Génocide transgenre

Génocide transgenre (en anglais : transgender genocide ou trans genocide), et plus précisément génocide des personnes transgenres, sont des termes décrivant les discriminations systémiques et les violences transphobes, organisées au niveau étatique et répondant aux critères du génocide tels qu’établi par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Reconnaissance de la transidentité modifier

Alors que le sexe biologique (mâle, femelle, intersexe) désigne l'anatomie du système reproducteur d'une personne et les caractéristiques sexuelles secondaires, le genre fait référence au rôle social d'une personne (appelé de rôle de genre) en fonction de son sexe biologique, ou à définir son identité de genre, c'est-à-dire son propre genre en fonction de son ressenti (homme, femme, non-binaire)[1].

Dans l'histoire du monde, il n'y a pas de consensus universel sur la distinction entre le sexe biologique et le genre. En Occident, à partir de l'Antiquité tardive, la pensée majoritaire fut cisnormative. Les choses ont évoluées à partir de la fin du XXe siècle, plusieurs pays dans le monde reconnaissant la diversité des identités de genres, faisant progressivement la distinction entre sexe et genre[2],[3]. Jusqu'à la colonisation européenne de l'Amérique à partir du XVIe siècle, un troisième genre (telle que la bispiritualité) était accepté et reconnu par plusieurs groupes d'autochtones américains[4]. Dans l'Arabie préislamique et dans les premières années du monde arabo-musulman, les mukhannithun étaient une catégorie d'hommes efféminés désirant changer de sexe. Leur intégration dans la société oscillait entre des vagues de persécutions et de paix, principalement parce que ces personnes étaient généralement musiciennes et chanteuses, activités suspectées de corrompre les bonnes mœurs[5],[6].

En raison de la colonialité du genre, énormément de pays ayant adopté la vision cisnormative et hétéronormative européenne persécutent les personnes LGBT.

Déroulé modifier

Réactions modifier

 
« STOP TRANS GENOCIDE ». Message de la militante @lucy.thinks.aloud dans une vidéo TikTok de .

Milieux militants modifier

Les activistes LGBT et féministes sont les premiers groupes à parler d'un « génocide transgenre », afin de décrire les discriminations et la violence auxquelles les personnes trans doivent faire face, au niveau national comme au niveau mondial[7],[8],[9].

Laura McQuade, présidente du Planned Parenthood de New York, a dénoncé les propositions de Donald Trump, durant sa présidence, pour mettre fin à la reconnaissance légale des personnes trans au niveau fédéral comme pouvant conduire à un génocide[10].

Droit international modifier

Plusieurs spécialistes du droit désirent l'élargissement de la définition de génocide pour protéger les minorités de genre, faisant valoir que les discriminations, persécutions et violences institutionnalisées en raison du genre correspondent aux caractéristiques du génocide, tel que le terme est défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide[7],[11],[12],[13]. D'autres voix se sont élevées pour élargir la définition de crime contre l'humanité afin d'inclure les personnes transgenres, ainsi que pour la promotion et la préservation des droits des personnes trans et intersexes[14],[15], afin que les lois y portant atteinte soient reconnues comme « une violation des droits humains fondamentaux »[12].

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, signé en 1998, inclut les condamnations pour persécutions fondées sur le « genre », mais il ne fait référence aux « hommes » et aux « femmes » que dans le sens mâle et femelles ; de fait, il va théoriquement exclure les personnes transgenres en cas de plaintes déposée à la Cour pénale internationale[14],[15],[16]. Valerie Oosterveld attribue cette définition étroite à la pression exercée par plusieurs États arabes, le Saint-Siège et différentes organisations non gouvernementales[16].

Recherche universitaire modifier

Des spécialistes dans l'étude des génocides font remarquer que les lois discriminatoires et les violences envers les personnes transgenres restent largement tolérées par rapport aux autres minorités[17],[18]. La « priorisation de certains groupes protégés par rapport à d'autres » est très critiquée[17], et ils pointent aussi que l'importante violence envers les femmes trans est dans une logique génocidaire, allant jusqu'à essayer de détruire leurs cadavres[19].

Il est possible que, dans les régions les plus transphobes, la recherche médicale puisse aboutir à une augmentation du génocide médical des personnes transgenres[20], et beaucoup de personnes interrogées pensent que les études génétiques pourrait amener à une forme d'eugénisme[21]. La philosophe politique Anna Carastathis estime que la stérilisation obligatoire des personnes trans par de nombreux État, afin de finaliser la procédure légale, est déjà une pratique eugéniste et génocidaire, violant les droits reproductifs[13].

Critique du terme modifier

En 2015, Bernie Farber, expert en génocides et ancien président du Congrès juif canadien, reconnaît de « terribles crimes » envers les personnes trans, mais il conteste l'utilisation de « génocide », estimant que cela est le « kidnappage d'un terme ». Farber rejette que lesdits crimes peuvent entrer dans les caractéristiques du génocide, estimant qu'ils sont des crimes haineux comme ceux dont sont victimes les migrants[22].

