Mísia

musicienne portugaise

Susana Maria Alfonso de Aguiar, connue artistiquement sous le nom de Mísia, est une chanteuse portugaise de fado née à Porto le et morte le 27 juillet 2024 à Lisbonne[1].

Mísia
Biographie
Naissance
Décès
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LisbonneVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom dans la langue maternelle
Susana Maria Alfonso de AguiarVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
MísiaVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
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Genre artistique
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Distinctions

Biographie

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Née Susana Maria Alfonso de Aguiar à Porto le 18 juin 1955 d’un père portuguais et d’une mère espagnole catalane, elle passe son enfance et son adolescence dans sa ville de naissance où elle est fascinée par les casas de fado, les endroits populaires où se chante le fado.

Son père appartient à la haute bourgeoisie portuguaise, sa mère est danseuse classique et de flamenco. Ses parents divorcent lorsqu’elle a 4 ans. Elle est élevée par sa grand-mère maternelle, une ancienne chanteuse de music-hall et de cabarets burlesques[2].

Enfant, elle veut être anthropologue. S’inventant son propre monde, elle essaye de concilier ses deux cultures d'origine, bourgeoise de son père et bohème de sa mère  : « J'ai une moitié Manoel de Oliveira, et une moitié Almodóvar. Après l'adolescence j'ai décidé de tout garder »[3].

Dans les années 1970, elle s’installe à Barcelone à l’époque de la libération des mœurs de l’immédiat après-franquisme. Elle connaît la pauvreté et fait une année de burlesque dans un cabaret du Parralelo, le Montmartre catalan, où elle doit adopter les codes kitschs du striptease avec strass, plumes, nudité et outrance du maquillage. Elle garde un mauvais souvenir de ces années : « Ce n'était pas agréable de faire du striptease. J'étais trop jeune, je ne comprenais rien. Je ne savais même pas pourquoi je plaisais. J'étais trop naïve. »[4].

Elle s’installe ensuite à Madrid à l’époque de la post-movida et change de style, optant pour une coupe à la garçonne. Elle interprète des chansons de variété internationale à la télévision[5].

En 1991 elle retourne au Portugal et s’installe à Lisbonne avec le projet de renouveler l’art du fado avec un style personnel. Influencée par les chanteuses de fado Beatriz da Conceição et Amália Rodrigues, elle adopte le pseudonyme de Mísia, avec l'accent portugais, après avoir lu une biographie de Misia Sert, la pianiste française d'origine polonaise mécène de nombreux artistes au début du XXe siècle qui transforma son prénom de Maria en Mísia lorsqu'elle épousa le peintre catalan Josep Maria Sert.

Elle répertorie les types de fados traditionnels, commande des textes nouveaux à des poètes, complète l’accompagnement traditionnel à la guitare aussi bien avec le violon et l’accordéon du fado de son enfance que le piano bourgeois.

En 1991, elle enregistre l’album Mísia salué plus tard par la critique comme marquant les débuts du fado novo, le nouveau fado[6].

Mais au Portugal, sa liberté de ton dérange aussi bien le public de gauche pour lequel le fado est un art réactionnaire lié à l’époque de la dictature de Salazar que les tenants d’un fado traditionnel et stéréotypé qui lui reprochent d’intégrer des textes de poètes engagés et de briser les règles du genre.

Elle mène alors une carrière internationale et chante sur les plus grandes scènes du monde, récoltant de nombreux prix[7].

Dans les années 2000, elle s’installe à Paris et y séjourne 5 ans avant de revenir à Lisbonne dans sa maison du Bairro Alto.

En 2001, elle se produit dans la cour d’honneur du Palais des Papes avec Ritual, un concert créé pour le Festival d’Avignon où elle reprend les textes populaires des fadistes des casas de fado en hommage à Amália Rodrigues disparue en 1999. Elle y signe aussi pour la première fois de son vrai nom, Susana Aguiar, un texte de chanson, Cor de Lua, révélant une période difficile de sa vie personnelle, entre la vie et la mort[8].

Entre 2016 et 2018, elle soigne un cancer agressif mais s’efforce de continuer à travailler. Elle voyage, donne des interviews, des concerts à Lisbonne et à Paris, interprète Do Primeiro Fado ao Último Tango, tout en suivant sa chimiothérapie[2].

En 2022, elle sort Animal Sentimental, un projet triptyque comprenant un album, un livre autobiographique et un spectacle.

Le 18 juin 2024, Mísia célébre son 69e anniversaire au Café Buenos Aires à Lisbonne en présence de nombreux amis et déclare : « Je n’arrêterai pas de vivre, car je suis plus que ma maladie ». Elle s’éteint le 27 juillet 2024 des suites de sa maladie dans un hôpital de Lisbonne. Sa mort est annoncée par l'écrivain ami Richard Zimler[2].

