Architecture Renaissance de Toulouse

architecture Renaissance de la ville de Toulouse (France)

Au XVIe siècle, la Renaissance, qui prônait le retour aux modèles de l'Antiquité romaine, se diffusa en Europe depuis l'Italie par le biais notamment de traités et gravures se référant au traité De Architectura de Vitruve (90-20 av. J.-C.), théoricien romain de l'architecture antique. Chaque foyer d'érudition et de création réinterpréta ces nouvelles références selon ses traditions locales[1].

L'hôtel d'Assézat, joyau architectural de la Renaissance toulousaine.

Or au début du XVIe siècle Toulouse vivait une période faste. Elle était la troisième ville de France, une capitale provinciale riche et puissante que le commerce du pastel était en train de doter de marchands d'envergure internationale. La cité était aussi le siège du premier parlement de province, dont le ressort s'étendait du Rhône à la Bigorre, d'une université réputée au-delà même des frontières (en droit principalement), et d'un grand archevêché au sein duquel l'abbatiale Saint-Sernin passait pour l'un des lieux les plus saints au monde[2],[N 1].

Ces facteurs de dynamisme favorisèrent un profond élan humaniste, affirmèrent le rôle de la ville comme foyer artistique rayonnant et entretinrent un climat d'émulation sociale dans lequel il était important de s'afficher[1],[2]. Ces caractères de la Renaissance toulousaine se retrouvent dans la richesse et la qualité de son architecture, heureusement largement préservée mais peut-être difficile à appréhender dans sa globalité car quelque peu dispersée dans le vaste périmètre du Vieux-Toulouse et de surcroît partiellement cachée dans des cours peu accessibles au public.

C'est donc l'objet de cet article que de regrouper et de présenter les divers éléments de l'architecture Renaissance de Toulouse, qui valurent à la cité d'être qualifiée de « plus belle ville de France » par le savant Joseph Juste Scaliger à la fin du XVIe siècle[2].

L'architecture, support des ambitions municipales modifier

 
Cette gravure représentant la Civitas Tholosa illustre l'ouvrage Gesta Tholosanorum écrit en 1515 par l'ancien capitoul Nicolas Bertrand, l'une des premières publications à conter la geste de la cité.

Foyer d'érudition et d'humanisme, Toulouse fit bon accueil à la Renaissance et se pencha sur son passé antique prestigieux dont il restait peu de vestiges visibles, les anciens monuments romains ayant servi de « carrières de brique » tout au long du Moyen âge. Sous l'impulsion des capitouls, des érudits tels Nicolas Bertrand, Guillaume de la Perrière ou Antoine Noguier renouèrent avec la Palladia Tolosa évoquée par les poètes latins Martial, Ausone et Sidoine Apollinaire, la Toulouse antique placée sous le patronage de la déesse Pallas Athéna (Minerve) présentée comme protectrice des lettres et des arts. En 1522, à l'instigation du greffier Pierre Salamon, le palais municipal de capitulum (chapitre) devint Capitolium (Capitole)[3], traduisant la volonté d'imiter Rome et ses références antiques.

Ces liens idéalisés entre l'institution municipale toulousaine et la Rome antique trouvèrent à s'exprimer dans les arts et en particulier dans l'architecture.

Les tours de l'ancien Capitole modifier

La Tour des Archives, dite « le Donjon » modifier

Craignant une invasion du Languedoc par l'armée espagnole de Charles Quint qui manœuvrait dans les Pyrénées, et soucieux de mettre à l'abri leur réserve de poudre et leurs précieuses archives, les capitouls firent bâtir entre 1525 et 1530 par Laurent Clary une tour alors nommée « Tour des Archives » (ou « tour des archieux ») mais qu'on appelle aujourd'hui « le Donjon » pour son aspect fortifié. Au rez-de-chaussée se trouvait le « Petit Consistoire », salle prestigieuse où les capitouls tenaient leurs réunions privées[2].

Sur une façade de ce donjon, dans un cadre de pierre disposé à la manière d'un temple antique dont les chapiteaux des pilastres mettent en œuvre la superposition des ordres dorique et ionique, les capitouls se sont présentés tels des consuls romains. L'inscription en latin gravée dans la pierre annonce : FIEBAT ANNO CHRISTIANAE SALUTIS MDXXV IDIBS NOVEBR NOBILIBUS PREINSIGNITIS CAPITOLINIS DECURIONIBUS, qui signifie « A été fait l'année du salut 1525, aux ides de novembre, par les nobles et très distingués décurions du Capitole ». En se posant en « décurions » siégeant dans un « Capitole », les capitouls de la Renaissance espéraient mettre en avant une légitimité historique dont ils prétendaient qu'elle remontait à l'Antiquité et dépassait celle des rois de France[N 2], face à une administration royale et à un Parlement qui tendaient de plus en plus à limiter leurs prérogatives et les libertés municipales conquises[2].

Sur le toit du donjon s'est dressée entre 1550 et 1829 une statue en bronze doré nommée « Dame Tholose », œuvre du sculpteur Jean Rancy et du fondeur Claude Pelhot, et exceptionnelle personnification, sous les traits de la déesse Pallas Athéna, de la cité et des valeurs qui en assuraient la cohésion autour du corps municipal[4]. Toulouse profita là de la présence de son important arsenal qui fabriquait armes, canons et cloches, pour réaliser la fonte de cette statue de grande taille, une première en France en dehors des ateliers du roi. Nul, pas même en Italie, ne s'était alors risqué à une œuvre aussi dynamique, campée sur un seul appui (Jean de Bologne fit son Mercure volant plus de quinze ans plus tard). Dame Tholose se distingue également par la maîtrise du drap mouillé, la science des gestes, des torsions et des multiples points de vision dont fit précocement preuve Jean Rancy. La statue tenait une girouette dans sa main droite et s'appuyait de sa main gauche sur un écu aux armes de la ville. Sur l'écu étaient inscrites les lettres CPQT MDL, soit Capitulum Populusque Tolosanum 1550, le « capitoulat et le peuple de Toulouse » qui, à la manière du SPQR romain, renvoyait à Rome et à l'idée de République urbaine, les capitouls se targuant de siéger au sein d'un Capitole[2].

La Tour de la Vis ou Tour de l'Horloge, détruite en 1885 modifier

Si le Donjon est d'une architecture encore gothique, à l'exception des éléments de décoration présentés dans le chapitre précédent, la Tour de la Vis qui lui fut adjointe quelques années plus tard constitua jusqu'à sa destruction en 1885 un jalon important de l'architecture Renaissance de Toulouse.

Érigée en plusieurs campagnes entre 1532 et 1542, la tour avait pour vocation de remplacer l'escalier extérieur en bois qui desservait l'étage du Donjon. Massive construction carrée, elle renfermait un escalier suspendu de 61 marches considéré comme un chef-d’œuvre d'architectonique, dont l'historien Jules Chalande loua la qualité : « malgré la hardiesse de sa voûte hélicoïdale, évidée au centre et appuyée seulement sur le pourtour de l'édifice, pas une pierre n'avait fait un mouvement depuis trois siècles et demi ». L'escalier s'était acquis une certaine célébrité car Chalande ajoute que des siècles après sa construction, il faisait encore l'admiration des gens de métier et des étrangers de passage à Toulouse[3].

C'est le maître-maçon Sébastien Bouguereau qui édifia cette remarquable "vis à repos", l'un des premiers essais de la Renaissance pour remplacer les escaliers en vis. Cet exemple resta unique à Toulouse où l'on préféra ensuite l'escalier à rampes droites soutenu par un mur de refend, moins complexe à bâtir[3]. Cette prouesse de stéréotomie qui s'inspirait de réalisations espagnoles (Bouguereau ayant travaillé dans ce pays) fut le premier escalier suspendu connu en France, on n'en retrouve la formule à Paris qu'un siècle plus tard (après 1640) avant qu'elle ne regagne ensuite la province[5].

En 1603 les capitouls firent placer sur la tour une horloge sonnant les heures, aux sculptures flamboyantes agrémentées de peintures, de dorures, ainsi que des armoiries du roi, de la Ville et des huit capitouls en exercice. La Tour de la Vis fut dès lors appelée Tour de l'Horloge jusqu'à ce qu'en 1768 l'horloge soit déplacée sur une autre façade du Capitole, ce qui valut alors à la tour de retrouver son nom d'origine. En 1885 la municipalité décida de sa destruction car elle masquait la perspective de la nouvelle façade arrière du Capitole, et il s'en fallut de peu que le Donjon ne subisse le même sort[3].

La cour Henri IV du Capitole et son portail triomphal modifier

La cour Henri IV modifier

La cour Henri IV du Capitole fut élevée entre 1602 et 1609 par Pierre Souffron. Elle est caractérisée par une polychromie brique-pierre voulue par l'architecte, composition qui influença les constructions postérieures du palais municipal[2]. Les arcades du rez-de-chaussée furent bâties par Dominique Capmartin et Jean Bordes, alors qu'à l'étage étaient établies des galeries destinées à accueillir des salles prestigieuses, comme celle à l'usage des mainteneurs des Jeux floraux richement décorée d'armoiries et de fleurs peintes par Jean Chalette, embryon de la première Salle des Illustres [6].

