Junker

noble, propriétaire terrien en Prusse et Allemagne orientale, aussi grade de la table des Rangs en Russie impériale

Le junker (Jkr.) était un noble, propriétaire terrien en Prusse et en Allemagne orientale[1] et un grade de la table des Rangs en Russie impériale.

Le maréchal von Hindenburg et la comtesse von Dönhoff furent les derniers représentants de deux grandes lignées de Junker.

En tant que groupe, les junkers ont constitué la noblesse foncière de Prusse et d’Allemagne orientale — plus précisément de l’Ostelbien (en), c’est-à-dire les terres situées à l’est de l’Elbe. La plupart de ces familles, issues de l’Uradel (de), noblesse immémoriale allemande féodale, a colonisé et christianisé le nord-est de l’Europe aux XIe, XIIe et XIIIe siècles.

Étymologie et origines modifier

Dérivé du haut allemand Juncherre qui a donné le terme Junger Herr, le mot junker désigne, à l’origine, un jeune seigneur, c’est-à-dire le fils d’un seigneur terrien et, plus tard, les seigneurs terriens eux-mêmes. De manière générale, junker désigne un noble non titré, tout comme le terme jonkheer en néerlandais s’applique à un gentilhomme non titré de l'ancienne Flandre, aujourd'hui aux Pays-Bas et en Belgique néerlandophone. Ce titre ne doit pas être confondu avec le grade de Fahnenjunker porté dans l'armée allemande.

À l'origine, les Junkers étaient des fermiers généraux au service d'un seigneur.

En tant que membre de la noblesse, le patronyme de nombreuses familles de junker est précédé de la particule von (de) ou zu (à). Au Moyen Âge, un junker était simplement un noble non titré et peu fortuné, souvent au service d'un seigneur plus influent, qui pouvait tenir un Burg maison fortifiée ou château fort aux marches de l'Empire germanique.

Bon nombre de junkers ont effectué une carrière de soldats ou de mercenaires. Au cours des siècles, ils s’élevèrent du rang de capitaines de mercenaires à celui de commandants influents, et propriétaires (XIXe siècle).

Influences modernes modifier

Rempart de l’Empire Hohenzollern, les junkers contrôlent l’armée, exercent une influence prépondérante du point de vue politique et social, et possèdent d’immenses propriétés agricoles, souvent extensives de type latifundium, spécialement au nord-est de l’Allemagne (Brandebourg, Mecklembourg, Poméranie, Prusse-Orientale, Saxe et Silésie). Leur influence politique s’étend de l’Empire allemand (1871-1918) jusqu’à la République de Weimar (1919-1933). On dit que la Prusse régentait l’Allemagne, que les junkers régentaient la Prusse et par conséquent tout l’Empire.

Les junkers occupent la plupart des plus hauts postes civils et militaires. Soutien de la monarchie et des traditions militaires, ils sont souvent réactionnaires, protectionnistes et antilibéraux, aux côtés des conservateurs monarchistes durant la Révolution allemande de 1848. Leurs intérêts politiques sont protégés par le parti conservateur allemand au Reichstag ainsi que par la Ligue agraire. Cette classe politique détient un immense pouvoir sur les industriels et sur le gouvernement. Lorsque le chancelier Caprivi réduit les taxes protectionnistes sur les importations agricoles, ces grands propriétaires terriens exigent et obtiennent sa démission ; en 1902, ils restaurent les taxes sur les produits alimentaires afin de maintenir le prix élevé de leurs propres produits.

Le putsch de la Brasserie, mené à Munich par Adolf Hitler et le général Erich Ludendorff en , est déjoué par le commandant von Lossow (un junker) et le chevalier Gustav von Kahr, premier ministre bavarois. Ce dernier est assassiné durant la Nuit des Longs Couteaux le . Ces événements incitent Adolf Hitler à se méfier des junkers. Alors que la guerre tourne en défaveur de l’Allemagne et que les atrocités des Nazis sont révélées, plusieurs junkers influents participent au complot du 20 juillet 1944 contre Hitler organisé par le colonel Claus von Stauffenberg.

Réforme agraire modifier

Après la guerre, à l’occasion de la réforme agraire, toutes les propriétés privées excédant une certaine superficie, dont celles qui avaient appartenu aux junkers, sont saisies en République démocratique allemande, et données à des coopératives de fermiers ou confisquées par l’État.

Après la réunification de l’Allemagne, les junkers tentent, en vain[2], de récupérer leurs anciennes propriétés et doivent les racheter à l’État.

Quelques junkers renommés modifier

L’homme d’État allemand Otto von Bismarck était un junker en vue, tout comme les maréchaux Paul von Hindenburg et Gerd von Rundstedt. Le général Dietrich von Saucken était reconnu pour ses traits de caractère typiques d'un junker.

En Russie modifier

Le titre de Junker est un degré inférieur de la table des rangs équivalent à celui de page dans les cours européennes, ou de jeune officier aspirant dans une académie militaire. Le Kammer-Junker, en plus de ses études au corps des Pages, était tenu à un service régulier auprès de l'empereur. Il était toujours issu de la noblesse.

Junkers notables modifier

Bibliographie modifier

  • Walter Görlitz, Die Junker: Adel und Bauer im deutschen Osten. Geschichtliche Bilanz von sieben Jahrhunderten. Starke, Glücksburg (Ostsee), 1956.
  • Francis L. Carsten (de), Geschichte der preußischen Junker. Suhrkamp, Francfort, 1988, (ISBN 3-518-11273-2).
  • Francis L. Carsten, Der preußische Adel und seine Stellung in Staat und Gesellschaft bis 1945. Dans: Hans-Ulrich Wehler (dir.), Europäischer Adel 1750–1950. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1989, (ISBN 3-525-36412-1), S. 112–125.
  • Heinz Reif (de) (dir.), Ostelbische Agrargesellschaft im Kaiserreich und in der Weimarer Republik. Agrarkrise – Junkerliche Interessenpolitik – Modernisierungsstrategien. Akademie, Berlin, 1994, (ISBN 3-05-002431-3).
  • Johannes Rogalla von Bieberstein (de), Preußen als Deutschlands Schicksal. Ein dokumentarischer Essay über Preußen, Preußentum, Militarismus, Junkertum und Preußenfeindschaft. Minerva-Publikation, Munich, 1981, (ISBN 3-597-10336-7).
  • Hans Rosenberg, Die Pseudodemokratisierung der Rittergutsbesitzerklasse. Dans: Ders.: Machteliten und Wirtschaftskonjunkturen: Studien zur neueren deutschen Sozial- und Wirtschaftsgeschichte (= Kritische Studien zur Geschichtswissenschaft. Vol. 31). Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1978, (ISBN 3-525-35985-3), p. 83–117.
  • Hanna Schissler, Die Junker. Zur Sozialgeschichte und historischen Bedeutung der agrarischen Elite in Preußen. dans: Hans-Jürgen Puhle (de), Hans-Ulrich Wehler (dir.): Preußen im Rückblick (= Geschichte und Gesellschaft. Sonderheft 6). Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1980, (ISBN 3-525-36405-9), p. 89–122.
  • Patrick Wagner (de), Bauern, Junker und Beamte. Lokale Herrschaft und Partizipation im Ostelbien des 19. Jahrhunderts. (= Moderne Zeit. Vol. 9). Wallstein, Göttingen, 2005, (ISBN 3-89244-946-5) (zugleich Habilitationsschrift Universität Freiburg im Breisgau 2003).

Notes et références modifier

  1. Aujourd'hui dans le land de Brandebourg
  2. Adrien de Tricornot, « Les junkers d'Allemagne de l'Est déboutés définitivement à Strasbourg », sur Le Monde,