaume-Uni
1922 Exposition coloniale Marseille   France Avril à novembre 1922  
1924 Exposition coloniale Strasbourg   France Juillet à octobre 1924  
1924 Exposition impériale britannique
(British Empire Exhibition)
Londres   Royaume-Uni Tenue à Wembley  
1927 Exposition coloniale La Rochelle   France 31 juillet au 28 août 1927
1929 Exposition Joseon Séoul   Corée japonaise
1930 Exposition internationale coloniale, maritime et d'art flamand (en) Anvers   Belgique  
1931 Exposition coloniale internationale Paris   France Ouverture le , porte de Vincennes. Elle accueille 8 millions de visiteurs (33 millions d'entrées vendues) et dure six mois.  
1934 Exposition coloniale portugaise
(Exposição Colonial Portuguesa)
Porto   Portugal  
1935 Exposition taïwanaise (en) Taipei   Formose japonaise Le titre complet est : « Exposition taïwanaise : en commémoration des premières quarante années de dirigeance coloniale »  
1936 Exposition de l'Empire (en)
(Empire Exhibition)
Johannesbourg   Union d'Afrique du Sud  
1937 Exposition internationale Paris   France Les colonies françaises sont regroupées sur l'île aux Cygnes[2]  
1938 Exposition de l'Empire
(Empire Exhibition)
Glasgow   Royaume-Uni
1939 Exposition coloniale allemande (de)
(Deutsche Kolonial Ausstellung)
Dresde   Allemagne nazie
1940 Exposition du monde portugais
(Exposição do Mundo Português)
Lisbonne   Portugal  
1948 Foire coloniale Bruxelles   Belgique

Références modifier

  1. Odon Abbal, L'Exposition coloniale de 1889 : La Guyane présentée aux Français, Matoury, Ibis Rouge, , 110 p. (ISBN 978-2-84450-382-4)
  2. Bertrand Lemoine, Cinquantenaire de l'Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne, Paris, Institut français d'architecture, (ISBN 285346041X)

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

  • Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, « Ces zoos humains de la République coloniale », Le Monde diplomatique,‎ (ISSN 0026-9395, lire en ligne, consulté le )
  • Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch et Éric Deroo, Les Zoos humains : Au temps des exhibitions humaines, Paris, La Découverte, coll. « Poche », (ISBN 978-2707144010)
  • Didier Daeninckx, Cannibale (fiction), Verdier,
  • Catherine Hodeir, Catalogue de l'exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne, Paris 1937, cinquantenaire, Paris, Institut français d'architecture, , « La France d'Outre-Mer »
  • (en) Catherine Hodeir, Images and Empires: Visuality in Colonial and Postcolonial Africa, Berkeley, University of California Press, (ISBN 0-520-22949-5, DOI 10.1525/california/9780520229488.003.0010), « Decentering the Gaze at French Colonial Exhibitions », p. 233-252
  • Catherine Hodeir et Michel Pierre, L'Exposition coloniale, Paris/Bruxelles, Archipoche, , 3e éd. (1re éd. 1991)
  • (en) Catherine Hodeir, The Invention of Race. Scientific and Popular Representations, New York / Londres, Routledge, (ISBN 9780367208646), « Human Exhibitions at World's Fairs: Between Scientific Categorization and Exoticism? The French Presence at Midway Plaisance, World's Columbian Exposition, Chicago 1893 »
  • Christelle Lozère, Les Salons coloniaux en province (1850-1896), Paris, Mare & Martin,
  • Olivier Razac, L'Écran et le Zoo : Spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft Story, Paris, Denoël, , 211 p. (ISBN 2-207-25170-5)

Articles connexes modifier

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