Disciple (christianisme)

suiveur de Jésus-Christ, dans la religion chrétienne

Dans le christianisme, un disciple est une personne qui accompagne Jésus pendant son ministère. Ce terme est utilisé dans le Nouveau Testament, uniquement dans les évangiles et dans les Actes des apôtres. Plus généralement dans le monde antique, le terme désigne l’élève d'un maître philosophique ou spirituel. À la différence d'un étudiant, le disciple suit un apprentissage en théorie et en pratique auprès du maître par imitation du maître et de sa vie[1],[2].

Jésus délivrant son discours d'adieux à ses disciples (Évangile de Jean, chapitres 14 à 17), peinture de la Maestà, de Duccio, 1308-1311.

Le Nouveau Testament garde trace de nombreux disciples de Jésus. Certains se sont vu confier une mission, comme les Douze dans l'Évangile de Matthieu au chapitre 10, les soixante-dix dans l'Évangile de Luc au chapitre 10, ou l'ensemble des disciples appelés à la Grande mission après la Résurrection de Jésus, dans l'Évangile de Matthieu au chapitre 28, faisant d'eux des apôtres, chargés de proclamer l'Évangile (c'est-à-dire la Bonne Nouvelle ) au monde. Jésus a souligné qu'être ses disciples coûterait cher, par exemple dans l'Évangile de Luc au chapitre 14, verset 33.

Origine du terme modifier

Étymologie modifier

Le terme "disciple" représente le mot grec mathētḗs ( μαθητής ) [3], qui signifie généralement « celui qui s'engage dans l'apprentissage par l'instruction d'un autre, élève, apprenti »[4] ou, dans un contexte religieux, comme celui de la Bible, « celui qui est assez constamment associé à quelqu'un qui a une réputation pédagogique ou un ensemble particulier de points de vue, disciple, adhérent »[4]. Le mot "disciple" entre dans l'usage par le biais du latin discipulus signifiant un apprenant, mais avec un sens proche du mot grec mathētḗs, distinct du terme plus courant "étudiant".

Distinction entre disciple et apôtre modifier

Un disciple est différent d'un apôtre, qui désigne plutôt un messager, plus précisément « des messagers au statut extraordinaire, en particulier de messager de Dieu, envoyé »[5]. Alors qu'un disciple est quelqu'un qui étudie et apprend sous la direction d'un maître philosophique ou spirituel, un apôtre est celui qui est envoyé comme missionnaire pour proclamer la Bonne Nouvelle et établir de nouvelles communautés de croyants.

Définition et contenu du discipulat modifier

« S'aimer les uns les autres » modifier

Une définition du disciple est donnée par Jésus dans Jn 13,34-35 : « Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres » (traduction Louis Segond).

Une définition plus détaillée de Jésus peut être trouvée dans l'Évangile de Luc, au chapitre 14. Commençant par déjouer un piège test tendu par ses adversaires concernant l'observance du sabbat juif, Jésus profite de l'occasion pour exposer les problèmes liés à la religiosité de ses adversaires contre son propre enseignement au travers d'une série de comparaisons provocatrices entre diverses réalités socio-politiques et le fait de devenir son disciple.

« Soyez transformé » modifier

Les évangiles canoniques, les Actes et les épîtres pauliniennes exhortent les disciples à être des imitateurs de Jésus-Christ ou de Dieu lui-même (par exemple dans la Première épître aux Corinthiens, chapitre 11, verset 1 : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ ». Être des imitateurs exige une obéissance illustrée par un comportement moral[6]. Avec cette base biblique, la théologie chrétienne enseigne que le discipulat implique la transformation de sa vision du monde et de ses pratiques de la vie pour adopter celles de Jésus-Christ[7].

L'apôtre Paul a mis l'accent sur la transformation comme condition préalable au discipulat lorsqu'il a écrit que les disciples ne doivent « pas se conformer à ce monde », mais doivent « être transformés par le renouvellement de [leurs] esprits » afin qu'ils « puissent discerner quelle est la volonté de Dieu — ce qui est bon, acceptable et parfait »[8]. Par conséquent, un disciple n'est pas simplement un accumulateur d'informations ou quelqu'un qui change simplement de comportement moral conformément aux enseignements de Jésus-Christ, mais quelqu'un qui recherche une transformation radicale vers l'éthique de Jésus-Christ de toutes les manières, y compris sa dévotion complète à Dieu[9].