En 1606 le Parlement de Toulouse fit des difficultés au sujet de ces travaux, les capitouls se tournèrent alors vers le roi Henri IV pour faire autoriser leur poursuite, ce qu'il accepta à condition qu'on y fît placer sa statue en marbre et que la galerie nord se nommât « Galerie Henri IV, roi de France et de Navarre »[6].

Sur les galeries à ordres superposés et baies à la Lescot[2] les capitouls de l'année 1605 firent placer les armes de la ville et celles du roi ainsi que leurs blasons, mis à mal par les révolutionnaires mais rétablis en 1873. Le portail à l'ouest date de 1576, mais il fut transformé en 1607, puis encore remanié en 1676 et enrichi de deux figures féminines à l'agneau et à la chouette représentant Pallas / Dame Tholose, œuvres du sculpteur Philibert Chaillon[6].

Le portail triomphal modifier

Le grand portail triomphal de la cour Henri IV est une superposition de parties diverses réalisées successivement par des artistes de la Renaissance toulousaine, il fut monté à son emplacement actuel dans les premières années du XVIIe siècle en même temps qu'était édifiée la cour Henri IV. Il est le support d'un langage symbolique mettant en exergue la grandeur de la ville et, pour sa partie supérieure, de la Couronne.

La partie basse du portail a été réalisée par l'architecte et sculpteur Nicolas Bachelier en 1546 sur un dessin de Jean Rancy. Elle ornait initialement le vestibule du Grand Consistoire et représente Pallas car, ainsi que nous le rapporte le poète latin Martial, celle-ci avait été instituée déesse protectrice de Toulouse à l'époque romaine (probablement par l'empereur Domitien[7]). C'était là une figure tutélaire prestigieuse remise en avant par les capitouls de la Renaissance. Pallas est ici entourée de deux femmes ailées : l'une portant un bâton avec la croix de Toulouse (à l'origine il s'agissait d'une chouette, attribut de Pallas), l'autre brandissant une couronne de lauriers et une branche fleurie.

La partie médiane du portail a été sculptée par Geoffroy Jarry en 1561, on y voit des esclaves captifs entourant le blason de Toulouse, pour symboliser la puissance de la ville en tant que capitale de la province du Languedoc. Sous les sculptures, une inscription ajoutée en 1771[5] annonce en latin l'importance du lieu : HIC THEMIS DAT JURA CIVIBUS, APOLLO FLORES CAMŒNIS, MINERVA PALMAS ARTIBUS : « Ici Thémis donne la loi aux citoyens, Apollon les fleurs aux poètes, Minerve les palmes aux artistes ».

La partie supérieure du portail, décorée des noms et blasons des capitouls de l'année, s'organise autour d'une statue en marbres des Pyrénées d'Henri IV, œuvre de Thomas Heurtematte (1607). Réalisée du vivant du roi, elle témoigne de la volonté de la Couronne de restaurer l'image politique du roi de France dans une ville ultra catholique qui quelques années plus tôt s'était violemment opposée à son accession au trône. Le roi y est campé lauré et en armure pour exalter sa puissance militaire et le poser en pacificateur et en protecteur de la chrétienté[2].

La fontaine du Griffoul modifier

Dès 1545, les capitouls entreprirent de grands travaux pour remettre en état de fonctionnement un ancien aqueduc romain qui conduisait jusqu'au site de la cathédrale les eaux d'une haute colline. Une première fontaine publique fut installée par le sculpteur Jean Rancy en 1549, remplacée en 1593 par certains des éléments de l'actuelle fontaine : un obélisque en marbre rouge de Cierp (dans les Pyrénées), posé sur un piédestal creusé de quatre niches abritant des marmousets de bronze tenant chacun une aiguière et urinant comme le Manneken-Pis. En 1649, vandalisés, ils furent refaits par Pierre Affre qui remplaça les aiguières par des couleuvres. Ce n'est qu'au XIXe siècle que les marmousets furent légèrement modifiés pour ne plus attenter à la pudeur. D'autres éléments furent ajoutés ou remplacés aux cours des siècles (ce qu'illustre la multiplication des dates sur les diverses parties de la fontaine)[2].

Symbole de l'évergétisme des capitouls, durant des siècles cette fontaine fut la seule à donner de l'eau dans Toulouse, complétée par des puits (souvent infectés) et des porteurs d'eau s'approvisionnant dans la Garonne[2]. L'usure spectaculaire de sa margelle de pierre témoigne de son utilisation prolongée et intensive.

Le Pont-Neuf modifier

Tout au long de son histoire, Toulouse fut la base arrière des opérations militaires contre l'Espagne et des troupes qui gardaient la frontière. À la Renaissance, cela lui valait la présence d'un important arsenal.

C'est en 1541 sous l'impulsion de François Ier, qui avait quelques raisons de se méfier de l'Espagne conquérante de Charles Quint, que la construction du Pont-Neuf fut décidée dans le but stratégique d'assurer le passage des troupes d'un côté à l'autre de la Garonne par n'importe quel temps. Le roi autorisa à cet effet la levée d'un impôt spécial sur la région, mais l'argent vint souvent à manquer et sa construction commencée avant 1545 ne permit une mise en service qu'en 1632 et une inauguration par Louis XIV qu'en 1659.

Les grands maîtres actifs à Toulouse au début du chantier, le sculpteur Jean Rancy, le peintre Bernard Nalot, les architectes Louis Privat, Nicolas Bachelier, puis Dominique Bertin et Dominique Bachelier côtoyèrent des experts en ingénierie hydraulique appelés pour la mise au point de nouveaux procédés de fondation en milieu aquatique. Plus tard, Pierre Souffron y rencontra les jeunes Jacques Lemercier et François Mansart. Ce chantier fut donc un lieu d'émulation, d'échange et de formation, au rayonnement national et même européen : à la demande du roi Philippe II d'Espagne, Dominique Bachelier se rendit à Saragosse en 1584 pour la réparation du pont réunissant les rives de l'Èbre[2]. Le Pont-Neuf fit la preuve de sa solidité et de la pertinence des partis techniques retenus en étant le seul pont de Toulouse à résister à la grande crue de la Garonne en 1875.

L'architecte Jacques Lemercier, qui donna une impulsion décisive à la construction et généralisa les vastes arches en anse de panier permettant de franchir le fleuve sans dénivelé excessif, fit la synthèse entre des ponts de l'Antiquité romaine, pour l'emploi des becs superposés destinés à écarter le courant et pour les ouvertures sur les piles, et des ouvrages de la Renaissance italienne tels le pont Sisto de Rome pour ses oculus ou le pont Santa Trinita à Florence pour le surbaissement des arches. Enfin par la suppression de l’habitat sur le pont, il rompit définitivement avec le passé en livrant le tablier tout entier à la circulation, comme au pont Neuf de Paris et au pont Henri-IV de Châtellerault. Avec eux, le pont de Toulouse appartient à une nouvelle génération d’ouvrages novateurs[8].

Le Pont-Neuf fut donc la grande ambition de la Renaissance toulousaine, tant en raison de l'ampleur et de la difficulté du projet que pour les compétences réunies sur près d'un siècle, qui firent du chantier une aventure humaine et technique exceptionnelle. Son importance symbolique fut exploitée par le pouvoir royal : Henri IV voulut y exposer son effigie sculptée, alors que le portrait équestre de Louis XIII couronnait l'arc de triomphe qui se dressa jusqu'au XIXe siècle à l'entrée du pont, côté rive gauche[2].

Les hôtels particuliers modifier

C'est par la diffusion de gravures des monuments de Rome ainsi que par la parution de traités d'architecture tels ceux de Serlio, d'Alberti ou de Vitruve, que le vocabulaire architectural « à l'antique » qui s'était développé en Italie au Quattrocento (XVe siècle) fit son apparition dans l'architecture privée toulousaine dès les premières décennies du XVIe siècle[2]. Se caractérisant d'abord par un décor « Première Renaissance » inspiré du val de Loire, il s'engagea ensuite dans un développement classique qui connut un épanouissement spectaculaire à l'hôtel d'Assézat. Parallèlement, des influences maniéristes venues des châteaux royaux de Madrid, du Louvre et de Fontainebleau s’exercèrent sur l'architecture toulousaine jusque dans les années 1610-1620[2].

 
L'architecte Dominique Bertin réalisa une édition toulousaine de Vitruve, illustrée et commentée pour rendre son contenu plus accessible aux artisans (1556-1559).

Des architectes comme Louis Privat, Nicolas Bachelier, puis Dominique Bachelier, Dominique Bertin ou encore Pierre Souffron édifièrent des hôtels prestigieux pour des commanditaires exigeants qui attendaient d'eux qu'ils soient au fait des dernières nouveautés, la mode royale étant particulièrement scrutée.

Mais les architectes n'étaient pas les seuls dépositaires de la culture architecturale, des personnalités du milieu humaniste toulousain intervenaient également sur les chantiers. Le jurisconsulte Jean de Boyssoné, son cousin Jean Albert, prieur de La Réole, et le poète et homme de droit Pierre Trassebot se distinguèrent par leur conception de l'architecture « à l'antique ». Des années avant les premières publications de Serlio (1537), la traduction de Sagredo en français (1536) ou les réalisations de Philibert Delorme à Lyon (1536) réputées avoir été à l'origine de la diffusion de l'architecture dite « classique » en France, dès 1528-1530 l'humaniste Jean de Pins, évêque de Rieux et brillant diplomate, réalisa la première utilisation des ordres d'architecture à Toulouse (ordre ionique) lors de la construction de son hôtel[9].

