Abus sexuels dans la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée

Les abus sexuels dans la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée désignent les sévices sexuels commis au sein de cette institution par certains de ses clercs et agents pastoraux.

Historique modifier

Le , l'émission Enquête de Radio-Canada dévoile que dix oblats auraient agressé sexuellement des enfants et des femmes. Les victimes de ces agresseurs ont principalement été des autochtones. La journaliste rapporte que les victimes ont porté plainte à répétition contre les agresseurs, mais que les autorités religieuses de l'époque avaient préféré étouffer le problème[1].

En 2018, à l'initiative de Noëlla Mark, victime alléguée de l'Oblat Alexis Joveneau, un recours collectif est engagé contre les Oblats de Marie-Immaculée. Sont invités à se joindre à cette action les victimes entre 1950 et 2018 par « tout religieux, membre ou employé » des Missionnaires oblats de Marie-Immaculée[1].

En novembre 2021, l’action collective intentée par les victimes alléguées d’agressions sexuelles au Canada par des Oblats de Marie-Immaculée est autorisée. Plus de 200 personnes y sont inscrites. Les Oblats concernés par ce recours sont notamment : Alexis Joveneau, Omer Provencher, Edmond Brouillard, Raynald Couture et Édouard Meilleur[2].

Pensionnats pour Autochtones modifier

Le National Post estime le nombre de personnes ayant commis des agressions sexuelles à 5 000 pendant le siècle que durèrent les pensionnats pour les Autochtones, mais moins de 1 % ont été condamnées[3]. Les missionnaires Oblats de Marie-Immaculée ont géré, au Canada, 48 pensionnats indiens. De nombreux anciens élèves allèguent d'abus sexuels et physiques [4],[5].

 
Patinoire du pensionnat autochtone de Sept-Îles.
  • Ainsi au pensionnat autochtone de Sept-Îles, dans la réserve indienne du Maliotenam au Québec, des anciens pensionnaires témoignent de sévices dont des abus sexuels qui les marquèrent à jamais. Une victime explique : « Ça se faisait le soir, quand on vient te chercher et on te fait des affaires que tu ne comprends pas. Tu es mêlé. Ça fait comme une honte quand tu retournes dans ta communauté. Ce n’est pas facile ». Jean-Guy Pinette évoque lui les agressions lors des activités sportives : « Il y avait une patinoire et à côté il y avait une cabane. Le frère m’a entré dans la cabane et a fermé la porte. Il a allumé une petite lumière et s’est collé à moi.... Quand ça a été fini, il m’a donné un bâton de hockey. Quand je suis sorti de la cabane, je me suis senti bizarre. Je me suis senti perdu. Je ne savais plus où m'orienter. J’étais tout jeune. Quelque chose s'est passé dans cette petite cabane-là. » [6].
  • Le pensionnat pour Autochtones de l’île Kuper[7], actuelle île Penelakut, se situe en Colombie-Britannique. Le prêtre Oblat Glenn Doughty a été condamné à trois ans de prison pour abus sexuels sur des enfants du pensionnat. Il s'agisait de sa quatrième condamnation, chacune étant suivie de déplacements, par la congrégation des Oblats à travers le Canada. Le prêtre pédophile John McCann a aussi vécu dans le pensionnat avant sa condamnation[8].
  • Richard Kistabish est enlevé à l'âge de 6 ans pour être placé au pensionnat autochtone d'Amos (Saint-Marc-de-Figuery) en 1955. Cet ancien chef de sa communauté de Pikogan indique : « J’entends encore les fantômes de mes camarades, Hubert, Michel, Dominique, André. Ceux qui pleuraient dans leur lit le soir après avoir été emmenés dans la chambre d’un prêtre. Ceux qui ont tenté de s’échapper ou même de se suicider ». Sur place il retrouve l'emplacement de l'ancienne chapelle, elle aussi détruite, quatre enfants ont été violés dans le confessionnal[9].
  • En 2022, le prêtre Arthur Massé, âgé de 92 ans, est accusé d'agressions sexuelles au sein du pensionnat pour autochtones de Fort Alexander situé dans le territoire de l'actuelle Première Nation de Sagkeeng au Manitoba[10].

