Art naïf

mouvement artistique
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L’art naïf désigne la manière d'aborder la peinture par les « peintres naïfs », dont l'une des principales caractéristiques plastiques consiste en un style pictural figuratif ne respectant pas — volontairement ou non — les règles de la perspective sur les dimensions, l'intensité de la couleur et la précision du dessin. Le résultat, sur le plan graphique, évoque un univers d'enfant, d'où l'utilisation du terme « naïf ». L'inspiration des artistes naïfs[1] est généralement populaire et le terme s'applique aussi à des formes d'expression populaires de différents pays, notamment au courant artistique le plus connu d'Haïti.

Moi-même, portrait-paysage, du Douanier Rousseau, 1890.

L'art naïf n'est plus, aujourd'hui, considéré comme un art mineur. Il est un art authentique, consacré lors de la grande exposition « Maîtres populaires de la réalité » organisée dans la Salle Royale à Paris en 1937[2], exposition qui circulera ensuite à Zurich et dans plusieurs villes aux États-Unis.

Dans le reste des arts, ce terme désigne les œuvres d’artistes, le plus souvent autodidactes, qui se trouvent en décalage avec les courants artistiques de leur temps.

La Charmeuse de serpents (1907) du Douanier Rousseau - Huile sur toile - Musée d'Orsay, Paris

Au Québec, on emploie plus volontiers le terme d’« art indiscipliné », bien que celui d’art naïf soit plus souvent utilisé et reconnu.

Origine du terme modifier

Le mot « naïf » vient du latin nativus (« qui naît, inné, naturel »). Appliqué aux peintres, ce terme désigne à l'origine les artistes qui n'ont pas été formé dans une académie ou dans une école[3].

Il aurait été utilisé pour la première fois au XIXe siècle pour qualifier les œuvres du peintre Douanier Rousseau qui peignait hors des normes académiques, sans suivre les recherches picturales de l'avant-garde de l'époque, des impressionnistes.

En 1870, dans son poème Au Cabaret-Vert, cinq heures du soir, Arthur Rimbaud emploie le mot pour désigner des représentations picturales « maladroites » « je contemplai les sujets très naïfs de la tapisserie », ce qui est peut-être à l'origine de l'emploi « naïf » chez Guillaume Apollinaire quelque temps plus tard.

Caractéristiques modifier

En peinture modifier

 
Forêt tropicale avec singes, 1910 du Douanier Rousseau. Huile sur toile 129,5 × 162,5 cm. National Gallery of Art, Washington.

S’agissant d’un mouvement non académique, l’art naïf ne possède pas de définition propre. Il se caractérise cependant par une représentation figurative de sujets populaires : paysages campagnards, costumes folkloriques, animaux domestiques ou sauvages. Du point de vue technique, cet art se caractérise par le non-respect — volontaire ou non — des trois règles de la perspective occidentale telles que définies depuis la Renaissance par Léonard de Vinci : la diminution de la taille des objets proportionnellement à la distance, l'atténuation des couleurs avec la distance, diminution de la précision des détails avec la distance.

Cela se traduit par :

  1. Des effets de perspective géométriquement erronés qui donnent un caractère « ingénu » aux œuvres, une ressemblance avec des dessins d’enfants, ou rappellent la perspective signifiante des peintures du Moyen Âge — sans autres points communs ;
  2. L’emploi de couleurs vives, souvent en aplats, sur tous les plans de la composition, sans atténuation à l’arrière-plan ;
  3. Une égale minutie apportée aux détails, y compris ceux de l’arrière-plan, lesquels devraient être estompés.

La codification et la pérennité de ce style mène à une autre forme d'académisme.

En effet, l’Art Naïf se rapproche de l’académisme notamment par les thèmes abordés, on retrouve la hiérarchie des genres picturaux d’André Félibien. Le paysage est le genre le plus utilisé chez les peintres naïfs, avec une diversité de lieu, passant par des forêts tropicales à des esquisses de Paris. La nature est très présente dans les peintures naïves, dans toutes ses formes, les natures mortes pour juste représenter des éléments verts et colorés. Le second genre qui revient sans cesse est le portrait, parfois neutre avec juste une figure qui pose et un fond sombre. Ou bien des autoportraits enjoliveurs, l’artiste accompagné dans sa composition des objets qui le définit, des fleurs par milliers, des portraits-paysages[4].

Critères généraux modifier

 
Architecture naïve du Palais idéal du facteur Cheval.
 
Creuë, figures porte-cierge. Sculptures naïves de la fin du XVe siècle.

Tout en reconnaissant que plusieurs définitions de l'art naïf existent, Robert Thilmany s'essaie à recenser un certain nombre de « caractères apparents », non exhaustifs, et communs à cet art[5] :

  • l'« étonnement » provoqué chez le spectateur, qui n'est toutefois pas celui induit par des œuvres surréalistes plus calculées, telles que celles de Magritte ou Dali
  • le « parfum d'innocence »
  • le « dépaysement », dû à la vision non conventionnelle de l'artiste
  • la « fraîcheur d'expression », découlant du regard intérieur
  • un certain « infantilisme » voulu (à ne pas confondre avec les manifestations spontanées de l'enfant)
  • le « figé » naïf (s'opposant à la technique de l'enfant, qui se développe avec l'âge)
  • l'« insuffisance technique » (assumée, alors qu'elle est involontaire chez l'enfant)
  • la « gaucherie », qui ne constitue toutefois pas un critère de qualité ni de définition à coup sûr du genre
  • la « qualité picturale », qui peut compenser le manque d'habileté, mais ne doit pas faire tomber l'œuvre dans le genre « décoratif »
  • la « non-historicité » (pas d'évolution notable de ce courant pictural)
  • la « stylisation », trahissant une volonté, soit d'embellissement, soit de signification, soit de sublimation
  • la « simplification », traduisant à la fois la volonté de contourner certaines difficultés techniques, mais aussi de charger l'œuvre « d'un pouvoir signifiant, voire totémique, plus direct »
  • l'« aspect conteur » (sujets champêtres, bucoliques ou solennels…)
  • la « perspective mentale », qui fait peindre par exemple une fleur plus grande qu'un arbre ou une maison
  • l'« idéalisation », qui à travers des conventions plastiques peut révéler des tendances inconscientes profondes
  • la « vision ontique » (sensibilité au mystère ontique et existentiel des choses)
  • l'« imaginaire », pouvant tendre vers le fantastique, le merveilleux ou l'insolite, parfois le symbolisme ou l'ésotérisme
  • l'« humour », qui n'est ni grinçant ni grimaçant dans l'art naïf.

Thilmany s'attache également à distinguer successivement l'art naïf de l'art populaire (plus utilitaire, traditionnel, collectif) et de l'art brut ou art des aliénés (auxquels il ne reconnaît pas de caractéristiques vraiment spécifiques). Il remarque que l'expressionnisme naïf est peu fréquent, et aussi que l'art naïf s'exprime bien plus par la peinture que par la sculpture par exemple, même si des cas existent.

Évolution modifier

Les peintres naïfs connaissent leur heure de gloire dans l'Entre-deux-guerres. Admirés par des artistes reconnus comme André Breton[6] ou Le Corbusier, ils sont mis en lumière et exposés à plusieurs reprises à cette époque. Le critique d'art et collectionneur allemand, Wilhelm Uhde contribua à faire connaître la peinture naïve en organisant sa première exposition en 1909. Ces artistes tomberont ensuite dans l'oubli avant de susciter, ces dernières années, un regain d'intérêt[3].

Le point de vue de Malraux modifier

Malraux lors de ses voyages en Haïti[7] rencontra de nombreux peintres naïfs. Selon lui les artistes naïfs sont ceux qui :

« osent croire que le temps n'est rien, que la mort même est une illusion et qu'au-delà de la misère, de la souffrance et de la peur [...] pour qui sait voir, respirer et entendre, un paradis quotidien, un âge d'or avec ses fruits, ses parfums, ses musiques[...]un éternel éden, où les sources de jouvence l'attendent pour effacer ses rides, ses fatigues »

Ainsi, de par le monde, il existerait selon lui

« cette confrérie des peintres et peintresses aux mains éblouies, en France à côté de nos portes, mais également au Brésil, aux États-Unis, en Haïti à saint soleil [ils seraient] les artistes de la grande espérance, les jardiniers miraculeux qui, pour le spectateur, font pousser des fleurs sur le béton »

Malraux faisait bien la différence entre les deux types de peintures qui règnent à Haïti. L'une naïve « doté d'un charme extrême mais avec les limites que l'on connaît » et l'autre d'origine vaudou « un art brut, des toiles fétiches, les oriflammes d'une Afrique brusquement reconquise ».

Principaux représentants de l'art naïf modifier

(Par nationalités et années de naissance)

 
Peinture à l'huile de Louis Vivin intitulée Le trianon, exposée au musée d'art moderne de Lille Métropole (LaM).

Europe modifier

  Allemagne modifier

  Autriche modifier

  Belgique modifier

  Bulgarie modifier

  Danemark modifier

  Espagne modifier

  Finlande modifier

  France modifier

 
Séraphine de Senlis, L'arbre de Paradis.

  Grèce modifier

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  Italie modifier

  Lettonie modifier

  Lituanie modifier

  Pays-Bas modifier

  Pologne modifier

  Roumanie modifier

  Royaume-Uni modifier

  Angleterre modifier
  Écosse modifier
  Irlande modifier

  Russie modifier

  Géorgie modifier

  Suède modifier

  Suisse modifier

  Tchécoslovaquie modifier

  Slovaquie modifier
  Tchéquie modifier

  Ukraine modifier

  Yougoslavie modifier

  Bosnie-Herzégovine modifier
  Croatie modifier
  Serbie modifier
  Slovénie modifier

Afrique-Asie-Océanie modifier

  Afrique du Sud modifier

  Australie modifier

  Indonésie modifier

  Israël modifier

  Liban modifier

  Maroc modifier

  Maurice modifier

  Thaïlande modifier

  Tunisie modifier

  Turquie modifier

Amérique modifier

  Argentine modifier

  Brésil modifier

  Canada modifier

  Chili modifier

  États-Unis d'Amérique modifier

  Guatemala modifier

  Haïti[6] modifier

  Mexique modifier

  Nicaragua modifier

  Paraguay modifier

  • Ysanne Gayet (es) (née Ysanne Daphne Christine Pearson) (Colombo, Ceylan, 15 décembre 1948 - ), de nationalité britannique et résidente au Paraguay.

  Uruguay modifier

Musées modifier

Europe modifier

Allemagne modifier

Belgique modifier

Croatie modifier

Espagne modifier

France modifier

Alpes-Maritimes modifier
Gers modifier
    • Musée d'Art Naïf (M.A.N.) au château d'Ensoulès à Béraut, pour une collection d'environ 3 000 tableaux.
Haute-Marne modifier
Mayenne modifier
Yvelines modifier
Yonne modifier
Val-d'Oise modifier
    • Musée Daubigny[19] à Auvers-sur-Oise, désormais musée de France[20], dispose d'une collection d'Art naïf dont certaines œuvres ne sont présentées que lorsque le thème de l'exposition temporaire le permet.
Expositions temporaires modifier
  • En 1995, exposition consacrée à André Bauchant au musée Maillol (Paris), possédant un important fonds d'art naïf constitué par Dina Vierny.
  • En 2016, exposition internationale d'art naïf du 25 juin au 27 juillet en 2016 à Saumur.
  • En 2020 exposition en vidéo : Les grands maîtres naïfs au musée Maillol en 100 secondes chrono. Par Anne-Cécile Genre • le 14 février 2020[21]
  • Et chaque année au printemps, exposition internationale annuelle : Le Rendez-vous des Naïfs, à Verneuil-sur-Avre (Eure), regroupe pendant 3 semaines, 70 artistes naïfs.

Italie modifier

  • Musée National des Arts Naïfs Cesare Zavattini, Luzzara (Émilie-Romagne)

Pologne modifier

Portugal modifier

  • Museu De Arte Primitiva Moderna, Guimarães (Braga)

Roumanie modifier

  • Musée Judetean Arges / Gaelrie Nationale d'Art Naïf[22]

Russie modifier

  • Museum für russisches Lubok und naive Kunst (Музей русского лубка и наивного искусства)[23], Moscou

Serbie modifier

  • Museum für naive Kunst und Grenzkunst (Muzej Naivne i Marginalne Umetnosti)[24], Jagodina
  • Galerie für naive Kunst in Kovačica (Галерија наивне уметности у Ковачици)[25], Kovačica (Voïvodine)

Suisse modifier

Amérique modifier

Brésil modifier

Canada modifier

États-Unis modifier

Autres modifier

  • Galerie internationale d'Art Naïf[29] (Israël)
  • Art Naïf Africain Contemporain[30]

Notes et références modifier

  1. « L'art (d'être) indiscipliné », sur Le Devoir (consulté le )
  2. Les Mouvements dans la peinture, Paris, Larousse, , 239 p. (ISBN 978-2-03-511442-6 et 2-03-511442-X)
  3. a et b « Au musée Maillol, le timide retour des peintres naïfs », La Croix,‎ (lire en ligne)
  4. Jeanne-Bathilde Lacourt, Alex Susanna, Marion Alluchon et Musée Maillol, Du Douanier Rousseau à Séraphine : les grands maîtres naïfs, Paris/impr. en Italie, Gallimard / Culturespaces, , 215 p. (ISBN 978-2-07-286553-4, 2-07-286553-0 et 978-2-07-287259-4, OCLC 1121193360, lire en ligne)
  5. Robert Thilmany, Critériologie de l'art naïf, , 176 p.
  6. a et b « L'art naïf haïtien », sur www.grandpalais.fr (consulté le )
  7. DVD Journal de Voyage avec André Malraux à la recherche des arts du monde entier. Écrit et Réalisé par JM Drot. Doriane Films.
  8. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj ak al am an ao ap aq ar as at au av aw ax ay az ba bb bc bd be bf bg bh bi bj bk bl bm bn bo bp bq br bs bt bu bv bw bx by bz ca cb cc cd ce cf cg ch ci cj ck cl cm cn co cp cq cr cs ct cu cv cw cx cy cz da db dc dd de df dg dh di dj dk dl dm dn do dp dq dr ds dt du dv dw dx dy dz ea eb ec ed ee ef eg eh ei et ej Album mondial de la peinture naïve, Éditions Hervas, (ISBN 978-2-903118-02-0)
  9. Son acte de naissance aux AD 88 : https://recherche-archives.vosges.fr/ark:/50275/vta528b6325050fa/daogrp/0/10 (page 10 / 20, n° 119)
  10. « Derold Page Art », sur deroldpage.com (consulté le )
  11. (de) « Sammlung Zander », sur Sammlung Zander (consulté le ).
  12. (de) « Outsider Art Heidelberg », sur Museum Haus Cajeth (consulté le ).
  13. « Art et Marges », sur Art et Marges (consulté le ).
  14. (hr) « Galerija naivne umjetnosti, Hlebine », sur muzej-koprivnica.hr (consulté le ).
  15. http://www.nice.fr/fr/culture/musees-et-galeries/musee-d-art-naif Musée International d’Art Naïf Anatole Jakovsky, Nice
  16. https://musees.laval.fr/ La collection d'Art naïf au musée du Vieux-Château, Laval(Mayenne)
  17. https://www.musee-vicq.fr/ Musée International d'Art Naïf, Vicq (Yvelines)
  18. http://www.noyers-et-tourisme.com/museenoyers.html Musée d'art naïf de la ville de Noyers-sur-Serein
  19. https://museedaubigny.com/ Musée Daubigny, Auvers-sur-Oise
  20. « "Le petit musée Daubigny entre dans la cour des grands" dans le Parisien »
  21. « les grands maîtres naïfs au musée Maillol »
  22. « Galeria Naţională de Artă Naivă », sur www.muzeul-judetean-arges.ro.
  23. « Municipal Museum of Art Naive, Moscow », sur www.russianmuseums.info.
  24. (en) « Museum of Naive Art, Jagodina, Serbia », sur Internet Archive (consulté le ).
  25. (sr) « Home - Galerija naivne umetnosti », sur Galerija naivne umetnosti (consulté le ).
  26. (en) « Museum im Lagerhaus », sur museumimlagerhaus.ch (consulté le ).
  27. (pt) « Início », sur Galeria Jacques Ardies de Arte Naif, (consulté le ).
  28. (en) « Home », sur Petullo Art Collection (consulté le ).
  29. http://www.ginagallery.com/ Gallery of international Naïve Art
  30. http://africancontemporary.com Arte Naif Africana Contemporânea

Bibliographie modifier

  • Max Fourny, Album mondial de la peinture naïve, Éditions Kervas, Paris,
  • Marie-Christine Hugonot, La peinture naïve en France, un art vivant, Sous le Vent,
  • Marie-Christine Hugonot, Tendances actuelles de la peinture naïve en France : Thèse de doctorat, Université Paris Ouest Nanterre La Défense,
  • Katou Fournier et Jacques Lehmann, Paris et les Naïfs, Vilo, 1983 (ISBN 2-9044-1100-3)
  • Robert Thilmany, Critériologie de l'art naïf, Max Fourny,
  • Peintures naïves (Article extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture »). [1]

Voir aussi modifier

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Paysage d'un anonyme de Pernambuco au Brésil.

Liens externes modifier