Références modifier

  1. (en-US) Virginia Prince, « Sex vs. Gender », International Journal of Transgenderism,‎ , p. 29-32 (lire en ligne)
  2. Thomas Laqueur, La Fabrique du sexe, (ISBN 978-2-07-045078-7)
  3. (en) « Gender identity », sur Encyclopædia Britannica, (consulté le )
  4. (en-US) Evelyn Blackwood, « Native American Genders and Sexualities : Beyond Anthropological Models and Misrepresentations », dans Sue-Ellen Jacobs, Wesley Thomas et Sabine Lang, Two-spirit People : Native American Gender Identity, Sexuality, and Spirituality, University of Illinois Press, , 331 p. (ISBN 978-0252066450), p. 284-294
  5. Everett K. Rowson, « The Effeminates of Early Medina », Journal of the American Oriental Society, vol. 111, no 4,‎ , p. 671–693 (ISSN 0003-0279, DOI 10.2307/603399, lire en ligne, consulté le )
  6. (en-US) Aisya Aymanee M. Zaharin et Maria Pallotta-Chiarolli, « Countering Islamic conservatism on being transgender : Clarifying Tantawi's and Khomeini’s fatwas from the progressive Muslim standpoint », International Journal of Transgender Health,‎ (lire en ligne)
  7. a et b (en) David Eichert, « Expanding the Gender of Genocidal Sexual Violence: Towards the Inclusion of Men, Transgender Women, and People Outside the Binary », UCLA Journal of International Law and Foreign Affairs, vol. 25, no 2,‎ (ISSN 1089-2605, lire en ligne, consulté le )
  8. (en-US) « Montana tries again with another transgender genocide Law », sur Queer Med (consulté le )
  9. (es) « Cuerpos que no importan: el silenciado genocidio travesti-trans », sur infobae (consulté le )
  10. (en) « NYC Advocates Slam Trump's Push For Transgender 'Genocide' », sur New York City, NY Patch, (consulté le )
  11. (en) Anandy Satrio Purnomo, « The Urgency to Include Gender as Protected Group Under the Crime of Genocide », Padjadjaran Journal of International Law, vol. 4, no 1,‎ , p. 79–93 (ISSN 2549-1296, DOI 10.23920/pjil.v4i1.344, lire en ligne, consulté le )
  12. a et b (en-US) Brian Kritz, « The Global Transgender Population and the International Criminal Court », Yale Human Rights and Development Law, vol. 17,‎ , p. 1-38 (lire en ligne)
  13. a et b (en-US) Anna Carastathis, « Compulsory sterilisation of transgender people as gendered violence », dans (In)Fertile Citizens: Anthropological and Legal Challenges of Assisted Reproduction Technologies, Université de l'Égée, Venetia Kantsa, Giulia Zanini et Lina Papadopoulou, (ISBN 978-6188220850, lire en ligne), p. 79–92
  14. a et b (en-GB) Andrew Summeer Hagopian, « Persecution and Protection of Sexual and Gender Minorities under Article 7(1)(h) of the Rome Statute », SOAS Law Journal, vol. 3, no 55,‎ (lire en ligne)
  15. a et b Charles Barrera Moore, « Embracing Ambiguity and Adopting Propriety: Using Comparative Law to Explore Avenues for Protecting the LGBT Population under Article 7 of the Rome Statute of the International Criminal Court », Minnesota Law Review, vol. 101, no 157,‎ , p. 1287-1330 (lire en ligne)
  16. a et b (en-US) Emily Chertoff, « Prosecuting Gender-Based Persecution : The Islamic State at the ICC », The Yale Law Journal, vol. 126, no 4,‎ , p. 1050-1117 (lire en ligne)
  17. a et b Alexander L. Hinton, « The First Lesson in Prevention », Genocide Studies and Prevention: An International Journal, vol. 13, no 3,‎ 12 déceùbre 2019 (lire en ligne).
  18. (en-US) Henry C. Theriault, « Against the Grain: Critical Reflections on the State and Future of Genocide ScholarshipGenocide Scholarshi », Genocide Studies and Prevention: An International Journal, vol. 7, no 1,‎ , article no 12 (lire en ligne)
  19. Haley Marie Brown, « The forgotten murders: Gendercide in the twenty-first century and the destruction of the transgender body », dans Denial: The Final Stage of Genocide?, Routledge, (ISBN 978-1-003-01070-8, DOI 10.4324/9781003010708-11/forgotten-murders-gendercide-twenty-first-century-destruction-transgender-body-haley-marie-brown, lire en ligne)
  20. (en-US) Rachel Anne Williams, Transgressive : A Trans Woman on Gender, Feminism, and Politics, Jessica Kingsley Publishers, (ISBN 978-1785926471), p. 40
  21. (en-US) Antoine Rajkovic, Allison L. Cirino, Tala Berro, Diane R. Koeller et Kimberly Zayhowski, « Transgender and gender-diverse (TGD) individuals’ perspectives on research seeking genetic variants associated with TGD identities: a qualitative study », Journal of Community Genetics, vol. 13, no 1,‎ , p. 31–48 (lire en ligne)
  22. (en-CA) « The 'quiet genocide' against the transgender community », CBC Radio,‎ (lire en ligne)

Articles connexes modifier