Réputés pour la qualité de leur architecture, les hôtels particuliers de la Renaissance toulousaine parvenus jusqu'à notre époque témoignent de la vitalité et de l'évolution des goûts architecturaux à Toulouse sur plus d'un siècle (1515-1620 environ).

L'hôtel d'Assézat modifier

Adresse : 7 place d'Assézat.

Pierre Assézat fit fortune dans le commerce du pastel dont il devint l'un des principaux négociants internationaux. De par ses dimensions, son décor exceptionnel et son très bon état de conservation, son hôtel est cité dans toutes les synthèses consacrées à la Renaissance française[10].

Ce furent le maçon Jean Castagné et l'architecte Nicolas Bachelier qui réalisèrent la première campagne de travaux en 1555-1557, ils édifièrent les deux façades de style classique qui forment le corps principal en L de l'hôtel. Les travées sont délimitées par des colonnes jumelées où se superposent au fil des étages les ordres dorique, ionique et corinthien. S'inspirant des grands modèles antiques comme le Colisée mais aussi des traités de l'architecte royal Serlio, le dessin des chapiteaux reproduit systématiquement l'expression antique la plus sophistiquée connue[10].

Interrompu par la mort de Bachelier (1556) puis de Castagnié (1557), le chantier fut repris en 1560 par Dominique Bachelier, fils de Nicolas. Privilégiant l'esthétique de l'architecture maniériste et les jeux de polychromie brique-pierre, il ferma la cour en réalisant la loggia et la coursière. Cette dernière, soutenue par de grandes consoles richement décorées, est rythmée d'arcs ornés de pointes de diamant en pierre[10].

Dominique Bachelier réalisa également le portail d'entrée monumental, tiré du Livre extraordinaire de Serlio. Les pilastres doriques décorés de pointes de diamant, les pilastres ioniques délicatement ornés autour de la fenêtre à meneaux, confèrent à l'ensemble une dimension précieuse, évoquant à la fois la puissance et une érudition délicate[10].

L'hôtel d'Astorg et de Saint-Germain modifier

Adresse : 16 rue des Changes.

Après Jean Delcros dans les années 1530 (façade sur rue), le marchand Jean Astorg poursuit en 1568 l'édification de cet hôtel placé sur l'un des principaux axes de la ville de la Renaissance. Une porte d'entrée latérale donne accès à la cour d'honneur alors que le reste de la façade sur rue est occupé en rez-de-chaussée par des boutiques. Dans la cour, des fenêtres Renaissance sont faites à l'imitation de celles de l'hôtel voisin de Pierre Delpech, puissant capitoul. Probablement édifiés au début du XVIIe siècle, deux escaliers extérieurs en bois hors œuvre, ainsi que leurs coursives également en bois, desservent les bâtiments sur cour. Cette architecture de bois était très pratiquée à la Renaissance et cet hôtel en reste un des rares témoignages survivants[10].

L'hôtel de Bagis, puis de Clary (dit aussi hôtel de pierre) modifier

Adresse : 25 rue de la Dalbade.

En 1538, c'est à l'architecte Nicolas Bachelier et au maçon Antoine Lescalle, assistés dans la conception du projet par le prieur de La Réole, Jean Albert, que le parlementaire Jean de Bagis confia la construction de son hôtel. Les idéaux classiques dictent la symétrie des façades et la régularité de la cour carrée. Les baies en pierre déclinent un ordre dorique de plus en plus complet au fil des niveaux, dont la nouveauté fit d'autant plus impression à Toulouse que Jean de Bagis, membre du Grand Conseil du roi, était un des personnages les plus importants de la ville[10].

Au cœur du logis prend place un escalier droit en œuvre, parmi les premiers de Toulouse après celui de l'hôtel d'Ulmo. Un portail aux splendides atlantes marque son entrée, ils ont longtemps été attribués au sculpteur Nicolas Bachelier en raison de leur expressivité et de leur qualité d'exécution, mais leur datation est discutée et encore au cœur des recherches actuelles[10].

Au début du XVIIe siècle, François de Clary, Premier président au Parlement, et sa femme, rachetèrent l'hôtel de Bagis. L'architecte Pierre II Souffron, secondé par les sculpteurs Pierre Bouc, Pierre Monge et Thomas Heurtematte, éleva une façade en pierre unique dans la ville à la Renaissance, rythmée dans une composition symétrique par huit travées et des pilastres colossaux. Au-dessus du portail, Apollon, Mercure, Junon et Minerve célèbrent le couple de propriétaires dans un riche décor sculpté[10].

Cette façade spectaculaire valut à la demeure son surnom d'hôtel de pierre, et à son propriétaire la réputation d'avoir détourné à son profit les pierres destinées à la construction du Pont-neuf dont il assurait la supervision[10].

Dans la cour, complétant la composition plus ancienne de l'hôtel de Bagis, les riches ornements maniéristes des façades est et sud de la cour, avec leurs incrustations de marbre et leur abondant décor sculpté, datent également du début du XVIIe siècle[10].

L'hôtel de Bernuy modifier

Adresse : 1 rue Gambetta.

Venu de Burgos à Toulouse pour se lancer dans le commerce du pastel à la fin du XVe siècle, Jean de Bernuy y réussit si bien que dès 1502 il lança la première campagne de travaux de son hôtel particulier, conduisant notamment à l'érection de la belle tour d'escalier gothique. Entre 1520 et 1536 une deuxième campagne fut confiée à l'architecte Louis Privat. Il développa avec abondance le langage de la Renaissance dans une deuxième cour[10] où il réussit, selon les mots de l'historien Paul Mesplé, « à faire vivre l'Espagne, l'Italie et la Loire sous le ciel de Toulouse »[11].

L'architecture de cette cour Renaissance en pierre est dominée par la présence d'une extraordinaire voûte surbaissée, véritable morceau de bravoure, dont les cloisons des caissons ainsi que les roses pendantes ne suivent pas la courbure de la voûte mais sont strictement verticales[10].

Inspirées de modèles d'Italie et du val de Loire, les longues colonnes-candélabres omniprésentes dans la cour d'honneur se rapprochent également de modèles donnés dans le traité Medidas del romano de l'architecte espagnol Diego de Sagredo, paru en 1526 (et en 1536 pour la version en français)[12]. Elles confèrent une exceptionnelle monumentalité à la cour, dont la galerie haute présente par ailleurs, pour la première fois à Toulouse, des colonnes corinthiennes dont le dessin est tiré d'un traité d'architecture[10].

Considérée comme un magnifique témoin de l'introduction de la Renaissance à Toulouse et comme un symbole de l'opulence de la cité, cette cour de l'hôtel de Bernuy a été partiellement reproduite à la Cité de l'architecture et du patrimoine afin d'illustrer le style de la Première Renaissance en France.

L'hôtel de Guillaume de Bernuy modifier

Adresse : 5 rue de la Pomme.

On doit cet hôtel à l'architecte et sculpteur Nicolas Bachelier, qui l'éleva entre 1540 et 1544 pour le greffier au Parlement Guillaume de Bernuy, fils du célèbre marchand de pastel Jean de Bernuy. Bachelier édifia un bâtiment à deux étages entre cour et jardin. Comme à l'hôtel de Bagis l'escalier est à rampe droite en œuvre, sa travée est signalée par un monumental portail en pierre, morceau de bravoure suppléant la traditionnelle tour d'escalier dans son rôle honorifique[2].

Bachelier reprit pour les fenêtres la formule qu'il avait développée à l'hôtel de Bagis, enrichie de décors maniéristes s'inspirant des ornements de la galerie François Ier à Fontainebleau, mais aussi de gravures de Fantuzzi, Androuet du Cerceau ou Léonard Thiry parues seulement quelques années plus tôt, ce qui témoigne de la rapidité avec laquelle les formes ont circulé à la Renaissance[10].

L'hôtel de Boysson-Cheverry modifier

Adresse : 11 rue Malcousinat.

En 1535, l'hôtel de Boysson fut racheté par le marchand de pastel Jean Cheverry qui l'agrandit notablement et l'enrichit de divers éléments Renaissance. La tour d'escalier de style gothique est ainsi ornée d'une belle fenêtre Renaissance, tandis que sur le jardin (aujourd'hui la deuxième cour) Jean Cheverry fit ajouter une galerie à arcades[13].

L'hôtel de Brucelles modifier

Adresse : 19 rue des Changes.

C'est en 1544 que le marchand drapier Arnaud de Brucelles (capitoul en 1534-35) fit édifier son hôtel sur une petite parcelle située en plein cœur du quartier marchand. Dans la cour minuscule, une très haute tour d'escalier exprime l'ambition du propriétaire. Chaque fenêtre, encadrée de colonnettes aux chapiteaux classiques, est couronnée par un buste en pierre représentant un personnage vêtu à l'antique (cuirasse, toge) ou à la mode du XVIe siècle[10]. Sur les autres corps de bâtiment se trouvent des fenêtres à pilastres ou colonnes cannelés, ainsi que des galeries aujourd'hui murées dont les balustres déclinent au fil des étages la superposition des ordres classiques selon un ordre inversé (corinthien, ionique, dorique).

L'hôtel Dahus-Tournoer modifier

Adresse : 9 rue Théodore-Ozenne.

