Nakhitchevan

république autonome de l'Azerbaïdjan
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République autonome du Nakhitchevan

Naxçıvan Muxtar Respublikası (az)

Blason de République autonome du Nakhitchevan
Armoiries.
Drapeau de République autonome du Nakhitchevan
Drapeau.
Image illustrative de l’article Nakhitchevan
Carte de localisation du Nakhitchevan.
Administration
Pays Drapeau de l'Azerbaïdjan Azerbaïdjan
Statut politique Territoire autonome de l'Azerbaïdjan
Capitale Nakhitchevan
Président de l'Assemblée suprême Anar İbrahimov (az)
Chef du gouvernement Fuad Nəcəfli (az)
Démographie
Population 400 000 hab. (2009)
Densité 73 hab./km2
Langue(s) Azéri
Géographie
Coordonnées 39° 20′ nord, 45° 30′ est
Superficie 5 502 km2
Divers
Fuseau horaire UTC + 4

Le Nakhitchevan (en azéri : Naxçıvan ; en arménien Նախիջեվան) est une région du Caucase qui constitue aujourd'hui une république autonome et une région économique d'Azerbaïdjan, la république autonome du Nakhitchevan, dont la ville principale et chef-lieu porte le même nom. La région était un canton de la province historique arménienne du Vaspourakan.

Le Nakhitchevan a des frontières avec l'Iran, l'Arménie et la Turquie, mais sans continuité territoriale avec la partie principale de l'Azerbaïdjan. Les tensions persistantes avec l'Arménie entravent toute communication directe entre le Nakhitchevan et le reste de l'Azerbaïdjan, accentuant son isolement en tant qu'exclave. Mais cette région est épargnée par la guerre entre ces deux voisins, en partie grâce à la Turquie, alliée de l'Azerbaïdjan, exerçant le rôle de garant selon les termes du traité de Moscou signé entre les Kémalistes et les Soviétiques en 1921[1].

Étymologie modifier

D'après le philologue allemand du XIXe siècle Johann Heinrich Hübschmann, le nom « Nakhitchevan » signifie littéralement en arménien « l'endroit de la descente », référence biblique à la descente de Noé depuis son arche supposée sur le mont Ararat voisin. Hübschmann note toutefois que ce nom n'était pas utilisé sous l'Antiquité et que le nom d'origine était plutôt « Naxcavan ». Le préfixe « Naxc » provient d'un nom et avan (ou van) signifie « ville » ou « village » en arménien[2].

Histoire modifier

Histoire antique et médiévale modifier

Le Nakhitchevan a changé de domination à plusieurs reprises à travers l'histoire : ce canton de la province de Vaspourakan[3], une des provinces de l'Arménie historique[4], passe, après la chute des Arsacides, sous domination perse puis arabe ; revenu dans l'orbite arménienne avec les Bagratides, il est disputé entre les Arçrouni du Vaspourakan, les Siouni de Siounie et les émirs arabes de Dvin.

Submergée par l’invasion des Seldjoukides, la région est incluse entre 1135 et 1225 dans le royaume fondé par l’atabeg Chams al-Dine Eldigouz (mort en 1175). Elle subit ensuite la domination des Mongols et de leurs successeurs directs les Ilkhanides musulmans (1231-1340), celle de l’éphémère empire des Timourides (1382-1405) et de ses successeurs turcomans, les Qara Qoyunlu de 1405-1468 puis les Aq Qoyunlu de 1468-1501[5].

Guerres ottomano-persanes modifier

 
Soliman le Magnifique marche contre Nakhitchevan, été 1554.

La région est incluse une première fois dans l’empire des Séfévides en 1502, et ensuite, après de longues luttes indécises, dans l’Empire ottoman à partir de 1588/1589 jusqu’au début du XVIIe siècle[5]. Dès 1620, le Nakhitchevan revient dans l’Empire séfévide, sauf pendant la période 1635/1636, jusqu’au début du XVIIIe siècle. La région est laissée exsangue et dépeuplée par la politique de la « terre brûlée » appliquée successivement par les Séfévides et les Ottomans[6].

En 1747, sous la dynastie locale des Kangarlou, le khanat de Nakhitchevan parvient toutefois à s'émanciper de la tutelle iranienne.

Période russo-soviétique modifier

Les khanats de Nakhitchevan et Erevan sont annexés par la Russie en 1828. Le Nakhitchevan se voit ensuite inclus dans l'oblast arménien[7], puis dans le gouvernement d'Erevan[8]. En mai 1905, la région est un des lieux de théâtre des massacres arméno-tatars[9]. En 1918, après l'armistice de Moudros, elle est brièvement gouvernée par la république démocratique d'Arménie[10].

Au moment de l'intégration de l'Arménie orientale dans l'Union soviétique, Staline décide en 1921 le rattachement de la région à l'Azerbaïdjan, avec un statut de Région autonome[11]. Ce rattachement est effectué avec l'accord de Lénine et confirmé par Staline dans l'accord signé en mars 1921 entre la république socialiste fédérative soviétique de Russie et la Turquie[12]. Il est finalisé le  : la région devient une république socialiste soviétique autonome[13].

Le Nakhitchevan, qui était peuplé d'un peu moins de 50 % d’Arméniens avant la soviétisation[14], a perdu quasiment toute sa population arménienne pendant l’ère soviétique à cause de mouvements d’émigration et d’une politique pro-azérie dans l’exclave : le ressentiment qui en découle côté arménien est également un facteur de tension dans les relations arméno-azéries jusqu'au XXIe siècle. La population arménienne du Nakhitchevan, estimée à 15 % en 1926 préfère quitter la république socialiste soviétique autonome du Nakhitchevan pour la république socialiste soviétique d'Arménie voisine. Dans les années 1980, il n'y a plus qu'1 à 2 % d'Arméniens au Nakhitchevan[14].

Fin 1947, le leader kurde azerbaïdjanais Jafar Bagirov proposa à Staline de rétablir un district autonome kurde, non plus à Latchin comme entre 1921 et 1932, mais dans le district de Norachen, dans la RSSA du Nakhitchevan. Ce district aurait été limitrophe du district turc à forte population kurde d'Iğdır et de Nor Bayazit (actuelle ville de Gavar) qui auraient pu ultérieurement y être annexés[15].

Histoire récente modifier

Les 30 et , près de 4 000 manifestants détruisent les installations frontalières avec l'Arménie et l'Iran sur 130 kilomètres, et exigent des terres et la libre circulation. Au départ, la réaction du gouvernement soviétique est inexistante et les insurgés croient en leur impunité. En une semaine, la révolte embrase tout l'Azerbaïdjan et la chasse aux Arméniens commence. Le , l'état d'urgence est décrété et le KGB envoie des renforts — 15 000 hommes des troupes d'élite.

Le , le Nakhitchevan proclame son indépendance « totale ».

Le , le gouvernement d'Azerbaïdjan a soumis au Conseil de l'Europe le projet de constitution de la république autonome du Nakhitchevan. À cet effet, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (« Commission de Venise ») a été saisie[16].

En 2005, après la destruction complète des gigantesques pierres tombales sculptées, appelées Khatchkar, et le déblayage des pierres brisées à Djoulfa, les Azerbaïdjanais ont construit un site militaire à la place de l’ancien cimetière arménien[17]. Les 89 églises arméniennes du Nakhitchevan ont été détruites depuis les années 1990[18].

Géographie modifier

Géographie physique modifier

Le Nakhitchevan est une région aride, semi-désertique et montagneuse située entre la rivière Araxe et les montagnes du Zanguezour : l'Araxe marque la frontière avec l'Iran et les monts Zanguezour avec l'Arménie. Le Nakhitchevan a une superficie de 5 500 km2[19],[20] Le point culminant du Nakhitchevan est le mont Kapydjik (3 904 m). La montagne du Serpent (appelée aussi Ilandag) culmine à 2 415 m.

 
Vue du Nakhitchevan.

Géographie humaine modifier

 
Vue aérienne de Nakhitchevan, la capitale.

Le Nakhitchevan compte sept raions auxquels s'ajoute la capitale, Nakhitchevan :

Division Superficie Population (2008) Capitale
1. Babek 1 170 68 800 Babek
2. Djoulfa 1 000 39 600 Djoulfa
3. Kangarli 682 26 600 Givrakh
4. Nakhitchevan 130 71 200 Nakhitchevan
5. Ordubad 970 43 600 Ordoubad
6. Sadarak 150 13 600 Heydarabad
7. Chakhbouz 920 22 000 Chakhbouz
8. Charour 478 99 000 Charour

 

Démographie modifier

Le Nakhitchevan est peuplé de 400 000 habitants (estimation 2009)[19], aujourd'hui en grande majorité d'origine turque (au sens large) et tatare, de religion musulmane chiite et de langue azérie. Des minorités russe et kurde subsistent. La population arménienne de la région a été expulsée en représailles à la guerre azerbaïdjano-arménienne au Haut-Karabagh dans les années 1990.

Culture modifier

Le territoire comptait des joyaux de la culture arménienne dont le cimetière de Julfa et ses milliers de khatchkars datant des XVe et XVIe siècles[21]. Il fut entièrement détruit par l'armée azerbaïdjanaise en décembre 2005[21] et il n'en reste aujourd'hui plus aucune trace.

On compte également des caravansérails, des mosquées et des mausolées.

Il existait au Nakhitchevan un réseau traditionnel de canaux d'irrigation souterrains plus connus sous le nom de chaheriz. Ces canaux souterrains, entièrement creusés à la main, permettaient de recueillir et d'amener à la surface l'eau de la nappe phréatique pour être consommée par les populations et pour l'agriculture. Ces systèmes d'approvisionnement en eau étaient largement utilisés mais ils ont été abandonnés après l'introduction de systèmes modernes de canalisation. Ces anciennes techniques de construction et de maintenance du réseau étaient connues sous le nom de kankan. Un programme de restauration financé par l'OIM a permis de commencer à réhabiliter ces anciens réseaux, et fin , 24 techniciens avaient été formés et 10 chaheriz remis en fonction, assurant l'approvisionnement en eau de 34 villages.

Dans la littérature modifier

Le Nakhitchevan est le théâtre de la mort suspecte de l'épouse de l'ambassadeur de France, sur laquelle Aurel le Consul enquête dans le roman de Jean-Christophe Rufin, Le flambeur de la Caspienne[22].

Notes et références modifier

  1. Gérard Chaliand (trad. Annick Pélissier), La dette de sang : un Arménien traque les responsables du génocide 1921-1922, Éditions Complexe, 2006 (ISBN 9782804800963), p. 53-54.
  2. Bill Crouse, « Noah's Ark: Its Final Berth » dans Archaeology and Biblical Research, vol. 5, n° 3, été 1992 [lire en ligne (page consultée le 21 octobre 2008)].
  3. (en) Richard G. Hovannisian (dir.), Armenian Van/Vaspourakan, Mazda, Costa Mesa, 2000 (ISBN 978-1-568-59130-8), p. 25.
  4. (en) Razmik Panossian, The Armenians: From Kings and Priests to Merchants and Commissars, Londres, Hurst & Co., (ISBN 978-1850657880), p.78.
  5. a et b (en) Robert H. Hewsen, Armenia: a Historical Atlas, University of Chicago Press, Chicago, 2001, p. 149.
  6. Antoine Constant, L’Azerbaïdajan, Karthala, Paris, 2002 (ISBN 2845861443), p. 167.
  7. Gérard Dédéyan, Histoire du peuple arménien, Toulouse, Privat, (ISBN 978-2-7089-6874-5), p.485.
  8. Dédéyan 2007, p. 486.
  9. (en) Michael P. Croissant, The Armenia-Azerbaijan Conflict: Causes and Implications, Greenwood Press, 1998 (ISBN 0-275-96241-5), p. 9.
  10. Panossian 2006, p. 245.
  11. (en) Tim Potier, Conflict in Nagorno-Karabakh, Abkhazia, and South Ossetia: A Legal Appraisal, p. 4 (ISBN 90-411-1477-7).
  12. Service canadien du renseignement de sécurité, L'Azerbaïdjan et l'Arménie: le territoire ou la paix ?, Commentaire no 18, mars 1992.
  13. Panossian 2006, p. 249.
  14. a et b Panossian 2006, p. 282.
  15. (en) Arthur Bagirov, « Stalin's Kurdish project », Russky Predprinimatel, .
  16. « Commission de Venise : Avis sur le projet de constitution de la République autonome du Nakhitchevan » (consulté le ).
  17. La destruction du cimetière de Djoulfa refait surface
  18. Morgane Bona, « Haut-Karabakh : comment la République d’Artsakh joue sa survie », sur marianne.net,
  19. a et b (en) « Nakhchivan Autonomous Republic », sur nakhchivan.az (consulté le ).
  20. « Nakhitchevan », sur larousse.fr (consulté le )
  21. a et b « Photos du cimetière avant la destruction et vidéos des soldats azerbaïdjanais détruisant les stèles » (consulté le ).
  22. Le flambeur de la Caspienne, Catalogue général de la Bibliothèque nationale de France

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier