Famille de Grandmesnil

famille aristocratique normande
(Redirigé depuis Grandmesnil)

Les Grandmesnil ou Grantmesnil, Grentemesnil sont une famille de la moyenne aristocratie normande originaire du Calvados. L'histoire de cette famille est assez bien connue, car avec la famille Giroie, elle restaura l'abbaye de Saint-Évroult dans laquelle le célèbre chroniqueur du XIIe siècle Orderic Vital fut moine.

Elle était établie dans la région de Falaise (Norrey-en-Auge, Grandmesnil). Son premier membre connu est Robert (mort vers 1036), seigneur de Grandmesnil, dont on ne connaît pas les origines. Les Grandmesnil avaient pour voisins et alliés les Giroie, et eurent souvent à lutter contre les membres de la famille de Bellême, seigneurs de Bellême.

Ses membres modifier

Robert Ier († v. 1036), de concert avec Roger Ier de Tosny combattit Roger de Beaumont vers 1035-1040, dans le cadre des troubles qui agitaient la minorité du jeune duc de Normandie Guillaume le Bâtard (plus tard le Conquérant). Robert reçut une blessure aux entrailles qui le fit mourir trois semaines plus tard. Il distribua ses terres à ses fils Robert et Hugues, puis se fit moine au couvent d'Ouche pour y mourir[1].

Son fils Arnaud s'exile en Italie vers 1047. Il est tué en 1062 à Mileto[2] dans la guerre fratricide qui oppose Roger Ier de Sicile, qu'il soutient, à Robert Guiscard[3]

Son fils Hugues (mort en 1098), probablement impliqué dans des luttes incessantes avec la famille de Bellême, fut forcé à l'exil vers 1060 par le duc[4]. Il fut rappelé en 1062, un conflit contre les Bretons et les Manceaux ayant débuté, et ses alliés ayant défendu sa cause auprès du duc. Il participa à la conquête de l'Angleterre en 1066, et combattit à la bataille de Hastings[5]. En récompense, il obtint une centaine de manors (seigneuries) dans le Leicestershire et huit autres comtés. Il est mentionné comme conseillers des corégents du Royaume d'Angleterre, Odon de Bayeux et Guillaume FitzOsbern, pendant le retour du roi Guillaume en Normandie en 1067[6]. Plus tard, il est fait shérif du Leicestershire, et constable du château de Leicester[7].

Son frère Robert II (mort en 1089), reçut une éducation littéraire, et était probablement destiné à entrer dans les ordres. Ayant abandonné ses études, il fut écuyer du duc pendant cinq ans[8]. Peu après la mort de son père (entre 1035 et 1040), il se fit moine au couvent d'Ouche. Avec son frère Hugues et ses oncles Guillaume et Robert Giroie, il restaure l'abbaye de Saint-Évroult, et la dote richement vers 1050. Il en devint l'abbé en 1059[9]. Victime d'un complot ourdi par Rainier, moine de Conches, il est forcé de quitter la Normandie en et de s'exiler en Italie accompagné de dix de ses moines[10]. Accueilli en Calabre par Robert Guiscard, il devient l'abbé du monastère de Sainte-Euphémia (Calabre), fondé par Guiscard en 1062. En , il maria sa demi-sœur Judith d'Évreux à Roger de Hauteville, frère cadet de Guiscard, et futur comte de Sicile.

Descendance d'Hugues de Grandmesnil modifier

Son fils Robert III (mort en 1126[11] ou 1136) hérita de ses possessions normandes et son fils Yves (mort c. 1102) de ses possessions anglaises. Robert survivra à ses dix frères et sœurs. Soutien d'Henri Ier Beauclerc, il participe à la bataille de Tinchebray en 1106 avant de sembler préférer le parti de Guillaume Cliton en 1119 puis de revenir dans le camp royal[12].

Yves Ier (mort c. 1101-1102), participe à la première croisade avec le duc de Normandie Robert Courteheuse, et est présent au siège d'Antioche. Avec ses frères Guillaume et Aubrey, il s'attire le déshonneur en s'enfuyant de la ville assiégée croyant que les croisés vont tous se faire massacrer[13] et fut excommunié par le pape Pascal II en [10]. À la mort de son père, il hérite du patrimoine anglais de la famille, et devient donc lord de Leicester, possédant entre autres la ville et son château[13]. Il succède aussi à l'office de shérif du Leicestershire[13]. Il épouse une fille de Gilbert de Gant[13]. En 1100-1101, il choisit de soutenir Robert Courteheuse dans son invasion de l'Angleterre contre son frère Henri Ier[13]. Mais les deux frères s'entendent lors su traité d'Alton (1101), et Yves se retrouve exposé à la colère royale. Il décide alors de faire un nouveau pèlerinage en Terre sainte pour racheter ses fautes[13]. Ayant besoin d'argent pour financer son voyage, il engage pour 500 £ ses terres pour quinze ans auprès de son voisin (dans le Leicestershire) Robert Ier de Meulan, comte de Meulan, et arrange un mariage entre le fils aîné d'Yves et une fille de Robert[13]. Il meurt lors du voyage, et le comte Robert, encouragé par le roi Henri Ier d'Angleterre, ignore les revendications de Yves II le fils d'Yves sur ses terres et sur la fiancée promise, et unit les terres des Grandmesnil avec les siennes[13]. Le comte possède alors le gros de ce qui sera connu plus tard comme l'honneur de Leicester. C'est pourquoi il est possible que Robert ait été créé comte de Leicester en 1107, bien qu'il n'en existe aucune preuve formelle[14]. Le second Yves meurt avec son frère dans le naufrage de la Blanche-Nef en 1120, ne laissant pas de descendant[13].

Le roi Guillaume le Conquérant offrit une de ses nièces, fille de Robert de Mortain, à épouser à Guillaume (mort avant 1114). Mais celui-ci partit pour l'Apulie, et peu après participa à la campagne de Robert Guiscard, le duc d'Apulie, contre Durrës (1081)[15]. Sa carrière en Italie fut particulièrement réussie, et il épousa Mabile, la fille de Robert Guiscard. Il fit partie de ceux, avec son frère Aubrey, qui lors de la première croisade s'échappèrent d'Antioche de crainte que les Turcs ne la reprennent, se couvrant de honte.

L'héritière des Grandmesnil modifier

Les terres normandes des Grandmesnil reviennent aux Beaumont par mariage de Robert III de Beaumont avec Pernelle, l'héritière des Grandmesnil, vers 1155. Pernelle était probablement une descendante d'Hugues de Grandmesnil par son fils Robert, mais il n'existe que des présomptions pour le déduire. Pernelle fut le dernier membre connu de la famille de Grandmesnil.

Généalogie modifier

Références modifier

  1. Vital 1826, tome 2, p. 35.
  2. Geoffroi Malaterra, De rebus gestis Rogerii Calabriae et Siciliae comitis et Roberti Guiscardi ducis fratris eius, II, 23 [1].
  3. Véronique Gazeau, Normannia monastica: Princes normands et abbés bénédictins,
  4. Vital 1826, tome 2, p. 76.
  5. Guillaume de Poitiers, Vie de Guillaume le Conquérant, éd. Guizot, , p. 406
  6. Maurice 2002, p. 157.
  7. Vital 1826, tome 2, p. 213.
  8. Vital 1826, tome 2, p. 34.
  9. Maurice 2002, p. 226.
  10. a et b (it) Roberto il Guiscardo e il suo tempo, Centro di studi normanno-svevi, Università degli studi di Bari, (lire en ligne)
  11. Vital 1826, tome 3, p. 401, écrit qu'il meurt 28 ans après son père. « Vingt-huit ans apres le mort de son pere, il mourut le jour des calendes de juin (1er juin), et fut enseveli dans le chapitre d'Ouche avec deux de ses femmes, Agnes et Emma. Abbey of Saint-Evroul-sur-Ouche, Saint-Evroult-Notre-Dame-du-Bois, Orne, Basse-Normandie, France. »
  12. Joseph Decaëns, « Le patrimoine des Grentemesnil en Normandie, en Italie et en Angleterre aux XIe et XIIe siècles », dans Les Normands en Méditerranée aux XIe et XIIe siècles, Presses universitaires de Caen, , 2e éd., p. 113
  13. a b c d e f g h et i David Crouch, « Grandmesnil, Ivo de (d. 1101/2) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, Sept 2004; online edn, May 2007.
  14. (en) Levi Fox, « The Honor and Earldom of Leicester: Origin and Descent, 1066-1399 », The English Historical Review, vol. 54, no 215,‎ , p. 385-402
  15. Vital 1826, tome 3, p. 154.

Sources modifier