Andrée De Jongh

résistante belge
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Andrée De Jongh
Andrée De Jongh en 1946.
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Andrée Eugénie Adrienne De Jongh, « Dédée » ou « le petit cyclone », née le à Schaerbeek en Belgique et morte le aux cliniques universitaires Saint-Luc à Woluwe-Saint-Lambert est une résistante belge de la Seconde Guerre mondiale qui créa et dirigea le plus grand réseau d'exfiltration d'aviateurs alliés en Europe de l'Ouest occupée par les Nazis, le réseau Comète. Arrêtée en 1943, elle connaît la déportation dans les camps de concentration de Ravensbrück puis de Mauthausen, d'où elle est libérée en . Après la guerre, elle fait des études d'infirmière et s'investit dans le combat contre la lèpre dans plusieurs pays d'Afrique. Retraitée en 1981, elle rentre alors en Belgique. Récipiendaire de nombreuses distinctions belges et étrangères, dont la médaille de George britannique et la Légion d'honneur française, elle est anoblie en 1985 et devient la comtesse Andrée De Jongh.

Biographie modifier

Jeunesse modifier

 
La Maison d'Andrée De Jongh à Schaerbeek.

Andrée de Jongh est née le à Schaerbeek, son père, Frédéric De Jongh est instituteur, il avait épousé en 1913, Alice Decarpentrie. Andrée a une sœur ainée, Suzanne, née en 1915. La famille habite au no 73 de l'avenue Émile Verhaeren à Schaerbeek[1],[2].

À l'aube de la Seconde Guerre mondiale, Frédéric De Jongh est alors directeur de l'école primaire no 8 de la rue Gaucheret. C'est un fervent admirateur d'Edith Cavell, de Gabrielle Petit et du Père Damien ; il transmet cette admiration à sa fille, qui n'a plus qu'un rêve, celui de devenir infirmière. Cependant, douée pour le dessin, elle entreprend des études d'arts décoratifs, tout en suivant des cours du soir à la Croix-Rouge de Belgique pour devenir ambulancière. Les études terminées, elle obtient un emploi de dessinatrice publicitaire auprès du siège malmédien de la société Sofina.

Seconde Guerre mondiale modifier

 
La clinique Minnewater, annexe de L'hôpital Saint-Jean de Bruges.

Lors de l'invasion de la Belgique par les troupes allemandes en 1940, elle quitte son travail à Malmedy et, ayant marqué sa disponibilité auprès de la Croix-Rouge, est affectée à Bruges à la clinique "Minnewater" (Lac d'Amour), succursale de l'hôpital Saint-Jean, où elle soigne des soldats britanniques et également des Allemands. Irritée à l'idée que la remise sur pied de ces soldats alliés n'est prévue que pour mieux les déporter dans des camps de prisonniers, elle organise de discrètes évasions de patients. Son travail à Bruges prenant fin, elle revient à Bruxelles chez ses parents[3].

Le réseau Comète modifier

Andrée De Jongh s'investit alors pleinement dans la résistance avec Henri De Bliqui ; elle déniche des vêtements civils et du ravitaillement pour les soldats alliés cachés dans des familles bruxelloises. C'est ainsi qu'elle rencontre pour la première fois, en , Elsie Maréchal-Bell et son mari Georges, qui lui font un accueil chaleureux. Le , Andrée De Jongh leur confie un premier pensionnaire, un soldat belgo-polonais qui, trépané, déraisonne. En ce début avril également, son ami, Henri de Bliqui lui présente son cousin, Arnold Deppé, qui s'est évadé d'un camp de prisonniers en Allemagne. Arnold Deppé est arrêté et détenu quelques jours puis relaxé « faute de preuves ». Il part se mettre au vert en Bretagne, à son retour à Bruxelles, il rencontre Andrée à leur lieu habituel, le Parvis de Saint-Gilles. C'est là qu'ils décident de mettre au point une filière d'exfiltration vers l'Angleterre. Le mur de l'Atlantique rendant toute évasion hasardeuse en un point quelconque de son tracé, ils décident que la traversée des Pyrénées puis Gibraltar est la meilleure option. Arnold Deppé connaît bien la région pour y avoir vécu dix ans tandis qu'il était ingénieur du son à Bayonne pour Gaumont ; à cette époque, il vivait à Saint-Jean-de-Luz, où il a gardé des contacts. Arnold rencontre Jean Apper, un cadre de la Société générale de Belgique qui lui fournit l'adresse d'une famille de résistants belges installée à Anglet, les De Greef[3].

Le , Andrée De Jongh, confie aux Maréchal deux Français évadés des camps allemands, Charles Morelle de Valenciennes et Henri Bridier, originaire du Puy-de-Dôme. Arnold et Andrée décident qu'ils accompagneront Arnold pour son voyage de reconnaissance vers les Pyrénées. Le , Andrée leur apporte de faux-papiers et, deux jours plus tard, le , elle les conduit à la gare où les attend Arnold. À son retour, Arnold est rayonnant. La filière est établie, des contacts ont été pris avec les De Greef et des passeurs basques pour le franchissement des Pyrénées. Pour ce qui est de la frontière franco-belge, elle se franchit assez aisément en raison du fait que c'est la même administration militaire qui régit la Belgique et le Nord de la France. En revanche, pour franchir la ligne de démarcation, c'est une autre histoire ; aussi, les groupes franchiront la Somme en barque[3].

 
Itinéraires employés par la ligne Comète pour franchir les Pyrénées.

Le , Andrée et Arnold empruntent alors pour la première fois la « ligne DD » (pour Deppé-De Jongh) avec un groupe de onze candidats à l'évasion, des hommes et des femmes, tous belges. Andrée en a financé le coût en vendant ses bijoux et en empruntant à des amis. Arrivés à Anglet, ils confient les évadés à un guide basque qui assure leur passage en Espagne[3]. Quant à eux, ils rentrent à Bruxelles.

En , Andrée et Arnold font un second voyage, en deux groupes. Arnold est arrêté en France, mais Andrée passe, traverse les Pyrénées avec son groupe, et se présente au consulat britannique de Bilbao pour demander de l'aide pour son réseau. En effet, elle a appris que le groupe précédent a été intercepté en Espagne, que les soldats ont été internés, et se rend compte que sa filière doit avoir en Espagne un point de chute d'où les services britanniques emmèneront les évadés à Gibraltar, puis en Angleterre.

Après trois semaines d'hésitation, les Britanniques décident de faire confiance au petit cyclone — comme on surnommait Andrée pour sa capacité à tout emporter sur son passage. Avec ce soutien et l'aide des résistants locaux, elle met en place la « ligne DD », rebaptisée plus tard « ligne Comète ». La ligne, qui comptera jusqu'à 3 000 membres, traverse, en partant de Bruxelles, la France puis les Pyrénées jusqu'au consulat britannique de Bilbao, qui s'occupe ensuite du transport à Gibraltar. De 1941 à la Libération, la filière permet de faire évader environ 800 volontaires de guerre, résistants brûlés et soldats alliés, dont 288 aviateurs rapatriés et 250 autres cachés après le débarquement[4], et Andrée a accompagné personnellement ou aidé lors de leur voyage 118 d'entre eux.

Arrestation et déportation modifier

« Dédée » est dénoncée par un valet de ferme voisin de Bidegain Berri, Donato Errasti (eu), et capturée le alors qu'elle s'apprête à traverser les Pyrénées avec un groupe d'aviateurs. D'abord emprisonnée à Bayonne, puis au Fort du Hâ et à Biarritz, elle est transférée à la maison d'arrêt de Fresnes le . Andrée avoue qu'elle est la fondatrice de la ligne d'évasion, mais la Gestapo ne la croit pas. Elle est envoyée à la prison de Saint-Gilles et déportée en Allemagne en . Elle y est internée dans plusieurs prisons, puis dans les camps de concentration de Ravensbrück et de Mauthausen, d'où elle est libérée par la Croix-Rouge internationale le [5].

Quant à son père, Frédéric (connu dans le milieu de la résistance sous le pseudonyme de « Paul »), il est capturé à Paris en juin 1943 et fusillé au mont Valérien le . La filière sera alors un temps dirigée par Jean-François Nothomb (sous le pseudonyme de « Franco »), fils de Pierre Nothomb, qui sera aussi arrêté le puis déporté.

Après guerre modifier

Après la guerre, elle entame des études d'infirmière. En 1954, elle part soigner les lépreux au Congo belge puis au Cameroun, à Addis-Abeba en Éthiopie et enfin à Dakar au Sénégal avant de revenir en Belgique en 1981.

Décès modifier

Elle décède le aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Woluwe-Saint-Lambert. Les funérailles ont lieu le 19 octobre suivant à l'église abbatiale de la Cambre et l'inhumation, le même jour, dans le caveau familial du cimetière de Schaerbeek (parcelle 23 – pelouse 17)[2].

Décorations modifier

Décorations belges modifier

Décorations étrangères modifier

Hommages modifier

Avec la Française Marie-Madeleine Fourcade, elle est l’une des très rares femmes chefs de réseau de résistance[6].

Notes et références modifier

  1. « Frédéric De Jongh », sur Le Maitron (fusillés 40-44) (consulté le ).
  2. a et b Lieux de mémoire du « réseau Comète » (a.) plaque commémorative sur sa maison natale, (b.) sa tombe au cimetière de Schaerbeek [lire en ligne]
  3. a b c et d Marie-Pierre d'Udekem d'Acoz, Andrée De Jongh. Une vie de résistante, Bruxelles, Racine, 2016, 272 p. (ISBN 9-782-87386-978-6)
  4. Voir la liste des aviateurs passés sur le site de cometeline.org
  5. Rémy, Réseau Comète, t. 3, Paris, Librairie académique Perrin, 1971.
  6. « La Résistance », Encyclopédie Larousse, (consulté le )

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Cécile Jouan (Suzanne Wittek-De Jongh), Comète : histoire d'une ligne d'évasion, Furnes, 1948.
  • Airey Neave, Little Cyclone, 1954.
  • Airey Neave, Petit Cyclone, Bruxelles, 1965.
  • Remy, Réseau Comète, 3 volumes, Paris, Librairie Académique Perrin, 1966, 1967, 1971.
  • W. E. Armstrong, « Une héroïne de la Résistance belge », in Sélection du Reader's Digest, 1974.
  • Françoise Van Vyve, Une Belge contre la Gestapo, Bruxelles, Ed. J. M. Collet, 1986.
  • Juan Carlos Jimenez de Aberastural Corta, En passant la Bidassoa : le réseau « Comète » au Pays basque (1941-1944), Ville d'Anglet, 1995.
  • Étienne Verhoeyen, « La ligne d'évasion Comète ( - ) », in Jours de guerre, n° 11-12-13, Bruxelles, 1997.
  • Christian Laporte, « Le dernier passage de Dédée De Jongh », in La Libre Belgique, .
  • Marc Met de Penningen, « Dédée a rejoint les étoiles », in Le Soir, .
  • Alasdair MacDermott, « Comète, a World War II Belgian Evasion Line », in Roger Coekelbergs et al. (éd.), Livre-mémorial des agents de renseignement et d'action, Anvers, 2015.
  • Marie-Pierre d'Udekem d'Acoz, Andrée De Jongh. Une vie de résistante, Bruxelles, Racine, 2016, 272 p. (ISBN 9-782-87386-978-6)
  • Andrée Dumon, Je ne vous ai pas oubliés, Wavre, Editions Mols, Collection Histoire, 2018, 235 pages, (ISBN 978-287402-239-5).
  • Jean-Yves Le Naour, Marko & Iñaki Holgado, "Le Réseau Comète", bande dessinée, 2022.
  • Léon Verreydt, Je me souviens de Schaerbeek... Les petites histoires de la commune, chez l'auteur, Schaerbeek, 2024, page 66

Filmographie modifier

Liens externes modifier

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