Affaires jugées modifier

Oblats de Marie-Immaculée condamnés pour abus sexuels
Nom Prénom Lieux des agressions Condamnation et date du jugement Précision
Brouillard Edmond Communautés Anishnabées en Abitibi puis déplacé chez les Algonquins de Kitcisakik. Cinq ans de prison (1996) Condamné pour agressions sexuelles de 6 enfants, il vit en 2018 dans la résidence des Oblats de Notre-Dame-du-Cap, à Trois-Rivières[11],[1].
Couture Raynald Communauté des Attikameks de Wemotaci. Quinze mois de prison (2004) Il a agressé neuf enfants, quatre se sont suicidés. Il se réfugie en France en 1991, puis il est condamné en 2004[12],[13].
Dejaeger Éric Territoire du Nunavut Cinq ans de prison (1990) puis dix neuf ans dans le deuxième procès (2015). Éric Dejaeger est condamné pour le viol de 8 enfants. Puis, lors du deuxième procès pour des agressions sexuelles sur 22 enfants inuits[14],[15].
Doughty Glenn William Pensionnat de Williams Lake en Colombie-Britannique et pensionnat pour Autochtones de l’île Kuper. Quatre ans de prison (1991) puis 3 ans dans un deuxième procès (2002). Quatre condamnation dans différentes régions du Canada[8],[16].
McCann John (Jack) Paroisse St. Augustine à Vancouver et paroisse St. Peter à New Westminster en Colombie-Britannique. 10 mois de prison (1992). Agressions sexuelles de 2 adolescentes, puis affectation dans une paroisse sans que sa hiérarchie connaisse son passé pédophile[17],[18].
O'Connor Hubert Patrick Communautés autochtones de la Colombie-Britannique. Deux ans et demi de prison (1996). L'évêque Hubert Patrick O'Connor a violé deux femmes autochtones durant les années 1960 alors qu'il était prêtre[19].
Pirson Joseph Nord-du-Québec, en Basse-Côte-Nord et au Labrador. Un accord avec les victimes a mis fin au procès (2010). 10 victimes agressées sexuellement ont poursuivi le prêtre [1].

Autres dossiers modifier

  • Johannes Rivoire, missionnaire des Oblats de Marie-Immaculée, est accusé en 1991, d'agressions sexuelles sur des mineurs de la communauté Inuit. En 1993, il quitte le Canada et se réfugie en France, accueilli par les Oblats. En mars 2022, le leader de l'Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed (en), est reçu par le pape François et lui demande d'intervenir pour qu'il revienne au Canada pour répondre à ces accusations. Le 29 mars, la justice canadienne émet un nouveau mandat d’arrêt contre Johannes Rivoire[20],[21],[22]. Le ministère de la justice français indique qu’il refuse cette extradition car « conformément à sa tradition constitutionnelle, la France n’extrade pas ses nationaux ». Pour sa part Vincent Gruber, provincial des Oblats de Marie-Immaculée, annonce qu'il a engagé une procédure de renvoi canonique du prêtre. Par ailleurs les Inuits souhaitent déposer une plainte contre les Oblats de Marie-Immaculée : « Cette congrégation a apporté aide et assistance à une personne qui faisait l’objet de poursuites pour des actes criminels. Nous allons déposer plainte pour recel de criminel, pour que toute la lumière soit faite sur l’aide dont le père Rivoire a bénéficié dans sa fuite »[23]. Rivoire meurt en avril 2024 sans avoir été jugé[24].
  • Alexis Joveneau depuis les années 1950 jusqu’à sa mort, en 1992 a agressé sexuellement des dizaines de victimes : des Innus, des Blancs, dont sa nièce Marie-Christine Joveneau[25]. À l'époque de ces agressions, il était difficile pour les victimes et leurs familles de dénoncer Alexis Joveneau. Ces communautés Innus étaient doublement isolées du reste du Québec. D'abord par l'isolement géographique mais aussi à cause de la langue. Par ailleurs Alexis Joveneau agressait ses victimes au nom de Dieu[26].
  • Omer Provencher appartient à la congrégation des Oblats entre 1958 et 1980, il a travaillé dans les pensionnats à Sept-Îles et à Maliotenam. Il est soupçonné d'abus sexuels à l'égard des populations Innus. Il a quitté la congrégation en 1980 et s'est installé à Québec, il s'est alors marié et a travaillé dans un commerce de meuble[27].
  • Jean-Guy Lavoie est accusé d'abus sexuels sur un enfant de 15 ans dans les années 1980 dans la Baie-des-Chaleurs, en Gaspésie[28]. Âgé de 89 ans en 2022, il est déclaré inapte à subir son procès[29].
  • Camille Piché est jugé en mars 2023 pour attentat à la pudeur à l'égard d'une femme, entre le 1er janvier 1981 et le 31 décembre 1982, à Fort Simpson, aux Territoires du Nord-Ouest[30].