Ayant racheté en 1528 l'hôtel Dahus, bâti dans les années 1460-1470, Guillaume de Tournoer, deuxième président au Parlement, fit reconstruire vers 1532 la tour d'escalier dans le style Renaissance. Il fit de l'escalier en vis, avec son pilier central torsadé, le plus spacieux et le plus beau de ce type de la Renaissance toulousaine. En mémoire de son fils décédé peu de temps auparavant, au-dessus de la porte encadrée de pilastres à chapiteaux composites, deux beaux lions affrontés entourent une urne funéraire. Plus haut, des putti tenant une guirlande d'abondance décorent la fenêtre. Une devise en latin prend place dans ce décor autour d'un blason martelé[14]. Le haut de la tour et sa tourelle n'ont été réalisés qu'au milieu du XVIIe siècle.

L'hôtel Delpech modifier

Adresse : 20 rue des Changes.

Dans la cour de cet hôtel, une tour gothique du début du XVIe siècle due à Pierre Delpech père côtoie des fenêtres Renaissance datant de 1554 à 1560 dues à Pierre Delpech fils. L'accès à la tour se fait par une porte Renaissance au fronton triangulaire orné du monogramme du Christ[13].

Enrichie par le commerce du pastel, la famille Delpech était très influente : le père fut capitoul en 1534 et le fils en 1554, 1555 et 1562[13]. Ce dernier se distingua par son zèle à défendre la cause catholique lors des guerres de religion. Beau-frère de Pierre d'Assézat, il en devint un farouche adversaire après la conversion au protestantisme de celui-ci. Les citations en latin de la Bible qui enrichissent chacune des huit fenêtres Renaissance de la cour illustrent son engagement de ligueur.

L'hôtel Dumay modifier

Adresse : 7 rue du May.

C'est entre 1580 et 1600 que le médecin Antoine Dumay fit bâtir son hôtel. Dans la cour carrée, deux tours d'escalier desservent les quatre corps de bâtiment. Fenêtres Renaissance, tables et cabochons de marbres polychromes des Pyrénées décorent les façades, dont l'une accueille une galerie et les arcades qui la soutiennent[2].

L'hôtel de Felzins (ou de Molinier) modifier

Adresse : 22 rue de la Dalbade.

C'est entre 1550 et 1556 que le parlementaire Gaspard Molinier fit bâtir son hôtel. Ce dernier est particulièrement remarquable pour son portail maniériste de 1556 conçu d'après un modèle du Livre extraordinaire de Serlio de 1551, ce qui témoigne de la rapidité avec laquelle les modèles prestigieux pouvaient être adaptés à Toulouse.

On doit à l'activité de Dominique Bertin, « conducteur de marbre pour le roy », les dizaines de marbres taillés et polis, sertis comme des pierres précieuses, qui ornent ce portail. Bertin avait rouvert d'anciennes carrières romaines dans les Pyrénées pour alimenter en marbres de couleur les chantiers royaux, et fréquentait les grands architectes royaux (Lescot, le Primatice, De l'Orme). Co-auteur d'une édition toulousaine de Vitruve, Bertin prit certainement une part importante dans la conception de ce portail orné de termes d'après Marcantonio Raimondi, de harpies, mascarons, cuirs, vases et guirlandes d'abondance d'esprit bellifontain. Ces marbres de l'hôtel Molinier avaient ainsi la double qualité de renvoyer aux fastes de la Rome impériale et de s'accorder au goût le plus rare et le plus luxueux du souverain, ils illustrent l'une des particularités de la Renaissance toulousaine tout autant que son rayonnement[2].

Dans la cour en fond de parcelle (autrefois un jardin), de superbes putti magnifiquement sculptés ornent une tourelle en encorbellement. Ils jouent avec une guirlande végétale, symbole d'abondance et de fertilité. Dans une salle du rez-de-chaussée trône une cheminée monumentale du XVIe siècle, de style Henri II. Elle porte, gravées au-dessus du bas-relief supérieur qui représente le demi-dieu Hercule, les mentions Hercules Gallicus et Charitas nunquam excidit[10].

La maison d'Auger Ferrier modifier

Adresse : 39 rue Saint-Rome.

De la maison que le médecin Auger Ferrier fit élever en 1553, il reste sur la cour transformée en terrasse surélevée une façade de brique ornée de belles baies en pierre. Le décor sculpté qui orne ces dernières représente des cuirs découpés, des guirlandes d'abondance, des masques, des têtes d'Amérindiens...

L'hôtel de La Mamye modifier

Adresse : 31 rue de la Dalbade.

Guillaume de Lamamye, conseiller au Parlement, fit bâtir son hôtel dans les années 1540. Dans la cour il fit élever une façade de galeries aux trois ordres classiques superposés. Pour la première fois à Toulouse, de grandes colonnes aux chapiteaux doriques, ioniques puis corinthiens se succèdent à chaque niveau de l'élévation. La tour d'escalier hexagonale en brique est couronnée de faux mâchicoulis et de gargouilles, et ornée d'une coquille Saint-Jacques[10].

L'hôtel Lagorrée modifier

Adresse : 34 rue Peyrolières.

La façade de l'hôtel (ainsi que sa cour) ayant été refaite au XIXe siècle, le caractère Renaissance de cet hôtel est parvenu jusqu'à notre époque grâce aux deux portails jumeaux de la fin du XVIe siècle (pour celui de droite) et du début du XVIIe siècle (pour celui de gauche), décorés de croissants de Diane qui supportent la croix du Languedoc à gauche et un globe crucifère à droite.

L'hôtel de Lestang modifier

Adresse : 20 rue Saint-Jacques.

L'hôtel fut construit après 1593 pour l'évêque de Lodève, Christophe de Guilhon de Lestang, prélat languedocien et figure politique qui devint ensuite évêque d'Alet puis de Carcassonne, et dont le frère était président au Parlement de Toulouse. Il constitua en plein quartier ecclésiastique une parcelle de 3 000 m2 avec un imposant bâtiment rectangulaire à deux étages, tourné vers le vaste jardin où se trouvent sa belle façade et la porte d'entrée. L'escalier aux parois de brique est décoré de pilastres et de grandes niches à coquilles[14]. Les ouvertures à l'alternance brique et pierre annoncent la bichromie qui sera à la mode tout au long du siècle suivant.

Sur la place Saint-Jacques, le portail à l'encadrement composé d'une alternance de briques et de pierres, traitées en bossage ou végétalisées, reprend lui aussi cette bichromie qui donne une harmonie visuelle à l'ensemble du bâtiment[13].

L'hôtel de Mansencal modifier

Adresse : 1 rue Espinasse.

Jean de Mansencal, premier président au Parlement et réputé très savant, fit construire vers 1540-1560 cet hôtel entre cour et jardin. Sur la cour, les élévations dominées par la tour d'escalier sont percées de baies en pierre soulignées par un chambranle à double crossettes, une coursière aux arcades en anse de panier et aux consoles en pierre surplombe la cour. La tour d'escalier, de forme carrée, est une des plus hautes de la ville et abrite un escalier en vis qui se termine par une voûte dont les nervures se développent depuis une colonne corinthienne[10].

Côté jardin (aujourd'hui une cour d'école) se trouve la façade la plus impressionnante, dont il ne reste plus que deux des cinq travées d'origine, séparées par des pilastres à l'antique en brique où les ordres se superposent au fil des niveaux[14]. Les baies arrondies aux chambranles à double crossettes et à colonnettes classiques sont inscrites dans des arcs en plein cintre, celles du dernier niveau évoquent les fenêtres du palais Rucellai de Florence.

L'hôtel de Massas (ou hôtel d'Aldéguier) modifier

Adresse : 29 rue de la Dalbade.

Longtemps attribuée au propriétaire Antoine d'Aldéguier, capitoul en 1603, la construction de cet hôtel entre cour et jardin semble plutôt commencer dans le dernier quart du XVIe siècle avec Géraud de Massas, conseiller au Parlement, et pourrait être l’œuvre de l'architecte Dominique Bachelier[10].

Dans la cour, les fenêtres sont abondamment décorées, les jeux de polychromie brique-pierre et certains motifs tels des masques, pointes de diamant, monstres hybrides, termes, relèvent de l'architecture maniériste de la seconde moitié du siècle. Un remaniement survenu en 1865, destiné à régulariser la cour, a provoqué notamment la refonte complète de la façade nord et la disparition d'une coursière en encorbellement dans l'esprit de celle de l'hôtel d'Assézat, et dont il ne reste que les arcs en brique décorés de pointes de diamant en pierre[10].

L'hôtel de Pins modifier

Adresse : 46 rue du Languedoc. Maintenant hôtel Antonin.

Après un brillant parcours en Italie comme ambassadeur de 1515 à 1522, le prélat et humaniste Jean de Pins fit bâtir cet hôtel de 1528 à 1530 sur une parcelle de plus de 3 000 m2 située à proximité du Parlement. Composé de deux corps de logis et de galeries superposées, son hôtel fut inspiré par ce qu'il avait vu en Italie, rompant notamment avec la tradition toulousaine de la grande tour d'escalier pour lui préférer des galeries à arcades et un jardin. Précurseur de l'introduction des ordres classiques en France, Jean de Pins fit sculpter des pilastres ioniques tirés de la gravure d'un traité de Cesariano (publié en 1521) consacré à l'architecture antique dont il avait eu probablement connaissance lors de son séjour à Milan. Le décor est enrichi de portraits en médaillon célébrant la figure humaine et évoquant les monnaies et médailles d'empereurs que collectionnaient les humanistes de la Renaissance, les décorations de boucliers antiques et les stèles funéraires[10].

