Jules Guérin

journaliste français
Jules Guérin
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Jules Guérin, photographie publiée dans L'Antijuif.
Naissance
Madrid Drapeau de l'Espagne Royaume d'Espagne
Décès (à 49 ans)
7e arrondissement de Paris
Auteur
Langue d’écriture français
Genres

Jules-Napoléon Guérin, né à Madrid le et mort à Paris le [1], est un journaliste français, directeur de l'hebdomadaire L'Antijuif et qui fut au centre de l'affaire Fort Chabrol.

Biographie modifier

Né à Madrid en Espagne de Virginie Simyan et Pierre Guérin[2], son père, ingénieur, y avait été appelé pour construire la première usine à gaz espagnole, commanditée par la Société des huiles minérales de Colombes dirigée par M. Mallet. Ce dernier va embaucher le jeune Jules ainsi que son frère Louis, vers 1877, comme jeunes apprentis. En août 1885, Jules y devient directeur du personnel. En janvier 1888, il est condamné par le tribunal de commerce pour concurrence déloyale vis-à-vis de la Société de Colombes ; il connaît par la suite quelques ennuis financiers dont une faillite jugée frauduleuse[3].

En 1889, Jules Guérin, grandit à Paris, rejoint la Ligue nationale anti-sémitique de France fondée par Drumont et Biez. Le marquis de Morès participant au financement de la ligue, il s'en rapproche et une amitié grandit ; il fonde ensuite une association, « Les Amis de Morès »[4].

En août 1892, il fonde avec Louis Roblin et son frère Louis Guérin une nouvelle entreprise, la Société Guérin, à laquelle les frères associent plus tard leur père, une entreprise qui sera déclarée en faillite en juin 1896, affichant une perte de 300 000 francs[3].

Selon ses propres souvenirs (publiés en 1905), sa première arrestation a lieu pendant les obsèques de Jules Ferry en 1893 : de nombreux anarchistes reprochaient à l'ancien maire de Paris sa sévérité lors des insurrections du et .

Contre le Grand Orient de France, il fonde[5], en février 1897, la ligue antimaçonnique et antisémite du Grand Occident de France (issue de la Ligue antisémitique de France fondée en ) ; elle est particulièrement active et virulente lors de l'affaire Dreyfus, qui devient une affaire nationale à partir de novembre 1894. Guérin est alors financé par le duc d'Orléans[6] et par le millionnaire catholique Edmond Archdeacon[7].

En mai 1898, il fait huit jours de prison à Alger pour voies de fait[3], après avoir rencontré Max Régis, fondateur de L'Antijuif algérien.

Journaliste anti-dreyfusard et militant antisémite proche d'Édouard Drumont (avec lequel il se brouillera plus tard), directeur de la Ligue antisémite formée dans la foulée de l'affaire, Guérin était également membre de la Ligue de la patrie française. Il fut impliqué dans le coup d'État manqué mené notamment par Paul Déroulède en 1899.

Comme ses compatriotes (parmi lesquels se trouvent les royalistes André Buffet et Eugène de Lur-Saluces) ralliés par le duc d'Orléans, Guérin fut poursuivi pour complot contre la sûreté de l'État. Du 12 août au 20 septembre 1899, il se réfugia alors dans l'immeuble qu'occupait l'organisation du Grand Occident de France dans la rue de Chabrol (siège de son journal) avec une douzaine d'hommes armés et y soutint un siège qui dura 38 jours (épisode dit du « Fort Chabrol »). L'épisode, où la garde républicaine et la police dirigée par le préfet Lépine apparurent inefficaces, suscita des railleries dans l'opinion publique. Jules Guérin fut arrêté après sa reddition et condamné en 1900 à une peine de dix ans de détention, commuée l'année suivante en bannissement ; le gouvernement de défense républicaine avait en effet décidé de poursuivre les meneurs en Haute Cour[8].

Le succès du coup d'état était rendu improbable par les détestations et jalousies des différents protagonistes, rendant difficile leur union. Jules Guérin poursuivra malgré tout son activité antisémite et sa propagande anti-dreyfusarde jusqu'à sa mort à Paris en 1910. D'après le témoignage de ses proches, Marcel Proust aurait assisté à ses obsèques[9]. Il est enterré à Paris au cimetière de Montmartre. Sa tombe, restée sans nom pendant 80 ans, a été restaurée par l'Association Mémoire Jules Guérin[10].