Références modifier

  1. a b c et d Anne Panasuk, « Le silence des Oblats », ICI Radio-Canada.ca,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. Delphine Jung, « L’action collective contre les Oblats accusés d’agressions sexuelles va de l’avant », sur Radio Canada, (consulté le ).
  3. (en) « Why so many sexual predators at Indian Residential Schools escaped punishment », sur National Post, (consulté le )
  4. « Pensionnats autochtones: les Oblats rendront publiques leurs archives », sur TVA Nouvelles, (consulté le )
  5. « Histoire des pensionnats indiens catholiques au Québec. Le rôle déterminant des pères oblats. », sur Revue : Recherches amérindiennes au Québec, (consulté le )
  6. « Pensionnat autochtone de Sept-Îles : prendre la parole pour faire connaître l’histoire », sur Radio Canada, (consulté le )
  7. « Kuper Island, BC - 1890 -1975 », sur National Center for truth and Reconciliation, (consulté le )
  8. a et b « Abus dans les pensionnats : une pension gratuite pour des prêtres choque les victimes », sur Radio Canada, (consulté le )
  9. Hélène Jouan, « Au Canada, l’horreur des pensionnats pour enfants autochtones », sur Le Monde, (consulté le )
  10. « Le prêtre Arthur Massé absent à sa 1re audience au tribunal, la présumée victime déçue », sur Radio Canada, (consulté le )
  11. « Pensionnat déguisé: les Algonquins de Kitcisakik réclament justice », sur Journal de Québec, (consulté le )
  12. « Entre la honte et la révolte », sur Le Devoir, (consulté le )
  13. « Un prêtre pédophile caché par les Oblats pendant 16 ans », sur Journal de Montréal, (consulté le )
  14. Un ex-missionnaire dans le Grand Nord condamné pour pédophilie. Radio Canada, 4 février 2015.
  15. Canada: 19 ans de prison pour un ex-prêtre belge pour pédophilie. L'Express, 4 février 2015.
  16. (en) « Oblate brother faces dozens of sex charges. », sur The Globe and Mail, (consulté le )
  17. (en) « Priest convicted of sex abuse and jailed in 1992 is now back in ministry in Ottawa; SNAP responds. », sur Survivors Network of those Abused by Priests, (consulté le )
  18. (en) « Ottawa Archdiocese Removes Priest Convicted of Sex Crimes in 1990s from East-Side Catholic Church. », sur BishopAccountability.org, (consulté le )
  19. « Agresseur, mais toujours Oblat », sur Journal de Montréal, (consulté le )
  20. Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Mathieu Périsse.2017, p. 373
  21. « Le Grand Nord canadien encore hanté par le père Rivoire, accusé d’agressions sexuelles sur de jeunes Inuits », sur Le Monde, (consulté le )
  22. Zone Justice et faits divers- ICI.Radio-Canada.ca, « Accusations d’agressions sexuelles contre un prêtre français suspendues : « C'est répugnant », dit la famille des victimes », sur Radio-Canada.ca, (consulté le )
  23. « Abus sexuels : une plainte déposée contre la congrégation du prêtre Joannes Rivoire », sur La Croix, (consulté le ).
  24. « Rhône. Lyon : accusé d’agressions sexuelles sur des enfants au Canada, le père Rivoire est décédé », sur www.leprogres.fr (consulté le )
  25. « Encore plus de religieux visés pour des agressions sexuelles », sur Journal de Montréal, (consulté le )
  26. « Il agressait sexuellement les Innus au nom de Dieu », sur Journal de Montréal, (consulté le )
  27. « L’autre oblat visé était un collègue de Joveneau », sur Journal de Québec, (consulté le )
  28. « Gaspésie: un ancien prêtre arrêté pour agressions sexuelles », sur Journal de Québec, (consulté le )
  29. « L’oblat accusé de crimes sexuels à New Richmond déclaré inapte à subir son procès », sur Radio Canada, (consulté le )
  30. « Un ancien prêtre des T.N.-O. accusé d’attentat à la pudeur », sur Radio Canada, (consulté le )

À voir modifier

Articles connexes modifier

Lien externe modifier