En 1542 l'hôtel fut racheté par Jean de Nolet, qui fit construire une boutique à arcades sur rue. Il employa l'architecte et sculpteur Nicolas Bachelier qui sculpta notamment des portraits en médaillon[10].

Le percement de la rue du Languedoc au début du XXe siècle détruisit en grande partie l'hôtel, toutefois plusieurs vestiges de ce bâtiment, considéré au XVIe siècle comme un « magnifique palais », furent conservés et intégrés à l'hôtel Antonin élevé sur le même emplacement en 1903, ainsi qu'à l'hôtel Thomas de Montval bâti en 1904 rue Croix-Baragnon. À l'hôtel Antonin, l'architecte Joseph Thillet superposa artificiellement deux galeries : celle du rez-de-chaussée provient de la partie transformée par Nolet alors que celle de l'étage est due à Jean de Pins[10].

L'hôtel Potier-Laterrasse modifier

Adresse : 10 rue Théodore-Ozenne.

Intégrées à un bâtiment plus récent, nous sont parvenues de la Renaissance des arcades superposées (fin XVIe siècle ou début XVIIe siècle). Sur les pilastres cannelés de la façade, élévation des ordres dorique et ionique.

L'hôtel Thomas de Montval modifier

Adresse : 22 rue Croix-Baragnon.

Bâti entre 1901 et 1904 par l'architecte Jules Calbairac pour le propriétaire Paul-Marius Thomas, l'hôtel Thomas de Montval utilise en remploi des arcades Renaissance de l'hôtel de Pins ainsi que six médaillons de Nicolas Bachelier.

L'hôtel d'Ulmo modifier

Adresse : 15 rue Ninau.

Président à mortier au Parlement, Jean d'Ulmo fit bâtir cet hôtel entre 1526 et 1536, il fut le premier à Toulouse à adopter un escalier droit et non plus en vis. L'escalier en œuvre ouvre à chaque niveau sur les deux parties de l'appartement. Au dernier étage se trouve une voûte flamboyante dont la rencontre avec des pilastres classiques illustre le caractère des solutions françaises : les artistes ont assimilé toutes les finesses du vocabulaire Renaissance, mais ils souhaitent également conserver la grande tradition des voûtes savantes « qui ennoblissent et peuvent apporter un signe d'éternité »[14].

Réalisé en marbre blanc et en pierre, le pavillon du perron de la cour est probablement du XVIIe siècle. Mais il est toutefois possible qu'un baldaquin du XVIe siècle qui se trouvait alors dans la cour du Parlement de Toulouse lui ait servi de modèle[14].

L'hôtel du Vieux-Raisin modifier

Adresse : 36 rue du Languedoc.

Cet hôtel aux magnifiques fenêtres Renaissance fit l'objet de plusieurs campagnes de construction au long du XVIe siècle, et l'attribution de certains éléments aux diverses campagnes est toujours discutée.

En 1515 le juriste et capitoul Béringuier Maynier acquit un hôtel du XVe siècle. Sur un nouveau logis encadré de deux tours d'escalier prolongées de deux courtes ailes (première travée des ailes actuelles), il fit placer de nombreuses fenêtres richement ornées de pilastres, de candélabres et de rinceaux. Des bustes en médaillon viennent décorer la grande tour d'escalier. Dans l'hôtel une cheminée d'apparat met à l'honneur la grande culture humaniste du propriétaire, son décor constitue une apologie de la fortune, de l'abondance et de la fertilité[10].

En 1547, le parlementaire Jean de Burnet acquit l'hôtel de Béringuier Maynier. Entre 1547 et 1577 il fit agrandir la cour d'honneur et lui donna une forme carrée avec le prolongement des ailes (au-delà de la première travée). Elle est fermée par un portique dont les colonnes doriques et l'alternance brique-pierre s'inspirent de la loggia d'Assézat.

Enfin entre 1580 et 1591 l'évêque Pierre de Lancrau, devenu propriétaire, fit surélever la grande tour d'escalier et édifier plusieurs fenêtres à atlantes[10].

Dans la cour, certaines fenêtres à atlantes de l'étage pourraient dater de la deuxième campagne de travaux et être de la main de Nicolas Bachelier, celles du rez-de-chaussée seraient de la troisième campagne (fin du XVIe siècle). Les atlantes et cariatides décorant les fenêtres sont remarquables de diversité et de réalisme, à l'étage leurs musculatures crispées semblent difficilement porter l'entablement des baies, au rez-de-chaussée les personnages hybrides aux pattes de lion ou en pilastres affichent un grand réalisme anatomique et psychologique. D'autres motifs sculptés abondent dans les encadrements et font référence aux décors d'édifices royaux comme la Galerie François Ier à Fontainebleau et s'inspirent même parfois d'œuvres célèbres de Benvenuto Cellini et de Michel-Ange[10].

Portes et fenêtres modifier

Les portes et les fenêtres présentées ci-dessous sont autant que possible classées dans l'ordre chronologique, parfois approximatif faute d'informations toujours précises.

Les portes et portails modifier

Support privilégié de la communication du commanditaire privé ou institutionnel qui souhaitait afficher son statut social et l'importance de sa fortune, la porte - ou le portail - était généralement l'objet de tous les soins décoratifs. La grande diversité des portes et portails Renaissance à Toulouse révèle une multitude de sources et d'influences témoignant de plus d'un siècle d'architecture Renaissance.

Parmi les premières portes de la Renaissance toulousaine, celle de la tour d'escalier de l'hôtel du Vieux-Raisin (1515-1528) affiche les profils du propriétaire et de sa femme, représentés en médaillon, et s'enrichit d'une devise en latin au sein d'un décor de putti et de rinceaux. Le décor de la porte de la tour de Tournoer (1532) représente une urne funéraire encadrée de deux lions affrontés, en mémoire du fils du propriétaire décédé peu de temps auparavant.

Le portail de l'église de la Dalbade fut réalisé par le tailleur de pierre Michel Colin. Pour la partie inférieure (1537-1539) il s'inspire du val de Loire, mais la construction se situe à l'époque charnière où le style de la Première Renaissance s'efface devant les ordres d'architecture. Aussi pour la partie supérieure, construite à partir de 1540, les colonnes et chapiteaux classiques supplantent-ils les chapiteaux composés et à figures ou les rinceaux, donnant au portail un style plus monumental.

La datation du portail aux atlantes de la cour de l'hôtel de Bagis, œuvre emblématique de la Renaissance toulousaine, est toujours discutée faute de sources documentaires. D'abord associé à la campagne de Nicolas Bachelier (1538) puis aux années 1545 en raison de sa ressemblance avec une gravure de 1539 des Regole generali de Serlio, il a aussi été attribué à l'atelier de Pierre Souffron (vers 1606) en raison de la réfection du perron et du bouleversement de la cour d'honneur à cette époque. Plus récemment la décennie 1550 a été proposée car des éléments (socle et gaine des atlantes, traitement anatomique...) sont similaires à des cheminées du château de Madrid sculptées après 1540, dont des gravures furent diffusées par Androuet du Cerceau dans les années 1550[9].

Les nombreuses portes de l'ancien hôtel de ville, complexe formé d'un ensemble de bâtiments édifié principalement aux XVIe et XVIIe siècles, étaient l'occasion pour les capitouls de laisser une trace de leur passage à la tête de l'administration communale. Leur court mandat d'un an ne les incitait habituellement pas à se lancer dans de grandes réalisations sur lesquelles ils n'auraient pu faire sculpter leurs armoiries (la façade monumentale, la cour Henri IV et le Donjon sont en cela des exceptions), au contraire des portes qu'un habile artisan pouvait réaliser en ce laps de temps avec toute l'ornementation souhaitée et, surtout, avec de la place pour les blasons des consuls en exercice. Il n'a survécu que quelques exemplaires de ces portes du Capitole, lesquelles auront souffert à la fois de la censure révolutionnaire (destruction de blasons) et d'un XIXe siècle qui vit la reconstruction presque totale du palais municipal. Parmi ces portes survivantes, la porte du Grand Consistoire connut une destinée singulière : réalisée en 1552-1553 par Guiraud Mellot qui y sculpta les blasons des capitouls de l'année 1552, elle fut transformée en 1628 par l'ajout d'un décor de stuc pour commémorer la prise de La Rochelle et honorer Richelieu dont on attendait la visite à Toulouse. Les capitouls de l'année profitèrent de l'opération pour faire recouvrir les armoiries capitulaires d'origine par les leurs. Cette indélicatesse eut le mérite de préserver les blasons des capitouls de 1552 des destructions révolutionnaires de 1793, qui s'abattirent sur l'armorial de 1628[3]. Redécouvert en 1880 sous la couche de stuc lors du démontage de la porte, l'armorial de 1552 s'affiche à nouveau sur cette porte du Capitole qui trône depuis 1932 au musée du Louvre au sein des collections de sculptures.

