Protéine M2

famille InterPro

La protéine M2 est une protéine de matrice du virus de la grippe A, dont elle est une protéine membranaire intégrale de l'enveloppe. Elle forme une viroporine spécifique des protons H+. Ce canal ionique est un homotétramère de protéines M2 qui se présentent comme des hélices α stabilisées par deux ponts disulfure et qui est actif à pH acide. La protéine M2 est codée, avec la protéine M1, par le septième segment d'ARN viral. La conductance protonique du canal M2 est essentielle pour la réplication virale.

Protéine M2
Description de cette image, également commentée ci-après
Structure de l'état fermé du canal ionique M2 du virus de la grippe A imagée par RMN (PDB 1NYJ[1])
Domaine protéique
Pfam PF00599
InterPro IPR002089
SCOP 1mp6
SUPERFAMILY 1mp6
TCDB 1.A.19
Famille OPM 185
Protéine OPM 2kqt

Le virus de la grippe B et le virus de la grippe C codent chacun une protéine appelée respectivement BM2 et CM2 dont la séquence peptidique est différence mais la structure et la fonction biologique sont semblables à celles de la protéine M2[2].

Structure modifier

La protéine M2 du virus de la grippe A est formée de trois domaines totalisant 97 résidus d'acides aminés : (1) un domaine N-terminal extracellulaire constituée par les résidus no 1 à 23 ; (2) un domaine transmembranaire constitué par les résidus no 24 à 46 ; (3) un domaine C-terminal cytoplasmique constitué par les résidus no 47 à 97. Le segment transmembranaire, noté TMS, forme le pore du canal ionique. Les résidus importants sont l'imidazole de l'histidine 37, qui joue le rôle de détecteur de pH, et l'indole du tryptophane 41, qui joue le rôle de porte[3]. Ce domaine est la cible de certains antiviraux comme l'amantadine, son dérivé éthylé la rimantadine, et probablement aussi son dérivé méthylé l'adapromine. Les 17 premiers résidus du domaine cytoplasmique de la protéine M2 forment une hélice amphiphile hautement conservée[4].

Les résidus amphiphiles no 46 à 62 de l'hélice de la queue cytoplasmique jouent un rôle dans l'assemblage et le bourgeonnement du virus. Le virus de la grippe utilise les hélices amphiphiles de la protéine M2 pour modifier la courbure de la membrane à l'aide de molécules de cholestérol au niveau du col à la base du bourgeonnement du virion[5]. Les résidus no 70 à 77 de la queue cytoplasmique sont importants pour la liaison avec la protéine M1 et pour l'infectivité (en) des particules virales produites. Cette région contient également un domaine de liaison à cavéoline, noté CBD. L'extrémité C-terminale du canal se prolonge dans une boucle au niveau des résidus no 47 à 50 qui relie le domaine transmembranaire à l'hélice amphiphile C-terminale, laquelle comprend les résidus no 46 à 62. Deux structures à haute résolution différentes de formes tronquées de protéine M2 ont été publiées : la structure cristallisée d'une forme mutée de la région transmembranaire (résidus no 22 à 46)[6] ainsi qu'une version plus longue de la protéine (résidus no 18 à 60) contenant la région transmembranaire et un segment du domaine C-terminal analysée par RMN[7].

Ces deux structures suggèrent également des sites de liaison différents pour les antiviraux de la classe des adamantanes. Selon la structure cristallisé à pH faible, une molécule d'amantadine unique se lie au milieu du pore, entourée par les résidus Val27, Ala30, Ser30 et Gly34. La structure étduiée par RMN, quant à elle, montre quatre molécules de rimantadine liées à l'extérieur du pore sur le bord au contact avec la bicouche lipidique et interagissant avec les résidus Asp44 et Arg45. Une étude par spectroscopie RMN montre que le canal M2 présente deux sites de liaison pour l'amantadine, un site d'affinité élevée du côté du lumen C-terminal et un autre site, d'affinité plus faible, du côté C-terminal sur la surface de la protéine[8].

Protéine M2 du virus de la grippe B modifier

Le protéine M2 du virus de la grippe B est un homotétramère de chaînes peptidiques longues de 109 résidus d'acides aminés. C'est un homologue fonctionnel de la protéine M2 du virus de la grippe A, bien que la séquence de ces deux protéines ne présente pratiquement aucune similitude, hormis le motif HXXXW — HisXaaXaaXaaTrp — du segment transmembranaire, séquence nécessaire à la fonction de canal ionique. Son profil conductance protonique / pH est semblable à celui de la protéine M2 du virus de la grippe A. Le canal ionique de la protéine M2 du virus de la grippe B est cependant plus élevée, et cette activité est totalement insensible à l'amantadine et à la rimantadine[2].

Sélectivité et conductance protonique modifier

Le canal ionique de la protéine M2 du virus de la grippe A et du virus de la grippe B est très sélectif pour les protons. Ce canal est activé par un pH faible (acide) et a une faible conductance[9]. Cette sélectivité pour les protons et cette modulation de la conductance par le pH proviennent des résidus d'histidine en position 37 (His37). Le remplacement de ce résidu d'histidine par de la glycine, de l'alanine, du glutamate, de la sérine ou de la thréonine conduit à la perte de la sélectivité pour les protons et la protéine mutante peut également transporter des ions sodium Na+ et potassium K+. L'adjonction d'imidazole à des cellules exprimant de telles protéines modifiées permet de restaurer partiellement la sélectivité pour les protons[10]. Il est possible que le mécanisme de conduction implique un échange de protons entre l'imidazole du résidu d'histidine 37 de la protéine M2 et des molécules d'eau confinées dans l'intérieur du canal de cette protéine[11].

Les molécules d'eau dans les pores forment des réseaux liés par liaisons hydrogène formant des « câbles aqueux » à partir de l'entrée du canal vers résidu His37. Les groupes carbonyle qui tapissent les pores sont situés aux bons endroits pour stabiliser les ions hydronium à travers des interactions impliquant des molécules d'eau de pontage. Le basculement collectif de l'orientation des liaisons hydrogène pourrait contribuer à la directionnalité du flux de protons dans la mesure où le résidu d'histidine 37 est protoné et déprotoné dynamiquement au cours du cycle de conduction[12]. Les résidus d'histidine 37 forment une structure en forme de boîte délimitée de part et d'autre par des grappes de molécules d'eau avec des atomes d'oxygène bien ordonnés à proximité.

Notes et références modifier

  1. (en) Katsuyuki Nishimura, Sanguk Kim, Li Zhang et T. A. Cross, « The Closed State of a H+ Channel Helical Bundle Combining Precise Orientational and Distance Restraints from Solid State NMR », Biochemistry, vol. 41, no 44,‎ , p. 13170-13177 (PMID 12403618, DOI 10.1021/bi0262799, lire en ligne)
  2. a et b (en) Rafal M. Pielak et James J. Chou, « Influenza M2 proton channels », Biochimica et Biophysica Acta (BBA) - Biomembranes, vol. 1808, no 2,‎ , p. 522-529 (PMID 20451491, PMCID 3108042, DOI 10.1016/j.bbamem.2010.04.015, lire en ligne)
  3. (en) Yajun Tang, Florina Zaitseva, Robert A. Lamb et Lawrence H. Pinto, « The Gate of the Influenza Virus M2 Proton Channel Is Formed by a Single Tryptophan Residue », Journal of Biological Chemistry, vol. 277, no 42,‎ , p. 39880-39886 (PMID 12183461, DOI 10.1074/jbc.M206582200, lire en ligne)
  4. (en) L. J. Holsinger, D. Nichani, L. H. Pinto et R. A. Lamb, « Influenza A virus M2 ion channel protein: a structure-function analysis », Journal of Virology, vol. 68, no 3,‎ , p. 1551-1563 (PMID 7508997, PMCID 236612, lire en ligne)
  5. (en) Jeremy S. Rossman, Xianghong Jing, George P. Leser, Robert A. Lamb et Show footnotes, « Influenza Virus M2 Protein Mediates ESCRT-Independent Membrane Scission », Cell, vol. 142, no 6,‎ , p. 902-913 (PMID 20850012, PMCID 3059587, DOI 10.1016/j.cell.2010.08.029, lire en ligne)
  6. (en) Amanda L. Stouffer, Rudresh Acharya, David Salom, Anna S. Levine, Luigi Di Costanzo, Cinque S. Soto, Valentina Tereshko, Vikas Nanda, Steven Stayrook et William F. DeGrado, « Structural basis for the function and inhibition of an influenza virus proton channel », Nature, vol. 451, no 7178,‎ , p. 596-599 (PMID 18235504, PMCID 3889492, DOI 10.1038/nature06528, Bibcode 2008Natur.451..596S, lire en ligne)
  7. (en) Jason R. Schnell et James J. Chou, « Structure and mechanism of the M2 proton channel of influenza A virus », Nature, vol. 451, no 7178,‎ , p. 591-595 (PMID 18235503, PMCID 3108054, DOI 10.1038/nature06531, Bibcode 2008Natur.451..591S, lire en ligne)
  8. (en) Sarah D. Cady, Klaus Schmidt-Rohr, Jun Wang, Cinque S. Soto, William F. DeGrado et Mei Hong, « Structure of the amantadine binding site of influenza M2 proton channels in lipid bilayers », Nature, vol. 463, no 7281,‎ , p. 689-692 (PMID 20130653, PMCID 2818718, DOI 10.1038/nature08722, Bibcode 2010Natur.463..689C, lire en ligne)
  9. (en) Jorgen A. Mould, Hui-Chun Li, Christine S. Dudlak, James D. Lear, Andrew Pekosz, Robert A. Lamb et Lawrence H. Pinto, « Mechanism for Proton Conduction of the M2 Ion Channel of Influenza A Virus », Journal of Biological Chemistry, vol. 275, no 12,‎ , p. 8592-8599 (PMID 10722698, DOI 10.1074/jbc.275.12.8592, lire en ligne)
  10. (en) Padmavati Venkataraman, Robert A. Lamb et Lawrence H. Pinto, « Chemical Rescue of Histidine Selectivity Filter Mutants of the M2 Ion Channel of Influenza A Virus », Journal of Biological Chemistry, vol. 280, no 22,‎ , p. 21463-21472 (PMID 15784624, DOI 10.1074/jbc.M412406200, lire en ligne)
  11. (en) Rudresh Acharya, Vincenzo Carnevale, Giacomo Fiorin, Benjamin G. Levine, Alexei L. Polishchuk, Victoria Balannik, Ilan Samish, Robert A. Lamb, Lawrence H. Pinto, William F. DeGrado et Michael L. Klein, « Structure and mechanism of proton transport through the transmembrane tetrameric M2 protein bundle of the influenza A virus », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 107, no 34,‎ , p. 15075-15080 (PMID 20689043, PMCID 2930543, DOI 10.1073/pnas.1007071107, Bibcode 2010PNAS..10715075A, lire en ligne)
  12. (en) Jessica L. Thomaston, Mercedes Alfonso-Prieto, View ORCID ProfileRahel A. Woldeyes, James S. Fraser, Michael L. Klein, Giacomo Fiorin et William F. DeGrado, « High-resolution structures of the M2 channel from influenza A virus reveal dynamic pathways for proton stabilization and transduction », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 112, no 46,‎ , p. 14260-14265 (PMID 26578770, PMCID 4655559, DOI 10.1073/pnas.1518493112, Bibcode 2015PNAS..11214260T, lire en ligne)