Joseph ben Nathan Official

Joseph ben Nathan Official, surnommé Ha-Mekanne (Le Zélote) est un controversiste du XIIIe siècle qui vécut probablement à Sens.

Joseph ben Nathan Official
Biographie
Activité
Période d'activité
XIIIe siècleVoir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
ספר יוסף המקנא (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Controverses avec les hauts dignitaires modifier

Joseph Official est un descendant de Todros Nasi de Narbonne. Son père occupe une charge publique qu'il transmet à son fils, d'où probablement l'origine du nom Official. Étant en contact avec des hauts dignitaires civils et ecclésiastiques, Joseph, comme son père, est souvent invité à prendre part à des controverses religieuses, dans lesquelles il acquiert une grande expertise. Joseph va rassembler dans une œuvre appelée Yosef ha-Meḳanne ou Teshubot ha-Minim, le récit de ces controverses, ainsi que de celles de son père, et de quelques rabbins français. La Bibliothèque nationale à Paris possède une version complète manuscrite du texte[1],[2].

Les personnages chrétiens qui figurent dans ces discussions sont: le pape Grégoire (probablement Grégoire X); les évêques de Sens, du Mans, de Meaux, de Vannes, d'Angers, de Poitiers, d'Angoulême et de Saint-Malo; le confesseur du roi Saint-Louis, et de la reine (vraisemblablement Guillaume d'Auvergne); le chancelier; les moines de l'ordre des Cordeliers et quelques Juifs convertis. Tous les dogmes chrétiens dérivés du texte des Évangiles, tels que l'Immaculée Conception, la divinité du Christ, sa mission sur terre, sa naissance, sa mort, sa résurrection, sont analysés et discutés. En plus, sont réfutées certaines des attaques contre le judaïsme, telle que l'accusation de meurtre rituel que le chancelier tente d'expliquer en se basant sur un verset du Livre des Nombres [3].

La caractéristique principale de ces controverses, qui dans leur ensemble ne présente pas une grande originalité dans les arguments utilisés, est la liberté de parole et l'audace affichées par les participants juifs, qui ne se contentent pas de rester sur la défensive, mais attaquent très souvent leur opposants non pas dialectiquement, mais avec de franches réparties, comme on peut le constater dans les exemples suivants.

Exemples modifier

On demanda à Nathan ben Meshullam de donner la raison de la durée du présent exil, tandis que celui à Babylone, qui avait été infligé aux Juifs comme punition du pire des crimes, c'est-à-dire l'idolâtrie, n'avait duré que soixante-dix ans. Il répondit: Car au temps du Premier Temple, les Juifs ont fabriqué des statues d'Astarté en pierre, qui n'avaient aucune chance de perdurer, tandis que lors du second Temple, ils ont déifié un d'entre eux, Jésus, auquel ils ont attribué les saintes prophéties, et donc créé une idole durable qui a attiré de nombreux fidèles. La gravité de la faute a eu pour conséquence d'engendrer une extrême sévérité du châtiment.

On posa aussi la question à Nathan, pourquoi l'expression usuelle Et Dieu vit que c'était bien est absente dans le compte-rendu du second jour de la Création, alors qu'elle apparait pour les autres jours. Nathan répondit: Car, parmi les choses créées ce jour-là, se trouvait la séparation des eaux, que Dieu a pressenti serait utilisée pour des projets idolâtres (le baptême).

Le chancelier demanda à Elijah, le frère de Joseph ben Nathan, pourquoi la loi mosaïque déclare que le contact avec un mort ou être en présence ou à proximité d'un mort était une cause d'impureté. Elijah répondit: Car Dieu a prévu que le temps viendrait où une nation prétendrait qu'Il s'est soumis lui-même volontairement à la mort; c'est pour cette raison, qu'Il s'est montré si sévère contre les impuretés de la mort.

La compilation de Joseph nous fournit des informations très précieuses concernant les conditions de vie des Juifs français aux XIIe et XIIIe siècles. Les nombreuses accusations contre eux par la population chrétienne, tels que l'accusation de meurtre rituel ou leur responsabilité dans la mort du Christ, trouvent un écho dans les discussions. On détecte dans certaines explications une expression de l'angoisse du persécuté.

Influences modifier

Bien que le Yosef ha-Meḳanne ne soit nulle part expressément mentionné, on peut supposer qu'il a été utilisé par les polémistes. Le Niẓẓaḥon Yashan publié par Jean-Christophe Wagenseil et le Niẓẓaḥon de Yom-Tov Lipmann-Muhlhausen ont des passages présentant une grande analogie. Un grand nombre des réponses de Joseph sont reproduites presque verbatim dans de nombreux commentaires d'origine française de la Bible. Des exemples de ces commentaires, où l'on peut repérer la source, ont été publiés par Abraham Berliner (1833-1915) dans son Peleṭat Soferim et par Adolf Neubauer (1832-1907) dans Zeitschrift de Geiger en 1871.

Joseph semble avoir été aussi l'auteur d'un commentaire du Pentateuque et de la version en hébreu de la disputation de Yehiel de Paris en 1240, à la fin de laquelle se trouve un court poème contenant ses initiales[4].

Notes et bibliographie modifier

  1. (en): Hanne Trautner-Kromann: Shield and Sword: Jewish Polemics Against Christianity and the Christians in France and Spain from 1100-1500; éditeur: Mohr Siebeck; 1993; (ISBN 3161459954 et 978-3161459955): La Bibliothèque Nationale de Paris possède un manuscrit complet de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe. Ce serait une transcription de l'original de Joseph Official. La Stadtbiblothek de Hambourg possède une version ultérieure incomplète où il manque la critique complète des Évangiles. Le manuscrit détenu par la bibliothèque Vittorio Emanuele de Rome comprend une version différente de la critique des Évangiles de celle du manuscrit de Paris. Il existe des transcriptions fragmentaires plus tardives à la bibliothèque bodléienne d'Oxford ainsi qu'à la bibliothèque de l'Alliance israélite universelle. Des extraits plus ou moins longs ont été publiés par Heinrich Graetz en 1861, par Adolf Neubauer en 1876 et par Samuel Poznański en 1904. Le grand-rabbin de France Zadoc Kahn est le premier à avoir publié une étude détaillée du texte avec de larges extraits en hébreu et en français en 1880 et 1881.
  2. (he): Joseph Official: Sepher Joseph Hamekane; édition basée sur le manuscrit de Paris, avec introduction et notes par Judah Rosenthal; éditeur: Hevrat Mekize Nirdamim; 1970; (ASIN B01ETYRYEW)
  3. Livre des Nombres (23;24): C’est un peuple qui se lève comme une lionne,/et qui se dresse comme un lion ;/il ne se couche point jusqu’à ce qu’il ait dévoré la proie,/et qu’il ait bu le sang des blessés. ; Bible, traduction de Louis Segond; 1910; [1]
  4. Philippe Bobichon, Manuscrits en caractères hébreux conservés dans les bibliothèques de France, vol. V : Manuscrits de Théologie, Brepols, Turnhout, 2015, pp. 138-147.
  •   Cet article contient des extraits de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906 dont le contenu se trouve dans le domaine public.
  • (de): Leopold Dukes in Literaturblatt des Orients; 1847, page: 84
  • Eliakim Carmoly in Ben Chananja; 1861; page: 204
  • (de): Leopold Zunz: Zur Geschichte und Literatur; 1845; réédité par Georg Olms; 1976; Berlin; pages84 à 86; (ISBN 3487059460 et 978-3487059464)
  • (de): Heinrich Graetz: Geschichte der Juden von den ältesten Zeiten bis auf die Gegenwart; éditeur: Oskar Leiner Verlag; Leipzig; 1873; volume 6; pages: 142 et 367; (ASIN B01NAQH3JZ)
  • Zadoc Kahn: Étude sur le Livre de Joseph le Zélateur in Revue des Études Juives; 1880; page: 231
  • Heinrich Gross; Gallia Judaica; Dictionnaire géographique de la France d’après les sources rabbiniques; traduction de l'allemand au français par Moïse Bloch; éditeur: Cerf; Paris; 1897; page: 252; réédition par Peeters - Collection de la Revue des Études Juives; 2011; (ISBN 978-9042921313)
  • (en): William W. Kibler: Medieval France - An encyclopedia; éditeur: Routledge; 1995; page: 125; (ISBN 0824044444 et 978-0824044442)