Le portail de l'ancien collège de l'Esquile est l’œuvre de Nicolas Bachelier (1556). Il célèbre la refondation de cet ancien collège médiéval, qui en 1550 absorbe 8 vieux collèges. Le bossage rustique vermiculé évoque la solidité et une ancienneté vénérable. Inspiré de compositions du Livre Extraordinaire de Serlio, il fait une large place à divers emblèmes martelés à la Révolution.

 
Gravure de feuilles d'acanthe (à gauche) et de laurier (à droite) pour décorer l'ordre corinthien, Jean Bullant (1568).

Le portail de l'hôtel Molinier, élevé en 1556 pour le conseiller au parlement Gaspard de Molinier, s'inspire particulièrement de la porte délicate VIII du Livre extraordinaire de Sebastiano Serlio publié à Lyon seulement 5 ans plus tôt, ce qui montre à quelle vitesse les nouveaux modèles prestigieux étaient adaptés à Toulouse à la Renaissance. Il présente une composition majestueuse entre architecture savante, sculptures sophistiquées et polychromies fastueuses de pierre et de marbres. Les colonnes jumelées, cannelées et rudentées, sont couronnées de chapiteaux corinthiens qui renvoient à des modèles romains tels que le Panthéon ou le temple de Mars Ultor, dont des gravures avaient été données par Alberti, Labacco ou Jean Martin dans des publications parues en Italie et en France entre 1550 et 1553. Enrichissement supplémentaire, la corbeille des chapiteaux est couverte de feuilles de laurier, moins rigides et sèches que les feuilles d'acanthe, comme cela se rencontrait sur de nombreux vestiges antiques mais aussi sur les chantiers contemporains du Louvre et d'Écouen. Du château de Fontainebleau sont inspirés les cuirs enroulés et les êtres hybrides qui se développent sur l'attique. Deux termes engainés mi-humains mi-végétaux, l'un féminin et l'autre masculin, sont inspirés d'une gravure de 1536 de Veneziano, reprise par Androuet du Cerceau entre 1546 et 1549. Autre important élément du décor, des dizaines de plaques, cabochons, demi-sphères ou pointes de diamant en marbres de couleur tirés des carrières pyrénéennes sont enchâssés tels des bijoux sertis. On doit ces marbres rares et précieux à l'architecte, ingénieur et menuisier Dominique Bertin qui avait rouvert des carrières romaines dans les Pyrénées pour alimenter les chantiers royaux. Malgré l'éloignement de la capitale, la réactivité et la sophistication du foyer artistique toulousain telles qu'elles s'affichent sur le portail de l'hôtel Molinier ne sont pas surprenantes car Bertin, mais probablement aussi d'autres Toulousains tel Jean Rancy qui avait dessiné pour le Capitole des colonnes et décors de marbre (jamais réalisés), fréquentait dans le cadre de son activité de « conducteur du marbre pour le Roy » les grands architectes royaux du règne d'Henri II (Lescot, Primatice, De L'Orme...) et se tenait ainsi au courant des dernières nouveautés. Ce décor ostentatoire étalé par Gaspard de Molinier était coiffé par la partie supérieure du portail où est inscrite la devise stoïcienne SUSTINE ET ABSTINE, « Soutiens et abstiens », que le jurisconsulte Jean de Coras, illustre professeur de droit à l'Université de Toulouse, interprétait comme devant guider un homme vers la vertu en lui enseignant la patience, la faculté à supporter ce qui est pénible, et en lui inculquant la tempérance. Deux aiguières sculptées sous la devise, traditionnellement symboles de ces qualités ainsi que de l'abstinence, viennent renforcer le message destiné à afficher l'honnêteté et l'intégrité du parlementaire. Ainsi l'ambitieux programme décoratif de ce portail, riche de symboles et de références, présentait-il plusieurs niveaux de lecture dont certains n'étaient accessibles qu'aux plus savants. Conçu pour retranscrire l'honorabilité et les exigences morales du propriétaire, le portail de l'hôtel de Molinier témoigne qu'à cette époque, en architecture comme en rhétorique, « tout discours qui tendait à la grandeur passait par la richesse et l'abondance »[15],[16].

La porte de la tour d'escalier de l'hôtel d'Assézat (1555-1557 ou/et après 1560) était la principale entrée de l'hôtel. Flanquée de grandes colonnes doriques qui assurent la continuité avec les façades classiques qui l'entourent, elle est agrémentée de deux colonnes torses qui pourraient être une référence au roi Charles IX (dont le symbole était deux colonnes entrelacées) ou aux colonnes du temple de Salomon.

Le grand portail de l'hôtel d'Assézat (1560-1562), mélange de puissance et d'érudition délicate, est l’œuvre de Dominique Bachelier, fils du célèbre Nicolas Bachelier auteur des façades classiques de la cour de ce même hôtel quelques années plus tôt. Les pilastres doriques qui encadrent la porte offrent une succession alternée de pointes de diamant, conférant à l'ensemble une dimension précieuse.

Daté de 1604 ou 1605, le grand portail du collège des jésuites fit l'admiration de Rodin qui le dessina à plusieurs reprises. Le décor sculpté dans la pierre portait les blasons des huit capitouls de l'année ainsi que les doubles blasons de France-Navarre à gauche et de Toulouse-Languedoc à droite, cependant seuls quatre des blasons de capitouls sont encore bien visibles.

Le portail de l'hôtel de Clary, ou hôtel de pierre (1610-1616), n'est double qu'en apparence : la porte de droite est une fausse porte créée uniquement pour des raisons de symétrie. Au-dessus des portes, Mercure et Apollon à gauche, Junon et Minerve à droite, célèbrent les propriétaires dans un riche décor sculpté maniériste.

Construit à partir de 1617, l'hôtel de Chalvet est représentatif d'un changement de style qui devait marquer de son empreinte l'architecture toulousaine du XVIIe siècle : le décor sculpté est délaissé au profit d'une austérité seulement égayée sur les ouvertures par une alternance brique et pierre. Seul son portail à bossages s'inspire encore de références de la Renaissance, il fut l'un des derniers à le faire avec le spectaculaire portail de l'hôtel Desplats (vers 1620-1622).

Les fenêtres ornées modifier

Avec la porte, le signe le plus manifeste du statut social d'un commanditaire était la fenêtre sculptée. L'emploi de la pierre sur fond de brique met en évidence ces ouvertures qui constituent, comme en Italie, autant de motifs isolés. La rupture avec le style du gothique flamboyant se trouvait exprimée par le terme « à l'antique » utilisé dans les marchés de construction, mais cette formulation recouvrait en réalité des solutions très diverses et qui ne cessèrent d'évoluer[14].

Au vocabulaire ornemental de la première Renaissance (rinceaux, médaillons, putti), succèda en 1538 à l'hôtel de Bagis la « fenestre à l'antique » mise en place par l'architecte et tailleur de pierre Nicolas Bachelier. À cette occasion Bachelier procèda à une représentation progressive de l'ordre dorique, de plus en plus complet au fil des niveaux, faisant de chaque fenêtre un temple à l'antique en miniature. Modernisant la fenêtre à colonnettes superposées venue d'Italie, il reprit la position des quarts de candélabres des fenêtres de l'hôtel du Vieux-Raisin en insérant un quart de colonne dorique dans l'ébrasement. Plutôt que de superposer deux petites colonnes, Bachelier préfèra utiliser la hauteur de la baie pour présenter un ordre dorique complet en disposant un triglyphe aux proportions allongées sur la colonnette, conférant ainsi à l'ouverture, coiffée d'une imposante corniche, une plus grande monumentalité[2].

Cette formule de la « fenêtre à l'antique » développée par Bachelier à l'hôtel de Bagis fut reprise par lui-même en 1540-1544 à l'hôtel de Guillaume de Bernuy. L'emploi de tables meublées de masques et de cuirs découpés ajoute de la sophistication à l'encadrement[10].

Ce parti fut à nouveau repris sur les fenêtres que Jean Cheverry fit bâtir sur les nouveaux bâtiments de l'hôtel de Boysson qu'il fit élever en 1546, avec des colonnettes doriques ou ioniques. Cheverry modernisa également l'apparence de la tour d'escalier médiévale en insérant à l'étage une fenêtre ornée de termes, personnages moitié homme moitié colonne, issus de l'architecture antique. Au-dessus de ceux-ci, des pilastres reprennent une gravure de Serlio inspirée d'une chaire de la basilique romaine Saint-Jean-de-Latran[10].

Dans cette volonté d'imiter les fenêtres d'un grand parlementaire se reconnaît une stratégie d'appropriation du goût des personnages les plus importants de la ville (Jean de Bagis était également membre du Grand conseil du roi), appréciée par les marchands en pleine ascension sociale et en quête de reconnaissance.

Répondant à une logique de réappropriation honorifique, ce type d'imitation se pratiqua tout au long du siècle. Le marchand Jean Astorg procéda ainsi quand vers 1562, pour décorer les baies de son nouveau corps de bâtiment en fond de cour, il fit imiter les fenêtres de son voisin, Pierre Delpech (1554-1560), plusieurs fois capitoul et ligueur influent particulièrement impliqué dans la lutte contre les protestants. Ces fenêtres possèdent un encadrement appelé chambranle à crossettes, soutenu par quatre tronçons de pilastre. Ces derniers ne jouent pas un rôle de soutien mais apparaissent au contraire suspendus et dépendants du cadre qu'ils seraient censés supporter[10].