Dans plusieurs traditions chrétiennes, le processus pour devenir disciple est appelé "Imitation du Christ", selon le terme employé dans les épîtres pauliniennes : « soyez des imitateurs de Dieu » (Ep 5,1) et « soyez mes imitateurs, comme je le suis de Christ » (1Co 11,1)[10]. L'Imitation du Christ de Thomas a Kempis a promu ce concept au XIVe siècle.

La Grande mission modifier

La pratique du prosélytisme, qui consiste à gagner de nouveaux disciples, est omniprésente dans le christianisme. Dans Matthieu, au début du ministère de Jésus, lorsqu'il appelle ses premiers disciples - Simon, Pierre et André - il leur dit : « Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes » (Mt 4,19). Puis, à la toute fin de son ministère, Jésus institue la Grande mission, ordonnant à toutes les personnes présentes « d'aller et faire de toutes les nations des disciples, de les baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et de leur apprendre à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28,19-20a).

Rompre avec sa famille et ses biens modifier

Jésus a appelé les disciples à abandonner leurs richesses et leurs liens familiaux. Dans une société juive où la famille était la source d'identité de l'individu, y renoncer signifiait pratiquement perdre son identité. Dans l'Évangile de Luc, chapitre 9, versets 58 à 62, et à nouveau au chapitre 14, versets 26 à 34, Jésus utilise des métaphores hyperboliques pour souligner l'importance de rompre les liens qui freineraient l'engagement du disciple dans sa nouvelle vie. Il existe différentes interprétations de ce texte sur le calcul du coût de la formation de disciple.

Quelques disciples particuliers modifier

« Les Douze » modifier

Les « douze Apôtres », ou, par ellipse[11] les « Douze »[12] sont douze disciples choisis par Jésus au début de son ministère. Ils sont appelés « apôtres » dans l'Évangile selon Luc (Lc 6,13). Ce sont à la fois ses premiers disciples, et un groupe qui se maintient dans le temps jusqu'après la Crucifixion à l'exception de Judas (Mt 28,16), même s'il est fait allusion, au cours du ministère de Jésus, à un nombre plus élevé de disciples, par exemple aux soixante-dix disciples envoyés en mission (Lc 10,1), comme à ceux qui sont évoqués dans les paragraphes qui suivent.

Leur liste nominative est donnée quatre fois dans le Nouveau Testament : dans les trois évangiles synoptiques — l'Évangile selon Matthieu (Mt 10,2–4), l'Évangile selon Marc (Mc 3,16–19) et l'Évangile selon Luc (Lc 6,14–16) — et dans les Actes des apôtres (Ac 1,13)[13]. Les quatre listes concordent, à quelques détails près[14], et les exégètes les groupent deux par deux[13]. Toutes comportent douze noms, quelques-uns des apôtres étant distingués des autres par des surnoms[14]. Toutes nomment Simon, dit Pierre, en tête et Judas l'Iscariote, en dernier[14]. Toutes semblent classer les apôtres selon un ordre décroissant de préséance, qui traduirait leur autorité respective dans l'Église primitive[14], bien que des polémiques opposent certains disciples pour savoir qui est le plus grand et qui sera assis à la droite et à la gauche de Jésus dans le Royaume des cieux (Mt 20,20 et Mc 10,35). Simon est dit « le Cananéen » par Matthieu et Marc ; et le Zélote par Luc et les Actes[13]. Jude, dit de Jacques par Luc et les Actes, est identifié à Thaddée, cité par Matthieu et Marc[13]. Si l'Évangile selon Jean ne donne pas de liste nominative des apôtres, il en reconnaît bien douze. Il ne nomme jamais explicitement Matthieu, ni Barthélemy, Jacques le Mineur et Simon le Zélote. En revanche, il mentionne Nathanaël[13], nom absent des synoptiques, assimilé par la tradition à Barthélemy.

Les femmes disciples modifier

Dans Lc 10,38-42, Marie, sœur de Lazare, est opposée à sa sœur Marthe, qui était « embarrassée de beaucoup de choses » alors que Jésus était leur hôte, et que Marie avait choisi « la meilleure part », celle d'écouter le maître. Jean la nomme comme « celle qui avait oint le Seigneur avec de l'huile parfumée et séché ses pieds avec ses cheveux » (11,2). Dans Luc, un "pécheur" non identifié dans la maison d'un pharisien oint les pieds de Jésus. Luc fait référence à un certain nombre de personnes accompagnant Jésus et les Douze. Parmi eux, il nomme trois femmes : « Marie, appelée Madeleine, (…) et Jeanne, femme de l'intendant d'Hérode Chouza, et Suzanne, et beaucoup d'autres, qui les ont nourries de leurs ressources » (Lc 8,2-3). Marie Madeleine et Jeanne font partie des femmes qui sont allées préparer le corps de Jésus dans le récit de la Résurrection de Luc, et qui ont ensuite parlé aux apôtres et aux autres disciples du tombeau vide et des paroles des « deux hommes aux vêtements éblouissants ». Marie Madeleine est la plus connue des disciples en dehors des Douze. Plus est écrit dans les évangiles à son sujet que les autres disciples féminins. Il y a aussi un grand nombre de traditions et de littérature qui la couvrent.