Carrière

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Mísia reprend la tradition du genre pour la moderniser par les textes, souvent empruntés aux poètes portugais (comme Fernando Pessoa), ou les arrangements musicaux. Son répertoire va au-delà du fado, avec des reprises d'Édith Piaf ou encore de Jacques Brel.

En 2007, elle donne huit concerts acoustiques Lisboarium aux Théâtre des Bouffes du Nord à Paris, chante Les Sept Péchés capitaux (ballet) au Centre culturel de Belém à Lisbonne et Maria de Buenos Aires d'Astor Piazzolla au Teatro Nacional de São Carlos de Lisbonne. La même année, Mísia présente Saudades Symphoniques au Victoria Hall de Genève. C'est un spectacle où se mêlent les plus beaux fados ainsi qu'une sélection de morceaux coup de cœur provenant d'autres cultures. Les arrangements sont de Bruno Fontaine.

En 2008, Mísia participe à l'ouverture du festival Grec'08 de Barcelone dans L'Histoire du soldat de Charles Ferdinand Ramuz et Igor Stravinsky et aussi au Gala du centenaire de la Salle Gaveau à Paris le .

En 2009, l'artiste chante Brahms, la viola e la voce del Fado à l'opéra La Fenice à Venise. Elle sort également un nouvel album double Ruas et joue l'un des rôles principaux du nouveau film du réalisateur italo-américain John Turturro, Passione.

En 2010, Mísia travaille sur le projet artistique Our Chopin's Affair, pour la célébration de l'année Chopin. Elle est également coprésidente du Festival canadien Montréal en Lumière.

En 2011, elle est invitée deux fois par la Présidence du Portugal pour chanter au Palais national de Belém lors de la Journée internationale de la Poésie, et pour le 101e anniversaire de la République Portugaise.

Elle crée avec Maestro Fabrizio Romano le spectacle Delikatessen puis participe au spectacle de Christina Pluhar et son ensemble L'Arpeggiata Salto lors de Ruhrtriennale 2011 en Allemagne. La chanteuse participe régulièrement à la tournée Passione - concert du film de John Turturro. En parallèle, Misia parcourt le monde avec son spectacle Senhora da Noite dont l'album est sorti en France le .

En 2020, elle sort l'album Pura Vida, son quatorzième album, en y intégrant pour la première fois des guitares électriques[4].

Mísia meurt à Lisbonne le 27 juillet 2024, âgée de 69 ans[9].

Distinctions

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En 2004, le ministre français de la Culture, Jean-Jacques Aillagon nomme Mísia Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres. Elle reçoit également la plus haute distinction de la ville de Paris La grande Médaille de Vermeil par le maire de Paris Bertrand Delanoë.

En 2005, la chanteuse est décorée de l'ordre du Mérite (Portugal) lors de son deuxième concert au Théâtre national Dona Maria II à Lisbonne le .

Récompenses et décorations

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  • 1995 : Grand Prix du Disque par l'Académie Charles-Cros (France) pour Tanto menos, Tanto mais
  • 1998 : Choc de la Musique par Le Monde de la Musique (France) pour Garras dos Sentidos
  • 1999 : Disque d'Argent (Portugal) pour Garras dos Sentidos
  • 2003 : Prix de la critique allemande des Phonogrammes pour Canto
  • 2004 :
  • 2005 : Ordre du Mérite (Portugal)
  • 2010 : Prix Renato Carosone (Italie)
  • 2011 :
    • Prix Gilda (Italie)
    • Officier de l'Ordre des Arts et des Lettres (France)
  • 2019 : Prix In honorem de l'Académie Charles-Cros (France) pour l'ensemble de sa carrière[10]

Discographie

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Ouvrages

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Collaborations

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Notes et références

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  1. « La mort de la chanteuse portugaise Misia », {{Article}} : paramètre « périodique » manquant,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. a b et c (pt) Nuno Pacheco, « Mísia (1955-2024), a voz corajosa de além e além do destino », sur Publico,
  3. Laure Adler, « Misia - Entretien », sur Radio-France, 5/12/ 2014
  4. a et b Lucie de Perthuis, « Dictature et précarité : la chanteuse de fado Misia revient sur des années difficiles », sur Europe 1,
  5. Etonnants Voyageurs, « Mísia », sur Etonnants Voyageurs, (consulté le )
  6. Manuel Halpern, O futuro da saudade: o novo fado e os novos fadistas, Publ. Dom Quixote, coll. « Temas de hoje », (ISBN 978-972-20-2772-4)
  7. (en) Museu do Fado, « Mísia », sur Museu do Fado (consulté le )
  8. François-Xavier Gomez, « L'ascèse de Misia », Libération,‎ (lire en ligne)
  9. (pt) « Morreu Mísia, a voz que desconhecia fronteiras entre fado e literatura », sur Jornal de Notícias (consulté le )
  10. « Palmarès 2019 », sur charlescros.org (consulté le ).

Liens externes

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