Certaines des fenêtres de l'hôtel de Massas (ou hôtel d'Aldéguier) ont été conçues à partir des modèles gravés du Livre extraordinaire de l'architecte royal Sebastiano Serlio. Une édition de cet ouvrage, conservée à Paris, renferme une feuille de dessins de la main de l'architecte de l'hôtel de Massas. Ils détaillent les réflexions menées par le concepteur sur les profils des fenêtres de la cour et leur décoration à partir des modèles gravés par Serlio. Ils sont très certainement dus au fils de Nicolas Bachelier, Dominique, qui fut l'un des grands constructeurs de la seconde moitié du XVIe siècle[10]. Cette feuille d'esquisses nous renseigne sur le goût et les préférences d'un architecte pour les formes extraordinaires qu'il crée, mélange et combine à l'envi. Elle est, à ce jour, le témoignage le plus ancien conservé de l'invention graphique d'un architecte-artiste français[2].

Les fenêtres de la maison d'Élie Géraud, maître orfèvre, sont plus modestes car faites en bois et placées sur une maison à corondage. Elles témoignent du désir d'imiter les baies à l'encadrement de pierre des hôtels particuliers.

Ainsi l'étonnante diversité de style des fenêtres toulousaines de la Renaissance révèle-t-elle aussi bien l'influence de nombreuses sources formelles prestigieuses que la foisonnante créativité des architectes dans l'adaptation de celles-ci.

Ornements caractéristiques de la Renaissance toulousaine modifier

L'architecture de la Renaissance peut difficilement se dissocier de l'ornement sculpté. Parmi les attributs décoratifs habituellement associés à la Renaissance, il en est qui ont connu à Toulouse une vigueur ou une diversité particulière. Ils témoignent des aspirations de commanditaires toujours en recherche de références savantes ainsi que de la vitalité artistique de la ville.

Les façades parlantes modifier

Sous le règne de François Ier, l'écrit s'affirma comme un moyen privilégié de manifestation du pouvoir. Parallèlement, en accordant une place nouvelle à l'Homme, la Renaissance favorisa la réflexion sur la condition humaine. Ces considérations se manifestèrent sur divers édifices toulousains par des inscriptions sculptées à même les façades, tels des discours destinés à l'espace public[17].

Dans son Livre extraordinaire, citant l'exemple des arcs de triomphe antiques, Sebastiano Serlio expliquait avoir interrompu l'entablement de ses portails pour laisser de la place à cette volonté d'afficher la culture ou l'ambition du propriétaire : « mesmement qu'il y en ha aucuns, qui en toute petite oeuvre qu'ils font faire, ilz voudroient assez espace et lieu pour y mettre lettres, armoiries, devises et semblables choses »[17].

De la revendication honorifique à l'humilité affichée, des aphorismes de la philosophie antique aux sentences bibliques, les inscriptions des « façades parlantes » firent le choix du latin pour mettre en scène la dimension morale et intellectuelle de leur commanditaire. Dans la cité où avaient été fondés en 1215 l'ordre dominicain et en 1323 la plus vieille institution littéraire d'Europe, devenue une métropole administrative et judiciaire, le contexte culturel, politique et intellectuel se prêtait à l'expression publique de l'art de bien (se) gouverner[17].

Cependant le recours aux inscriptions ne fut pas systématique, Pierre d'Assézat par exemple préféra un autre type de langage architectural pour son fameux hôtel[17].

Citons quelques exemples de ces façades parlantes : à l'hôtel de Bernuy SI DEUS PRO NOBIS (début d'une phrase de la Bible signifiant « Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? »), à l'hôtel du Vieux-Raisin VIVITUR INGENIO CETERA MORTIS ERUNT (« On vit par l'esprit, tout le reste appartient à la mort », tirée de l'Élégie sur la mort de Mécène attribuée à Virgile) ou encore TOGUATI MAINERII EDES || LINGUA CONSTRUCTE FLORENT (« La demeure construite par l'éloquence du professeur Maynier est florissante »), à l'hôtel d'Aymès NE TE QUAESIVERIS EXTRA (« Ne te cherche pas en dehors de toi-même »), à l'hôtel Dumay TEMPORE ET DILIGENTIA (« Par le temps et l'application »), à l'hôtel d'Ulmo DURUM PACIENTIA FRANGO (« Ma patience triomphe de tout »), à l'hôtel Dahus-Tournoer ESTO MICHI DOMINE TURRIS FORTITUDINIS A FACIE INIMICI (« Sois pour moi, Seigneur, une tour de courage face à l'ennemi »), à l'hôtel Molinier SUSTINE ET ABSTINE (« Supporte et abstiens-toi », attribuée à Épictète). Dans la cour de l'hôtel Delpech, huit fenêtres bâties entre 1554 et 1560 portent des inscriptions en latin tirées de la Bible, la plus lisible dit ceci : QUI TIMENT DOMINUM NON ERUNT INCREDIBILES VERBO ILLIUS (« Ceux qui craignent le Seigneur ne seront point incrédules à sa parole »).

Les motifs à l'antique modifier

Les motifs à l'antique furent plus particulièrement utilisés lors de la Première Renaissance (rinceaux notamment), cependant certaines figures traversèrent le siècle : les putti (angelots) se trouvent aussi bien à l'hôtel du Vieux-Raisin (années 1520) et aux hôtels de Bernuy et de Tournoer (années 1530) qu'à l'hôtel de Molinier (1552) ou à l'hôtel de Clary (vers 1610) ; de même pour les mufles de lion faisant office de gargouilles, inspirés de ceux de temples antiques comme la Maison carrée de Nîmes.

Les portraits en médaillon modifier

Dans un XVIe siècle marqué par l'humanisme et la culture antiquaire, les propriétaires n'hésitaient pas à se faire représenter tels des Césars dans des médaillons sculptés dans la pierre, évocations des monnaies et médailles antiques que collectionnaient les humanistes. C'est sur la tour de l'hôtel du Vieux-Raisin que le propriétaire Bérenguier Maynier, capitoul et parlementaire, fit réaliser des médaillons pour la première fois à Toulouse (entre 1515 et 1528)[16]. Le prélat et humaniste toulousain Jean de Pins, ambassadeur à Milan, Venise et Rome, qui tint un rôle majeur dans l'introduction des modèles italiens à Toulouse, fit décorer vers 1528 la cour de son hôtel de têtes sculptées en médaillons. Le propriétaire suivant de ce même hôtel de Pins fit réaliser en 1545 d'autres médaillons, attribués à Nicolas Bachelier, dont six ont été réemployés dans la cour de l'hôtel Thomas de Montval. Leur encadrement composé d'une couronne végétale, appelée « chapeau de triomphe » dans les textes, renvoie aux triomphes romains (laurier) mais également aux armes du marchand du XVIe siècle. La manière de Nicolas Bachelier s'y distingue dans le traitement des arcades sourcilières très proéminentes et des lèvres très souvent épaisses chez ses personnages[10].

Après 1540 une évolution mena à des bustes dépourvus d'encadrement, comme sur la tour de l'hôtel de Brucelles édifiée en 1544. Ce type de décor se fit ensuite plus rare, remplacé au milieu du XVIe siècle par les ordres d'architecture[18].

Les ordres d'architecture modifier

Si plusieurs ornements considérés comme antiques (rinceaux, candélabres, putti, médaillons) eurent un succès important dès 1520, des chapiteaux faisant directement référence aux ordres d'architecture, issus de citations livresques, furent sculptés dans les années 1530.

L'ordre ionique de la galerie de l'hôtel de Pins, bâtie vers 1528-1530, est ainsi tiré de l'édition du traité de Vitruve publiée par Cesariano en 1521. Le tracé de sa volute est encore imparfait mais cette précoce citation de l'architecture vitruvienne doit être mise au crédit du commanditaire qu'un brillant parcours diplomatique avait conduit à Milan au moment où Cesariano travaillait à son édition[2]. L'ordre corinthien se rencontre pour la première fois à Toulouse sur les fenêtres de la cour de l'hôtel de Bernuy (1530-1536), alors que l'ordre dorique fait son apparition sur les fenêtres et dans l'escalier de l'hôtel de Bagis (1538).

À l'hôtel de Lamamye se trouve la première manifestation à Toulouse (vers 1540) de l'élévation des trois ordres antiques superposés : ordre dorique à l'étage du bas, ionique à celui du milieu, et corinthien à celui du haut.

À l'hôtel d'Assézat (1555-1556), la superposition des ordres sur toute la hauteur de l'élévation et la présence d'un attique évoque le modèle du Colisée, diffusé par l'intermédiaire de Serlio. L'emploi inédit dans la ville de colonnes jumelées concorde avec la recherche d'une esthétique d'« enrichissement » qui suit le modèle antique tout en faisant écho aux architectures du milieu du siècle des grands du royaume. Comme le souligne le traitement soigné des fûts et des chapiteaux, l'expression antique la plus sophistiquée a systématiquement nourri l'invention du sculpteur. Le dorique est par exemple, à travers Serlio ou Labacco, une allusion à sa version connue la plus ornée, celle de la basilique Æmilia[2].

L'ordre caryatide modifier

 
Château de Fontainebleau : certaines réalisations toulousaines se rapprochent de modèles bellifontains en stuc des années 1530 (ici décor de la galerie François Ier).

Après 1540 les encadrements de portes et de fenêtres de la Renaissance furent souvent le terrain d'expression de l'ordre caryatide, évolution du style classique. Ces supports anthropomorphes, en termes (sans bras et engainés) ou en atlantes et caryatides (portant de leurs bras une charge ou un entablement, souvent aussi engainés), connurent à Toulouse de spectaculaires réalisations. Inspirés des stucs des châteaux royaux de Madrid ou de Fontainebleau et de traités architecturaux tels ceux de Philibert Delorme, Jacques Androuet du Cerceau, Marcantonio Raimondi, ils furent déclinés pendant plusieurs décennies[2].

Les sculpteurs toulousains adoptèrent des conventions qui rendent difficile l'attribution de la paternité des œuvres : coiffures et visages de Vénus pour les femmes, barbe et sourcils froncés pour les hommes. Ces œuvres s'inspirent de la terribilità de Michel-Ange mais aussi d'une connaissance littéraire et érudite du Zeus chryséléphantin d'Olympie auquel le sculpteur Phidias avait donné des sourcils ténébreux tirés des vers d'Homère[2]. Pour cette raison, à partir du XVIIe siècle un grand nombre de ces œuvres furent attribuées à l'architecte et sculpteur Nicolas Bachelier, dont une légende prétendait qu'il avait été l'élève du grand Michel-Ange. Ces attributions incertaines ont posé et posent encore des difficultés quant à la datation des œuvres. Ainsi les historiens discutent-ils encore de l'ancienneté du plus emblématique portail de ce type : celui de la cour de l'hôtel de Bagis (ou hôtel de pierre) aux célèbres atlantes vieillards. Daté de l'année 1538 et attribué à Nicolas Bachelier pour certains, du début du XVIIe siècle et de l'atelier de Pierre Souffron pour d'autres, une publication plus récente évoque désormais la décennie 1550 et une ressemblance avec des gravures des cheminées du château de Madrid (détruit)[19],[20],[9]. Le même doute plane sur les spectaculaires fenêtres de l'hôtel du Vieux-Raisin : datent-elles du propriétaire Jean Burnet (à partir de 1547), greffier au Parlement de Toulouse, ou de l'évêque de Lombez Pierre de Lancrau, ce qui les daterait plutôt de 1580 à 1584 ?

Ce goût de la Renaissance toulousaine pour les atlantes et les caryatides prend toute son ampleur sur les fenêtres de l'hôtel du Vieux-Raisin (2e et 3e campagnes de construction). Certains atlantes dotés de coussins pour supporter leur charge se réfèrent au mythe des pommes d'or et au moment où Héraclès ruse en demandant à Atlas de reprendre un instant son fardeau (supporter le poids du ciel), le temps pour lui de trouver un coussin pour ses épaules. D'autres personnages sont humains pour le haut du corps alors que la partie inférieure est totalement animale, inspirés des décors en stuc de la galerie du roi au château de Fontainebleau. Enfin sur une partie de ces atlantes et caryatides, des têtes sont représentées au niveau de l'entrejambe : masque grimaçant pour les hommes, tête d'enfant pour les femmes, entre fécondité et passions sexuelles[21].

Les ornements maniéristes modifier

L'esthétique maniériste, fondée sur l'insolite et l'association des contraires, où se confondent les règnes minéral, végétal et animal, met en œuvre des motifs raffinés, des jeux de polychromie (brique-pierre) et des ornements (cabochons, pointes de diamant, masques) évoquant le luxe, la surprise et l'abondance[10].

Influencés par l'art bellifontain, les décors maniéristes toulousains s'inspirent des stucs du Rosso et des peintures du Primatice[14]. Cet art particulièrement orné et exubérant séduisit les commanditaires tout autant que les ordres d'architecture et était, à l'époque, considéré comme tout aussi classique[2].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Avec plus de deux cents corps saints revendiqués, dont ceux de six apôtres, la basilique Saint-Sernin est l'église de France qui possède le plus de reliques. Cela fait aussi de Toulouse la deuxième ville d'Europe après Rome pour le nombre de reliques.
  2. Le capitoulat toulousain apparut en 1147, ses consuls étant conseillers du comte Alphonse Jourdain, chargés de l'administration de la ville. La prétention des capitouls de la Renaissance de tenir leur ancienneté de l'empire romain et de l'empereur Théodose était donc infondée. Cependant ce type d'exagération n'était pas propre à Toulouse à cette époque.

Références modifier

  1. a et b Sarah Muñoz et Colin Debuiche, dossier « Toulouse le caractère d'une ville ». La revue des Vieilles Maisons Françaises (VMF), no 231 (mars 2010).
  2. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x et y Collectif, direction Pascal Julien, « catalogue de l'exposition Toulouse Renaissance », Somogy éditions d'art, 2018.
  3. a b c d et e Jules Chalande, « Histoire monumentale de l'hôtel-de-ville de Toulouse », 1919-1922.
  4. Article « Dame Tholose, une allégorie politique de la Renaissance », par Bruno Tollon, dans Mémoires de la SAMF, tome LIX (1999). Lien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6576093v/f195.item.r=M%C3%A9moires%20Bulletins%20Soci%C3%A9t%C3%A9%20arch%C3%A9ologique%20midi%20France.langFR
  5. a et b Michèle Éclache, Christian Péligry, Jean Penent, « Images et fastes des capitouls de Toulouse », Mairie de Toulouse et Musée Paul Dupuy, 1990.
  6. a b et c Henri Ramet, « Le Capitole et le Parlement de Toulouse », Éditions Pyrémonde, 2008 (première publication en 1926).
  7. Jean-Marie Pailler, « Domitien et la "Cité de Pallas", un tournant dans l'histoire de Toulouse antique ». Lien : https://www.persee.fr/doc/palla_0031-0387_1988_num_34_1_1596
  8. Georges Costa, « Jacques Le Mercier et la construction du Pont Neuf de Toulouse ». Mémoires de la SAMF, tome LXI (2000-2001). Lien : https://societearcheologiquedumidi.fr/_samf/memoires/t_61/127-152CO.pdf
  9. a b et c Colin Debuiche, « Citations et inventions dans l'architecture toulousaine à la Renaissance », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, tome LXXVIII (2018), p. 223-252. Lien : http://societearcheologiquedumidi.fr/_samf/memoires/t_78/2018_SAMF_memoires.pdf
  10. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae et af Exposition Toulouse Renaissance (2018), borne d'explication interactive sur les hôtels particuliers Renaissance. Lien : https://www.vip-studio360.fr/galerie360/visites/vv-borne-toulouse/vv-borne-toulouse-fr-c.html ; textes Colin Debuiche assisté de Mathilde Roy.
  11. Paul Mesplé, « Vieux Hôtels de Toulouse », Editions du Pays d'Oc, 1948, 194 p., p. 33-43.
  12. Colin Debuiche, « L’hôtel de Bernuy et l’influence des Medidas del romano dans l’architecture toulousaine de la Renaissance », Framespa, 2010. Lien : https://journals.openedition.org/framespa/159
  13. a b c et d Notice UrbanHist, Ville de Toulouse. Lien internet : https://www.urban-hist.toulouse.fr/uhplus/
  14. a b c d e f et g Guy Ahlsell de Toulza, Louis Peyrusse, Bruno Tollon, « Hôtels et demeures de Toulouse et du Midi toulousain », Editions Daniel Briand, 1997.
  15. Pascal Julien et Colin Debuiche, « Architecture et décors de l'hôtel Molinier : “Demeurance” parlementaire de la Renaissance toulousaine ». Mémoires de la SAMF, tome LXXVI (2016). Lien : https://societearcheologiquedumidi.fr/_samf/memoires/t_76/152-180_PJ_CD.pdf
  16. a et b Colin Debuiche, « Les artifices du passé. Antiquité et mythes urbains de la Palladia Tolosa au XVIème siècle », contribution à l'ouvrage « L’artiste et l’antiquaire. L'étude de l'antique et son imaginaire à l'époque moderne » (collectif), INHA / Éditions Picard, 2017.
  17. a b c et d Colin Debuiche, « Faux conseils et mauvaises testes m'ont fait bastir ces fenêtres : les façades parlantes de la Renaissance à Toulouse », 2022. Lien : https://www.academia.edu/107909503/_Faux_conseils_et_mauvaises_testes_m_ont_fait_bastir_ces_fenestres_les_fa%C3%A7ades_parlantes_de_la_Renaissance_%C3%A0_Toulouse
  18. Collectif, direction Marion Boudon-Machuel, « La sculpture française du XVIe siècle », article de Sarah Muñoz. Editions Le bec en l'air, 2011.
  19. Bruno Tollon, « La chronologie de la Renaissance toulousaine : quelques remarques ». Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, tome LXXI (2011), http://societearcheologiquedumidi.fr/_samf/memoires/t_71/181-196_Tollon.pdf
  20. Pascal Julien, « L’ordre caryatide, emblème de l’architecture toulousaine, XVIe – XIXe siècles », 2011. Lien : https://books.openedition.org/pumi/33986?lang=fr
  21. Émission Des racines et des ailes du 14/11/2018 : « Sur les routes du midi toulousain », passage sur les hôtels particuliers de la Renaissance, avec l'historien Pascal Julien. Lien Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=U4y-68xHA8o&t=1653s

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Collectif, direction Pascal Julien, « catalogue de l'exposition Toulouse Renaissance », Somogy éditions d'art, 2018.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier