Abus sexuels sur mineurs dans l'Église catholique au Canada

Les abus sexuels sur mineurs dans l'Église catholique au Canada désignent des agressions sexuelles de mineurs, commises au sein de l'Église catholique au Canada par certains de ses clercs et agents pastoraux. À la fin des années 1980, des révélations sur des sévices infligés dans les années 1950 et 1960 à des enfants d'un orphelinat de Terre-Neuve suscitent un scandale.

Historique modifier

En décembre 2019, un recours collectif a été déposé contre le diocèse de Saint-Jean-Longueuil, le diocèse de Joliette, les religieux de Saint-Vincent-de-Paul et les Frères de Saint-Gabriel[1].

En mai 2021, les évêques canadiens ouvrent une plateforme pour permettre aux victimes de mentionner les situations d’abus sexuels commis ou cachés par un évêque[2].

En 2021, une demande d’autorisation d’action collective est engagée pour des agressions sexuelles qui auraient été commises, au sein du diocèse d'Amos, par plusieurs prêtres sur des garçons âgés de 7 à 14 ans au moment des faits. Les prêtres sont : Paul-Émile Bilodeau, Réal Couture, Armand Roy, Lucien Côté, Hubert Fortier, Henri-Paul Ratté, Laval Tremblay, Marc-Aurèle Guillemette, Odilon Boutin, Adolphe Delisle, Henry Dobbelsteyn, Jules Larose, Philippe Plourde et André Leith. La requête concerne le diocèse d’Amos et Joseph Louis Aldée Desmarais (de), évêque d’Amos, qui n'aurait pas enquêté sur ces agressions[3],[4].

L'ombudsman de l’Église catholique à Montréal, Marie Christine Kirouack, dépose en aout 2021 son premier rapport concernant 45 plaintes pour des faits qui se sont déroulés depuis les années 1950, 22 d'entre elles sont relatives à des abus sexuels « quasi institutionnel ». Ces dernières plaintes regroupent « l’exhibitionnisme, la pornographie, les avances ou propositions sexuelles non désirées, la masturbation de groupe, les contraintes à la fellation, à la masturbation, la version masculine du tribadisme, la pénétration vaginale et la sodomie »[5],[6].

En juillet 2022, lors de son voyage au Canada, le pape François reconnait les crimes sexuels perpétrés par des prêtres et des religieuses et demande pardon à l’ensemble des victimes de ces violences sexuelles[7].

L'ancienne magistrate Pepita Capriolo, conseillère à l’archevêché de Montréal, démissionne en décembre 2022. Elle considère que l’Église catholique est toujours contrôlée par des religieux qui refusent de changer pour lutter contre les abus des prêtres : « Ils sont de la vieille garde ; ce sont ceux qui sont habitués au cléricalisme. C’est comme une caste et ils se protègent »[8],[9].

Chronologies des affaires modifier

Ordres et sociétés catholiques modifier

Congrégation de Sainte-Croix modifier

À la suite de plaintes pour abus sexuels un recours collectif de victime implique outre le collège de Notre-Dame de Montréal, le collège Saint-Césaire à Montérégie et de l’école Notre-Dame à Bas-Saint-Laurent, gérés par la congrégation de Sainte-Croix. Les victimes des membres et de laïcs de la congrégation des frères de Sainte-Croix recevront entre 10 000 $ et 250 000 $ chacune selon la gravité estimée des préjudices [10],[11].

Frères chrétiens modifier

 
L'Orphelinat du Mount Cashel

L’orphelinat du Mount Cashel situé à Saint-Jean de Terre-Neuve au Canada, géré par les Frères chrétiens a été le lieu de sévices moraux, physiques et sexuels à l'égard des enfants pensionnaires de l'établissement[12].

Frères du Sacré-Cœur modifier

À la suite de deux actions collectives pour des sévices sexuels au Canada, un protocole d'accord, signé en septembre 2021, permet le versement de 60 millions de dollars aux victimes des Frères du Sacré-Cœur.

Le prêtre québécois Marcel Courteau, membre des Frères du Sacré-Cœur, est accusé d'avoir agressé des enfants à Madagascar, au Sénégal et au Togo[13].

Clercs de Saint-Viateur modifier

En juin 2020, 5 membres des Clercs de Saint-Viateur, sont arrétés par la police québécoise pour des accusations « d’agression sexuelle, de grossière indécence et d’attouchement sexuel ». Il s'agit de Jean Pilon, Gérard Whissell, Laurent Madore, Roger Larue et Raoul Jomphe, âgés de 78 à 86 ans. Ils enseignaient dans des collèges situés à Rigaud, à Matane et à Pohénégamook[14].

Le prêtre Jean Pilon, est condamné à trois ans et demi de prison en juillet 2021 à Salaberry-de-Valleyfield après avoir avoué des agressions sexuelles envers 12 enfants. Les faits se sont déroulés de 1982 à 1990 au sein du collège Bourget situé à Rigaud en Montérégie au Québec[15].