Les autres évangiles diffèrent quant aux femmes témoins de la Crucifixion et témoins de la Résurrection. Marc nomme Marie, la mère de Jacques et de Salomé (à ne pas confondre avec Salomé, la fille d'Hérodias) comme présente à la Crucifixion et Salomé au tombeau. Jean inclut Marie, la femme de Cléophas, à la Crucifixion.

Cléophas et son compagnon sur le chemin d'Emmaüs modifier

Dans l'Évangile de Luc, Cléophas est l'un des deux disciples à qui le Seigneur ressuscité apparaît à Emmaüs (Lc 24,18). Cléophas marche avec un disciple de Jésus resté anonyme de Jérusalem à Emmaüs le jour de la Résurrection de Jésus. Les deux hommes discutent des événements des derniers jours lorsqu'un étranger leur demande de quoi ils parlent. L'inconnu est invité à les rejoindre pour le repas du soir. Là, l'étranger se révèle, en bénissant et en rompant le pain, comme Jésus l'avait fait, avant de disparaitre. Cléophas et son ami se précipitent à Jérusalem pour porter la nouvelle aux autres disciples, et y découvrent que Jésus y était également apparu (et le fera encore).

Mouvements religieux qui se réclament du discipulat modifier

Bonhoeffer et l’Église confessante allemande modifier

Dans un ouvrage paru en 1937, alors qu'il est directeur du séminaire semi-clandestin de formation théologique et pastorale de l’Église confessante allemande, Dietrich Bonhoeffer développe une réflexion sur le Sermon sur la montagne et sur l’appel de Jésus aux disciples : « Toi, suis-moi ». Cet ouvrage intitulé Le prix de la grâce met l'accent sur le discipulat qui est attendu de chaque chrétien, personnellement appelé à suivre Jésus. Ce mot de "suivre" forme même le titre original du livre Nachfolge (« suite » ou « suivance »). Cette obéissance à Jésus s'oppose notamment à l'obéissance exigée à l'époque par le régime allemand à l'idéologie nazie[15].

Discipleship Movement modifier

Le Discipleship Movement (aussi appelé Shepherding Movement) a été un mouvement influent et controversé au sein de certaines Églises britanniques et américaines, au cours des années 1970 et au début des années 1980[16]. La doctrine du mouvement mettait l'accent sur la notion de "l'un l'autre" du Nouveau Testament et sur la relation de mentorat prescrite par l'apôtre Paul dans 2Ti 2,2 . Le mouvement a été controversé car il a acquis une réputation de comportement de contrôle abusif, à cause de son insistance forte sur l'importance de l'obéissance à son "Berger". et il a été dénoncé par plusieurs de ses fondateurs. Malgré cela, le mouvement subsiste encore aujourd'hui[17].

Radical discipleship modifier

Le radical discipleship movement (mouvement du discipulat radical) est un mouvement de théologie pratique qui a émergé d'un désir de suivre le vrai message de Jésus et d'un mécontentement à l'égard du christianisme traditionnel[18]. Les chrétiens radicaux, tels que Ched Myers (en) et Lee Camp, croient que le christianisme traditionnel s'est éloigné de ses origines, à savoir les principaux enseignements et pratiques de Jésus, tels que tendre l'autre joue et rejeter l'attachement aux biens matériels[19],[20]. Le mot radical, dérivé du mot latin radix signifiant "racine", fait référence au besoin d'une réorientation perpétuelle vers les vérités fondamentales du discipulat chrétien.

