Affaire de Nancy

évènement de la Révolution française
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L’affaire de Nancy est une mutinerie de la garnison de la ville de Nancy, qui eut lieu pendant la Révolution française, du au . L'officier André Désilles y trouve la mort.

Le Courage héroïque du jeune Désilles, le , à l'affaire de Nancy, Le Barbier, (Musée de la Révolution française, Vizille).
Héroïsme du jeune Desilles, Girardet (dessinateur) et Godefroy (graveur), [1].
Affaire de Nancy. Mort de Désille, le 31 aoust 1790, Prieur (dessinateur) et Berthault (graveur), [2].

Contexte modifier

Depuis , une insubordination plus ou moins larvée affecte l'ensemble de l'armée française : avancement et soldes sont bloqués, royalistes et jacobins s'affrontent parmi les officiers.

À partir du , la garnison de Nancy connait à son tour une rébellion, les soldats se persuadant que les officiers les volaient en raison de l'absence de décomptes relatifs à certaines retenues sur leur solde ; alors que les retenues pour linge et chaussures faisaient l'objet d'un décompte tous les quatre mois.

La garnison de Nancy est composée du régiment du Roi, du régiment suisse de Châteauvieux et du régiment Mestre de Camp Général cavalerie.

Elle réclamait sa solde et avait emprisonné ses officiers dont le général de Malseigne, envoyé depuis Besançon par La Fayette pour rétablir l'ordre[3].

Combats modifier

Le , La Tour du Pin fait voter par l'Assemblée nationale un décret qui « règle les mesures à prendre pour la punition des instigateurs et fauteurs des excès commis par les régiments en garnison à Nancy »[4]. Le , La Fayette donne l'ordre de réprimer la révolte ; pour faire un exemple[5].

Le marquis de Bouillé, gouverneur des Trois-Évêchés, la soumet après un combat de rues de quelques heures le . Il dispose pour cette opération de :

soit un total de 2 820 hommes d'infanterie et 8 pièces d'artillerie ;

soit au total 1 480 chevaux[6].

Les combats auront fait trois cents morts et blessés[7].

Sacrifice de Désilles modifier

 
Plaque commémorative sur la porte Désilles.

Près de la porte Stainville, l'officier André Désilles s'interpose entre ses soldats mutinés et les troupes de Bouillé, tentant d'éviter la mise à feu des canons. Il mourra deux mois plus tard de ses blessures[8].

Répression modifier

Conformément aux traités encadrant l'engagement des soldats suisses, un conseil militaire composés d'officiers des régiments de Castella et de Vigier et présidé par le lieutenant-colonel François Joseph de Girardier est formé pour instruire l'accusation de vol et de rébellions armées contre 138 soldats. Dans un premier temps, tous sont condamnés à mort mais la sentence est revue, et le [9] : deux soldats qui sont parvenus à s'échapper sont condamnés par contumace ; 72 sont emprisonnés ; 41 sont condamnés à trente ans de travaux forcés ; 22 sont pendus. Enfin, l'un des cinq membres du comité des rebelles, un Genevois nommé André Soret, est condamné au supplice de la roue ; il est vraisemblablement le dernier à subir ce supplice en France[réf. nécessaire].

Conséquences modifier

Ces évènements ont un écho important à Paris. Jean-Paul Marat publie un pamphlet L'Affreux réveil, avec les Jacobins il prend le parti des insurgés. Mais dans un premier temps ce sont les troupes de Bouillé qui sont célébrées et l'Assemblée nationale commande à Jean-Jacques Le Barbier un tableau commémoratif[8]. Le une fête funèbre est organisée au Champ de Mars, en l'honneur des citoyens de la garde nationale morts à Nancy[10]. On organise de nombreuses autres cérémonies partout en France. Deux pièces de théâtre sont montées à Paris : le Le nouveau d'Assas de Jean-Élie Bédéno Dejaure et Henri Montan Berton et le le tombeau de Désilles par Desfontaines-Lavallée.

Le , le régiment de Lauzun hussards, impliqué dans la répression de la mutinerie de Nancy, est cette fois l'auteur d'une « affaire de Belfort » lors de laquelle des officiers avinés parcourent la ville en criant « vive le roi, vivent les aristocrates, vive la canaille, au f. la nation ».

L'épisode de Nancy renforce le prestige de Bouillé sur les royalistes et convainc Louis XVI de la nécessité de quitter Paris, ce qui aboutira à la fuite de Varennes. Après cet épisode l'opinion bascule en faveur des insurgés.

En , Jean-Marie Collot d'Herbois défend les mutins qui ont été condamnés aux travaux forcés et obtient leur réhabilitation. En , après une marche de 25 jours depuis le bagne de Brest, ils arrivent à Paris où une « fête de la Liberté » est organisée en leur honneur le . Leur bonnet rouge de bagnard, assimilé par la population parisienne au bonnet phrygien, devient un emblème de la République[11].

 
Porte Désilles à Nancy.

En , la porte Stainville de Nancy, initialement édifiée en l'honneur de l'indépendance américaine, est renommée porte Désilles.

Notes et références modifier

  1. « Heroïsme du jeune Desilles (*) [Image fixe] : (*) André Joseph Marc Desilles né à St Malo le  : l'insubordination introduite dans la garnison de Nancy, faisait craindre la dissolution de la force publique par toute la France. M. de Bouillé commandé pour rétablir la discipline, arriva devant cette ville le 31 aoust 1790... : [estampe] / peint par Girardet ; gravé par Godefroy... », Catalogue général, sur catalogue.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France.
  2. « Affaire de Nancy. Mort de Désille [Image fixe] : le 31 aoust 1790 : [estampe] / Prieur inv. & del. ; Berthault sculp. », Catalogue général, sur catalogue.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France.
  3. Mémoires, 1760-1820, de Jean-Balthazar de Bonardi du Ménil, gentilhomme normand
  4. Procès-verbal de l'Assemblée Nationale, Volume 27
  5. Memoires, correspondance et manuscrits du general Lafayette
  6. LEONARD (de), Relation Exacte et impartiale de ce qui s'est passé à Nancy le 31 août et les jours précédents, Nancy, chez Mme Henry, 1790, 188 p.
  7. Sabine Bouchy du Palut, « La mutinerie de Nancy,  », sur L'Histoire par l'image, .
  8. a et b restaurations et dépôts, domaine de Vizille
  9. Un régiment à travers l'histoire, le 76e, ex-1er léger p.373 Henri Victor Dollin Du Fresnel, 1894.
  10. Georges Carrot, La garde nationale () : Une force publique ambiguë (texte remanié de La Garde nationale (), une institution de la nation, thèse de 3e cycle en histoire du droit, Nice, XIII−285 p., ), Paris, L'Harmattan, coll. « Sécurité & société », , 364 p. (ISBN 2-7475-0127-2), p. 91 [lire en ligne].
  11. Auguste Dupouy, Face au couchant, Brest, la côte et les îles, Paris, La Renaissance du livre, coll. « L'Épopée de la terre de France », , p. 171-170.

Annexes modifier

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Bibliographie modifier

Sources anciennes modifier

  • Adrien Pascal, Histoire de l’armée et de tous les régiments depuis les premiers temps de la monarchie jusqu’à nos jours, t. 2, Paris, Dutertre, (BNF 34081001), p. 251–254 [lire en ligne].
  • Xavier Maire, Histoire de l'affaire de Nancy, , épisode de la Révolution, Nancy et Paris, Maubon et Techener, , VII-220 p. (BNF 30862745, lire en ligne).

Sources contemporaines modifier

Articles connexes modifier