En 2016, le prêtre Ronald Léger, membre des Clercs de Saint-Viateur, est condamné à deux ans de prison pour avoir agressé sexuellement trois enfants âgés de 9 à 18 ans entre 1980 et 2004[16],[17].

Oblats de Marie-Immaculée modifier

Le , l'émission Enquête de Radio-Canada dévoile que près de dix missionnaires Oblats de Marie-Immaculée auraient agressé sexuellement des enfants et des femmes. À l'initiative de Noëlla Mark, victime alléguée de l'Oblat Alexis Joveneau, un recours collectif est engagé à l'encontre des Oblats de Marie-Immaculée. Sont invités à se joindre à cette action les victimes entre 1950 et 2018 par « tout religieux, membre ou employé » des Missionnaires oblats de Marie-Immaculée[18].

Religieux de Saint-Vincent-de-Paul modifier

Sœurs de la charité modifier

  • 2020, Une action collective à l'égard des Sœurs de la charité de Québec est engagée le 6 août 2020 par 330 victimes âgées de 6 à 10 ans à l'époque des faits entre 1925 et 1996. Ces allégations d'abus concernent 71 adultes dont 55 religieuses au sein de l’orphelinat Mont d’Youville à Beauport[22].
  • 2021, À l'initiative de la Maison des femmes sourdes de Montréal, une action collective est engagée à l'égard des Sœurs de la charité de Montréal. Une quarantaine d'anciennes élèves ou pensionnaires à l’Institut des Sourdes-Muettes de Montréal affirment avoir été agressées[23].

Pensionnats autochones modifier

À partir des années 1990, des milliers d'autochtones ayant séjourné dans des pensionnats religieux attaquent en justice le Gouvernement du Canada et les Églises Catholique, Anglicane, Unie et Presbytérienne pour « abus sexuels », maltraitance et « génocide culturel » commis entre 1880 et 1984[24]. Le gouvernement avait donné pour mission aux Églises l'assimilation des Amérindiens[25]. Les parents autochtones étaient tenus d'envoyer leurs enfants dans ces pensionnats (residential schools) sous peine d'emprisonnement[26][réf. incomplète].

On estime à plus de 100 000 le nombre d'enfants autochtones qui ont fréquenté ces pensionnats. Ceux-ci ont mis fin à leurs activités au début des années 1980[25]. Plusieurs anciens étudiants ont porté plainte, dans la décennie suivante, contre le gouvernement et les groupes religieux qui administraient ces établissements. La plupart d'entre eux étaient tenus par des responsables catholiques. Ainsi, en 1945, 45 pensionnats sur 76 étaient sous la responsabilité de l'Église catholique[25]. Les Amérindiens ont été victimes de brutalités et de violences. Une partie des élèves a subi des abus sexuels[25]. En 2008, l'Église catholique a versé aux anciens élèves des indemnités s'élevant à 79 millions de dollars canadiens[25].

Le , le pape Benoît XVI a reçu une délégation du peuple amérindien. Il leur a déclaré sa peine face à « l'angoisse causée par la conduite déplorable de certains membres de l'Église » envers les Indiens du Canada[25].

Prêtres, cardinaux et religieuses modifier

Filmographie modifier

  • Le documentaire Le Silence, sorti en 2021, évoque les agressions sexuelles de prêtres catholiques perpétrées pendant des décennies en Acadie. De nombreux prêtres comme Camille Léger à Cap-Pelé, Lévi Noël à Bathurst ou encore Yvon Arsenault ont agressé des centaines d'enfants. Des victimes de ces prêtres pédophiles décident de rompre le silence et s'expriment dans ce documentaire[33],[34]. L'archevêque Valéry Vienneau a refusé de s'y exprimer préférant garder le silence[35].
  • En 2022, Priez pour nous, de Jean-François Poisson et Sophie Charest, présente le témoignage de plusieurs victimes de l'Église catholique. Celle-ci, invitée à participer au documentaire, a refusé de s'exprimer. Pour le réalisateur ce « jeu du silence dure, comme si nous étions restés dans les années 1950. Leur complicité est révoltante »[36],[37].
  • Le documentaire Secrets et péchés de l'Église de Manu Chataigner et Jules Richer, sorti en 2022, montre, notamment à travers le cas du prêtre Brian Boucher, comment l'Église catholique a protégé implicitement les prêtres pédophiles au détriment des victimes[38].

Références modifier

  1. Philippe Lanoix-Meunier, « Abus sexuels sur des mineurs: action collective contre le Diocèse de Saint-Jean-Longueuil », Le Courrier du Sud, (consulté le ).
  2. « Les évêques du Canada lancent une plateforme pour dénoncer les abus sexuels au sein de l’épiscopat », La Croix, (consulté le ).
  3. « Le diocèse d’Amos visé par un recours en justice pour des agressions sexuelles de prêtres », sur Le Devoir, (consulté le )
  4. « Action collective contre le diocèse d’Amos : les procédures se poursuivent », sur Radio Canada, (consulté le )
  5. « Abus dans l’Église : l’ombudsman pointe leur caractère « quasi institutionnel » », Radio Canada, (consulté le ).
  6. Marie Christine Kirouack, « Rapport trimestriel de l’Ombudsman de l’Archidiocèse de Montréal », Diocèse de Montréal, 08/017/2021 (consulté le ).
  7. Sébastien Tanguay, « Le pape reconnaît les crimes sexuels du clergé », sur Le Devoir, (consulté le ).
  8. « Plaintes contre les prêtres : l’ex-juge Pepita Capriolo estime que l’Église montréalaise est contrôlée par une caste. », Le Journal de Montréal, (consulté le )
  9. « Inertie face aux abus dans l’Eglise québécoise : «Je ne veux pas que mon nom soit associé à l’inacceptable» », Libération, (consulté le )
  10. Brian Myles, « Agressions sexuelles: entente entre les frères de Sainte-Croix et les victimes du Collège Notre-Dame », Le Devoir, (consulté le ).
  11. « Des cas d'agressions sexuelles dénoncés », Radio Canada, 03/17/2010 (consulté le ).
  12. Zone Justice et faits divers- ICI.Radio-Canada.ca, « L'Église jugée responsable des agressions à Mount Cashel », sur Radio-Canada.ca, (consulté le )
  13. « Un ex-missionnaire québécois admet avoir agressé des enfants », sur La Presse, (consulté le )
  14. « Pédophilie : cinq prêtres et frères arrêtés à Joliette », sur Journal de Montréal, (consulté le )
  15. « Un clerc de Saint-Viateur prend la route de la prison pour avoir abusé sexuellement de 12 enfants », sur Le Devoir, (consulté le )
  16. « Ronald Léger : décès de l'ancien prêtre accusé d'agression sexuelle », Radio Canada,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. (en) « Former Winnipeg priest, convicted sex offender facing additional charges dies », CTV News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. Anne Panasuk, « Le silence des Oblats », ICI Radio-Canada.ca,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. a et b « Accusé de viol sur mineur, le prêtre Denis Vadeboncœur reconnaît ses torts », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. « Décès du curé pédophile Denis Vadeboncoeur », Le Soleil,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. « (Montréal) Une action collective contre les religieux de Saint-Vincent-de-Paul pourra aller de l’avant. », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. (en) « Action collective pour abus visant les Sœurs de la Charité de Québec », sur Catch.ch, (consulté le )
  23. « Allégations d’abus contre des filles sourdes Une demande d’action collective est déposée contre des religieuses », sur La Presse, (consulté le )
  24. Site Hidden from History: The Canadian Holocaust
  25. a b c d e et f « Les regrets du pape aux Amérindiens canadiens », La Croix, (consulté le ).
  26. Commission de vérité et réconciliation du Canada, « Le Canada, les peuples autochtones et les pensionnats : Ils sont venus pour les enfants », 2012, Truth and Reconciliation Commission of Canada,‎ , p. 124 (lire en ligne [PDF])
  27. « Pour dédommager les victimes d’abus sexuels », Catch.ch,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. (en) CNA/EWTN News, « Vatican decries Canadian bishop's actions, offers prayers for diocese », Catholic News Agency, Cité du Vatican,‎ (lire en ligne).
  29. (en) CBC News, « Bishop Lahey gets time served for child porn », CBC News,‎ (lire en ligne).
  30. « Des religieuses auraient aussi agressé sexuellement des enfants », Le Devoir,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  31. Héloïse de Neuville et Alexis Gacon, « Le cardinal Lacroix, archevêque de Québec, visé par des accusations d’agressions sexuelles », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. « Le cardinal Lacroix «nie» les accusations d'agression sexuelle, interrompt ses activités », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le )
  33. « Des victimes de prêtres pédophiles rompent le silence en Acadie », sur Radio Canada, (consulté le )
  34. « Renée Blanchar prête sa voix aux silences forcés », sur Le Devoir, (consulté le )
  35. « Le silence: un film qui nous rentre dedans comme une masse d’acier », sur L'Acadie nouvelle, (consulté le )
  36. Amélie Revert, « «Priez pour nous»: un silence monacal glaçant », sur Le Devoir, (consulté le )
  37. « Nouvelle série documentaire : lever le voile sur les abus de l’Église », sur La Presse, (consulté le )
  38. « Des abus sexuels camouflés par l’église pendant 30 ans. », Le Journal de Montréal, (consulté le )

À voir modifier

Bibliographie modifier

  • Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Mathieu Périsse, Église, la mécanique du silence, Lattès, , 374 p. (ISBN 978-2-7096-5938-3)  

Articles connexes modifier