Source modifier

Notes et références modifier

  1. (en) Köstenberger, « Jesus as Rabbi in the Fourth Gospel », Bulletin for Biblical Research, vol. 8,‎ , p. 97–128 (DOI 10.5325/bullbiblrese.8.1.0097, S2CID 203287514, lire en ligne)
  2. (en) Sri, « In the Dust of the Rabbi: Clarifying Discipleship for Faith Formation Today », The Catechetical Review, vol. Issue #4.2,‎ , online edition (lire en ligne)
  3. (en) « μαθητής ».
  4. a et b (en) W. Arndt, W. Bauer, F. W. Gingrich et W. Danker, A Greek-English lexicon of the New Testament and other early Christian literature, Chicago, University of Chicago Press, , 3e éd., 609 p.
  5. Arndt et al. 2000, p. 122
  6. (en) Richard N. Longenecker (dir.), Patterns of Discipleship in the New Testament, Eerdman’s, , p. 1, 5, 141
  7. "Rick Warren’s Definition of Disciple" at (en) « Rick Warren's Definition of Discipleship | Exponential » [archive du ] (consulté le ).
  8. Rm 12,2
  9. (en) « Disciple », dans Tyndale Bible Dictionary, Tyndale House,
  10. (en) « Imitation of Christ, The », dans Alan Richardson, John Bowden 1983, The Westminster Dictionary of Christian Theology (ISBN 978-0-664-22748-7), p. 285-286
  11. « Douze », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales (sens I, 1) [consulté le 20 janvier 2017].
  12. Informations lexicographiques et étymologiques de « douze » (sens I, A, en part.) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 20 janvier 2017].
  13. a b c d et e Pons.
  14. a b c et d Minnerath 1987, p. 70.
  15. « Dietrich Bonhoeffer », sur abbaye-limon-vauhallan.com (consulté le ).
  16. (en) P.D. Hocken, « Charismatic Movement », dans Dictionary of Pentecostal and Charismatic Movements, Zondervan, , 1328 p. (ISBN 9780310224815), p. 137
  17. (en) « Charismatic Leaders Concede They Went Too Far: 'Shepherding' was often accused by outsiders and former members of being cultlike in requiring members to obey leaders in all aspects of their personal lives », Los Angeles Times,‎
  18. (en) Anthony Dancer, William Stringfellow in Anglo-American Perspective, Ashgate Publishing, , 16–18 p. (ISBN 9780754616436, lire en ligne)
  19. (en) Ched Myers, Binding the Strong Man: A Political Reading of Mark's Story of Jesus, Orbis Books, (lire en ligne  )
  20. (en) Lee C. Camp, Mere Discipleship: Radical Christianity in a Rebellious World, Brazos Press, (ISBN 9781587430497, lire en ligne  )

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • (en) S.C. Barton, Discipleship and Family Ties in Mark and Matthew, Cambridge University Press, coll. « Monograph series / Society for New Testament Studies », (ISBN 978-0-521-01882-1, lire en ligne)
  • (en) Mattes, « Discipleship in Lutheran perspective », Lutheran Quarterly, vol. 26,‎ , p. 142–163 (lire en ligne)
  • [Minnerath 1987] Roland Minnerath, Jésus et le pouvoir, Paris, Beauchesne, coll. « Le point théologique » (no 46), , 1re éd., 1 vol., 213, 13,5 × 21,5 cm (ISBN 978-2-7010-1136-3 (édité erroné) et 2-7010-1136-1, OCLC 299411651, BNF 36148449, SUDOC 001334328, présentation en ligne, lire en ligne), chap. 3 (« “Il fit les Douze pour être avec lui et les envoyer prêcher” (Mc, 3, 14) »), p. 63-88, en part. :** sect. 2 (« Les Douze »), p. 70-80.
  • [Pons] Jacques Pons, « Douze, les », dans l'Encyclopædia Universalis [en ligne].
  • (en) Glen H. Stassen et David P. Gushee, Kingdom Ethics: Following Jesus in Contemporary Context, InterVarsity Press, (ISBN 0-8308-2668-8).
  • (en) Glen H. Stassen, Living the Sermon on the Mount: A Practical Hope for Grace and Deliverance, Jossey-Bass, (ISBN 0-7879-7736-5).
  • (en) Sherry Weddell, Forming Intentional Disciples: The Path to Knowing and Following Jesus (ISBN 978-1-61278-590-5).
  • (en) M. J. Wilkins, « Unique discipleship to a unique master: Discipleship in the Gospel according to Mark », Southern Baptist Journal of Theology, vol. 8, no 3,‎ , p. 50–65.
  • (en) Vaage, « An Other Home: Discipleship in Mark as Domestic Asceticism », Catholic Biblical Quarterly, vol. 71,‎ , p. 741–761 (JSTOR 43726614)

Article lié modifier