Domicilié à Ablon-sur-Seine, il meurt à Paris le 12 février 1910 rue Oudinot dans le 7e, laissant une veuve, Jeanne Rouvière, âgée de 32 ans au moment du décès[2].

Louis-Ferdinand Céline lui rend hommage dans Maudits soupirs pour une autre fois[11] : « Le Fort Chabrol dans mon enfance… la rue barrée en face de l'église… en haut de la rue La Fayette. Ça me faisait repasser des souvenirs… J'écoutais plus leurs bêtises… C'était encore avec mon père après son bureau. Ils tiraillaient par les fenêtres, ils soutenaient un siège… des anarchistes… Je la voyais encore la rue… la rue vide… la barricade… on était montés de l'Opéra, enfin de notre Passage. C'était un événement terrible. Je crois que c'est les premiers coups de feu que j'ai entendus… Et puis du temps avait passé… Je me souvenais bien du nom de leur chef : Guérin… Mon père en parlait souvent… Et puis encore quelques années… Un dimanche d'hiver à Ablon en 1910, j'avais vu partir son cercueil sur un bachot. »

Publications modifier

  • Les différentes manifestations de la pensée, F. Alcan, (1899)
  • La faillite du socialisme, Paris, Guillaumin et Cie, 1902 (en ligne)
  • Les Trafiquants de l'antisémitisme. La maison Drumont and C°, Paris, Félix Juven, 1906 (en ligne)

Dans la fiction modifier

Jules Guérin est interprété par Hubert Delattre dans la série française Paris Police 1900, qui développe plusieurs épisodes de sa vie, notamment lorsqu'il dirige le journal L'Antijuif, ou encore ses rapports familiaux et ses liens avec Édouard Drumont.


Dans la mini-série télévisée pour Antenne 2 Émile Zola ou la Conscience humaine (1978) de Stellio Lorenzi, son rôle est joué par Jean-Pierre Bagot.

Notes et références modifier

  1. article nécrologique du Figaro, 13 février 1910.
  2. a et b Archives de Paris, 7e, décès année 1910, acte de décès n° 200, vue 26/31.
  3. a b et c [PDF] Th. Tourneux, Jules Guérin, délégué général de la Ligue antisémitique - notice biographique, Paris, Imprimerie Tourneux, 1898 — lire en ligne
  4. Jules Guérin, Les Trafiquants de l'antisémitisme, Paris, 1905, p. 8-12 (consultable en ligne sur Internet Archive).
  5. La Libre Parole, 22 février 1897, p. 2.
  6. Laurent Joly, « Antisémites et antisémitisme à la Chambre des députés sous la IIIe République », in Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 54, mars 2007, p. 63-90.
  7. Bertrand Joly, A droite de la droite, éditions du Septentrion, 2012, p.44-50.
  8. « Le Sénat, Haute Cour de Justice sous la IIIème République : l'affaire Déroulède (1899) », sur Senat.fr.
  9. pariszigzag.fr.
  10. Association fondée en 1994 à Boulogne-Billancourt, JORF, en ligne
  11. Louis-Ferdinand Céline, Maudits soupirs pour une autre fois, Éditions Gallimard, 1985, page 210, (ISBN 2-07-070511-0).

Annexes modifier

Bibliographie modifier

sur le coup d'État de la Patrie française
  • Charles Chenu, Affaire de la “Patrie française”, 18-. 9e chambre du Tribunal correctionnel. Plaidoirie de Me Chenu, Paris, Plon-Nourrit, 1899.
  • Haute Cour de justice. Affaire Buffet, Déroulède, Guérin et autres, inculpés de complot, 8 fascicules, Paris, Imprimerie nationale, 1899.
  • Le Procès de la Patrie française, Perrin et Cie, 1899.
En général
  • Jean-Paul Clébert, Fort Chabrol, Paris, Denoël, 1981
  • Robert Le Texier, Le Fol été du fort Chabrol, Paris, France-Empire, 1990
  • Pierre Birnbaum, La France de l'affaire Dreyfus, Paris, Gallimard, 1994
  • Éric Fournier, La Cité du sang, Paris, Libertalia, 2008 ([PDF] en ligne)

Articles connexes modifier

Liens externes modifier